2005/04/02
Un pape et UNE Église
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Jean Paul II est mort ce soir, 2 avril 2005. C'est la fin d'une époque.
Il ne manquera pas de gens pour faire l'éloge ou la critique de l'homme
et de son long pontificat de 27 ans ; ce n'est pas mon propos. Je voudrais
seulement parler de l'avenir.Dans deux ou trois semaines, un nouveau pape
aujourd'hui presque un inconnu deviendra un phare pour un milliard
de catholiques et donc une pièce maîtresse sur l'échiquier
mondial. Pour le meilleur ou pour le pire. Il faut espérer qu'il
portera un jugement lucide sur l'évolution du monde depuis 27 ans.
Que l'on ait ou que l'on n'ait pas la foi et quoi que l'on pense
de la mission de l'Église et de la façon dont historiquement
elle s'en est acquittée il faut être conscient de l'extraordinaire
importance du rôle qu'elle peut jouer MAINTENANT. Il n'existe pas
de plus grande autorité morale sur la planète que celle dont
va hériter cet homme. Il n'existe pas de message plus motivant que
celui du Christ, basé sur l'amour et la charité, pour rallier
la résistance contre le système actuel qui repose sur l'égoïsme
et la cupidité, l'injustice et la violence. Il n'existe pas d'autre
structure crédible, riche, informée, solidement implantée
partout qui puisse mieux encadrer un changement de paradigme. Il n'existe
pas de plus grand potentiel pour le bien que celui dont l'Église
et son prochain chef vont disposer.
Il suffirait qu'il le veuille. Qu'il se donne pour but un monde meilleur.
Qu'il échappe au carcan des idées surannées, des phobies
misogynes et des vésanies moyenâgeuses. Qu'il ne pense qu'à
faire arriver Son règne - qui n'est rien d'autre que le triomphe
du bien sur le mal et à faire Sa volonté, qui est certes
que chacun aime un peu plus son prochain.
Que devrait faire un pape pour que nous ayons un monde meilleur ? D'abord,
battre le rappel inconditionnel de tous ceux qui veulent le bien. Ce serait
un grand jour pour l'humanité, si un pontife mettait fin à
5000 ans de querelles, de croisades et d'inquisitions, en admettant humblement
que nous ne savons RIEN - et ne pouvons rien savoir - de la nature de Dieu et
que l'image de la Cause Première qu'a qui que ce soit en tête
n'est ni meilleure, ni pire, que l'image qu'en a son voisin. En admettant
que même celui qui n'en a pas d'image en tête n'en est pas pour
autant un scélérat, mais manque peut être simplement
d'imagination, et qu'il vaut mieux regarder comment il se conduit que de
chercher à savoir ce qu'il pense.
Ne serait-ce pas merveilleux, si l'on mettait fin à tous les dogmes
qui, à vrai dire, n'intéressent plus que quelques théologiens
et que l'on déclarait que quiconque aime son prochain est en
fait un Chrétien, sans préjudice à son droit d'être
aussi bouddhiste, juif ou musulman, s'il croit que ça lui apporte
plus... ou si ça fait plaisir aux voisins ? Il n'y aurait plus sur la terre
que ceux qui pensent aux autres, se conduisent en Chrétiens et font
du bien et ceux qui ne pensent qu'à eux, volent tout ce qu'ils peuvent
et tuent quand il le faut, ce qui n'est le message ni du Christ, ni de Mahomet
ni de qui que ce soit dont on a fait un Maître.
Celui qui serait devenu de fait, alors, le pape de tous les hommes de bonne volonté
s'entourerait de ceux qu'il croit sages, qu'ils soient imans, rabbins, preachers
baptistes ou francs-maçons. Sans interdire que se poursuivent
leurs rituels, il conviendrait avec eux de ce qui est bien ou mal... et l'on
verrait vite que nous sommes tous d'accord. De ce consensus naîtrait
une autorité qui rendrait inutile pour l'�glise tout pouvoir matériel.
Le pape et ses sages renonceraient à toute richesse, ne gardant
que cette autorité. Ils diraient bien haut qu'ils n'ont d'ordres
à donner à personne, mais qu'ils ne demandent qu'à
donner des conseils à ceux qui veulent bien les suivre. Ils seraient
devenus ce que devrait être l'Église : non pas un joueur en qu�te de pouvoir parmi
les autres, mais l'arbitre. L'autorité à laquelle chacun se
réfère, quand sa propre conscience ne suffit pas à
lui montrer sans équivoque où est le bien.
Si une telle autorité morale universelle existait, le monde changerait,
car il ne serait pas facile de ne pas en tenir compte. Quand une Eglise, dont
l'immense majorité des gens croieraient alors, à juste titre, qu'elle
ne veut ni pouvoir ni richesse, mais seulement le bien prendrait parti, qui
prendrait le risque de s'y opposer ?
Qui refusera de donner plus aux pauvres, si le message est qu'il est
bien de le faire et mal de s'en abstenir ? Une Eglise qui ajouterait la force
de son exemple, un consensus oecuménique et la morale naturelle
à l'emprise encore considérable dont elle dispose sur ceux
qui ont la foi deviendrait un instrument irrésistible au service du bien.
« Unam, sanctam, catholicam » Espérons que celui
qui prendra charge de l'Église en fera un instrument du bien. Au
tournant où nous sommes, toute religion n'a de sens que si l'on peut,
hors de tout doute, être convaincu qu'elle est dans le camp du changement
et de la justice et non du côté d'un statu quo qui maintient
l'exploitation. Elle ne mérite le respect que si elle consacre toutes
ses forces au bien : le monde n'a que faire de religions qui ergotent sur
le célibat des prêtres ou le sexe des anges. L'Eglise devra
choisir de faire la différence dans le monde. Si elle ne le fait
pas, le monde lui retournera son indifférence et c'est une autre
structure qui reprendra le message chrétien qu'elle n'aura pas su
porter.
Pierre JC Allard
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