L'ATELIER,

ORGANE SPÉCIAL DE LA CLASSE LABORIEUSE


L'accueil qui a été fait à l'article sur l'association des tailleurs d'habits, publié dans l'un de nos précédents numéros, nous engage à donner à nos lecteurs celui qui concerne les facteurs de pianos. Rien n'est plus instructif et plus édifiant que cette initiation au travail remarquable qui s'opère en ce moment au sein de la classe ouvière. C'est la Révolution qui marche. Voyez plutôt.

...C'est là, c'est en haut de cet escalier que travaillent les facteurs de pianos, citoyens recommandables à tous égards, pour la plupart pères de famille, probes, moraux, laborieux, fiers et indépendants comme de vrais artistes qu'ils sont.

Il n'y avait malheureusement pars de pièces terminées dans l'atelier, lors de notre passage : la commande donnait tellement que tout étain enleve aussitôt que fini. Il nous fut affirme qu'avec d'autres moyens l'association pouvait occuper cinquante hommes de plus! Si M. le baron de Rothschild le savait, lui qui a si bon coeur et à qui l'argent coûte si peu !...Quoiqu'il n'y eût aucun piano de fini, nous en vîmes en construction que étaient déjà des chefs-d'oeuvre de grâce, d'élégance et de solidité. Toutes les pièces furent démontées devant nous l'une après l'autre pour nous initier aux secrets du mécanisme intérieur. Rien de négligé nulle part l'object le plus délicat, la pièce la plus considérable, la combinaison la plus compliquée, tout fonctionne avec une régularité, une précision, un ensemble admirables. Au milieu des félicitations de toutes sortes que nous adressions à ces habiles travailleurs, ils nous dirent, avec une orgueil bien légitime, des paroles que je ne puis m'empêcher de répeter :

«Vous n'êtes pas les seuls, citoyens, qui nous rendiez justice: nous avons déjà bien des clients, soit à Paris, soit ailleurs, car nous expédions jusqu'à l'étranger, et jamais personne ne s'est encore plaint de nous. Pourtant, vous le savez, il n'y a pas de maître ici : nous ne subissons, quant au travail, le contrôle d'aucun supérieur. Notre gérant là, ce droit de contrôle, mais nous lui rendons sa tâche facile en l'exerçant préalablement les uns par les autres et en bons frères. Personne ne nous dirige, ne nous surveille d'un oeil inquit, ne nous donne la semonce patronal, si douce à la lèvre du supérieur, si ainère à l'âme du subordonné. Chacun fait ici sa besogne avec conscience. Comme nous connaissons tous notre métier, tous nous en remplissons les obligations avec exactitude. Dans les points embarrassants, dans les difficultés trop ardues, chacun a recours à son voisin plus expérimenté. Comme on acceptre son aide, on tolère sa critique plutôt bienveillante qu'acerbe, plutôt charitable que pédante. S'il y a contradiction, s'il y a litige, tout l'atelier se prononce, et la décision prise doit être exécutée, car elle est toujours conforme à l'intérêt général, quand il s'agit du travail comme quand il s'agit de la discipline.»

En entandant causer ces hommes à la raison si droite, au coeur si simple à l'âme si douce, si loyale, si tranquille, nous n'avions qu'un désir, nous ne formions qu'un voeu: c'était que ceux qui les haissent et qui en ont tant médit fussent à notre place ; ils se seraient sentis devenir meilleurs l ils auraient en honte de leur aveuglement ou de leur injustice ; ils se seraient avoués bien légers ou bien coupables! Car, il fait le dire bien haut et le répéter sans cesse, ces ouvriers qui s'associent, ces novatuers qui cherchent un monde, ces esclaves qui mettent les pieds sur leur joug séculaire, sont et ne peuvent être que des hommes d'élite sous tous les rapports. Socrate, ce philosophe si sage, vivrait de notre temps quùil ne faudrait par le chercher ailleurs que dans leurs ateliers. Là, personne ne maudit, personne n'exècre, personne n'a le coeur rougé d'envie ou d'orgueil ; personne ne comprend ces passions furibondes qui se font jour dans des régions plus élevées, mais moins sereines, parce que le travail ne les épure ni les sanctifie, parce que l'oisiveté y entraine tous les vices dont elle est mère.

«Pourquoi nous veut-on du mal? disent ces hommes ; à qui en avons)nous jaimais fait? Sommes-nous la propriété d'autrui, qu'on nous conteste le droit de disposer de nos personnes et de notre talent : Nous voulons vivre en travaillant, est-ce un crime? Que dira-t-on alors de ceux qui vivent sans travailler?»

