Contributions : Analyses


Baccalauréat 2000 - Analyse
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Epreuve d’histoire-géographie : un grand pas vers

le " n’importe quoi ".

Nous avions vertement critiqué l’an dernier les nouvelles épreuves d’histoire-géographie, en soulignant qu’elles conduisaient à une remise en cause de la qualité et de la nature même de notre enseignement. Prétendre centrer l’évaluation de lycéens sur l’étude de documents, le travail le plus difficile qui soit, tout en réduisant au strict minimum les connaissances demandées et les exigences de rédaction, ne peut conduire, dans la grande majorité des cas, qu’à des copies d’une exécrable qualité.

Que peuvent alors faire les correcteurs ? Sanctionner les candidats, c’est leur faire payer une faute dont ils ne sont pas responsables, et éventuellement les dégoûter d’un travail de préparation qui ne trouve pas sa juste récompense. Mais à l’inverse, considérer comme " acceptables " des travaux d’une insigne médiocrité, c’est accepter la dénaturation de notre enseignement, de ses méthodes et de ses objectifs.

Ce n’est pas par maladresse que nos réformateurs ont introduit ce type d’épreuve, mais au nom de conceptions dont nous mesurons aujourd’hui les ravages. Ils ont voulu recentrer l’enseignement autour de " l’acquisition des savoir-faire ", plutôt que de " l’érudition " et " l’empilement des connaissances ". L’objectif peut paraître noble, mais en oubliant qu’il n’y a pas de " savoir-faire " sans savoir tout court, on va tout droit à ce que nous avons appelé l’enseignement light. On y est, lorsque l’on considère le contrat éducatif comme rempli parce que l’élève est capable d’écrire " les documents 1 et 2 sont écrits par deux auteurs différents dont on voit bien qu’ils n’ont pas la même opinion", ou " le document 1 est une carte qui montre bien que les riches sont riches et que les pauvres sont pauvres "…

Plaisantons-nous ? Venez donc ces jours-ci lire quelques unes de nos copies de bac, et vous n’aurez plus envie de rire.

Au vu des sujets, et surtout des copies de juin 2000, nous n’avons absolument rien à retrancher aux critiques faites l’an dernier, et nous pouvons même en rajouter.

 

L’épreuve majeure de géographie

(Nous rappelons par ailleurs la définition des nouvelles épreuves),

Première observation, l’immense majorité des candidats (de l’ordre des 9/10) a choisi l’étude de documents.

Est-ce parce que les deux sujets de composition portaient sur l’Allemagne et l’Inde ou la Chine, pays déjà proposés l’an dernier ? Nous l’ignorons. En tout cas, on aurait voulu pousser les élèves vers l’étude de documents qu’on ne s’y serait pas pris autrement. On a beau jeu dans ces conditions de souligner qu’il y a toujours au bac des compositions (c’est à dire des devoirs entièrement rédigés) : qu’importe, si plus personne, ou presque, ne les choisit…

Avec l’étude de documents, ce qui est demandé aux élèves est si vague, si difficile, si infaisable, qu’on ne peut guère s’attendre à autre chose qu’une paraphrase assortie de quelques considérations très générales.

Car enfin, efforçons-nous de présenter le document 1. On peut toujours écrire qu’il s’agit d’un planisphère montrant les grands pôles et les principaux flux du commerce mondial, et que les chiffres indiquent, en pourcentage, la part de chaque flux et pôle dans le total mondial. On peut ajouter la fine observation qu’il y a trois pôles principaux dans le commerce mondial, l’Amérique du nord, l’Europe et l’Asie, que c’est entre ces trois pôles que se font d’abord les échanges, et que par rapport à eux les autres pôles apparaissent comme très secondaires.

Ce qui ne prouve strictement rien, à part que le candidat sait lire et qu’il n’est pas handicapé visuel. Et l’on pourrait recommencer avec les quatre autres documents.

Tentons à présent, comme nous le demande le sujet de " sélectionner, classer, confronter et regrouper par thèmes " les informations des documents. La passionnante réunion d’harmonisation des corrections tenue samedi matin à Paris a envisagé comme classement :

Thème 1 : Au centre, la Triade capitaliste

Thème 2 : Les périphéries intégrées

Thème 3 : Les périphéries délaissées.

