97.10.29


TOUT UN TABAC

Il y a des non-dits tarabiscotés qui mènent à des aberrations. Ainsi, parce que Villeneuve, le plus québécois des Monégasques, a gagné le championnat des conducteurs de Formule 1 et nous a donné une bonne bouffée de fierté collective, on ne sait plus trop comment appliquer cette loi qui complique la commandite des événements sportifs par les fabricants de tabac.

Au premier niveau, on peut se dire que la fierté passera mais que les cancers du poumon resteront,de sorte qu'il vaudrait mieux que nos législateurs mettent leur culotte et serrent un peu plus la vis à une industrie qui a tué plus de gens qu'il n'est mort de soldats au combat dans toutes les guerres de l'histoire réunies. Au même niveau, d'ailleurs, pourquoi l'État, qui subventionne tout le monde et son père, ne pourrait-il pas commanditer ces événements comme le Grand Prix auxquels la population tient tant et qui rapportent bien? Ce serait quelques millions bien placés et l'art, comme le sport, n'auraient pas à faire les trottoirs devant la porte des marchands de tabac.

Tout ceci est bien joli, mais il y a un deuxième niveau. Au nom de quelle logique peut-on interdire au fabricant d'un produit - dont la vente est légale - de promouvoir la vente de son produit? J'ai lu toutes les excuses habituelles qu'on donne pour interdire ou limiter la publicité du tabac, mais elles sonnent toutes creux. La vérité, c'est que le tabac est un poison mortel mais que sa vente ne doit pas être interdite... parce qu'elle ne peut pas l'être, parce que les prohibitions (comme celle de la drogue) ne servent qu'à enrichir des truands, parce que la consommation du tabac, comme de toute autre substance, est une affaire personnelle. Or, permettre la vente et interdire la publicité est un non-sens.

La consommation de toute substance est une affaire personnelle...mais qui nous regarde tous quand c'est nous tous qui en payons les conséquences. Ça, c'est le troisième niveau, celui auquel l'État devrait intervenir. Ainsi, revenant au tabac, il faudrait durcir et appliquer les lois interdisant de fumer dans les endroits publics: le non-fumeur a le droit de ne pas respirer de fumée. Il serait juste - et peut-être financièrement rentable - que même les clubs et boîtes de nuits se voient imposer UNE journée "sans fumée" par semaine, toujours la même. Ils décideraient peut-être d'eux mêmes, au vu des résultats, d'avoir deux, trois journées par semaine sans fumée. À voir.

Il faudrait aussi taxer le fumeur, puisque son péché mignon augmente de centaines de millions (ou de milliards!) de dollars notre facture de santé. Mais il est inefficace de le taxer à l'achat du tabac, on ne fait qu'encourager la contrebande. Il faut le taxer au palier de l'impôt sur le revenu, d'un montant fixe pour lui et pour toute personne a sa charge qui se déclare fumeur. Les actuaires nous diront quel montant serait juste. Il faut le taxer aussi au palier de ses assurances, en imposant une autre surprime au fumeur, en plus de celle que lui impose déjà son assureur.

Ces taxes sont faciles à appliquer. Le patient qui s'est déclaré non-fumeur et dont on constate qu'il a fumé durant la période indiquée reçoit de l'État la facture de ses frais médicaux... et son assureur ne le paye pas, remboursant plutôt à l'État les primes versées par le délinquant en plus de l'intérêt accumulé sur ces primes.

Il faudrait aussi que, dès l'école maternelle et jusqu'à la fin du secondaire, un programme efficace de conditionnement détourne les enfants du tabac AVANT qu'ils ne deviennent des fumeurs. Il y a un modèle pour ce genre de programmes; c'est l'enseignement religieux qu'on a dispensé dans les écoles pendant des décennies.

Qu'on mette à lutter contre le tabagisme autant d'effort qu'on en a mis a diffuser le Petit Catéchisme, que les fumeurs assument le coût des frais supplémentaires qu'ils imposent à la société et qu'on protège les deux-tiers de la population, les non-fumeurs, des émanations délétères des fumeurs. C'est ça la clé. Pas la prohibition, pas des contraintes à la publicité, pas des discussions idiotes sur la relation entre la nicotine et la course automobile.

Ce dont l'État a besoin, c'est d'avoir des méninges et des couilles.


Pierre JC Allard



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