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Exclusion


 

Il y a des millénaires qu'on voulait produire mieux et, maintenant qu'on y est arrivé, il semble que ce soit une excellente chose que les services exigent plus de travail ! Une crise bien perverse Une crise qui commence par une simple pénurie de travail, mais une pénurie qui frappe toujours les mêmes victimes et devient une EXCLUSION

Avant l'industrialisation, chacun contribuait son travail à la société et il en sortait une production commune à partager. Plus de travail, plus de production, plus de richesse collective. Tous n'en touchaient pas leur juste part, mais celui qui en était privé était victime d'une injustice, un phénomène bien connu. Avec l'industrialisation, la production a augmenté en flèche et l'injustice aussi, car celui qui possède l'équipement est en position de force pour en prendre bien plus que sa part. L'injustice n'empêchait pas, cependant, qu'il y en ait chaque jour un peu plus pour tout le monde. Maintenant que l'abondance est là, cependant, le plus grave problème ne vient plus de l'injustice : il vient de la notion de justice elle-même.

De la justice elle-même, car, en bonne justice commutative, chacun vaut le salaire de ce qu'il peut apporter ; une société se dit équitable, s'il y a réciprocité entre les apports qu'on y met et les avantages qu'on en retire. Avec l'augmentation de la productivité, cependant, on se retrouve nécessairement avec un surplus croissant de travailleurs pour assurer la production des biens matériels. Une large proportion de la population peut s'en retrouver écartée de l'effort productif. EXCLUE.

Cette exclusion pose divers problèmes, dont celui de garder la demande effective pour maintenir le niveau de consommation, mais aussi celui du JUSTE partage de la production. Que faire si une large part des travailleurs, chassés de l'industrie, ne PEUVENT plus contribuer à la société et n'ont rien à offrir dont celle-ci ait besoin ? Ces travailleurs qui n'ont plus de travail posent un problème, car de quel droit celui qui n'a pas un apport à faire viendrait-il prendre sa part du produit ?

En justice commutative, celui qui n'apporte rien à la société ne vaut rien pour la société et n'a droit à rien. Evidemment, cette stricte réciprocité ne colle pas avec la morale de l'Occident, les exigences d'une société d'interdépendance, ni les circonstances d'une société technologiquement développés où le pouvoir de nuire de chaque individu est énorme.

On a donc trouvé une justice « distributive », pour justifier de donner une pitance aux exclus. On le fait parce que ce n'est pas leur faute s'il n'y a pas de travail et, aussi, parce que les gens qui crèvent de faim peuvent devenir violents et qu'il n'y a pas consensus sur la façon de les calmer. Une société riche et évoluée va donc au-delà de la justice commutative et accorde par humanité un revenu au travailleur exclu.

On assure ainsi à ceux qui sont exclus un revenu, On le fait d'autant meilleur gré, d'ailleurs, que l'Occident, a les moyens de sa morale et que, de toute façon, un système de production de masse exige une masse de consommateurs et que sans demande effective, notre société périclite. C'est un acquis de civilisation avec une part d'égoïsme bien compris. Celui qui ne travaille pas est prisen charge, selon les droits que la morale et le consensus social lui reconnaissent. Il est nourri

Nourri, mais la notion de justice commutative reste néanmoins bien présente dans la psyché des sociétaires. Ils sont conscients que le principe de réciprocité qui est à la base de toute société n'est pas respecté et le travailleur qui ne peut pas contribuer utilement à l'effort productif reste un exclu. Il ne peut pas vraiment prétendre à sa part équitable d'une richesse collective qu'il n'a pas participé à créer et, non seulement le revenu qu'il reçoit est inférieur à celui que se méritent ceux qui travaillent, mais il y a un large consensus qu'il doit en être ainsi. Un grave malaise s'ensuit.

Ce malaise en Occident n'est pourtant que la pointe du iceberg, car il n'y a pas que l'Occident à prendre en compte. Les assistés chroniques dans les pays développés ne constituent qu'une toute petite « cinquième colonne » de l'exclusion. Le vrai problème est ailleurs, dans le tiers-monde. En y exportant ses surplus alimentaires et ses produits manufacturés pour réduire son chômage, l'Occident a diminué d'autant la possibilité de participation à l'effort productif des travailleurs du tiers-monde. On y a créé une même exclusion, mais en infiniment plus grave.

C'est une faible proportion seulement de la main-d'uvre des pays sous-développés qui peut contribuer quoi que ce soit d'utile à l'économie mondiale. L'exclusion y est généralisée et d'autant plus pénible que, dans les pays pauvres où l'égoïsme n'a pas été « civilisé » par le besoin de maintenir une demande effective dans une économie fermée, le travailleur dont on n'a pas besoin ne vaut encore RIEN et que l'on n'a pas toujours l'élégance de lui offrir une pitance. Le travailleur en surplus du tiers-monde se rend utile ou, comme disait Malthus, « n'est pas invité au banquet de la vie ».

Ces travailleurs, qui ne peuvent contribuer à la société à la hauteur de ce que leurs besoins exigeraient, s'amoncellent par millions dans la périphérie des mégalopoles du tiers-monde et ne sont pas tranquillisés par des paiements de transferts. Il est vital pour la paix sociale - et la paix, tout simplement -­ que tous redeviennent utiles et participent à l'effort collectif. En occident, mais aussi partout.

Et si on veut qu'ils soient vraiment utiles, il faudra affecter les travailleurs d'ailleurs à des tâches pour lesquelles il y a vraiment une demande. Car Il y a services et services.


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