François Rivals

 

       

Océano nox


Dans la nuit désenchantée
le miroir des anges se brise
L'océan balayé d'incendies
roule des images de lune
que tout un peuple vert
déverse au fond des voûtes


Et les roches liquéfiées
blanchissent de colère
Et le varech danse à perdre pied
Et les mousses gorgées d'écume
ressemblent à des colliers de lunes


C'est une immense symphonie
orchestrée dans les fosses
Où les violons gémissent
sous les coups des timbales
Où les harpes égrènent des triolets
portés par les dentelles de l'écume.


Les cavaliers de la mer
en leur monture fragile
s'inquiètent de la terre
Eux qui se croient en enfer
louvoyant entre les flammes
jaillies des creux éméchés

Oubliés les papillons fleuris
Les jardins au silence léger
Les maisons qui chuchotent
Les fêtes qui montent au ciel
Les forêts raisonnables
qui archivent les ombres
au rayon des vies cachées

Océan, mille fois naufrageur
Ceux qui de la lande te respirent
craignent que tes caravanes de sel
ne rongent leurs puissants remparts !


Océan, mille fois géniteur
sans toi qui serions-nous ?
Alors pourquoi te craindre
pauvres de nous qui sommes
héritiers de tes eaux ?

 

________
 

Toi l'oiseau


Toi l'oiseau sec
Momie clouée sur le bois


Qui t'a volé ton grand manteau de rois
Qu'il ne te reste plus qu'ailes en croix ?


Toi l'oiseau aux yeux crevés de silence
Vois-tu d'un port où ton vol s'est figé
La file barbaresque des sans pitié
Qui maudissent ton gibier de potence ?


Te souviens-tu de ton nid de pierre
Où vibrait l'air de ton souffle magique
Et l'homme stupide aux longs yeux de verre
Epiant tes glissements hiératiques
D'ailes dessinant sous le vent des arcs
Noirs au lait du ciel, d'or sous le soleil
Se cabrant pour se lover en ton parc ?


Quand un bon fusil de son poste en veille
Visa et te plongea dans l'imprévu


Mais je t'aime car tu n'as pas compris
Que sans gloire aux hommes tu t'es rendu
Qui t'ont à la ruse enlevé la vie
Quelle fut donc ta prière après la chute
Bec grand ouvert à l'ultime minute ?


Dans l'agonie
Tu leur as dit


" Laissez-moi un vieux chêne où me percher
un repas froid de rosée mélangé
un trou d'eau fraîche où me désaltérer
Laissez mes plumes flotter au grand vent
une dernière fois par mauvais temps
Laissez-moi encore un peu de ce rêve
qu'en altitude le jour je survolais
et quand je dormirai sur votre grève
n'abîmez pas l'habit qui me couvrait "


Et ils n'ont rien entendu
C'est alors que tu mourus...


Mais l'espace abrégé s'est mis à fuir
Avant que des doigts montrant le soleil
Ne déchirent encore la toile du ciel
Rayée par mille et une plumes libres


Et commença l'exode des oiseaux ivres


Bientôt l'espace demain sera blanc
Qui n'aura plus ses beaux oiseaux d'avant
Nul ne traversera les yeux de verre
Ni la clarté nue des grands oculaires


Un jour reviendront-ils
Après un long exil ?


Sans doute il sera tard
Ce sont des oiseaux rares...

 

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Notre puits


N'attendons plus
Il se fait déjà tard !


Viens revoir au fond du pré
Notre vieux puits d'éternité
Où, ensemble, nous nous penchions
Pour découvrir l'eau morte et méconnue
Qui à distance semblait exténuée.

Elle renvoyait notre image qui tanguait
Sur le fond clos où flottait un autre soleil
Traversé par des ombres vivantes.
Nous rêvions aux temps moyenâgeux
Et imaginions une servante de ferme
Allant tirer la vie de cette eau rare et pure.

Le temps encore s'écoule des pierres vives
Où chaque goutte mime la frappe de l'enclume.
Il nous arrivait de saisir la chaîne rouillée
De descendre le seau aux bords ourlés
De le faire flotter au coeur des étoiles
Puis de le plonger dans cette oasis de ciel
Nous pensions remonter un trésor perdu
Et on refermait la tôle sur le silence.

Souvent on s'appuyait à la margelle polie
Pour admirer des plantes luxuriantes
Poussant entre les pierres vives
Elles étaient aussi vertes et tendres
Que de grandes palmes exotiques
Nous leur parlions d'une voix fêlée
Quand nos rires n'imitaient pas l'orage
Grondant en cascades le long des parois

Vois encore ce puits d'éternité
Il ne nous quittera jamais
L'eau ne cessera de perler
Sous nos multiples paroles
Quand pour nous
Le temps ne coulera plus.


 

François Rivals


*
 

 

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