07.06.02
OUI, dans ma cour...
Le bar gai Le Stud refuse l'admission aux femmes. Illégal. Scandale
! La Longueuilloise Audrey Vachon a porté plainte à la Commission
des droits de la personne après s'être fait demander de quitter
le bar. L'animatrice de Rythme FM, Marie-Hélène Proulx, a
invité ses auditrices à un 5 à 7 au Stud pour dénoncer
la situation. « Il ne faut pas que le quartier gai devienne un ghetto
d'hommes», explique-t-elle.
Comment peut-on, à la fois, avoir raison et tellement tort !
Parce qu'il est évident que tout endroit public doit être
ouvert à tous et qu'on ne peut y tolérer aucune exclusion, mais
il est normal, aussi, dans une société, que ceux qui se ressemblent
veuillent parfois se rassembler. Personne ne veut qu'on lui dicte avec qui
il doit passer ses soirées.
Pour ma part, je veux, comme tout le monde, pouvoir inviter à
ma table qui je veux ... et seulement qui je veux. Je ne veux pas que
le droit à être différent, pour lequel on a tant lutté,
soit brimé par l'obligation d'avoir toujours avec soi en public
le lambda moyen qui serve de caution à la rectitude politique.
Je n'apprécie pas plus qu'on créé des situations
équivoques où, au nom du droit de tout le monde d'aller n'importe
où, on cherche en fait à marquer des points pour sa propre
supposée marginalité affichée aux dépens de
celle des autres. Ainsi, il y a quelque chose de pas tout à fait
honnête à laisser entendre que les clients du Stud ont un préjugé
contre les femmes, alors qu'il est bien évident qu'ils ne veulent
qu'être entre eux.
Il faut distinguer entre ce qui est le rejet des autres et le simple
choix de se retrouver avec qui l'on veut. Il est inapproprié et un
peu inconvenant d'assimiler à des ghettos, comme le fait Marie-Hélène
Proulx, les endroits ou des quartiers où les gens d'une minorité
CHOISISSENT de se confiner ? Hampstead ne répond pas à la
connotation usuelle d'un ghetto.
Il est facile de passer du « un peu inconvenant » au vraiment
bête. La prochaine étape sera-t-elle qu'il est injuste, que
de deux WC ou vestiaires à la piscine, l'un soit réservé
aux femmes et l'autre aux hommes ? Ce pourrait l'être, bien sûr,
si les commodités offertes à certain étaient systématiquement
de moindre qualité, mais quelqu'un le prétend-il ?
Et qu'en est-il des simples codes vestimentaires ? Le port du chapeau,
en situation courante, étant tout à fait discrétionnaire,
mes droits humains sont-ils en péril, si l'on me demande d'enlever
mon chapeau dans un église ou de le mettre dans une synagogue ? Le
ridicule ne tue pas. Il ne peut même pas servir de prétexte
à enfreindre la loi. Mais est-ce qu'un « accommodement »,
ici, ne serait pas raisonnable ?
Je trouve déraisonnable que des femmes cherchent à s'immiscer
dans un groupe d'homosexuels mâles sans y être invités,
comme je trouverais inacceptable que des hommes cherchent à s'introduire
aux ébats d'un groupe de lesbiennes. Le voyeurisme n'est permis qu'entre
adultes consentants.
Si, comme je le pense, l'invasion du Stud ne vient pas d'un désir
de participer, mais d'une volonté de perturber, je trouve malsaine
cette démarche pour souligner grossièrement que la femme a
le droit d'aller n'importe où. Ce droit n'est plus contesté.
Je trouve désolant qu'à ce droit maintenant conquis
ne vienne pas toujours se greffer spontanément la bienséance
de ne pas en abuser.
Comme tant d'autres, je me suis laissé porter avec enthousiasme
par la grande marée qui, depuis les années soixante, a permis
d'extirper les préjugés et d'assurer le respect à ceux
dont le comportement est perçu comme marginal par la majorité.
Je crois, cependant, que la tolérance a atteint ses objectifs, qu'elle
a été amenée à la ligne des hautes eaux et que
ce fait-divers du Stud en marque l'étale. Si ce mouvement continue
sur son erre, il va mener à des aberrations.
J'ai été un peu agacé, quand j'ai vu que Québec
Solidaire annonçait fièrement « avoir DÉPASSÉ
l'objectif de l'égalité » en désignant plus de
femmes que d'hommes comme candidats aux dernières élections.
On peut dépasser l'objectif du nombre de femmes qu'on s'est fixé,
bien sûr, mais on ne « dépasse » pas l'objectif
de l'égalité : c'est un non-sens.
Pour se donner bonne conscience de ne pas faire ce qu'il faudrait pour
éradiquer les inégalités qui ne demandent qu'à
l'être - comme la pauvreté et l'ignorance - notre société
sans vrai projet, dirigée par des chefs sans desseins, s'amuse, au
nom du « politically correct » à prendre la tolérance
à revers. STOP ! Ça ne va plus. On va sombrer dans le ridicule.
Il faut revenir au bon sens
Comment revenir au bon sens ? Peut-être en redéfinissant
espace privé et public. En reconnaissant que peut exister un espace
privé ouvert au public où l'on a le droit de n'accepter que
ceux qui ont des choses en commun qu'ils veulent partager, pour autant que,
ce faisant, la majorité ne soit pas privée d'obtenir ailleurs
un service équivalent.
C'est le privilège, d'ailleurs, dont jouissent déjà
les clubs privés de toute nature. Il suffit que la loi accepte que
soient simplifiées les règles de membership et d'admission
à ces espaces « à accès réservé
», pour qu'un bar comme Le Stud puisse légalement écrire
à sa porte en gros caractères qu'il n'accepte que les homosexuels
mâles.
Ce qui serait une excellente chose, car la société vers
laquelle on va ne sera pas un creuset « à l'Américaine
» , lequel ne réussit plus, de toute façon, même
l'amalgame de sa minorité hispanique. Nous allons vers un monde où
l'on sera différent, selon l'une ou l'autre d'une multitude de variables.
Cette société devra être, non seulement respectueuse
des différences, mais tolérante des appartenances à
des sous-groupes et des signes par lesquels celles-ci se manifesteront.
Se rencontrer facilement et se réunir publiquement, seuls, entre
gens qui ont quelque chose en commun, est un objectif socialement acceptable
qui ne doit pas être confondu avec une forme de ségrégation
Pierre JC Allard
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