[Ce texte prend comme exemple le cas du Québec. Je ne crois pas que les non-Québécois que la chose politique intéresse aient beaucoup de mal à en transposer les recomandations ]

 

LES CHEMINS DE LA DÉMOCRATIE




Seul un gouvernement devenu vraiment démocratique pourra mettre en place une Nouvelle Société, ou tout au moins les éléments d'une Nouvelle Société qui peuvent l'être impunément par un État dit "souverain" dans le contexte d'un monde encore majoritairement néo-libéral. Le premier pas vers un monde meilleur, nous l'avons dit (Texte 906), c'est donc de transformer la structure politique pour assurer l'imputabilité et la responsabilisation des vrais décideurs.

Cette transformation passe par ce que nous avons appelé la démocratie contractuelle (DC). Plusieurs documents de ce site (Section 6) expliquent la DC; en résumé, il s'agit d'un gouvernement de type présidentiel, élu sur la foi d,un programme, et qu'une assemblée législative constituée de députés sans affiliations partisanes a le pouvoir de révoquer s'il n'applique pas ce programme.

On pourrait appeler ce régime autrement ou en modifier certains aspects marginaux, mais, essentiellement, c'est vers ce type de gouvernement que nous allons; il faut donc se garder des discussions oiseuses sur l'accessoire que le Système cherchera à susciter afin d'empêcher le débat sur l'essentiel et l'avènement d'une démocratie vraie. Évitons ce piège en acceptant la DC telle qu'elle est présentée aux textes de la Section 6 de ce site; quand une vraie démocratie aura été implantée, on aura tout le loisir d'en modifier les détails.

Avant tout, il faut rétablir la démocratie. Tous ceux qui se veulent des agents de changement devraient donc, en priorité, diffuser avec diligence le concept de la DC. Le faire connaître. Le défi, en effet, n,est même pas de convaincre la population du bien-fondé de cette approche: 73 % des gens s'y rallient spontanément dès qu'ils en sont informés! Le défi, c'est de faire connaître la DC, de rendre la population consciente de ce vaste consensus qui existe déjà et de démontrer que la DC est non seulement souhaitable mais tout à fait réalisable à très court terme. Il faut, avant tout, que ce travail de diffusion soit mené à bien.

Dès que ce travail de diffusion produit ses fruits et qu'une fraction significative de la population a été conscientisée, toutefois, le moment vient de donner suite à ce consensus et d'installer les mécanismes qui feront de la DC une réalité. Quels sont ces mécanismes ? Comment installe-t-on une nouvelle approche comme la DC ? Aussi simplement que par un vote majoritaire des députés au Parlement du Canada, ou même des députés à l'Assemblée nationale, puisque celle-ci dispose déjà de tous les pouvoirs requis pour effectuer ce type de changements au Québec. Il y a trois (3) façons d'obtenir qu'une majorité des députés au Parlement et/ou à l'Assemblée nationale votent le passage à un régime de démocratie contractuelle.

La première voie: la récupération du concept

La première voie, c'est qu,un des deux partis traditionnels (lire: qui a une chance de prendre le pouvoir) décide d'en faire sa politique officielle et obtienne des électeurs la majorité des sièges qui lui permettra de réaliser ce changement. Ceci semble un but facile à atteindre, puisque des sondages ont révélé que la DC est une initiative populaire et qui serait donc électoralement rentable. Pourquoi le Parti Libéral ou le Parti Québécois ne monteraient-ils pas ce cheval de bataille? Il paraîtrait raisonnable que les DEUX partis rivalisent d'ardeur pour s'identifier à ce changement...

En fait, il est vrai que 73% de la population réagit favorablement à la DC mais le parti qui prendrait cette voie devrait trouver une niche à la plupart de ses ministres (sans compétences spécifiques) et à ses députés de l'arrière-banc que leur identification à un parti écarterait sans doute d'une carrière de représentants du peuple indépendants lorsque la démocratie contractuelle aurait été mise en place. Il n'est pas facile, pour un parti, d'annoncer à ses ministres et députés que leurs services ne sont plus requis.

Pas facile, mais pas impossible, car cette mise à pied des élus-poteaux va alors de paire avec une montée en puissance des chefs de partis et de leurs conseillers et organisateurs. Malgré cette difficulté du recyclage nécessaire de bien des "hommes politiques" que pose la récupération du concept DC par un parti traditionnel, c'est donc néanmoins cette façon d'instaurer la DC qui a le plus de chances de se réaliser.

