LA PRODUCTION DANS UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ
C'est le travail qui crée la richesse et la production EST la
richesse. Quand on échappe à la fascination du miroir monétaire,
on voit clairement qu'on ne peut satisfaire aux besoins des gens qu'en produisant
ce dont ils ont besoin. Les trillions de dollars et d'euros qui volent d'un
écran d'ordinateur à l'autre, et les mètres cube de
billets de banque qu'on imprime, servent au divertissement des riches mais
ne nourrissent personne. Si une Nouvelle Société ne peut produire
plus et distribuer mieux, elle ne sera pas la solution que l'on attend.
Le système de production et de distribution d'une Nouvelle Société
se distingue de celui de la société actuelle sur plusieurs
plans. Ses postulats et principes sont différents, ses objectifs
sont différents et, si les mêmes acteurs sont présents,
les rôles qu'on leur attribue sont substantiellement modifiés.
Enfin, ce n'est pas une coterie de banquiers qui oriente désormais
la production, mais l'État, dirigé par un gouvernement démocratiquement
élu.
1. Les postulats et principes
Le contrôle de la production, dans une Nouvelle Société,
repose sur certains postulats et principes.
1. La révolution industrielle, suivie de la révolution
informatique, ont créé une situation où il est désormais
non seulement possible mais techniquement trivial de produire tous les biens
matériels dont a besoin la population de la planète, non seulement
pour sa survie mais pour une confortable aisance. Il y en a pour tout le
monde. Bien sûr, il faut mettre un frein à l'expansion démographique
débridée et il faut prévoir des alternatives aux ressources
non-renouvelables qui s'épuisent, mais le problème de la pauvreté
n'est pas au palier de la capacité de production. C'est la distribution
qui est en faute.
2. On ne peut créer une richesse supplémentaire réelle
de biens et de services que par le travail. Plus précisément,
en ramenant au travail ceux qui ne travaillent pas. Quiconque peut et veut
travailler doit pouvoir le faire et à celui qui ne le veut pas la
société n'a rien à donner. Cette création de
richesse nouvelle qui résulte d'un retour au travail doit bénéficier
aux nouveaux travailleurs puisque ce sont eux qui la produisent ; l'écart
entre riches et pauvres en est donc d'autant diminué et il y a redistribution
RELATIVE de la richesse. Cette redistribution relative nourrit ceux qui
en profitent, mais sans rien enlever à personne.
3. Toute valeur étant ajoutée par le travail, il est normal
que soit distribuée à ceux qui ont exécuté ce
travail, sous toutes ses formes, une valeur égale à celle
du produit et qui doit donc en permettre l'acquisition. Si la remise au
travail de tous les travailleurs valides ne suffit pas à rendre effective
la demande pour tout ce qui est nécessaire à la satisfaction
des besoins essentiels, c'est qu'une hausse générale du pouvoir
d'achat du travail s'impose ou que des correctifs doivent être apportés
au rapport entre les rémunérations de divers types de travail.
4. Une remise au travail exige la réaffectation du capital, mais
ne suppose pas sa confiscation, Une Nouvelle Société le voudrait-elle,
d'ailleurs, que la richesse monétaire qu'elle confisquerait terminerait
sa précaire vie virtuelle au moment où l'on s'en saisirait
et s'évanouirait en fumée. En renonçant à l'agitation
spéculative stérile actuelle et en revenant à une véritable
production de biens et services, on recrée au contraire du même
coup la demande effective sans laquelle les « riches » eux-mêmes
ne peuvent plus acquérir davantage de richesses réelles.
5. Le passage vers une Nouvelle Société ne doit pas faire
de perdants. Tous ceux, riches ou pauvres, qui perdent au changement doivent
être totalement indemnisés des dommages réels qu'ils
encourent et raisonnablement compensés du manque à gagner
légitime dont il sont privés. Quand un examen objectif de
la situation le suggère, il faut respecter non seulement tous les
droits mais aussi certains privilèges acquis. La société
tout entière doit être solidaire du changement et une structure
fiscale adéquate doit voir à ce que tous supportent les coûts
d'indemnisation et de compensation, chacun selon ses moyens, comme chacun
selon ses moyens doit contribuer au remboursement de la dette publique
6. Une Nouvelle Société est dirigiste et entrepreneuriale.
L'État démocratiquement élu oriente la production en
fonction d'un plan qui hiérarchise les besoins et privilégie
donc l'atteinte de certains objectifs. Le lien est cependant maintenu -
et même établi là où il n'existe pas encore -
entre résultats et rémunération, transformant en entrepreneurs
la majorité des travailleurs tout en leur garantissant un revenu
stable en échange de leur disponibilité au travail.
