Pierre Parisien


 
Le
Reflux
bancaire
pour les
non-initiés
Les prêts et
le reflux
bancaire
Les cartes
de crédit et
le reflux
bancaire
Le reflux
bancaire
comme
phénomène
systémique
 Le
seigneuriage
à l'ère de
l'argent
scriptural
Biographie
Pierre
Parisien :
Coordonnées
English
Version


Submission: Texte du séminaire

Le seigneuriage à l'ère de l'argent scriptural

Pierre Parisien


Le seigneuriage est le profit qui revient à l'autorité d'émission lorsque de l'argent est créé.

Dans les bons vieux jours de l'étalon-or, n'importe qui pouvait apporter son or à l'Hôtel de la Monnaie pour la faire frapper en pièces de monnaie officielle du royaume. Le roi avait le monopole de ce commerce et chargeait un pourcentage de l'or pour couvrir les coûts de l'opération (le brassage) et pour se donner un bon profit (le seigneuriage). Donc, si on apportait un kilo d'or au Palais de la Monnaie, on ramenerait moins qu'on kilo de monnaie.

À mesure que la monnaie de papier remplaça les pièces métalliques la situation changea. Personne n'apportait son papier à l'imprimerie du roi pour le changer en argent. La valeur du papier dans un billet de banque et négligeable, comparée à la valeur nominale de ce dernier. De plus, on ne peut ébarber une partie d'un billet et se servir des retailles comme argent.

Mais est-ce que cela signifie qu'il ne peut y avoir de seigneuriage dans un régime d'argent fiduciaire ? – Non, nous verrons qu'il y a des schémas qui ne permettent aucun seigneuriage, d'autres qui permettent le plein seigneuriage, et plusieurs schémas entre ces deux extrêmes. (Notez que le plein seigneuriage est impossible dans le cas des pièces métalliques, puisque ça reviendrait à voler l'argent.)

Nous vivons maintenant dans un monde où les pièces et les billets ne représentent que 5% de la masse monétaire, l'autre 95% étant l'argent scriptural dont le contenu physique n'est que l'encre sur des pages de bilan ou des éléments de mémoire dans des ordinateurs. L'argent scriptural peut-il donner naissance au seigneuriage ? – L'argent scriptural n'est pas différent des billets de banque à cet égard. N'importe quelle valeur de seigneuriage est possible, de zéro à plein. (Notez que le plein seigneuriage n'est jamais 100%. Il y a toujours un coût, si minimise soit-il, concomitant à la création d'argent. Le plein seigneuriage est égal à la valeur nominale de la monnaie, moins ce coût.)

Permettez-moi de présenter neuf schémas qui, ensemble, couvrent la majorité des façons que de seigneuriage peut être perçu :

Schéma 1 : C'est le seigneuriage traditionnel que j'ai déjà décrit : vous apporter votre or (ou argent) à l'Hôtel de la Monnaie, qui la frappe en pièces de monnaie et vous charge un prix pour ce service.

Schéma 2 : C'est le cas du parfait faux-monnayeur. Imaginez un faussaire du tellement habile qu'il ne sera jamais découvert et que ses billets ne pourront jamais être différenciés des billets officiels. Tout comme les aniciens seigneurs qui se donnaient le droit de déflorer les nouvelles épouses de leurs serfs, notre parfait faussaire a le privilège de la première dépense de sa création monétaire. Après, celle-ci est dépensée et redépensée (la monnaie n'est pas une épouse fidèle) alors qu'elle se fond dans la masse monétaire.

Schéma 3 : Notre prochaine esquisse nous vient de notre voisin du sud. Lorsque le US Federal Reserve System veut introduire de la nouvelle monnaie dans l'économie américaine, il paye le Bureau of Engraving and Printing pour imprimer les billets, puis se sert de cet argent pour acheter des bons du trésor (Treasury Bills). La trésorie met cette monnaie en circulation en l'utilisant pour payer les dépenses du gouvernement.

Ce que nous avons ici est le plein seigneuriage pour l'état, découlant de sa création d'argent de papier.
Notez que ceci est une simplification : le processus est un peu plus compliqué, mais équivalent, en dernière analyse, à la surdite description. Notez, aussi, que la Fed et la trésorerie sont deux agences du gouvernement fédéral américain. C'est la main droite qui crée de l'argent pour la main gauche.

Schéma 4 : Durant la deuxième guerre mondiale, la Banque du Canada a créé approximativement 50 % de la nouvelle monnaie (pour laquelle il y avait grand besoin, puisque le pays sortait à peine d'une longue dépression ). Cet argent fut dépensé pour l'effort de guerre par le gouvernement et représente donc un plein seigneuriage sur ce 50% de l'émission monétaire. Puisque 95% de la masse monétaire est de l'argent scriptural, on peut conclure que la majeure partie de ce seigneuriage provenait de la création de monnaie scripturale. Encore, après cette dépense initiale, l'argent continua de faire son chemin dans l'ensemble des transactions économiques.

