Il est inacceptable dans un pays d'abondance que des êtres humains
souffrent du froid et de la faim. Nous ne l'accepterons pas. Montréal
va convier immédiatement les leaders des mouvements communautaires
et des représentants du monde des affaires à se réunir
et à proposer sur le champ des mesures concrètes pour lutter
contre la misère. Cet hiver 1994-95 sera l'hiver de la solidarité.
Nous allons réorienter nos propres ressources pour parer aux besoins
les plus urgents. Nous allons aussi demander l'aide de toutes les organisations
bénévoles, chacune selon ses ressources et selon ses objectifs,
pour un assaut frontal contre la misère. Nous n'imposerons rien,
nous n'exigerons rien. Nous faisons appel à la solidarité.
Nous allons livrer notre première bataille à la misère.
Il faut qu'un plan de campagne soit établi, et approuvé par
le Conseil avant le 1er décembre.
Une ville ne peut contribuer que sa part à la solution des problèmes
de notre société. Montréal ne peut donc tout faire,
mais Montréal et sa population peuvent montrer la voie et servir
de modèle. Il faut que la solidarité. devienne notre
point de ralliement. Pour que ceci soit possible, il faut faire comprendre,
à tout le monde, que la solidarité n'est pas un nouveau nom
pour la pitié mais bien autre chose.... et que la solidarité,
aujourd'hui, n'est pas essentiellement affaire de charité mais plutôt
d'intelligence.
Il faut expliquer qu'une économie de marché ne fonctionne
que si la population TRAVAILLE et dispose du revenu qui lui permet d'acheter
ce qui est produit. Expliquer qu'un partage plus équitable est désormais
nécessaire à notre effort d'enrichissement collectif et qu'il
est suicidaire de thésauriser, de refiler la facture aux classes
moyennes et de permettre que diminue le nombre de ceux qui travaillent alors
qu'augmente le nombre de ceux qui vivent de paiements de transfert.
Il faut que Montréal illustre comment toutes les classes d'une société
peuvent choisir de s'entraider pour assurer des conditions de vie plus décentes
à ceux qui vivent au seuil de la pauvreté. Il est essentiel
aussi, toutefois, de démontrer que la solidarité peut aller
de paire avec l'équité. Montréal ne sera vraiment un
modèle que si la ponction sur la fortune et le revenu de ceux qui
possèdent ne devient pas une confiscation. C'est l'essence même
d'une collectivité que l'on s'y entraide, mais aussi que chacun y
trouve son avantage: celui qui paye des taxes doit en voir la légitimité
et l'intérêt.
En signe tangible de cette solidarité qui doit tous nous unir, Montréal
émettra annuellement et remettra une Carte de Citoyen nominative
à chaque résidant de Montréal de 7 ans et plus. Cette
Carte de Citoyen pourra porter la mention « solidarité»
et conférer alors certains privilèges à son titulaire:
l'accès gratuit au transport en commun, l'accès gratuit -
ou à prix réduit - à six (6) événements
culturels chaque années et l'accès gratuit au Stade Olympique
pour tous les événements sportifs ou culturels auxquels la
Ville aura décidé que cette mesure s'applique, incluant tous
les matchs des Expos.
La mention « solidarité» sera apposée gratuitement
sur la carte de quiconque verse à la Ville des taxes excédant
400 dollars. Elle le sera, pour tout autre résidant de Montréal,
en considération du paiement de la somme de 400 dollars s'il est
âgé de 18 à 60 ans, ou de 200 dollars s'il a plus de
60 ans ou a de 7 à 18 ans, s'il est étudiant à plein
temps ou est bénéficiaire de l'assistance sociale. Cette somme
pourra être acquittée en versements mensuels, par débits
pré-autorisés, par carte de crédit ou de toute autre
façon raisonnable
La Carte de Citoyen subventionne le transport en commun, la culture et les
loisirs au profit de la classe moyenne, surtout des étudiants et
des aînées. Si le Gouvernement de Québec accepte de
contribuer une part raisonnable du coût de cette initiative, Montréal
ira plus loin vers la solidarité: Montréal remettra
gratuitement la Carte de Citoyen avec la mention «
solidarité» aux assistés sociaux .