Cette récupération est possible; elle exige, toutefois, que de sérieuses pressions s'exercent qui donnent aux élites des partis en place le courage de prendre cette décision et l'occasion de faire cette purge de leurs éléments désuets. Ces pressions, c'est la menace latente que la DC puisse s'installer "autrement" qui les appliquera. La menace, d'abord, qu'un nouveau parti dont tout le programme se résume à faire ce seul changement puisse se constituer et recevoir de la population le mandat de le faire; la menace, aussi, qu'une situation particulière suscite une fronde de députés de diverses allégeances et que ceux-ci forment une majorité circonstancielle le temps de voter le passage à la DC sans tenir compte des instructions de leurs partis respectifs.


La seconde voie: la création d'un Parti DC

N'est-il pas contradictoire de créer un parti dans le seul but de mettre fin à l'asservissement des députés à des partis politiques? Pas si on pose comme prémisse que la création et le succès, même mitigé, d'un parti créé exclusivement pour instaurer la DC constituerait un puissant moyen de pression pour amener les partis traditionnels à se compromettre en faveur d'une démocratie responsable. Créer un parti précaire visant à instaurer la DC peut avoir son utilité; il convient donc de préciser les moyens de poser ce geste ainsi que les contraintes auxquelles on devrait astreindre cette démarche pour assurer sa crédibilité.

D'abord, un Parti DC doit s'afficher sans équivoque comme un regroupement d'opportunité, ne jouant le jeu du système électoral actuel que le temps de le changer, sans plus. (Il existe déjà à Ottawa le précédent du Bloc Québécois). Un Parti DC n'a donc pas de programme et il ne fait qu'une seule promesse: promouvoir l'instauration de la DC, puis se désister en bloc (sans jeu de mots), dès que celle ci est en place, au plus tard dans les 90 jours suivant l'adoption d'une loi permettant une nouvelle élection selon les règles de la démocratie contractuelle.

Autre condition essentielle et qui découle de la première, les candidats DC ne sont pas là pour gouverner; ils n'ont pas à émettre d'opinions sur quelqu'autre thème que l'instauration de la DC. Qu'arrive-t-il si des députés du Parti DC sont élus, mais en nombre insuffisant pour instaurer la DC? Quelle doit-être leur attitude au Parlement ou à l'Assemblée nationale? Dans cette situation, les députés élus sous l'étiquette DC auraient pour mission de fournir le modèle de ce qui devrait être le comportement des députés indépendants élus en régime de démocratie contractuelle: être impartiaux, sans préjugés et à l'écoute objective des propositions du gouvernement.

Leur attitude à l'Assemblée nationale serait de voter avec le gouvernement en tout ce qui facilite l'exécution du programme que celui-ci a proposé à la population, contre le gouvernement en tout ce qui contredit ce programme ... et de poser inlassablement des questions sur les promesses qui ont été faites à la population et ne sont pas tenues. Les députés du Parti DC seraient là pour faire comprendre à la population que ses représentants, face au gouvernement, ne sont ni des marionnettes ni une Opposition systématique mais les gardiens de la démocratie, disponibles pour entendre, comprendre, réfléchir et juger.

Pourquoi réunir en un Parti d'opportunité d'éventuels candidats DC puisque, en principe, les députés ne devraient accepter aucune allégeance? Pour éviter le morcellement du vote favorable à la DC entre une myriade de candidatures se réclamant peu ou prou de la DC et de n'importe quoi, candidatures que fomenteront évidemment les partis traditionnels dès qu'ils se sentiront menacés. Un Parti DC n'a d"autre but que d'éviter ce piège en conférant l'investiture DC à un candidat et un seul par circonscription électorale. Ceci doit être la seule raison d'être d'un Parti DC.

Parce qu'il n'a pas d'autre raison d'être que de désigner des candidats - et qu'il ne peut introduire des critères qualitatifs à son processus de sélection, sous peine de substituer son jugement à celui de la population et de devenir un parti au sens traditionnel - un Parti DC doit astreindre ses mécanismes de désignation des candidats DC à des règles rigides, évitant ainsi l'arbitraire et même tout soupçon d'arbitraire.

Le processus de sélection des candidats DC est donc volontairement dépersonnalisé, automatisé dans la mesure du possible, même si ceci a pour conséquence que le candidat DC dans chaque circonscription ne soit pas nécessairement le "meilleur" candidat et que certains candidats DC puissent même être franchement mauvais... Ceci est un sacrifice de la qualité qu'il faut consentir, au moment de l'élection de ce qui deviendra une Assemblée exclusivement constituante, pour garantir que la mise en place de la DC ne sera pas viciée dès le départ par des manipulations, des jeux de pouvoirs et des intérêts personnels.