7. Le dirigisme d'une Nouvelle Société ne s'exprime pas
par des contraintes ou des ordres mais par une politique proactive faisant
que nulle production ne soit plus profitable pour l'entrepreneur que celle
qui correspond au plan établi par l'État. Il faut que l'intérêt
public soit toujours placé dans la trajectoire qui mène chaque
producteur vers son plus grand profit et soit parfaitement incontournable.
8. Toute situation de monopole privé ou public restreint le choix
du consommateur et diminue la motivation à l'innovation du producteur.
Il faut l'éviter dans la mesure du possible. Quand le volume de production
et sa nature ne permettent pas d'alternative au monopole, une NS en pallie
les effets négatifs en suscitant une concurrence entre équipes
de gestion pour exercer le contrôle sur ce monopole ou entre équipes
de travail au sein de l'entreprise monopolistique pour en participer aux
profits.
9. La société ne donne rien à l'individu valide
sinon en échange d'un travail. Un programme de revenu/travail garanti
couvre tous les besoins des travailleurs et se prolonge pour assurer leur
retraite, alors qu'une assurance universelle en vigueur dès la naissance
procure un revenu aux handicapés et invalides qui remplace ou complète
celui que leur travail leur aurait procuré. Durant la période
de transition vers un nouveau système de production et un nouveau
régime du travail, cependant, une Nouvelle Société
n'hésitera pas, à accorder aux défavorisés un
crédit à la consommation que sa politique financière
lui rendra facile à gérer et dont son contrôle du travail/revenu
garanti lui garantira le remboursement.
10. Quiconque détient un moyen de production a non seulement
le droit de l'exploiter mais le devoir de le faire de la façon la
plus efficace et d'en tirer le meilleur profit, ce qui est la preuve de
son efficacité. Plutôt que de rendre publiques les entreprises
inefficaces, une Nouvelle Société s'assure que la gestion
en passe en de meilleures mains en transformant la valeur fiscale que le
propriétaire fixe à son entreprise en &laqno; offre de vente
irrévocable » (OVI) à quiconque en offre le prix ainsi
fixé. Elle s'assure du même coup que l'assiette fiscale correspond
bien à la valeur marchande des entreprises.
11. Le dernier postulat qui est un acte de foi - est que, dans
une situation d'abondance où non seulement tous les besoins, mais
aussi tous les désirs seront éventuellement comblés,
la lutte historique féroce pour accéder à la ressource
rare peut devenir plus sereine ; il ne s'agit plus pour chacun que de positionner
ses désirs dans une file d'attente. On peut donc espérer obtenir,
sans une bataille acharnée, le consensus qui permettra qu'on satisfasse
en priorité aux besoins essentiels. Ceux qui s'y opposeraient sont
ceux pour qui le plaisir consiste à confronter leur aisance à
la misère et ceux-ci n'ont leur place dans aucune société.
2. Les objectifs
À partir de ces postulats et principes, le but d'une Nouvelle
Société est d'installer une capacité de production
complémentaire à celle dont nous disposons déjà
afin de pouvoir répondre aux besoins et aux désirs de tous.
Ses objectifs de production sont de produire d'abord pour répondre
aux besoins essentiels, puis de s'attaquer à la tâche de répondre,
sans en exclure aucun, aux désirs et aux caprices de tous dont la
satisfaction peut dépendre d'une production de biens et services
légitimes.
Ce but et ces objectifs s'opposent en partie à ceux du système
de production néo-libéral qui sont uniquement de produire
pour la demande effective. Dans une Nouvelle Société, la demande
effective ne devient pas un concept désuet et l'on ne pense pas établir
une chimérique égalité ; mais la demande effective
n'est plus perçue comme une donnée de base à laquelle
on doit s'adapter, seulement comme une contrainte et comme la première
variable sur laquelle on agit
Une Nouvelle Société commence sa réforme du système
de production par l'identification et la hiérarchisation des besoins
et désirs dont la satisfaction devient son objectif. Elle utilise
les indicateurs macroéconomiques là où ils sont la
seule source de renseignements possibles, mais procède aussi par
sondages et même, dans les pays développés, par un questionnaire
détaillé dans le cadre d'une enquête exhaustive jointe
au recensement décennal ou quinquennal. On doit quantifier, de la
demande et des besoins, tout ce qui peut l'être.
