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Moins, c'est mieux


 

Les rôles se transforment « horizontalement », parce qu'on créée de nouvelles spécialités.. Ils se transforment « verticalement », par un aplanissement de la hiérarchie qui naît de l'interdépendance et de la complémentarité, est favorisé par une meilleure distribution des formations et devient pérenne parce qu'il va de paire avec autonomie, imputabilité, une meilleure motivation et résulte en une structure plus efficace.

À ces deux facteurs de modification des rôles, vient s'en ajouter un troisième qui est la tendance à les rendre plus courts, plus simples, moins contraignants. Il faut que l'on confie aux acteurs des rôles moins exigeants. Pour deux (2) raisons.

La première raison est incontournable : il faut échapper à un élitisme insoutenable qui pourrait être notre perte. Dans une société où les autres besoins sont un à un satisfaits, l'importance relative de la santé croît sans cesse. Cela exige qu'on affecte au champ de la santé une plus grande proportion de la main-d'oeuvre globale de la société. Il faut s'assurer que les tâches qu'on distribue ainsi sont bien de celles que cette proportion élargie de la population possède les aptitudes pour accomplir

N'entrons pas dans le débat émotif de savoir si ces aptitudes dont on parle sont innées ou acquises. Quelle que soit la façon dont on définisse les aptitudes requises pour s'acquitter des fonctions qu'exige un système de santé, le problème concret est de ne pas en déterminer les fonctions et les apprentissages de telle manière que 2 ou 3 centiles seulement de la population puissent y avoir accès alors qu'on sait qu'on devra y affecter cinq ou dix fois ce nombre !

il faut se souvenir que le cerveau de l'homme moderne moyen n'est pas plus performant que celui des autres cro-magnons qui l'ont précédé. Si, par élitisme ou corporatisme, on tombe dans le piège de rendre trop discriminant l'accès à certaines fonctions, on fera face à une disette de ressources capables d'acquérir et d'utiliser ces compétences. Le développement de la santé aura des rendements réels décroissants, puis stagnera. L'apparence de services tendra à se substituer aux services rendus.

Il faut ratisser plus large et éviter que seule une élite intellectuelle autoproclamée n'y contribue de son travail et ne s'en arroge le droit d'accaparer une part indécente des résultats. Pour aller dans cette voie, la meilleure façon est de créer des postes de travail dont le contenu soit plus restreint. La spécialisation nous oblige a fragmenter l'univers des compétences en médecine ; il faut en profiter pour le scinder en modules plus petits.

Ce qu'on appelle intelligence permet de gérer simultanément un grand nombre de variables, mais des processus indéfiniment complexes peuvent être exécutés par presque tout le monde, s'ils sont découpés en blocs modestes dont la synthèse est « externalisée ». Si un ordinateur a une « intelligence », ce qui est douteux, elle est au mieux embryonnaire, mais des opérations gigantesques sont à sa portée, parce que son processus « mental » est fragmenté. Jusqu'à ce qu'il corresponde à un simple choix binaire ! Le système de santé va fragmenter et créer des rôles plus accessibles.

La deuxième raison, c'est que la richesse croissante qui est venue avec l'industrialisation a apporté un hédonisme généralisé ­ à la hauteur de cette richesse ­ qu'on commence à peine à s'avouer. Un vieux fond de puritanisme fait encore courir les écureuils, mais, de plus en plus, une simple SATISFACTION s'installe qui est le meilleur antidote à un désir immodéré de posséder qui a suivi l'humanité depuis ses temps de pénurie et est devenu névrotique à l'Âge de l'Abondance.

Pour le bien des patients, celui de la société et le leur, il ne faut pas exiger des intervenants en santé qu'ils exécutent plus de tâches et n'aient donc à acquérir plus de compétences que ce qui est compatible avec le déroulement d'une vie gratifiante. Il y a un rapport optimal à établir entre travail et loisir et chacun est libre du sien, mais il y a des contraintes sociétales qui encadrent ce choix et qui doivent faire consensus. L'une d'elles est le rapport des temps de formation à la durée de vie active. C'est un concept qui évoluera et ceux qui en vivront la réalité feront les ajustements nécessaires, mais il est important de reconnaître dès le départ le rôle fondamental des paramètres humains et sociaux.

La durée de vie augmente, la part du travail dans la vie quotidienne diminue, alors qu'augmente celle de temps libre pour le loisir. Simultanément, les contenus des professions doivent être constamment remis à jour, pour tenir compte des progrès de la science et des techniques. Les conditions pour une vie active prolongée sont réunies. Il semble donc opportun que le travailleur arrive plus jeune sur le marché du travail et le quitte plus vieux, ayant une carrière professionnelle plus longue, mais moins contraignante et qui soit pour lui une source de gratification.

Pensons à une carrière de 45 ans de travail, coupée de recyclages et de sabbatiques, s'étalant de 23 à 73 ans. Dans cette optique, c'est l'élément humain qui doit déterminer la taille des rôles comme les départements, en France, ont été dimensionnés à partir de la distance quotidienne qu'un homme peut marcher. Il faut donc non seulement regarder la distribution normale des aptitudes au sein de la population, mais aussi fixer l'espace acceptable que l'apprentissage doit occuper dans la vie de l'individu. Il est important que ce soit de telles données « humaines » qui constituent le pivot autour duquel tourne le système.

Nous aurons des contenus scindés horizontalement en spécialités, des charges de travail et des responsabilités un redistribuées verticalement entre les fonctions, une démocratisation des critères de participation, une « ludisation » de la vie, dans un monde plus hédoniste et tout milite pour que les rôles des acteurs en santé soient allégés. C'est d'abord au palier de la formation que va se jouer cette transformation des rôles. Nous verrons d'abord celle des ressources médicales, puis celle des ressources infirmières.


Pierre JC Allard

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