Montréal est une ville charmante. Une ville-coeur, une ville bien-aimée.
On la quitte à regret on y revient avec plaisir. On l'aime pour ses
habitants, pour son rythme et pour son site plus que pour son urbanisme
et ses monuments. Montréal n'est pas encore une ville de beauté.
Rome ne s'est pas bâtie en un jour, mais il faut bien un beau jour
commencer à bâtir pour l'histoire.
Montréal doit commencer à se faire une beauté. Il faut
commencer à penser la ville de demain. Je ne verrai pas cette ville,
mais je voudrais en rêver. Montréal doit penser au delà
de l'utilitaire et planifier son développement en fonction de la
beauté. Ne plus concevoir ses édifices publics comme si chaque
lot était isolé dans l'espace, mais en voir l'ensemble, avec
des perspectives, des esplanades... ce qui ne coûte pas plus cher.
Pour planifier un développement esthétique de Montréal,
il faut, dans une première étape, identifier ce qui ne doit
PAS changer. Il est exaspérant que chaque nouveau projet de construction
à Montréal donne lieu à une levée de boucliers
pour défendre un patrimoine caché dont personne, la veille,
ne semblait vouloir reconnaître l'existence. Nous perdons un temps
précieux à réagir contre le développement
de nouveaux projets, au lieu d'agir pour la protection de ce qui
a valeur historique.
Montréal, en collaboration avec les autorités québécoises
compétentes et les autres intervenants intéressés,
définira ce qui a valeur historique sur son territoire et mettra
ce patrimoine à l'abri. Simultanément, tout ce qui ne sera
pas ainsi classé "à préserver" devra pouvoir
être modifié ou rasé sans tracasseries administratives.
Ceci fait, la deuxième étape exige un choix. On peut attendre
que les siècles donnent à Montréal un visage plus typé;
on peut, comme Haussmann pour Paris, refaire en quelques années,
en y mettant le prix, une ville merveilleuse; ou on peut choisir le vrai
"façadisme" et donner à peu de frais un coup de
pouce à l'histoire. Le vrai façadisme, ce n'est pas de garder
debout un vieux mur pour compliquer la vie des architectes; c'est de déterminer
jusqu'au détail les façades d'un ensemble architectural afin
que cet ensemble soit BEAU. C'est ainsi qu'on a fait la Place Vendôme.
Montréal désignera une rue dont les propriétaires
riverains seront d'accord et lancera un concours ouvert à tous les
architectes pour en planifier à long terme la façade.
Les projets seront soumis au public, lequel indiquera le visage qu'il
veut donner à cette rue de Montréal. Le projet choisi deviendra
la norme de façade à laquelle devront se conformer toutes
les futures constructions sur cette rue, le promoteur demeurant libre d'utiliser
comme il l'entend l'espace derrière cette façade. Le prix
de l'architecte consistera des honoraires professionnels pré-établis
que devront lui verser les promoteurs, au moment où les édifices
seront construits.
Faire une beauté à Ste-Catherine, de Guy à Berri, serait
un excellent choix; si les riverains de Ste-Catherine ne veulent pas du
projet, toutefois, il sera fait ailleurs: il ne s'agit pas d'imposer quoi
que ce soit. Si l'initiative est un succès - se traduisant non seulement
par un avantage esthétique mais par une hausse de la valeur des terrains
et des propriétés attenantes - elle sera reprise ailleurs.
On peut ainsi aider à un développement harmonieux de Montréal,
en planifiant pour l'avenir certaines rues. Cette approche, toutefois, ne
sera pas généralisée; car s'il peut-être avantageux
de fixer pour l'avenir le caractère d'une rue, qui devient ainsi
la vitrine d'une époque, il ne serait pas souhaitable de décider
que toute une métropole sera astreinte à perpétuer
le style des années "90... dont rien ne nous dit qu'on ne fera
pas un jour beaucoup mieux. Agissons avec modération, mais posons
un geste pour affirmer que Montréal veut devenir une ville de beauté.