Puis, sans doute parce qu’il paraissait difficile de demander à tout le monde de se soumettre à ce jargon très " nouvelle géographie ", on a convenu qu’à peu près tous les classements étaient envisageables, sauf un, le classement trop sectoriel de type Production/Commerce/Finances. Mais comme, entre temps, l’un des corrigés qui fleurissent ces jours-ci sur le Web a proposé ce classement, et qu’il n’y a aucune raison de soupçonner l’honorable collègue d’incompétence, on peut en conclure qu’il faut tout accepter.

Et c’est bien ce que l’on retrouve dans les copies : tout et n’importe quoi. N’allez pas tenter de vérifier la cohérence des classements grâce à leur contenu : conformément aux instructions officielles, ce n’est pas rédigé, mais présenté sous forme de tableaux, pour la plupart illisibles, et pour cette raison très peu lus. Ce qui est fâcheux lorsqu’on sait qu’ils ont mobilisé une bonne partie du temps de travail des candidats …

Enfin, la synthèse demandé en troisième question a bien du mal à éclairer les correcteurs sur la valeur réelle des candidats. Car tout de même, à moins d’être vraiment très doué (mais est-ce ce que l’on demande à un candidat moyen ?) peut-on sérieusement répondre " en 300 mots environ " à une question aussi ambitieuse que " Comment est organisé l’espace économique mondial ? ". D’autant plus qu’il faudra pour cela s’appuyer sur les informations recueillies dans les documents, et que la plupart du temps on ne saura pas faire autre chose que les paraphraser.

Conclusion sur cette épreuve : ce que nous mettons en cause, ce ne sont ni les capacités des candidats, ni le sérieux de leur préparation, ni la qualité de l’enseignement qu’ils ont reçu, mais la façon dont ils se font piéger par une épreuve infaisable. Et au delà, les conséquences de ce type d’épreuve sur la nature de l’enseignement en classe de terminale.

" L’étude de documents ", telle qu’elle est conçue aujourd’hui, a largement fait les preuves de sa nuisance. Il faut en revenir à des épreuves permettant réellement aux candidats de montrer leurs compétences : des connaissances simples, mais solides ; une capacité à rédiger, c’est à dire présenter de façon claire et ordonnée ce que l’on a compris.

 

 

L’épreuve mineure d’histoire

Les deux documents proposés (le discours de de Gaulle lors du putsch d’Alger, ou une carte de l’Europe en 1942) sont tout à fait intéressants, et abordables par des candidats correctement préparés. Il faut même saluer la présence, rarissime, d’une carte parmi les documents d’histoire.

Mais l’étude de ces documents est victime de la nouvelle organisation de l’épreuve. Ils sont proposés en " épreuve mineure ", et les candidats doivent répondre à quatre questions " en une page environ " … c’est à dire pas grand-chose, si l’on n’oublie pas cette évidence qu’il s’agit d’une page manuscrite (300 mots environ), et pas imprimée. Il faut en réalité une grande expérience pour rédiger aussi brièvement une réponse convaincante.

Petite question à nos amis journalistes : qui peut répondre sérieusement en 75 mots à la question suivante : Qu’entend le général de Gaulle par " l’immense effort de redressement de la France " ?

Chaque professeur sait que les élèves ont besoin, dans leur grande majorité, de plus de temps et de place pour montrer ce qu’il savent et ce qu’ils ont compris … Et les professeurs ont besoin de plus de matériaux pour évaluer sérieusement ce que les élève savent ou pas, ce qu’ils ont compris ou pas.

La seule façon pour les élèves de s’en sortir était d’abandonner le cadre des " 300 mots environ ", et d’utiliser toutes leurs connaissances. Mais alors il faut s’interroger sur la pertinence de la division entre " épreuve majeure " et " épreuve mineure ", cette dernière n’étant en fait qu’une " épreuve light ". 

Pouvons nous attendre passivement de nous retrouver, en juin 2001, dans la même situation ?

Que pouvons nous faire pour exiger la redéfinition des épreuves ?

Quels conseils pouvons nous donner à nos élèves ?

Le débat est ouvert, les contributions de tous sont les bienvenues.

 
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