Schéma 5 : Lorsqu'une banque canadienne – la Banque A, disons – a besoin de billets de banque et de pièces métalliques, elle en fait la demande à la Banque du Canada. Celle-ci envoie le numéraire et débite le montant du compte de la Banque A à la banque centrale. (Notez que cet argent est de l'argent scriptural, de sorte que, en fournissant les billets de banque, la Banque du Canada transforme la monnaie scripturale en monnaie physique.) Cet argent est employé par la Banque du Canada pour acheter des bons du gouvernement. Mais la Banque A ne se limite pas qu'à acheter des billets : lorsqu'ils sont usés, elle les revend à la Banque Centrale pour la valeur nominale. (En général les billets de vingt durent deux ans; les billets de cent, sept ans.) En fin de compte, la banque centrale profite de l'intérêt sur les bons qu'elle avait originalement achetés. (C'est une sorte de compte flottant de longue durée.) En 2001, selon le Rapport annuel de la Banque du Canada, cette institution a obtenu des revenus de 2,1 milliard de dollars. Citant du rapport : « Ils proviennent surtout des intérêts produits par le portefeuille de titres du gouvernement fédéral qu'elle détient principalement en contrepartie des billets de banque qu'elle émet ». En 2001, il y avait 28 820 milliards de billets de banque en circulation. Les 2,1 milliards représentent du seigneuriage indirect et différée, provenant de l'émission d'argent de papier. Naturellement, c'est loin du plein seigneuriage. (En passant, la Banque du Canada n'accepte pas le retour des pièces de monnaie métalliques et fait donc plein seigneuriage sur cette partie du numéraire. )

Schéma 6 : Le dollar US est devenu, de facto, l'étalon monétaire international, remplaçant l'or. Ceci donne un immense avantage aux Américains. Par exemple :

Supposons que le Canada et les États-Unis décident indépendamment de monnayer leurs dettes publiques en créant assez de billets de banque et assez d'argent scriptural pour payer leurs créditeurs. Le Canada ne pourrait faire ça qu'avec cette partie de la dette qui est libellée en dollars canadiens; la partie libellée en monnaie étrangère ne pourrait être monnayée parce que les créditeurs de ces dettes n'accepteraient pas l'argent canadien comme paiement. Le gouvernement des États-Unis, cependant, pourrait monnayer sa dette totale parce que son argent est accepté universellement. Le gouvernement américain recevrait alors le bénéfice du plein seigneuriage sur la monnaie – numéraire ou scripturale – qu'il créerait pour cette intention.

Il y a d'autres façons pour les États-Unis de profiter de sa position privilégiée.. Disons que la compagnie X, une firme américaine, décide de bâtir une usine dans le pays Y. La compagnie ne dépendrait pas de l'épargne – ni la sienne, ni celle des investisseurs – mais pourrait emprunter l'argent d'une banque commerciale, qui la fabriquerait simplement d'un coup de stylo ou en pitonnant sur un clavier d'ordinateur. Le pays Y, cependant, serait forcé d'épargner sa propre monnaie afin d'acheter des dollars US qu'il pourrait alors dépenser dans le marche international. Nous avons ici un curieux revirement de rôles : ce n'est plus l'investisseur qui doit accumuler les épargnes, mais plutôt celui chez qui on investit. Cela est seulement une des façons dont les Américains profitent de leur situation financière unique. Cet avantage est, en effet, une sorte de seigneuriage qu'on pourrait appeler le seigneuriage virtuel.

On pourrait objecter que, puisque la compagnie X n'a pas créé l'argent, elle ne peut bénéficier d'aucun seigneuriage, ce qui invite la question, « Qui reçoit le bénéfice? ». La réponse est : « L'économie américaine ». Dans l'arène domestique, le gouvernement, les institutions financières et les firmes sont trois classes distinctes d'institutions. Elle coopèrent mais jouent un jeu dans lequel chacune protège ses droits et ses intérêts. La structure interne de toute économie dépend de ces lignes de tension entre ces trois agents.

Mais dans le commerce international ces lignes de tension s'escamotent : le gouvernement, la finance et les firmes se fondent en un seul organisme, l'économie nationale. La situation est plus compliquée en pratique puisqu'avec la mondialisation il y a toujours des étrangers parsemés parmi les compagnies et les institutions financières; mais ceci n'infirme pas, je crois bien, l'analyse précédente.

Dans le cas des États-Unis, il y a une longue tradition d'interventions gouvernementales et militaires en faveur de compagnies privées, telles que la United Fruit Company (Le Honduras en 1913), et pour le bénéfice de secteur économiques, tel que le secteur pétrolier. La Monroe Doctrine était inspirée par des considérations économiques autant, sinon plus, que géopolitiques.

Il est évident que cette ancienne tendance de la politique américaine est très exacerbée par la position privilégiée du dollars US. On peut conclure que quelque chose très semblable au seigneuriage constitue un reflux de chaque dollar qui quitte le territoire américain. Je suggère qu'on appelle ça le seigneuriage virtuel. Il est impossible de quantifier précisément ce seigneuriage mais son importance ne peut être niée. Sans lui, les États-Unis ne pourraient se permettre ses dépenses faramineuses pour le Pentagone et pour la technologie militaire.

