Il y a des situations inacceptables que nous laissons passer, parce que
l'habitude nous a appris à fermer les yeux. Il faut, de temps en
temps, que l'Abbé Pierre secoue la France pour que, décalage
horaire aidant, l'on prenne ici conscience du problème des itinérants
avec quelque retard et pendant quelques jours. Il faut ouvrir les yeux une
fois pour toutes et comprendre que Montréal doit loger et nourrir
ses itinérants. Il n'y a pas de raison valable, dans une société
comme la nôtre, pour qu'il n'y ait pas chaque jour un peu de nourriture
saine et un lit chaud pour tout le monde.
L'itinérant est un pauvre différent, généralement
seul et alcoolique: ce n'est pas seulement un pauvre, c'est d'abord un malade
dont il faut en prendre soin, et en prendre soin comporte des avantages
pour les contribuables tout comme pour les bénéficiaires.
Montréal fournira à chaque itinérant la certitude
d'un vrai lit et d'un repas chaud, chaque nuit, à la même place,
contre paiement d'un montant prélevé de son allocation du
B.S.
L'itinérant aura SON lit. Il aura désormais une adresse. Il
faut s'assurer que chaque itinérant est inscrit au B.S. et touche
bien toute l'assistance financière auquel il a droit. Si son comportement
semble indiquer qu'il n'a pas l'autonomie requise pour bien gérer
l'assistance qu'il reçoit, ce qui sera souvent le cas, Montréal
demandera à ce qu'un curateur soit désigné à
l'itinérant incapable. Ce curateur pourra verser à la Ville
le juste prix du gîte, du couvert et des autres services que celle-ci
procurera à l'itinérant.
Le véritable itinérant ayant alors été pris
en charge - et les structures adéquates ayant été renforcées
pour lutter contre la vraie misère - personne ne devra plus quêter
sur la voie publique. Il n'y a pas de raison pour que les passants soient
embêtés par des hordes de marginaux qui feignent d'être
pauvres pour s'offrir une ligne de coke. Celui qui le fait devra être
arrêté et traduit en justice; Montréal, prenant ses
responsabilités, aura apporté un peu de bien-être aux
vrais déshérités et aura retrouvé sa dignité.
Il y a aussi des lois qui sont inacceptables, que nous ne contestons pas
parce que la solidarité nous fait défaut et que l'habitude
nous appris à regarder ailleurs. Ainsi cette pénalité
imposée aux assistés sociaux qui tentent de boucler leur budget
en partageant un logement. Le Protecteur du Citoyen, Me Daniel Jacoby, a
déjà manifesté une certaine insatisfaction quant aux
conséquences de cette règle. Montréal prendra formellement
position pour que cette norme soit abrogée.
La cohabitation est une planche de salut pour les assistés sociaux
mais elle n'avantage pas qu'eux. Elle peut être une solution idéale
pour un vaste éventail de groupes sociaux. Faisant un pas de plus,
Montréal créera un Secrétariat au
Commensalisme qui facilitera les contacts initiaux et aidera à
la rédaction et à la conclusion des ententes entre ceux qui,
sans constituer un ménage au sens strict, veulent toutefois partager
un logement..
Le commensalisme peut être une alternative pour les jeunes, pour qui
la meilleure façon de s'offrir une qualité de vie correcte
autonome et à bas prix est de vivre en groupe. Une alternative pour
les aînés qui ne demeurent pas en ménage et pour qui
la meilleure façon de garder le contrôle de leur vie peut être
de vivre dans des résidences dont ils assurent collectivement la
gestion, nommant un directeur qui est LEUR employé. Une alternative
pour les familles monoparentales, pour qui le partage d'un logement peut
réduire les frais de gardiennage, la plus importante dépense
reliée à l'éducation d'un enfant.
Montréal prendra fermement le parti de ceux qui, acceptant
de vivre ensemble, collaborent à l'amélioration de leur qualité
de vie et à une meilleure utilisation des ressources collectives.
Jeunes, aînés ou adultes, ceux qui prendront ainsi ménage
en commensaux créeront aussi, ne l'oublions pas, une demande accrue
non négligeable sur le marché du logement à Montréal.