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Capitalisme et pouvoir


 

A l'origine, la richesse est d'avoir ce qu'on veut. Puis d'avoir ce que l'autre veut, mais n'a pas, ce qui, quand la force brute a cédé la place au droit, permet de faire des échanges et d'exiger de lui des services et du respect. On s'enrichit de posséder ce qui est en demande, donc d'abord ce qui est utile, puis parfois ce qui est rare. Quand on se met d'accord sur la valeur relative des choses, on peut leur fixer un prix, puis choisir un symbole qui facilitera les échanges : le fer, le chocolat, surtout l'or.

Quand un État s'impose, il bât monnaie, garantissant le poids en or ou en argent d'une pièce en y posant son sceau. Quand son pouvoir s'affirme, sa seule signature suffit et le papier peut devenir monnaie. Le pouvoir dès lors tend à se confondre avec la richesse, puisque la richesse apporte le pouvoir, mais que c'est le Pouvoir qui imprime la richesse. Il suffit qu'on y croit et celui qui est fort est cru. Dès que la corruption s'est avérée plus efficace que la violence, la richesse s'est confondu pratiquement avec le pouvoir.

Le Pouvoir qui est cru crée l'argent qu'il veut et le donne à qui il veut; c'est une création totale, discrétionnaire. L'argent, qui est devenu le symbole ultime du pouvoir, passe sous le contrôle absolu du Pouvoir lui-même. On est riche ou pauvre, désormais, par simple décision du Pouvoir, décision prise et exécutée selon des règles que le Pouvoir détermine. On laisse alors les balbutiements et l'on peut créer un véritable capitalisme.

La règle première et suffisante, celle qui crée le capitalisme et assure au Pouvoir le contrôle imparable des conditions d'échange, c'est que quiconque a de l'argent en reçoit plus. C'est ce qu'on appelle toucher un intérêt. Le montant de cette prime à la richesse est fixé de façon à maintenir la stabilité du pouvoir en enrichissant les plus riches, en préservant l'aisance de ceux qui ont quelques biens et donc quelque pouvoir et en exploitant les autres.

On appelle Banque l'entité qui gère cette opération récurrente. Le mécanisme précis de création d'argent passe par le privilège de la Banque de prêter ce qu'elle n'a pas; ce privilège lui est garanti par l'État, lequel "émet des obligations", qui sont autant de promesses de donner plus à ceux qui ont déjà beaucoup, tout en contrôlant l'inflation qui devrait en résulter en réduisant la consommation de ceux qui manquent du nécessaire. Le paiement gracieux d'un intérêt par l'État à la Banque détermine le taux d'intérêt à tous les paliers de la structure et équivaut au détournement continuel de la plus value du travail de la société vers les membres de l'alliance dominante.

Il n'y a aucune logique au paiement d'un intérêt par l'État, puisque c'est lui qui crée ou fait créer l'argent, si ce n'est le maintien du pouvoir en place. Les rationalisations qu'on en donne s'appuient sur des pétitions de principe et des sophismes Seul un lavage de cerveau incessant empêche la population de se rendre compte que là est la source de toute iniquité. Seule une population totalement endoctrinée peut croire aux balivernes qu'on lui raconte pour justifier ce transfert éhonté de richesse des pauvres vers les riches.

Aussi longtemps que la richesse a un support matériel, pourtant, la richesse est en péril. On peut engranger les récoltes, on peut thésauriser l'or, cacher des billets de banques, mais ces biens demeurent appropriables par la violence, vulnérables à des "accidents", guerres, catastrophes, etc. La solution finale, pour le capitalisme, a été l'identification de la richesse à un symbole totalement intangible et donc PARFAITEMENT contrôlable: l'argent électronique. L'argent électronique est invulnérable.

Il est invulnérable, parce qu'il ne repose sur rien d'autre qu'un consensus. Une note électronique à coté de votre nom, sur un ordinateur, peut faire de vous le maître du monde. C'est une décision libre, réversible, sans contrainte et arbitraire du Pouvoir, le Pouvoir étant l'équipe qui assure le fonctionnement et la permanence du système : l'élément décisionnel de l'alliance dominante.

Le Pouvoir peut effacer cette note électronique et rien de tangible ne se passe; il peut la ré-écrire, l'effacer à nouveau... la magie n'est pas là. Mais que le Pouvoir fasse connaître OFFICIELLEMENT que la note n'est plus là et vous n'êtes plus rien. C'est la situation de César qui ferait apparaître des légions armées en nombre infini, d'un simple effort de volonté. Aucune gouvernance n'a jamais été aussi proche d'un pouvoir divin.

Le Système, toutefois, dépend d'un CONSENSUS quant à la valeur de l'argent virtuel et quant à la légitimité du paiement d'intérêts. L'autre grande innovation du Capitalisme, aussi indispensable que l'argent électronique pour asseoir son pouvoir , a été l'essor fabuleux des moyens de contrôle de l'opinion publique. On a déjà stigmatisé le "viol des foules". Aujourd'hui, les foules n'on plus à être violées ; on a mis la population sous hypnose et elle est séduite à merci. La psychosociologie est devenue une science exacte. On sait, désormais ce qui doit être dit pour obtenir l'adhésion ou susciter la répulsion.

La publicité commerciale n'est que l'aspect anodin de ce contrôle : la véritable manipulation est politique. Elle commence par un système d'éducation qui ne véhicule que les bonnes valeurs. Le citoyen, émasculé dès l'école de tout esprit critique, est ensuite suivi par un réseau de médias et d'agents culturels qui lui redisent ce qui est bien et ce qui est mal et, surtout, qui lui impose, avec toutes les ressources subliminales dont dispose la technique moderne, la conviction que l'argent EST la richesse et vaut bien ce qu'on nous dit qu'il vaut. Les gens réagissent comme on sait qu'ils réagiront aux impulsions qu'on leur transmet: on montre du sang, ils pleurent; on montre du fric, ils se courbent. Tant que ce consensus tient, le sytème capitaliste est inexpugnable.


Pierre JC Allard

 


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