Connus les besoins, il faut naturellement connaître aussi les
outils dont on dispose pour les satisfaire. L'identification de la capacité
de production par secteurs et par branches d'activité ne pose aucun
autre problème que celui d'obtenir la collaboration des producteurs
au niveau de la cueillette des données. On pourra, quand on le jugera
opportun, raffiner l'analyse en examinant les possibles substitutions d'un
besoin à un autre, l'usage alterne qu'on peut faire des équipements,
les hypothèses de perception subjective des besoins en fonction des
circonstances, etc., etc, mais ces raffinements ne sont pas indispensables
à la mise en place du plan de production dont veut se doter au départ
une Nouvelle Société.
Quand on connaît les besoins et la capacité de production,
non pas dans l'abstrait, mais selon leur nature et quantités, un
plan général de production peut être établi.
Ce qui était une chimère dans l'URSS des années 30
- et un tour de force dans la France d'après-guerre - est aujourd'hui
tout à fait possible avec les moyens techniques dont nous disposons.
Les capacités de traitement de l'information étant ce qu'elles
sont et augmentant au rythme que nous savons, on n'a plus à se contenter
d'un plan statique dont on peut constater périodiquement avec nostalgie
qu'on s'écarte, mais d'un plan opérationnel remis à
jour mensuellement voire, à très court terme, chaque
semaine ! - et auquel peuvent s'adapter les décisions quotidiennes
à prendre.
3. Les acteurs
Quand on connaît les besoins, les ressources et qu'on a dressé
un plan, on peut faire le choix des modalités concrètes de
production qui optimisent l'efficacité d'un système conçu
pour produire ainsi en fonctions des besoins. Mais est-ce à l'État
de le faire ? Les acteurs du système de production actuel sont l'État,
les entrepreneurs, les travailleurs et les financiers. Dans une Nouvelle
Société, l'État assume la fonction des financiers,
ceux-ci n'étant pas dépossédés de leurs avoirs
mais écartés des lignes de décisions. Le travailleur,
d'autre part, dont on souhaite l'initiative et la créativité,
devient de plus en plus autonome et s'assimile peu à peu à
un entrepreneur. Le préjugé favorable d'une Nouvelle Société
à la constitution en centre de profit temporaire de toute équipe
de travail ayant une certaine permanence amène cette évolution
à sa conclusion logique. (Texte 125)
Le plan ayant été mis en place pour un segment de l'économie,
c'est aux entreprises qu'il appartient de choisir les modalités qui
leur permettront de produire plus efficacement, de s'accaparer une plus
grande part du marché dans une situation de concurrence et de réaliser
de meilleurs profits. Au sein même de l'entreprise, ce sont les travailleurs,
regroupés en équipes de travail devenues des centres de profit,
qui détermineront la façon la plus efficace et pour
eux la plus rentable d'atteindre leurs objectifs de production. D'autres
travailleurs, autonomes agissant seuls ou regroupés en entreprises
satellites, seront sous-traitants ou consultants de l'entreprise, lui fournissant
des composantes ou des services.
Quand les circonstances sont telles que l'État doive assumer
la responsabilité directe de la production et/ou de la distribution,
celui-ci tentera de susciter la présence sur le marché d'un
concurrent même modeste qui lui servira en fait de projet témoin.
Si les consommateurs préfèrent ce concurrent, ou si sa rentabilité
est supérieure. Que l'État en tire une leçon et s'améliore.
De même, une entreprise privée peut être plus réceptive
à de nouvelles techniques et a de nouveaux procédés;
elle peut aussi courir des risques financiers qu'il serait inconvenant que
coure l'État avec les fonds publics. Si elle risque et réussit,
il faut qu'elle en retire un gain qui justifie son initiative ; quand elle
a touché son profit, toutefois, sous forme de droits de licence ou
autrement, l'État ne doit pas hésiter à reprendre a
son compte ces initiatives et à en faire bénéficier
toute la collectivité.
La situation inverse offre aussi des avantages. Dans un marché
où un nombre assez restreint d'entreprises privées sont en
concurrence, il n'est pas mauvais que l'État soit aussi présent
sous la forme d'une petite entreprise offrant des biens ou des services
similaires. Il est seulement indispensable alors que cette entreprise d'État
se plie à toutes les règles imposées aux entreprises
privées, qu'elle n'obtienne de contrats du gouvernement que si son
offre est la meilleure et qu'elle n'opère jamais sans dégager
un profit conforme aux usages du secteur.
