14
Les Trente Glorieuses
Il y a eu, après la Deuxième Guerre mondiale, entre la
construction et la chute Mur de Berlin (1948-1989) une période dont
on a par la suite surnommé le coeur les « Trente glorieuses»
(1950 1980 ). Il faut faire le constat que JAMAIS, ni avant ni après,
la société n'a évolué de façon aussi
favorable que durant cette période de félicité. Pourquoi
? D'où est venu cet état de grâce ? Bien des facteurs
ont convergé, que nous voyons dans d'autres textes, mais le plus
significatif semble avoir été l'accord de la classe dominante
à une redistribution de la richesse.
Une redistribution plus important que celle jugée habituellement
nécessaire, mais suffisante, pour garder la demande effective et
maintenir le niveau de consommation au seuil où ce qui est produit
peut être vendu et où donc on évite la crise. De quel
volume de transfert de richesse parle-t-on ? La valeur de l'argent pouvant
varier, c'est le pourcentage de la richesse détenue par les diverses
strates de la société qui est instructif.
L'image choc que l'on peut retenir de ce transfert massif de richesse,
c'est que le "Un pour cent" (Top 1% ) de la population des U.S.A.,
qui possédait 45% de la richesse totale du pays en 1929, n'en possédait
plus que 19 % en 1976. C'est plus du quart de la richesse qui est déplacée.
Si on applique cette opération aux chiffres d'aujourd'hui, c'est
comme si l'on transportait 11,5 trillions des 43 trillions de la richesse
actuelle des USA , donnant plus de USD$ 35 000 à chaque citoyen,
à l'exception du 1% le plus riche, lesquels s'appauvriraient évidemment
de cette opération, mais n'en demeureraient pas moins 25 fois plu
riches en moyenne que ceux à qui ils viendraient de consentir ce
généreux cadeau.
C'est cet énorme transfert qui s'est fait, surtout dans les
année ''70, par une augmentation des salaires, bien sûr, mais
surtout par une inflation musclée jointe à une fiscalité
progressive qui, jusqu'en 1982 environ, lorsque Reagan a renversé
la vapeur, jouait tout entière au profit des travailleurs, des entrepreneurs
et des petits propriétaires et au détriment du capitaliste.
En effet, si l'on vous donne 6% d'intérêt sur votre capital
et que l'impôt vous en prend la moitié, pendant que l'inflation
en rogne 6% de la valeur totale, il est clair que vous n'êtes pas
sur la voie marxiste de la concentration de la richesse... Simultanément,
distribuant la richesse sous une autre forme, la plupart des pays occidentaux,
durant cette période, ont aussi mis en place des structures de services
sociaux gratuits : éducation, santé, pensions de vieillesse,
etc. Les écarts de la richesse réelle, tels qu'ils s'expriment
par une consommation inégale des services,se sont aussi considérablement
réduits.
Le "comment" est évident, mais "pourquoi"
ce consentement au partage à cette époque ? Pourquoi cette
oasis de mansuétude au sein du Sahara d'exploitation qu'a toujours
été la relation entre les puissants et les faibles ? Le facteur
le plus significatif a sans doute été l'émergence
et l'arrivée au pouvoir à cette époque de cette nouvelle
d'intervenants que nous avons appelés les managers, mais il y en
a eu d'autres, tant endogènes qu'éxogènes à
la société qui en a bénéficié et c'est
sans doute leur action conjuguée qui a permis cet intermède.
La collaboration entre pauvres et riches qui s'est alors établie
en Occident, pour que tous s'enrichissent ensemble et non au dépens
les uns des autres, a été encouragée par trois (3)
facteurs circonstanciels. Le premier était le rythme inouï
de croissance que l'on pouvait attendre d'une technologie développés
pour la guerre, mais prête désormais à produire ses
effets sur la production. Les gains de productivité étaient
énormes.
La croissance économique à laquelle on était en
droit de s'attendre ferait que mieux partager la richesse ne signifierait
pas enlever quoi que ce soit à qui que ce soit, mais simplement
donner à ceux qui avaient moins une plus large part du là
richesse supplémentaire que l'on créait tous les jours. On
vivait un âge d'or. Ce sont des surplus qu'on voulait partager.
Le second facteur, surtout aux USA, était la corde du patriotisme
et de la peur que l'on faisait vibrer en se servant de la menace, fictive
ou bien exagérée, de la Russie communiste, à laquelle
semblait devoir ce joindre celle d'une Chine qui suivait la même
voie. La hantise du « Péril Rouge » prétendait
justifier une forme d'union sacrée contre l'ennemi.
Le troisième était l'occasion exceptionnelle de profit
pour tous que laissait entrevoir la vulnérabilité d'un Tiers-Monde
en gestation, riche en ressources naturelles, mais pauvre en compétences
et sans aucune force militaire significative. Un mode qu'on était
a rendre « indépendant », mais d'une indépendance
bien soumise, et qui semblait ne demander qu'à être exploité.
Ces circonstances rendaient acceptable une redistribution de la richesse
qui était elle-même nécessaire à la croissance
qui rendrait une plus grande distribution possible. Tout était là
pour favoriser une redistribution et la politique des managers au pouvoir
était de procéder à cette redistribution. Il n'y avait
qu'à vivre l'Âge d'Or.
L'Age d'Or est bien venu et a même duré plus que ces trente
années qu'on a dites glorieuses. Dès le départ, toutefois,
des signes sont apparus indiquant que cet état de grâce ne
serait pas éternel et, surtout, qu'il ne ressemblerait pas tout
à fait à ce que l'on avait prévu. Une crise différente
des autres s'est manifestée. Une crise bien perverse.
SUITE