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Les généralistes


 

On doit scinder le champ de la médecine en ses composantes, mais il ne faut pas perdre la vision d'ensemble. Il y a un besoin pour la compétence de synthèse qui permet d'ordonner et de hiérarchiser les tâches complémentaires qui constituent un système de santé. C'est cette compétence que doit posséder le « généraliste », le médecin de niveau doctoral d'un nouveau système de santé

L'omnipraticien d'aujourd'hui a reçu une formation doctorale et, en principe, il devrait posséder cette compétence, car on a voulu lui donner pour champ d'action l'intégralité des connaissances médicales. En pratique, il ne l'a pas, car ce n'est pas comme un tout qu'on la lui a enseignée et ce n'est pas la tâche qu'on lui a confiée.

On concède dès le départ qu'il ne peut qu'effleurer les diverses branches spécialisées de la médecine, amenant la moitié d'entre eux à mi-course à une bifurcation à partir de laquelle ils concentreront leurs efforts sur une seule. C'est à ce prix qu'ils pourront y développer une compétence suffisante pour avoir un impact significatif sur les problèmes qui s'y rattachent. Même si on l'avoue plus difficilement, on sait bien que l'autre moitié, ne peut pas davantage avoir une compréhension en profondeur du tronc commun.

Pour en avoir cette compréhension, il faudrait que toute son expérience de travail le pousse à chercher la composante universelle de ce tronc commun, à identifier des combinatoires parmi ses éléments de base, à en faire des synthèses, à abstraire et à généraliser Or, ce n'est pas du tout de ce qu'on lui demande, puisque c'est sur lui que repose la tâche de soigner les malades et qu'il doit donc plutôt en maîtriser toutes les pathologies. L'omnipraticien devient le spécialiste du résiduel qui n'a pas été scindé en spécialités. La mission de l'omnipraticien est l'antithèse de celle d'un généraliste

Le généraliste du nouveau système de santé n'aura en commun, avec l'omnipraticien d'aujourd'hui, que d'avoir reçu une formation longue et un diplôme de niveau doctoral. Il ne sera pas un médecin de famille trop affairé pour la compassion, un fournisseur de soins de santé incapable de suivre le pas infernal du développement de la médecine, réduit à le suivre de loin par le biais des catalogues des marchands de remèdes. Il sera le chef d'orchestre, parfois un compositeur, car certains seront des chercheurs

Le généraliste, cependant, agit surtout comme médecin-conseil. Parfois, il intervient à la demande d'un médecin, quand celui-ci n'arrive pas à poser un diagnostic ; appelé en consultation, le généraliste cherche alors quelle pathologie protéenne se cache derrière des symptômes aussi difficiles à interpréter. Plus souvent, cependant, le généraliste assure la coordination interdisciplinaire des traitements de plusieurs spécialistes, dans les cas complexes où ils doivent intervenir conjointement. Il le fait à la demande du médecin du patient ou de l'un ou l'autre des spécialistes eux-mêmes.

Lorsque les généralistes agissent ainsi comme conseils, ils sont des professionnels autonomes et rémunérés aussi par capitation. C'est une capitation bien particulière, toutefois, puisque ce sont les médecins et spécialistes qui sont leur population-cible et qui viennent s'inscrire au cabinet du généraliste, déterminant ainsi le montant que lui verse l'État.

Chaque médecin ou spécialiste a droit de s'inscrire au cabinet de trois (3) généralistes. Le généraliste, pour sa part, peut-être le conseil d'autant de ceux-là qu'il y en pour lui faire confiance et qu'il veut bien en accepter comme clients. Le budget alloué par l'État à la rémunération globale des généralistes tient compte du ratio des généralistes aux ressources médicales qui les consulteront et de ce triple enregistrement. Le barème de cette capitation est prévu pour que le revenu moyen du généraliste soit plus élevé que celui du médecin ou du spécialiste moyen, reflétant la différence de leurs temps de formation. C'est le consensus social. comme nous le voyons ailleurs, qui en décide en dernier ressort.

Combien de généralistes voulons nous ? C'est de façon empirique qu'il faudra établir le ratio des généralistes aux médecins et spécialistes. Sous réserve d'une étude quantitative de nos besoins réels, posons l' hypothèse d'un généraliste pour 50 médecins et spécialistes. En supposant que la moitié des effectifs diplômés de la maîtrise dans l'une ou l'autre des spécialités sont en médecine, on aurait quatre pour cent (4%) des médecins qui accèderaient à la formation doctorale, pour devenir généralistes.

À partir de cette même hypothèse, on doit estimer le nombre de dossiers qu'il semble raisonnable que chacun de ses clients confie au généraliste. Information clef, puisque, si le patient inscrit chez son médecin ou son spécialiste peut faire appel de façon illimitée, selon ses besoins, aux services de ce denier, le médecin ou le spécialiste qui s'inscrit chez un généraliste doit au contraire limiter ses requêtes.

Les dossiers n'ayant pas tous la même complexité, seule une négociation de bonne foi, entre le généraliste et son client, peut déterminer si le service de consultation rendu est acceptable aux deux parties. Puisque le paiement de la capitation est mensuel et que le généraliste comme son client peuvent y mettre fin en tout temps - l'éthique exigeant seulement que le généraliste ne se retire pas avant sa conclusion d'un dossier auquel il a accepté d'intervenir - cette négociation se fait normalement sans contrainte. Ils ont tous deux intérêt à ce que l'accord se fasse,

C'est toujours pour une charge de travail variable que le généraliste reçoit de l'État sa capitation, mais cette charge doit lui paraître raisonnable. Si l'accord semble difficile entre généralistes d'une part, médecins et spécialistes d'autre part, on peut en déduire que le rapport du nombre de ceux-ci à ceux-là est incorrect. Peut-être est-ce 5 ou 6 % de généralistes dont on a besoin, peut être encore plus On peut raisonnablement supposer que le besoin en généralistes augmentera, au rythme de la complexité croissante du champ de la santé. L'État réajustera périodiquement le pourcentage des généralistes. Il surveillera la situation avec attention et réagira vite, car le délai ici est long entre la décision et le résultat


Pierre JC Allard

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