97.10.22

 

BALAYER DEVANT SA PORTE

Si chacun surveille la sienne, nous disent les néo-libéraux, les vaches seront bien gardées. En réalité, quand chacun balaie son bout de trottoir il déplace les ordures vers son voisin; le seul résultat tangible de cette excitation, c'est qu'avec toute cette poussière qui vole on ne voit plus la saleté.

Le gouvernement a décidé de déplacer vers les municipalités 500 millions de factures et, surtout, l'odieux de voir à ce que ces factures soient payées. L'Union des municipalités du Québec (UMQ) et l'Union des municipalités régionales de comté du Québec (UMRCQ) hurlent toutes deux à la mort, le fait que l'une le fasse debout en vociférant et l'autre à genoux en sanglotant ne changeant rien à l'affaire.

Les cris et les sanglots ne changeront rien, et la population sent confusément que tous ces politiciens, aux divers paliers du pouvoir, ne s'intéressent en cette affaire qu'à donner d'eux une image moins sordide en se cachant derrière le nuage de poussière que soulève un débat inutile. Inutile, parce que les vraies questions que pose ce transfert ne sont jamais abordées.

Les vraies questions, c'est d'abord, bien sûr, de voir si nos finances seront plus nettes, les contribuables plus riches, les services mieux rendus si ce sont les villes et municipalités qui portent l'odieux de prendre ces 500 millions dans la poche du contribuable et assurent ces services.

On peut penser que OUI, dans la mesure où un service est habituellement mieux rendu s'il l'est par une autorité plus proche de celui qui en bénéficie, lequel est mieux placé pour exiger des comptes. Ceci n'est vrai, cependant, que si la municipalité a la discrétion d'offrir ou de ne pas offrir le service en question; le pouvoir aussi d'y affecter les ressources qu'elle veut et de les rémunérer comme elle l'entend.

Or, on refuse d'aborder cette question de fond. Est-ce qu'on veut que certaines municipalités offrent le transport scolaire et d'autres pas ? Que certaines offrent de "bons" services et d'autres des services inférieurs ? Est-ce qu'on veut, désormais, que les municipalités puissent devenir de plus en plus "différentes", et que les citoyens de la Ville A, mieux nantis, jouissent, de plus en plus, de conditions de vie supérieures à ceux de la Ville B dont le revenu est plus modeste? Je ne veux pas ici défendre une thèse plutôt que l'autre, c'est une autre histoire. Je dénonce seulement la mauvaise foi d'un gouvernement qui occulte cette interrogation fondamentale derrière un écran de fumée.

L'autre vraie question qu'on refuse d'aborder, c'est le déplacement de charge fiscale qu'implique la perception de ces 500 millions par les municipalités plutôt que par le gouvernement. Le gouvernement se finance surtout par un impôt sur le revenu et des taxes de vente, une municipalité par des taxes foncières. Passer une facture aux municipalités, c'est donc augmenter d'autant l'impôt sur le CAPITAL et ne PAS augmenter d'autant les impôts sur le revenu et la consommation. En soi, une excellente chose... mais il faudrait tout de même le dire et en parler.

Ce qui me choque dans l'attitude du gouvernement, c'est le manque de cohérence, le manque de transparence et le manque de courage. Si on considère que l'efficacité accrue qui découle d'une gestion locale de certains services justifie des inégalités entre collectivités locales, qu'on le dise et, surtout, qu'on accorde à ces collectivités une autorité conforme à la responsabilité qu'on veut leur donner.

Si on a compris qu'il est temps qu'une taxe sur le capital remplace peu à peu les taxes sur le revenu et la consommation, tant mieux.... Mais qu'on impose les taxes foncières et autres prélèvements sur le capital au palier du gouvernement, pas en mettant les municipalités en concurrence les unes avec les autres, au profit de celles qui ont les moyens d'offrir des conditions avantageuses et au détriment des plus pauvres.

Si le gouvernement persiste à déléguer à ses créatures une responsabilité sans autorité, des obligations sans droits, des dépenses sans sources de revenu, un nombre croissant de municipalités devront fusionner ou être mises en tutelle. C'est un gouvernement veule qui veut ainsi obtenir à moyen terme, au prix d'innombrables difficultés pour tout le monde, une restructuration de sa gestion administrative du territoire qu'il n'a pas l'honnêteté d'annoncer ni le courage d'appliquer sur le champ.


Pierre JC Allard


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