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CORDÉLIA VINCENT

1876 - 1939

 

Cordélia est née le 12 mars 1876 à St-Urbain, comté de Châteauguay et c’est là qu’elle vécut son enfance et son adolescence. En 1892, ses parents, Alphonse et Aurélie déménagèrent la famille au Manitoba (voir le poème épique écrit en leur honneur). Et c’est à St-Georges que la famille s’installa. Peu de temps après leur arrivée, Cordélia fit connaissance avec celui qui allait être son époux. Le 14 juin 1897, dans la chapelle du Fort Alexandre, Cordélia unissait sa destinée à Zotique Chèvrefils (fils de Georges Chèvrefils et Angélique Allard).

 

Zotique et Cordélia s’installèrent dans une modeste maison en rondins (18’x16’) construite en 1895 par Zotique aidé de son frère Joachim. Cette maison était située sur un coin de terre qu’il avait défriché (lot 10, section 9). L’emplacement était tout à fait spécial. A l’époque, le niveau de la rivière était bas et cet endroit était emprunté par bon nombre de gens pour traverser, car c’était le point où la rivière Winnipeg était la plus étroite. C’est là qu’on installa plus tard le traversier.

 

Zotique et Cordélia donnèrent vie à 16 enfants. Trois filles sont mortes en bas âge et une autre est morte à la naissance. Des 12 enfants qu’ils élevèrent (six garçons et six filles), deux peuvent encore témoigner du courage, de la persévérance, de la foi de leurs parents. Ce sont Eugénie et Zéphir.

 

Avec la venue des enfants, la petite maison des nouveaux mariés ne suffisait plus. Zotique construisit donc une autre maison en rondins (20’ x 24’); celle-ci à deux étages. Puis en 1914, une autre maison à deux étages, plus spacieuse, fut construite. Celle-ci consistait d’une grande cuisine, d’un salon et de nombreuses chambres. Cette maison fut léguée à leur fils Etienne et fut démolie en 1976.

 

A mesure que Zotique défrichait plus de terrain, le quotidien sur la ferme augmentait et d’une année à l’autre, en plus d’élever une grande famille, Cordélia y prêta main forte. Avant que les garçons puissent aider aux travaux dans les champs, elle y allait. Puis il y avait les vaches à traire. On dit qu’elle préférait même aller traire les vaches à laver la vaisselle.

 

A l’époque, un grand jardin était une nécessité. En plus de l’entretenir, Cordélia s’assurait de remplir le garde-manger de conserves pour bien nourrir sa grande famille durant la saison froide. En été et à l’automne, c’était aussi la cueillette des fruits sauvages (fraises, framboises, bleuets, etc). Ceux-ci devenaient la gelée et les confitures pour les desserts de l’hiver.

 

En été, on réservait le jeudi pour la pêche. Zéphir et ses frères attrapaient du poisson. Ce poisson était préparé par Cordélia et Zotique pour les repas du vendredi.

 

Cordélia était aussi une femme qui tricotait à tous les soirs. Elle tricotait des bas, des mitaines et des sous-vêtements d’hiver. A la fin de sa journée, elle s’installait dans sa chaise au salon et réussissait facilement un bas ou une paire de mitaines par soir. Parfois la fatigue de la journée prenait le dessus et elle s’endormait dans sa chaise pour quelques instants, mais on dit qu’elle continuait à tricoter les yeux fermés.

 

Pour tricoter comme elle l’a fait, ça prenait de la laine. Leur troupeau d’environ cent moutons la leur fournissait. Cordélia était là pour tondre les moutons aidée des enfants. Elle lavait la laine sur les roches au bord de la rivière. La laine était ensuite séchée, étirée, puis emballé dans des sacs de 100 livres pour être envoyés par train à Ste-Martine au Québec où Hermini Quesnel, son beau-frère s’en occupait. La laine revenait cardée prête à être filée. Cordélia se gardait un peu de laine pour ses besoins : ses tricots, pour faire des matelas, et en vendait un peu dans la région.