Je suis convaincu que le gouvernement américain est conscient de la disponibilité du seigneuriage et compte sur lui comme mécanisme d'échappement de dernier recours, si jamais le pays allait trop loin dans ses aventures économiques et militaires. Autrement, comment expliquer la folle réduction fiscale du président Bush et son empressement de risquer l'immense déficit conséquent ?

Schéma 7 : À la Conférence 2000 de l'Association canadienne d'économique, j'ai présenté un papier, « Le prêt et le reflux bancaire », dans le quel j'ai allégué que les banques commerciales récupèrent une partie (et peut-être la totalité) de la monnaie qu'elles créent ex nihilo lorsqu'elles octroient des prêts. Permettez-moi une esquisse :

Lorqu'une banque octroi un prêt, elle crée la monnaie qu'elle prête de l'air du temps. Selon les règles de l'écriture double, elle inscrit l'argent comme dépôt dans le compte de l'emprunteur – un passif pour la banque – et aussi comme un prêt remboursable, ce qui est un actif pour la banque. Dans un sens, elle crée l'argent deux fois. Si la banque ne soustrait pas de son actif les paiements ultérieurs de l'emprunteur, effectivement, elle garde l'argent. La plupart des économistes et régulateurs présument que la banque fait la soustraction, mais personne ne vérifie! Un agent du Bureau du surintendant des institutions financières m'a dit : « We do not micromanage » (nous ne faisons pas de microgestion). Si ce reflux existe en réalité (et je ne veux pas argumenter le cas ici) il représenterait un seigneuriage différée sur la monnaie scripturale au profit de la banque. Ça pourrait être seigneuriage plein ou partiel, selon des facteurs cachés dans les labyrinthes secrets des procédures actuelles (plutôt qu'officielles) bancaires.

Schéma 8 : Ceci est un cas purement hypothéque :

Et si la banque centrale créait tout argent neuf, c'est-à-dire toute addition à M1, de sorte qu'une banque commercial octroyant un prêt devrait emprunter le principal de ce prêt de la banque centrale à un intérêt de 0 % ?. Cette dernière serait mandatée de prêter cet argent, sans question, mais la banque serait obligée de rembourser ce prêt, et de ne garder que l'intérêt comme source de profit. Nous aurions alors un cas de plein seigneuriage différée sur de la monnaie scripturale, payable à la banque centrale; donc, payable au gouvernement; donc, payable au peuple.

Maintenant, j'aimerais plaider pour qu'une plus grande portion de l'argent crée aille au gouvernement, en prenant le neuvième et dernier schéma comme point de départ :

On dit souvent que la monnaie créé par l'état mène à l'inflation de la demande, telle que définie par le dicton : « trop d'argent poursuivant trop peu de biens ». Dans le schéma 8, cependant, pas plus de monnaie est créé que dans notre système actuel; seulement – éventuellement – le gouvernement obtient son tour pour la dépenser. Comparons ça au schéma 4 où le gouvernement, durant la deuxième guerre mondiale, serait 50 % de l'argent nouveau et le dépensait pour l'effort de guerre. Cette monnaie était en excédent à l'argent normalement créé par les banques en octroyant des prêts, et donc exerçait une pression inflationniste. Puisque ce programme n'eut pas de conséquences néfastes sur l'économie, il n'y a pas de raison de penser que le schéma 9 en aurait.

L'avantage principal de l'utilisation du seigneuriage plutôt que de l'impôt pour financer les dépenses de l'État est politique : l'impôt peut coûter des votes à un parti politique, mais le seigneuriage, lui, ne fait pas mal. Le gouvernement peut alors fonder ses décisions monétaires sur des considérations rationnelles et morales.
( Notez que les impôts et taxes ont d'autres fonctions essentielles que de financer les dépenses de l'État : ils ont un rôle important à jouer dans la redistribution de la richesse et dans le contrôle de la masse monétaire, en influençant la quantité et la circulation de l'argent. Donc, le seigneuriage peut réduire considérablement le prélèvement fiscal, mais ne peut l'éliminer.)

Même les banques pourraient être invitées au banquet : si, privées de tout reflux découlant de leurs prêts, il advenait qu'elles ne puissent rester solvable, on pourrait leur donner le bénéfice de l'intérêt négatif. Une banque, empruntant de la banque centrale à -10% d'intérêt, pourrait liquider une dette en remettant seulement 90% du principal. Ceci accorderait au gouvernement un outil effectif pour gérer l'économie.

Le seigneuriage est un aspect lamentablement négligé de la théorie monétaire. Il devrait être étudié sérieusement par les économistes de la gauche et de la droite. Il devrait être pris en considération par les gros et les petits gouvernements.



 
Le
Reflux
bancaire
pour les
non-initiés
Les prêts et
le reflux
bancaire
Les cartes
de crédit et
le reflux
bancaire
Le reflux
bancaire
comme
phénomène
systémique
 Le
seigneuriage
à l'ère de
l'argent
scriptural
Biographie
Pierre
Parisien :
Coordonnées
English
Version



 
 
Hosted by www.Geocities.ws

1