Si obéissant à ces exigences une entreprise sous contrôle
de l'État a la préférence des consommateurs et/ou obtient
une meilleure performance, selon les indicateurs acceptés en semblables
matières, il faudra s'interroger sur la qualité ou le comportement
des entreprises concurrentes du secteur privé, en n'écartant
aucune hypothèse dont celle de la collusion entre elles. Si aucun
autre remède ne semble adéquat, l'expropriation de l'une ou
plusieurs de ces compagnies ne doit pas être exclue, sous réserve
d'une revente au secteur privé après que l'exploitation en
aura été rendue plus rentable et plus avantageuse pour le
public.
4. Les contrôles
Lorsque les objectifs de production sont fixés, il faut les atteindre.
Le gouvernement que se choisit démocratiquement une société
a le mandat de satisfaire les besoins de celle-ci et progressivement de
l'enrichir. Pour s'en acquitter, il ne doit pas nécessairement produire
mais plutôt faire produire en orientant la production. Choisissant
cette voie de laisser la plus grande partie de l'initiative au secteur privé,
il doit mettre en place les contrôles requis pour s'assurer que les
entreprises accomplissent leur mission.
Les contrôles mis en place sur les diverses composantes du système
doivent l'être uniquement en fonction de leur capacité à
en mettre en lumière l'efficacité. Ceci semble d'une bête
évidence, jusqu'à ce qu'on prenne conscience de la myriade
de contrôles qu'on impose aujourd'hui aux entreprises et dont l'utilité
à cette fin est douteuse.
Dans une Nouvelle Société, beaucoup de contrôles
sur les entreprises de production disparaissent. D'autres persistent, mais
c'est l'État qui en assume les aspects fastidieux. Ainsi, toute la
politique de main-d'oeuvre et de rémunération du travail salarial
est complexe, mais elle est traitée par le Ministère des ressources
humaines. Pour l'entreprise, cette complexité n'impose rien si ce
n'est de compléter régulièrement un questionnaire en
ligne sur le site Internet de l'État. Dans le cadre de ses activités
quotidiennes, l'entreprise retrouve sa liberté d'action face à
la main-d'uvre : elle embauche selon ses besoins et licencie sans contrainte
5. La structure
La structure d'un système de production est complexe, comme le
sont ses mécanismes de fonctionnement et les moyens de contrôle
que l'État doit y insérer. Nous avons donc traité ces
thèmes en trois textes distincts, consacrés respectivement
au secteur primaire auquel nous avons ajouté quelques éléments
liés à l'utilisation des sols texte 711,
au secteur secondaire, recoupant industrie et construction texte 712,) et
au secteur tertiaire (Texte 713).
Une Nouvelle Société, qui se veut pragmatique, ne mettra
évidemment la dernière main à son plan d'action et
à sa structure de production qu'au vu des circonstances qui en permettront
respectivement la réalisation et la mise en place. Ces trois (3)
textes n'ont donc d'autre prétention que d'énoncer les principes
généraux à partir desquels les structures correspondantes
devraient être conçues. Ce sont des modèles pour un
futur immédiat.
Quand une Nouvelle Société sera solidement implantée,
il y aura d'autres changements à apporter aux mécanismes de
production et de contrôle de la production et ils apparaîtront
alors clairement. Il faudra alors les apporter sans retard, car la qualité
essentielle d'une Nouvelle Société sera de se savoir indéfiniment
imparfaite et donc non seulement d'accueillir, mais d'inviter le changement.
Enfin, une dernière mise en garde. Nous avons dit maintes fois
sur ce site que les principes d'une Nouvelle Société sont
applicables dans tous les pays développés ou VRAIMENT en voie
de développement, comme la Chine, par exemple. Dans les pays sous-développés,
une étape préliminaire est nécessaire avant qu'on ne
puisse le faire. Comment parler d'autodidaxie ou d'autodiagnostic dans un
pays d'analphabètes ? On peut et l'on doit penser à une Nouvelle
Société globale, mais c'est en posant toujours comme base
que celle-ci se donnerait justement pour priorité d'amener les pays
les plus pauvres au niveau où ils pourraient commencer à mettre
sérieusement en application les propositions NS.
L'écart énorme entre pays développés et
sous-développés est particulièrement évident
lorsqu'on discute de production, surtout de production dans le secteur primaire.
Nous consacrons donc quelques lignes dans le texte 711
aux effets que pourrait avoir l'application en pays sous-développés
des méthodes que nous proposons concernant l'agricultrure ,si on
n'y introduit pas en meme temps les autres regles d'une Nouvelle Société
Pierre JC Allard
Economiste