 

Cordélia était une femme qui avait une très bonne santé et elle n’avait pas peur du travail. En plus de pourvoir aux besoins de sa famille, elle recevait fréquemment des passants (vendeurs ou acheteurs d’animaux, de linge etc). Reconnue pour sa chaleureuse hospitalité, Cordélia préparait un repas ou logeait pour la nuit ces voyageurs sans pour autant oser accepter quelque rémunération pour ce service. Un jour, ce fut deux passants de religion juive qui s’étaient arrêtés. Après le repas, ils demandèrent une salle pour célébrer leur office religieux. Ceci leur fut accordé et les enfants bien curieux passèrent chacun leur tour regarder par le trou de la serrure.

 

Cuisinière sans pareille, Cordélia s’était faite une renommée pour son boudin gris entre autres. On raconte qu’un soir juste avant de souper son frère Adrien s’était arrêté. Cordélia avait préparé du boudin et comme il le trouvait si bon, il lui demanda si elle lui en ferait s’il allait lui chercher tout ce qu’il fallait. Et c’est bien sûr qu’Adrien eut son boudin, car Cordélia fut toujours prête à rendre service à ses frères, leur mère étant décédée très jeune (45 ans). Ses tartes, lui valaient aussi continuellement des compliments. En fait que ce soit ses tartes, sa soupe aux pois, ses fèves au lard, son pain, tout était succulent après avoir passé par les mains de Cordélia. Ses talents culinaires furent transmis à ses filles et de génération en génération. On en jouit encore aujourd’hui.

 

On aurait cru que préparer des repas pour douze enfants trois fois par jour aurait déjà été assez de travail. Mais il y avait souvent des passants et même des pensionnaires. Vers 1926, lorsque le gouvernement amena les fils de transmission électrique à Pine Falls, il y avait de 10-12 travailleurs qui étaient pensionnaires. Cordélia, aidée de sa fille Rose-Anna en particulier, leur préparait trois repas par jour.

 

Il y avait toujours une place spéciale pour les autochtones du Fort Alexandre. Ils apportaient de la viande et du poisson en échange de beurre, d’œufs et de pain. Pendant ces visites, Cordélia montraient aux femmes l'art de tricoter et de filer la laine.

 

Cordélia a joué un rôle important dans la communauté : elle assistait la sage-femme aux accouchements. On dit qu’elle aurait fait la classe pour un bout de temps pour remplacer l’enseignante. En plus, elle s’est occupée du bureau de poste après la mort de Joachim jusqu’à ce que le bureau de poste soit déménagé au village en 1935. Joachim, son beau-frère qui vivait avec eux, devint maître de poste en 1915. Une chambre de la maison avait été transformée en bureau de poste.

 

Pendant ce temps, les enfants grandissaient et quittaient un à un la maison paternelle. Cordélia devint grand-mère. Mais elle dût patienter cinq ans avant de voir ses premiers petits-enfants (enfants de ses filles Exilda et Blanche, déménagées au Québec). Puis enfin il y eut des petits-enfants à gâter à St-Georges.

 

En 1931, Zotique et Cordélia firent un voyage au Québec pour revoir la parenté et leur ancienne patrie. A leur retour du Québec, Zotique et Cordélia prirent leur retraite.

 

Au printemps 1939, Cordélia fut hospitalisée à St-Boniface pour une intervention chirurgicale. C’est durant sa convalescence qu’elle subit une attaque de cœur. Cordélia est décédée le 11 juin 1939 à l’âge de 63 ans. Elle fut inhumée au cimetière de St-Georges. Le cousin de Zotique, le père Primeau présidait aux obsèques.

 

Cordélia fut une femme qui a vécu pleinement sa vocation de femme, de mère et de grand-mère avec une noblesse sans pareille. Sa vie se caractérise par un dévouement incessant auprès des siens. Elle laisse en héritage, en plus de ses talents culinaires sa bonne humeur, sa grande douceur et sa patience.

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Ce texte est tiré du livre des Vincent, Et la Rivière coule toujours, édité et publié lors du centenaire de l’arrivée d’Alphonse VINCENT et Aurélie DUBUC dans l’ouest au Manitoba, en 1892.

 


 

Recherche et textes soumis par Yolande Hébert Brault, de Ste-Martine

Mise à jour le 15 septembre 2003 par Paul Meilleur de Ste-Adèle

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