2004/01/28
AMERICANISME
On parle bien trop d'antiaméricanisme et pas assez d'Américanisme.
On ne sait plus trop qui, de Huey Long, d'Upton Sinclair ou d'Albert Weisbord,
a dit le premier , dans les années ''30, que si le Fascisme s'établissait
en Amérique, il s'appellerait «Américanisme».
Ça n'a d'ailleurs guère d'importance : on l'a redit tellement
souvent depuis ! Quand on lui propose le couple de mots-clefs « Fascisme/Américanisme
», Google a 144 000 références à vous faire dont
une bonne part ne disent pas autre chose. Ce n'est pas un secret.
Que les USA soient en voie de fascisation n'est pas non plus un phénomène
nouveau. Eisenhower, en ses propres mots, l'annonçait dans son discours
d'adieu comme Président des USA et, à défaut de prendre
le pouvoir, le Sénateur McCarthy a eu sur la politique américaine
d'il y a deux générations une influence délétère
dont les artistes et les intellectuels ont fait les frais et qu'on ne peut
décrire que comme parfaitement fasciste.
Le phénomène n'est pas nouveau, pourquoi en parler maintenant
? Parce qu'on vient d'entrer dans la phase finale de mise en place de l'Américanisme.
Je ne parlerai pas ici de l'Iraq, ni même de Cuba, mais de deux faits
qui font aujourd'hui les manchettes et qui sont extrêmement significatifs,
parce que, chacun à sa manière, ils marquent la fin de ce
qui restait de l'État de droit et de la démocratie en Amérique.
Premier signal - le plus brutal - la fin de non-recevoir des USA à
toutes les critiques concernant le camp de concentration de Guantanamo.
On garde des centaines de prisonniers de toutes nationalités en cage
depuis des années. Anonymes, sans procès, sans avocats, sans
même qu'ils aient été l'objet d'une accusation précise.
On les garde dans des conditions inhumaines dénoncées par
la Croix-Rouge internationale. Au mépris des conventions internationales,
au mépris des lois américaines elles-mêmes. Au mépris
de la simple humanité. Selon la logique et la jurisprudence du Procès
de Nuremberg, ceux qui ont conçu et qui gèrent l'opération
de Guantanamo devraient être pendus.
Ce qui rend Guantanamo significatif, ce n'est pas que les USA s'en rendent
coupables, c'est qu'ils l'avouent. Les USA opèrent depuis 30 ans
des écoles de torture en Amérique Latine, mais ils le faisaient
discrètement : c'est toujours des locaux qui pédalaient la
« gégenne ». Maintenant Guantanamo est une politique
officielle. Connue de la population américaine et mondiale comme
jamais Auschwitz et Treblinka ne l'ont été lorsqu'ils faisaient
leur travail meurtrier. On n'a rien à cacher : Guantanamo sert les
intérêts de l'Amérique et est donc « BIEN ».
Comme il était « bien », à l'époque, qu'un
Aryen puisse taper sur un Juif ou le tuer. Cette perversion de l'éthique
au nom d'intérêts décrétés supérieurs,
c'est ça l'essence du fascisme.
Deuxième signal - plus subtil mais tout aussi nocif - la déconstruction
du Candidat Dean. Candidat à l'investiture démocrate pour
disputer la présidence à Bush en novembre, Dean avait clairement
dénoncé l'intervention américaine en Iraq. Il était
le seul. Il menait dans tous les sondages. Mais en Iowa - où une
procédure byzantine permet à qui en a les ressources de manipuler
totalement les résultats sans qu'on puisse même jamais en faire
la preuve - Dean a subi une défaite qu'aucun sondage ne laissait
prévoir .Quand le Système le veut vraiment, la statistique
peut cesser d'être une science
Ce n'est pas tout. Dean a subi une défaite et a réagi
en faisant un discours. Quel discours ? Un tissu d'insignifiances, comme
tous les discours de tous les candidats dans toutes les élections
aux USA. Mais pour Dean, « on » a fait un spécial. Tous
les médias, sans exception, ont crié haro sur le baudet. Chaque
journal, chaque station de TV, le Système au complet, démocrates
et républicains confondus - vulgairement, violemment ou subtilement
selon sa clientèle - a « analysé » le discours
de Dean pour en conclure qu'il n'avait pas l'étoffe d'un président.