Avant de la voir et en entendant parler du développement si considérable de cette association, de l'extension toujour plus grande de ses affaires, nous pensions que l'état était intervenu, et qu'il avait fair participer pour leur part les ouvriers qui la composent au crédit des 3 millions destinés aux associations. Point!

Il y avait bien un des démarches de la part des ouvriers ; mais la commission chargée de distribuer les fonds avait repoussé toutes leurs demandes, trouvant, à tort ou à raison, leurs prétentions exorbitantes par rapport au peu de garanties qu'ils avaient à offrir à l'état. Il est vrai que ce n'étaient guère que des garanties morales. Mais est-ce que des ouvriers peuvent être crus sur parole, quand ils se donnent pour des hommes d'honneur? Si c'étaient des banquiers, des diplomates ou des marchands de boeufs, à la bonne heure!

Il y a ceci de particulier en cette affaire, que pour avoir des renseignements sur ce que pouvaient ces ouvriers en s'associant entre eux, on est allé le demander à leurs anciens maitres, aux fabricants les plus ombrageux, les plus prévenus contre tout ce qui peut soustraire les travailleurs à leur domination et à leur autorité ; à ces hommes auxquels l'association fait l'effet de la tête de Méduse, et qui semblent pétrifiés quand on leur dit que les ouvriers peuvent se passer d'eux. On se doute de la réponse que firent ces braves gens, aussi modestes que désintéressés, aussi fraternels que sincères. Si nous ne pouvons pas en fournir la lettre et les détails, nous pouvons, du moins, en résumer les sens ; le voici:

«Les ouvriers ne peuvent rien sans nous ; ils ne pourront jamais, jamais rien : c'est prouvé. Ils ne savent pas selement se conduire : comment voudriez-vous qu'ils dirigeassent une établissement ? Il leur faut absolument une tutelle. Ne vous y trompez pas, messieurs, ce sont de grands enfants. Ils ne s'occupent que de pousser à regret leur outil quand ils ne sont plus dans les cabarets, ne sachant ni A ni B pour la plupart, n'entandant rien aux affaires. A-t-on jamais rien vu de pareil aux billevesées qui leur passent par la tête à présent? On ne sait vraiment plus ce devient le monde où l'on vit. Mais c'est absurde, l'association! archi-absurde! Quand ils seront tous maîtres, comme nous, ces imbéciles, qui est-ce qui leur fera la paie? Il n'y a que des socialistes capables de donner dans ces idées détestables. Allez! allez! nous les connaissons ceux qui veulent quitter nos ateliers pour s'associer : ce sont des paresseux, des ivrognes, des anarchistes qui veulent tout bouleverser.»

Cela n'était pas fort à imaginer, comme on voit, et, bien que le dernier mot fût le dernier des lieux-communs. il eut un effet magique, comme toujours. Bref, la demandes des ouvriers fut repoussée, et il ne leur fut pas accordé un centime.

Eh bien ! au lieu de se décourager, ces hommes auxquels on n'avait pas eu confiance, ils se raidirent devant les obstacles, ils persévérèrent dans leur sainte pensée d'affrachissement.

Voici ce qu'ils fires : ils louèrent d'abord ce misérable local dont nous avons parlé. Ce n'était ni une chambre, ni un grenier, ni un hangar, ni une mansarde. Je ne sais vraiment ce que pouvait être. Ils s'en firent un atelier. Ceux qui avaient quelques outils les mirent dedans ; ceux qui avaient quelques épargnes en firent le sacrifice pour acheter d'autres outils encore. Il y en eut qui vendirent leurs bijoux, d'autres leurs meubles, d'autres leur linge! En outre, on se cotisa toutes les semaines : ceux qui travaillaient au-dehors, dans les maisons particulières ; les autres qui ne travaillaient pas eurent recours au mont-de-piété, - institution philanthropique qui nous vient de la royauté, comme tous les cadeaux qu'elle sait faire ; maison o'u l'on oblige les pauvres en les faisant marcher tout nus, quand on ne les fait pas mourir de faim.

Que Dieu bénisse leurs bienfaiteurs et qu'on leur dise des messes! En vérité je vous le dis, ils ont de quoi payer les cierges...