C'est l'élection subséquente selon les règles de la DC qui séparera le bon grain de l'ivraie. Lors des élections suivantes qui seront menées selon les règles de la DC, en effet, sera candidat qui voudra et chacun le sera sans étiquette. Répétons-le: c'est uniquement pour les fins de l'élection d'une assemblée constituante dont la mission se limitera à instaurer la DC qu'un Parti DC est nécessaire.

Comment deviendra-t-on candidat du Parti DC, dans une circonscription X, pour les fins de cette élection bien particulière? En en manifestant d'abord l'intention par écrit au Secrétariat du Parti DC et en s'engageant à respecter les conditions imposées pour le devenir. Les formules pour ce faire apparaîtront en mars 2003 au Texte 907a de ce site.

Celui qui se sera ainsi manifesté recevra confirmation du Secrétariat du Parti DC à l'effet qu'il est considéré comme un aspirant candidat DC dans la circonscription X, sous réserve de l'appui populaire dont il peut faire la preuve. Pour faire la preuve de cet appui populaire, l'aspirant candidat devra fournir la plus longue liste possible d'électeurs de la circonscription X soutenant sa démarche à l'investiture comme candidat du Parti DC.

Attention ! Il ne s'agira pas d'inscrire des noms sur une feuille; chaque électeur qui soutient la démarche d'un candidat à l'investiture devra fournir adresse, numéro de téléphone, numéro d'assurance sociale et signer, affirmant solennellement qu'il n'a soutenu et ne soutiendra aucun autre aspirant à la candidature du Parti DC dans sa circonscription. L'original de cette déclaration de soutien est envoyé au Secrétariat qui en fera la vérification.

Le travail de l'aspirant candidat n'est pas de vendre des cartes de membres ni de recueillir des fonds, ceci est une autre histoire. Son travail, c'est de diffuser le concept de la DC et de se rallier des appuis. Le lendemain du jour où les élections seront annoncées, la compilation des déclarations de soutien reçues par chaque aspirant sera faite par un bureau de comptables reconnu mandaté à cette fin par le Secrétariat. L'aspirant qui aura réuni le plus grand nombre de supporters dans une circonscription sera désigné comme le candidat officiel du Parti DC dans cette circonscription. Sans discussions. Sans exceptions.

Dès que le candidat sera connu, les autres aspirants, conformément à l'entente prise qu'ils auront prise à cet effet (907a), annonceront publiquement qu'ils se rallient au candidat DC choisi et en aviseront leurs supporters actifs. Ils communiqueront avec le candidat choisi et mettront à sa disposition toute organisation embryonnaire qu'ils auraient déjà mise en place.

Le candidat choisi en aura bien besoin, puisque les facilités qu'une vraie démocratie lui fournirait d'office pour se faire connaître et passer son message (Section 6) n'existeront pas encore et que le candidat sera entièrement livré à lui-même pour sa campagne, sa publicité et son financement. Le Secrétariat du Parti DC ne pourra lui offrir qu'un site Internet et une message téléphonique d'information pré-enregistré.

En procédant de cette façon mécanique, "déshumanisée", on évite la critique du choix arbitraire des candidats. En décidant d'agir ainsi sans discernement (au sens littéral du terme), on risque inévitablement que certains candidats choisis soient peu fréquentables ou s'avèrent seulement les pions en service commandé d'un parti traditionnel qui aura voulu saboter la démarche DC. Ceci n'est pas très important, dans la mesure où il est clair qu'il n'y a RIEN en commun entre les candidats DC sauf leur soutien à la DC. Chaque candidat DC a droit à ses opinions personnelles, sous réserve de ne pas les afficher comme si celles-ci étaient des éléments de la DC et de ne faire campagne que sur son engagement à promouvoir la DC et à juger impartialement, s'il est élu, des propositions éventuelles du gouvernement.

Si on découvrait qu'un candidat DC est un néonazi, un pédophile - ou simplement un peu facétieux - ceci n'enlèverait rien à la valeur des autres candidats DC, ni à celle du concept lui-même, pas plus qu'un faux billet de banque ne diminue la valeur des autres billets dans votre portefeuille. La population portera sur chaque candidat le jugement qu'elle croit qu'il mérite et jugera aussi à son mérite du comportement des autres partis qui auraient contribué à ce qu'un candidat non valable soit ainsi désigné comme candidat du Parti DC.


