2003/04/13

 

 

MADE IN U.S.A : LA PARADE

 

A moins d'un événement imprévu ­ - et ce qui se passe aujourd'hui en Iraq n'a plus rien d'imprévu - ceci sera mon dernier commentaire sur le cauchemar "Made in USA" que vit le Moyen-Orient, sur cette ignoble parade coloniale des Yankobritanniques en pays conquis. Ce n'est pas le rôle de ce site de faire du reportage de guerre. Je laisse ce soin aux pros. (Voir ci-dessous des extraits de l 'article de Laurent Van der Stockt, de l'agence Gamma, sous contrat avec le New York Times Magazine, Cité par "Le Monde" 13/04/2003).

*

 

" Je n'ai jamais vu une guerre avec aussi peu de "retours". L'armée irakienne est fantôme, quasi inexistante. En trois semaines, je n'ai vu de l'adversaire que quelques roquettes, quelques tirs de balles, des tranchées désertées avec un soldat irakien mort à côté d'un morceau de pain et du vieux matériel. Rien qui concrétise une vraie confrontation, rien de comparable à la démesure des moyens américains.

Le 6 avril, nous sommes à la périphérie est de Bagdad, devant un pont stratégique que les Américains appellent le Bagdad Highway Bridge. Les zones habitées sont plus nombreuses. Les snipers américains ont reçu l'ordre de tuer tout ce qui avance vers eux. Cette nuit-là, un adolescent qui traverse le pont est abattu.

Le matin du 7 avril, les marines décident de franchir le pont. Un obus tombe sur un véhicule blindé. Deux marines sont tués. Le passage prend une allure tragique. Les soldats sont stressés, fébriles. Ils crient. Pour ma part, je considère que le risque n'est pas majeur et je suis le mouvement. Eux hurlent, se crient les ordres, leurs positions, entre le fantasme, la mythologie, le conditionnement. L'opération se transforme en passage du pont de la rivière Kwaï.

Après, c'est une portion de terrain ouverte, ils progressent et prennent position, cachés derrière des buttes de terre. Ils sont toujours très tendus. Une petite camionnette bleue se dirige vers le convoi. Trois tirs de sommation, pas très ajustés, devraient la faire s'arrêter. La voiture continue de rouler, fait un demi-tour, se met à l'abri, revient doucement. Les marines tirent. C'est confus, ils tirent finalement de toutes parts. Des "Stop the fire !" (cessez-le-feu) sont criés. Le silence qui suit est accablant. Deux hommes, une femme viennent d'être criblés de balles. C'était ça l'ennemi, la menace.

Une deuxième voiture arrive, le scénario se répète. Les passagers sont tués net. Un grand-père marche lentement avec sa canne, sur le trottoir. Ils le tuent aussi. Comme la veille, les marines tirent sur un 4 X 4 qui longe la berge du fleuve, s'approchant trop près d'eux. Criblée de balles, la voiture part en tonneau. Deux femmes et un enfant en sortent, miraculés. Ils se réfugient dans une masure. Elle est volatilisée quelques instants plus tard par un tir tendu de char.

Les marines sont conditionnés pour atteindre l'objectif à tout prix, en restant vivant, face à n'importe quel ennemi. Ils abusent d'une force inadaptée. Cette troupe aguerrie, suivie de tonnes de matériel, appuyée par une artillerie extraordinaire, protégée par des avions de chasse et des hélicoptères ultramodernes, tire sur des habitants qui n'y comprennent rien.

J'ai vu directement une quinzaine de civils tués en deux jours. Je connais assez la guerre pour savoir qu'elle est toujours sale, que les civils sont les premières victimes. Mais comme ça, c'est absurde. (...)

J'ai emmené en voiture une fillette qui avait l'humérus transpercé par une balle. À l'arrière, le père de la fillette protège son petit garçon blessé au torse et qui est en train de perdre connaissance. L'homme dit au docteur, à l'arrière des lignes, à l'aide de gestes : "Je ne comprends pas, je marchais en tenant mes enfants par la main. Pourquoi n'avez-vous pas tiré en l'air ? Ou même sur moi ?" (...)

Le parcours se termine par le déboulonnage de la statue de Saddam. Il y a plus de journalistes que de Bagdadis. Les cinq millions d'habitants sont restés dans leurs maisons.

*

 

Que peut-on faire ? Défiler encore une fois dans les rues du monde entier ? Je crois que ce message a déjà passé. Les marcheurs ne peuvent que s'épuiser avec le temps, et des manifestations qui réunissent des foules moins denses transmettront à Washington l'impression qu'il suffit d'attendre pour que tout s'oublie.

Il faut trouver une nouvelle parade à l'agression. Avant de retourner à ma vraie tâche, qui est de préciser les structures d'une Nouivelle Société qui rendra ces horreurs impossibles, j'aimerais suggérer que ceux qui s'opposent à l'hégémonie meurtrière des Américains ripostent par un boycott total des produits " Made in USA " . Pas de tapage contre les franchisés de MacDonald et autres sociétés dont le nom est américain; vous ne privez alors l'Amérique que d'un royalty dérisoire. Faites le boycott primaire mais efficace de tout produit dont le label indique qu'il est fabriqué aux USA.

Ceci ne règle pas tout; le système a bien enchevêtré les intérêts des uns et des autres. Mais à défaut d'une stratégie plus subtile qu'il faudrait des mois sinon des années pour mettre en place, vous ne pouvez pas faire plus de mal aux USA qu'en remettant simplement sur la tablette tout ce qui porte la mention " Made in USA ". Préférablement chez Wal-Mart, à la caisse, en enlevant du panier un à un les objets boycottés. Il faudrait environ 3 semaines pour qu'une baisse des ventes au niveau des grandes surfaces se répercute sur les carnets de commande des manufacturiers. Le temps qu'ILS ont mis pour se rendre à Bagdad.

 

Pierre JC Allard


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