On l'a fait avec la même unanimité que la presse chinoise encensant
Mao à l'époque de la révolution culturelle. Quelques
milliers de gens, sans plus, ont écouté le discours de Dean,
mais c'est sans importance ; pour des dizaines de millions d'électeurs
américains qui ne se renseignent que via les médias, Dean
a dit des choses qui le rendent inapte à être élu. Quelles
choses ? Tout le monde s'en fout. C'est la démocratie à l'américaine.
Résultat ? Dean a perdu les « primaries ».au New
Hampshire et n'est plus vraiment dans la course. Il ne faut pas de mouton
noir sur la ligne de départ. dans une élection américaine.
Tous les candidats - 2 seulement, c'est plus facile - doivent n'avoir qu'une
pensée : l'Américanisme. On ne peut pas avoir sur les rangs
un candidat qui soit opposé sans nuances à la guerre en Iraq.
On peut dire qu'il fallait la faire autrement, ou plus tard, mais dire que
la guerre à l'Iraq a été une infamie, non. Ce n'est
pas AMÉRICAIN.
Ce qui rappelle qu'il y a quelques années Perrot - LE CANDIDAT
EN TETE DANS TOUS LES SONDAGES ! - et qui disait qu'il fallait revoir la
démocratie en Amérique, a mis fin à sa campagne fructueuse
suite à des menaces de mort précises contre sa fille. Un scandale
inouï ? Le FBI en alertepour la plus grande chasse à la vérité
de l'Histoire des USA? Tous les médias qui ne parlent que de ça
pendant des semaines ? Mais non. Quelques entrefilets sans commentaires
et cette presse américaine, qui peut écrire cent fois la Bible
sur le cigare de Clinton, n'a plus rien a dire sur le retrait de la candidature
de celui qui semble en voie de devenir un président « différent».
Être différent, ce n'est pas AMÉRICAIN
Cette façon de museler ou d'éliminer tout ce qui n'est
pas conforme à la pensée correcte, ça aussi c'est le
fascisme. Guantanamo, Dean, l'Iraq et ces histoires de contrôles vexatoires
pour le simple transit par les USA. Le Brésil a bien raison de prendre
aussi les empreintes digitales des Américains qui se pointent au
Brésil : on ne sait jamais ce que peut faire un fasciste. Bien sûr,
tous les Américains ne sont pas des fascistes, mais il y a certes
moins de poseurs de bombes brésiliens que de fascistes américains.
L'Antiaméricanisme est aujourd'hui une grande vertu. L'antiaméricanisme
n'est pas antiaméricain, il est antiaméricaniste. Il faudrait
quérir les Américains de l'Américanisme avant qu'ils
ne fassent un malheur. Gardons notre respect à tous les Américains
qui ne sont pas des fachos et espérons que la population américaine,
en novembre, désavouera Bush quel que soit son adversaire. Mais il
ne faut pas trop se leurrer : quand le pouvoir contrôle une presse
monolithiquement « americaniste », il est hélas bien
possible que la population donne son aval a Bush et s'en fasse donc la complice.
Pardonnons à l'ignorance. Souvenons nous que si l'on avait voulu
jadis serré la main d'un Autrichien qui avaitt voté contre
l'Anschluss, il aurait fallu cherché quelque temps
Les sondages révèlent que dans tous les pays - sauf les
USA - on considère aujourd'hui les USA comme une menace à
la paix. L'Antiaméricanisme est devenu aujourd'hui un devoir. Toute
concession à la politique américaine, toute sympathie envers
la politique américaine a aujourd'hui une odeur de Munich. Appelons
de nos voeux le changement qui ramènera à la raison l'Amérique
qu'on aime.
Pierre JC Allard
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