PRINCIPLES

OF

POLITICAL ECONOMY


"La nécessité d'un puissant capital pour l'établissement d'une fabrique de pianos était si bien reconnue dans la corporation, qu'en 1848 les délégués de plusieurs centaines d'ouvriers, qui s'étaient réunis pour la formation d'une grande association, demandèrent en son nom au gouvernement une subvention de 300,000 fr., c'est-à-dire la dixième partie du fonds total voté par l'Assemblée Constituante. Je me souviens d'avoir fait, en qualité de membre de la commission chargée de distribuer ces fonds, des efforts inutiles pour convaincre les deux délégués avec qui la commission était en rapport, que leur demande était exorbitante. Toutes mes instances restèrent sans succès ; je prolongeai vainement la conférence pendant près de deux heures. Les deux délégués me répondirent imperturbablement que leur industrie était dans une condition spéciale ; que l'association ne pouvait s'y établier avec chance de réussite que sure une très grande échelle et avec un capital considérable, et que la somme de 300,000 fr. était un minimum au-dessous duquel ils ne pouvaient descendre ; bref, qu'ils ne pouvaient pas réduire leur demande d'un sou. La commission refusa.

"Or, après ce refus, et le projet de la grande association étant abandonné, voici ce qui arriva : c'est que quatorze ouvriers, et il est assez singulier que parmi eux se soit trouvé l'un des deux délégués, se résolurent à fonder entre eux une association pour la fabrique des pianos. Le projet était au moins téméraire de la part d'hommes qui n'avaient ni argent ni crédit ; mais la foi ne raisonne pas, elle agit.

"Nos quatorze hommes se mirent donc à l'oeuvre, et voici le récit de leurs premiers travaux, que j'emprunte à un article du National, très bien redigé par M. Cochut, et dont je me plais à attester l'exactitude. Quelques-uns d'entre eux, qui avaient travaillé à leur propre compte, apportèrent, tant en outils qu'en matériaux, une valeur d'environ 2000 fr. Il fallait, en outre, un fonds de roulement. Chacun des sociétaires opéra, non sans peine, un versement de 10 fr. Un certain nombre d'ouvriers, non intéressés dans la société, firent acte d'adhésion, en apportant de faibles offrandes. Bref, le 10 mars 1849, une somme de 229 fr. 50 cent. ayant été réalisée, l'association fut déclarée constituée.

"Ce fonds social n'était pas même suffisant pour l'installation, et pour les menues dépenses qu'entraîne au jour le jour le service d'un atelier. Rien ne restant pour les salaires, il se passa près de deux mois sans que les travailleurs touchassent un centime. Comment vécurent-ils pendant cette crise? Comme vivent les ouvriers pendant le chômage, en partageant la ration du camarage qui travaille, en vendant ou en engangeant pièce à pièce le peu d'effets qu'on possède. On avait exécuté quelques travaux. On en toucha le prix le 4 mai 1849. Ce jour fut pour l'association ce qu'est une victoire à l'entrée d'une campagne : aussi voulut-on le célébrer. Toutes les dettes exigibles étant payées, le dividende de chaque sociétaire s'élevait à 6 fr. 61 cent. On convint d'attribuer à chacun 5 fr. à valoir sur son salaire, et de consacrer le surplus à un repas fraternel. Les quatorze sociétaires, dont la plupart n'avaient pas bu de vin depuis un an, se réunirent, avec leurs femmes et leurs enfants. On dépensa 32 sous par ménage. On parle encore de cette journée, dans les ateliers, avec une émotion qu'il est difficile de ne pas partager.

"Pendant un mois encore, il fallut se contenter d'une paie de 5 fr. par semaine. Dans le courant de juin, un boulanger mélomane ou spéculateur, offrit d'acheter un piano payable en pain. On fit marché au prix de 480 fr. Ce fut une bonne fortune pour l'association. On eut du moins l'indispensable. On ne voulut pas evaluer le pain dans le compte des salaires. Chacun mangea selon son appétit, ou pour mieux dire, selon l'appétit de sa famille ; car les sociétaires mariés furent autorisés à emporter du pain pour leurs femmes et leurs enfants.

"Cependant l'association, composée d'ouvriers excellents, surmontait peu à peu les obstacles et les privations qui avaient entravé ses débuts. Ses livres de caisse offrent les meilleurs témoignages des progrès que ses instruemnts ont faits dans l'estime des achéteurs. A partir du mois d'août 1849, on voit le contingent hebdomadaire s'élever à 10, à 15, à 20 fr. par semaine ; mais cette dernière somme ne représente pas tous les bénéfices, et chaque associé a laissé à la masse beaucoup plus qu'il n'a touché.

"Ce n'est pas, en effet par la somme que touche chaque semaine le sociétaire, qu'il faut apprécier sa situation, mais par la part de propriété acquise dans un établissement déjà considérable. Voici l'état de situation de l'association, tel que je l'ai relevé sur l'inventaire du 30 décembre 1850.

"A cette époque, les associés sont au nombre de trente-deux. De vastes ateliers ou magasins, loués 2000 fr., ne leur suffisent plus.

Francs.Centimes.
"Indépendamment de l'outillage, évalué à5,92260
Ils possèdent en marchandises, et sur-
tout en matières premières, un va-
leur de
22,97228
Ils ont en caisse1,02110
Leurs effets en portefeuille montent à3,540
Le compte des débiteurs s'élève à *5,86190

L'actif social est donc en totalité de39,31788
Sur ce total, il n'est dû que 4,737 fr. 86 c.
à des créanciers, et 1,650 fr. à quatre-
vingts adhérents ; [**] ensemble
6,38786

Restent32,9302

formant l'actif réel, comprenant le capital indivisible et le capital de réserve des sociétaires. L'association, à la même époque, avait soixante-seize pianos en contruction, en ne pouvait fournir à toutes les demandes."

From a later report we learn that this society subsequently divided itself into two separate association, on of which, in 1854, already possessed a circulating capital of 56,000 francs.[***]

Pp. 113-6. [L'Association Ouvrière Industrielle et Agricole, par H. Feugueray.]
* Ces deux derniers articles ne comprennent que de très bonnes valeurs, qui, presque toutes, ont été soldées depuis.
[**] Ces adhérents sont des ouvriers du métier qui ont commandité l'association dans ses débuts : une partie d'entre eux a été remboursée depuis le commencement de 1851. Le compte des créanciers a aussi beaucoup diminué ; au 23 Avril, il ne s'élevait qu'à 1113 fr. 59 c.
[***] Article by M.Cherbuliez on Les Associations Ouvrières, in the Journal des Economistes for November 1860.

L'association des facteurs de pianos (1850)

Industrial Remuneration Conference (1886)

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