Montréal doit encourager la pratique des sports de participation;
ce point n'est contesté par personne. La Ville doit aussi encourager
le sport-spectacle qui, dans une société moderne, est une
nécessité vitale: la réponse la plus évidente
au besoin social de gagner ensemble ou de s'identifier ensemble à
un gagnant. Compte tenu de l'intérêt du sport comme facteur
de cohésion sociale et du prestige associé à une équipe
de ligue majeure, Montréal doit, en cas de nécessité,
s'en porter acquéreur plutôt que d'en abandonner la franchise.
Cette prise de position, dans le contexte de la saison annulée de
1994 qui a laissé le Expos dans une situation financière précaire,
est loin d'être académique: c'est une décision qui devra
peut-être s'appliquer dès 1995. Cette prise de position vaut
pour le baseball, mais le même raisonnement devrait s'appliquer si
la preuve était faite de la popularité suffisante du football,
du soccer ou de tout autre sport de masse.
Montréal prendra position en faveur du soutien à la
venue et au maintien à Montréal de franchises de ligues majeures
de tout sport pour lequel on pourra constater un intérêt suffisant
de la population et des commanditaires.
Se porter acquéreur d'une franchise pour qu'elle ne nous échappe
pas n'est pourtant pas la seule solution. Une autre approche est de garantir
un revenu ferme au propriétaire en achetant, par exemple, pour un
prix forfaitaire, les billets d'«admission générale»
du stade tout en lui laissant le marché des autres catégories
de billets. Quelle que soit la solution choisie, la Ville minimisera ses
risques financiers tout en offrant un avantage à sa population si
elle prend en charge l'exploitation de la publicité au stade ...
et en rend l'entrée gratuite aux détenteurs de la Carte de
Citoyen portant mention «solidarité».
En effet, le stade est un endroit où l'on annonce et la valeur des
annonces dépend de la clientèle attendue. Si l'entrée
au stade est gratuite, il est raisonnable d'espérer un plus grand
nombre de spectateurs et le prix des annonces peut être augmenté.
Or, les annonces constituent un revenu moins aléatoire que les admissions
elles-mêmes. Jouant la carte de la publicité plutôt que
des droits d'admission, on augmente les revenus fixes, mais on en accepte
de renoncer à la possibilité d'un gain considérable
lorsque l'équipe est très populaire. Cette approche sans risques
est l'approche correcte, car le but de la Ville n'est pas de prendre des
risques pour maximiser ses profits mais d'offrir un service à la
population.
Cette approche de tirer tous les revenus de la publicité est-elle
réaliste? A titre de comparaison, quinze secondes de publicité
sur le seul grand écran du stade de Toronto, où il y a en
moyenne 45 000 spectateur par match des Blue Jays, valent la somme de 750
$. C'est à dire un potentiel-publicité de 450 000 $ pour la
durée moyenne d'un match, l'équivalent de 10 $ pour chacun
de ces 45 000 spectateurs. Ces revenus peuvent facilement remplacer les
revenus des entrées. Et nous ne parlons pas du prix des concessions
de vente de nourriture et d'alcool, dont la valeur augmente si le stade
est rempli. On peut très bien laisser entrer le spectateur gratuitement
au stade, pourvu qu'il vienne et que le commanditaire sache qu'il viendra.
Or, les Montréalais iront au stade si c'est gratuit. Montréal
négociera immédiatement une entente avec la RIO, pour assurer
l'entrée gratuite aux matchs des Expos des détenteurs de Cartes
de Citoyen mention « solidarité» et
garantir du même coup que Montréal garde sa franchise de la
Ligue Nationale de Baseball. Ce qui est vrai pour le sport l'est pour
tout événement, sous réserve de son intérêt
et de l'attention que le spectacle permet d'accorder à la publicité.
Montréal, après accord avec la RIO, encouragera l'utilisation
optimale du stade et favorisera toute initiative de nature à permettre
le rassemblement dans l'harmonie des Montréalais, en se contentant
des revenus de commandite publicitaire du stade quand les promoteurs n'exigeront
pas de droits d'entrées.