Ces ouvriers, dis-je, mirent aux griffes de l'usure légale la pauvre montre d'argent qui leur est si utile, la petite pièce de mariage à laquelle on tient tant, l'allliance bénie de l'épouse, doux symbole d'union et de tendresse que toute femme est si fière de porter à son doigt. On se priva de feu quand il faisat froid, on ne but plus de vin, même le dimanche ; on magea du pain sec en travaillant comme des nègres, et, sacrifice plus cruel, on en fit manger à ses petits enfants! Tout cela pour amasser un fonds social, faible somme de mille francs qu'in débauché tout-puissant et prodigue peut jeter et jette quelquefois pour une nuit aux pieds des ses courtisanes. Quand on l'eut, cet argent si difficile à obtenir, cet argent tiré des rides du front, de la détresse du coeur, du cri des entrailles déchirées, quand on l'eut, on se mit à l'oeuvre. Les vauriens, ceux qu'on avait chassés des ateliers pour leurs menées, leur propagandes, leurs idées subversives, ces débauchés, ces fainéants, ces crétins se mirent à l'oeuvre. Ils achetèrent de quoi fabriquer un piano : ce piano fait, ils le vendirent ; puis ils en commencérent un autre, puis deux, puis quatre. A mesure que l'argent rentrait, on appelait de nouveaux travailleurs, on se fournissait des marchandises nécessaires, on acquittait la facture du marchand de bois, un homme honnête, celui-là, vraiment honnête, qui avait en confiance en eux, et qui leur avait ouvert un crédit dans sa maison. Nous ne voulons pas dire son nom ici ; il y a des gens qui seraient tentés de lui chercher querelle et de dénaturer sa bonne action pour nous accuser de mensonge.

Voilà ce que firent les ouvriers, et peu à peu, jour par jour, sacrifice par sacrifice, ils arrivèrent à travailler à trente-cinq, à se créer une succursale, et ils espèrent continuer de s'agrandir.

Maintenant, jettera-t-on encore la pierre à ces hommes? Oh! non ; pour notre pays, disons hautement non. Admirons-les, mes concitoyens ; encourageons leur bonne conduite, achetons leur produits, menons vers eux les indifférents de tous les pays, de toutes les opinions et de toutes les conditions. Que l'association soit comprise, qu'elle se développe à l'obre de nos institutions, qu'elle prospère au milieu de nous, et que son bon exemple fructifie! Là est l'avenir, là est la sécurité, là est l'ordre véritable. Là aussi est la transformation sociale, sans secousse, sans bouleversement et sans violence, mais là seulement. Qu'on en soit bien et dûment averti.

1) Extrait de la Révue anecdotique des associations ouvrières, par M. Gilland, ouvrier serrurier, représentant du peuple, (Collection des petits livres du peuple.) - Brochures de 100 p. environ. Prix : 50 c. - A la librairie démocratique, rue Fontaine -Molière, 15, et rue des Jeu[], 6 ; à la Propagande, 1, rue des Bons-Enfants ; chez les libraires associes , passage du Caire, 63.

What is productive labour and what is not, a point very much disputed back and forth since Adam Smith made this distinction,[Adam Smith, Wealth of Nations, Vol. II, pp.355-85.] has to emerge from the dissection of various aspects of capital itself. Productive labour is only that which produces capital. Is it not crazy, asks e.g. (or at least something similar) Mr Senior, that the piano maker is a productive worker, but not the piano player, although obviously the piano would be absurd without the piano player? [Senior, Principes fondamentaux, pp.197-206.] But this is exactly the case. The piano maker reproduces capital ; the pianist only exchanges his labour for revenue. But doesn't the pianist produce music and satisfy our musical ear, does he not even to a certain extent produce the latter? He does indeed : his labour produces something ; but that does not make it productive labour in the economic sense ; no more than the labour of the madman who produces delusions is productive. Labour becomes productive only by producing its own opposite. Other economists therefore allow the so-called unproductive worker to be productive indirectly. For example, the pianist stimulates production ; partly by giving a more decisive, lively tone to our individuality, and also in the ordinary sense of awakening a new need for the satisfaction of which additional energy becomes expended in direct material production. This already admits that only such labour is productive as produces capital; hence that labour which does not do this, regardless of how useful it may be - it may just as well be harmful - is not productive for capitalization, is hence unproductive labour. Other economists say that the difference between productive and unproductive applies not to production but to consumption. Quite the contrary. The producer of tobacco is productive, although the consumption of tobacco is unproductive. Production for unproductive consumption is quite as productive as that for productive coonsumption ; always assuming that it produces or reproduces capital. 'Productive labourer he that directly augments his master's wealth,' Malthus therefore says, quite correctly (IX, 40) [12. Malthus, Principles of Political Economy, p.47, footnote by the editor, William Otter, Bp of Chichester.]; correct at least in one aspect. The expression is too abstract, since in this formulation it holds also for the slave. The master's wealth, in relation to the worker, is the form of wealth itself in its relation to labour, namely capital. Productive labourer he that directly augments capital. (Karl Marx, Grundrisse: Foundations of the Critique of Political Economy, 1861. footnote, p306)


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