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Capitalisme et entreprise


 

Quel que soit le projet d'une société, le but de ses leaders est toujours qu'il se réalise grâce aux efforts des faibles et au profit des puissants en utilisant un minimum de violence et d'exactions; c'est à cette fin que sont établis les régimes de gouvernance et les systèmes de production qu'ils gèrent. Le système de production sur lequel on s'appuie en Occident est le capitalisme industriel et les rôles y sont clairs.

1. Dans un capitalisme industriel, le pouvoir est aux mains du capitaliste. C'est l'effet multiplicateur des équipements qui crée la plus-value dont s'enrichit le capitaliste et la richesse du capitaliste repose directement ou indirectement sur la propriété de ces équipements.

2. La richesse, transformée en capital fixe (équipement), devient alors une variable dont la valeur est dépendante de l'espérance de profit résultant de la vente des biens produits par ces équipements.

3. L'imperfection du capitalisme industriel vient de ce que cette espérance de profit dépend elle-même de la demande effective, c'est-a-dire du pouvoir d'achat dont disposent les consommateurs. Il FAUT que les consommateurs aient ce pouvoir d'achat et constituent une "demande effective", sans quoi l'équipement n'a plus de valeur et le capitaliste est ruiné.

On voit l'effet pervers: la richesse du capitaliste devient dépendante du pouvoir d'achat du consommateur, ce qui impose une contrainte technique à la concentration de la richesse entre les mains du capitaliste propriétaire des équipements. En termes simples, vous ne pouvez pas nourrir la population au pain sec tout en espérant vous enrichir de la vente du rosbif.

Il n'est dans la nature d'aucun pouvoir d'accepter d'être dépendant. Cette dépendance est naturellement insupportable au capitaliste et le capitalisme industriel a donc cherché à échapper à la contrainte de la demande effective, en donnant naissance à deux classes dirigeantes superposées: une caste supérieure de capitalistes purs et une caste d'entrepreneurs.

Les capitalistes purs, que nous appellerons désormais "shylocks", en hommage à Shakespeare, détiennent le vrai pouvoir et vivent uniquement de leurs "intérêts", comme d'une rente. Leur seul mérite est d'avoir la richesse et on les en récompense en leur en donnant davantage. Aux USA, ils représentent environ 1% de la population et possèdent environ le tiers de la richesse, ce qui est largement suffisant pour qu'ils en contrôlent le reste.

L'entrepreneur est un « presque puissant » qui est encore soumis à l'indignité de produire quelque chose. Il produit normalement des décisions, doit courir des risques et vit et de ses "profits", selon son talent et son initiative, d'autant mieux que ses décisions ont été les bonnes. Il a accès au shylock qui rend ses décisions effectives en y investissant des fonds et dont il paye la rente à partir de ses profits Le shylock peut ainsi rester raisonnablement indemne de la précarité d'un profit qui dépend de la demande effective, puisque c'est l'entrepreneur qui absorbe le choc de cette précarité, payant sa livre de chair à son banquier quoi qu'il advienne.

La stratification shylocks-entrepreneurs n'apporte pas une protection parfaite, toutefois, le shylock, pouvant encore perdre , si la consommation baisse au point où l'entrepreneur est ruiné. Une deuxième ligne de défense est donc venue s'ajouter pour protéger davantage la caste des shylocks des caprices du consommateur: les actionnaires.

L'actionnaire est en principe un entrepreneur. Il court des risques. Ce sont les actionnaires qui payent sa rente au shylock, sous forme d'intérêts qui réduisent leurs dividendes. Cette opposition entre shylocks et actionnaires apparaît clairement en Bourse: les fluctuations de la valeur des obligations (qui payent un intérêt fixe aux shylocks ) divergent brutalement de celles des actions qui, elles, distribuent des profits aux actionnaires: la plupart du temps, quand les unes montent, les autres baissent... !

L'actionnaire est un entrepreneur s'il est majoritaire. L'actionnaire minoritaire, non. Voulant singer le shylock et vivre comme lui d'une rente, mais sans en avoir les moyens, il se laisse convaincre de prendre à son compte les risques de l'entrepreneur sans assumer lui-même un contrôle quelconque sur ses décisions. Ignorants, sans pouvoir réel et nombreux, ce sont les actionnaires minoritaires qui portent le chapeau, si la demande effective chute et que la valeur présumée des équipements et donc du capital qui y est investi s'effondre.

Les actionnaires minoritaires constituent une splendide ligne de défense pour les shylocks, lesquels peuvent revenir sans compromission à leur tendance naturelle qui est de prendre sans contrainte tout ce qu'ils peuvent prendre, sans se péoccuper de la demande effectives ni des profits. Vous augmentez les taux d'intérêt... Shylock s'enrichit.

Les actionnaires minoritaires sont doublement utiles, puisqu'ils s'identifient au capitalisme - ce qui est aussi inespéré qu'un joueur de Las Vegas qui se réjouirait des profits que réalisent le casino! - et apportent un soutien politique au système, tout en servant de boucliers aux shylocks qui en sont les maîtres. Le système cherche donc à transformer un peu tout le mode en actionnaires, encourageant les activités boursières individuelles, mais, surtout, en opérant cette transformation d'office, par le biais des fonds de pensions..., qui alimentent les fonds mutuels..., qui sont devenus les actionnaires principaux de la majorité des grandes entreprises.

Chacun est ainsi destiné à porter le chapeau à la mesure de son tour de tête défini, entre autres, par la somme de ses avoirs investis dans le système de production et dont il n'assure pas lui-même la gestion, mais pour lequel il accepte qu'un autre prenne la gouverne. La façon cavalière dont ses avoirs sont rémunérés et l'arbitraire auquel il doit se soumettre sont en fonction inverse du pouvoir dont il dispose.

Shylock, lui, est à l'abri de tout... sauf d'un effondrement de la valeur de l'argent lui-même. Comprenez-vous pourquoi Shylock n'aime pas qu'on parle d'inflation ?

Pierre JC Allard

 


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