La troisième voie : la fronde

Bien qu'elle soit improbable, le risque d'une mutinerie de leurs troupes est aussi une menace qui pourra pousser les partis politiques traditionnels à récupérer le concept de DC avant que celui-ci ne soit appliqué sans eux ou malgré eux. Il faut voir les circonstances qui conduiraient à une fronde.

D'abord, il faut comprendre un fait. Qui a le pouvoir formel d'instaurer la DC au Québec? La majorité des 125 députés élus à l'Assemblée nationale. Bien qu'il ne faille pas négliger le nombre ni la brutalité des forces qui peuvent s'exercer sur eux pour tenter de les en empêcher, il faut garder en mémoire que les 125 députés élus à l'Assemblée nationale ont, à tout moment, le DROIT d'instaurer la DC. Ils ont ce droit quelle que soit et quelle qu'ait été auparavant leur appartenance partisane.

Le groupe-cible d'une démarche pour mettre en place la DC est donc, en dernière analyse, la députation à l'Assemblée nationale; toute action entreprise ne vise qu'à faciliter aux députés le choix de voter le passage à la DC. Un député élu sous l'étiquette d'un Parti DC aura un engagement en faveur de la DC, bien sûr, mais il ne votera le changement que si celui-ci rallie une majorité des députés. Un député élu sous l'étiquette d'un parti d'opposition, voire un député du parti au pouvoir mais ignoré au moment de la distribution des portefeuilles, ne fera pas, au fond, un calcul tellement différent.

La conséquence de ceci est qu'une mutinerie de députés des partis traditionnels devient possible dès que le parti ministériel n'a pas une majorité des sièges à l'Assemblée et que les députés du Parti DC, détenant la balance du pouvoir, peuvent à tout moment causer la chute du gouvernement. Pour un député ministériel obligé de retourner devant l'électorat quand l'Assemblée est dissoute, le choix de le faire comme candidat indépendant dans un régime de démocratie contractuelle peut apparaître plus avantageux que de se représenter comme candidat d'un parti qu'on vient de mettre en minorité parce qu'il ne respectait pas ses promesses. Selon les résultats des sondages, il n'est pas exclus qu'au moment de vérité certains députés de l'Opposition fassent aussi quelques calculs...

En fait, il n'est même pas nécessaire que le Parti DC ait la balance du pouvoir. Dès qu,il apparaît que la DC peut être une alternative réaliste - si, par exemple, quelques députés DC sont élus et qu'un pourcentage significatif du vote populaire (20 %) est acquis à cette option - chaque député des partis traditionnels ne peut que songer sérieusement à en être partie prenante et, en affirmant immédiatement son indépendance des directives de son parti, à ménager son avenir dans un régime de DC où les députés devraient être sans allégeance.

Ceci lui est d'autant plus facile que cette prise de position ne l'oblige à renier aucun de ses principes. Le Parti DC n'a pas de programme, et est neutre sur toutes les questions qui opposent normalement les protagonistes du jeu politique traditionnel; le député d'un parti qui vote la DC malgré les instructions de son whip ne trahit pas son parti, il se dissocie simplement de ce qu'il juge une décision ponctuelle erronée. Il pourra rester loyal à "son" parti lors de l'élection subséquente du gouvernement (Exécutif) sous un régime de démocratie contractuelle.

Une fronde par la défection de leurs "backbenchers" et le vote de ceux-ci pour la DC devient dès lors une menace constante pour le Gouvernement. Cette menace fluctue au gré des sondages, lesquels, entre deux élections, favorisent toujours le changement. Un putsch est toujours possible.

On voit que les trois voies d'accès à la DC sont largement complémentaires. Les efforts faits dans une direction servent à favoriser aussi le progrès des autres solutions possibles. Tout succès d'un Parti DC augmente les risques de fronde au sein des autres partis et cette menace même peut servir de prétexte aux organisations centrales de ces autres partis qui souhaiteraient se délester du bois mort et ramener leur parti à la dimension d'une équipe.... comme le propose la démocratie contractuelle.

Tous les efforts pour instaurer la DC, dans une voie ou dans l'autre, convergent et se renforcent donc. La clef passe-partout, c'est d'obtenir 20% du vote populaire et, idéalement, l'élection de quelques députés d'un Parti DC... Est-ce un scénario réaliste ou une totale fiction ? Nous en parlerons bientôt.

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Pierre JC Allard

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