02/12/01
UN BON MOT POUR L'ASSASSINAT
Nous devrions tous vivre en paix et nous aimer les uns les autres. Cela
étant dit, il appert à la lecture des journaux d'aujourd'hui
comme d'hier qu'il est encore profondément ancré dans la nature
humaine de se taper sur la gueule. Se taper sur la gueule étant,
bien sûr, un euphémisme : il n'y a pas de limite à ce
que peut faire l'être humain dans sa quête de la richesse et
du pouvoir. La façon ultime de taper sur la gueule est de faire la
guerre.
Est-ce que quelqu'un conteste cette prémisse ? Non ? Ça
va ? Bon, continuons. La violence est partout, sous toutes les formes et
à tous les niveaux,, mais elle est à son plus haïssable
quand elle prend pour cible les plus faibles, ceux qui ne peuvent en aucune
façon se défendre et qui - (peut-être parce qu'ils
ne le peuvent pas, mais ceci est une autre histoire) - ne peuvent être
même soupçonnés d'une intention agressive.
Les enfants, la plupart des femmes et des vieillards, voici ceux qu'on
peut, de prime abord. considérer comme des victimes innocentes. Ajoutez
tous ceux qui, désarmés, sont attaqués par quiconque
porte une arme qui lui confère une supériorité insurmontable.
Un pigeon face à une volée de plombs, par exemple, ou une
population civile soumise à un bombardement aérien.
La guerre " à l'ancienne " impliquait des adversaires
qui VOULAIENT en découdre. Que Hector trucide Patrocle ou Achille
Hector était, comme un match de boxe, une manifestation de la bêtise
humaine plus que de sa méchanceté. C'était l'invective
qui se poursuivait par d'autres moyens. On massacrait bien parfois les populations
civiles - ai-je dit que les Anciens n'étaient pas méchants
eux aussi ? - mais c'était dans un but avoué de génocide;
on ne parlait pas alors de guerre.
C'est la guerre moderne qui est conçue et menée comme
un massacre des innocents, tout en parlant avec une pudeur qui nous déshonore
de " dommages collatéraux ". Quiconque aujourd'hui déclare
la guerre, avec l'intention ferme d'aller tuer, avec un minimum de risque
pour lui-même, tout ce qu'il faudra des femmes et des enfants de l'adversaire,
est une CRIMINEL DE GUERRE. Il n'y a pas de ronds de jambes éthiques
ou sémantiques, pas de casuistique, pas de sophismes qui puissent
changer cette réalité. Déclarer une guerre " à
la moderne " est un acte criminel. Ceux qui la déclarent sont
des meurtriers.
Cela dit, que faire quand l'Autre veut vraiment votre peau ? Se laisser
abattre sans combattre ? La justice immanente n'en demande pas tant ! La
justice et le bon sens exigent seulement que celui qui se sait menacé
identifie celui qui le menace et, au besoin, lui règle ou lui fasse
régler proprement son compte. A lui. Pas aux autres. Pas à
ses enfants, comme les Américains l'ont fait aux enfants de Quaddaffi
quand ce sont les Libyens qui étaient les boucs émissaires.
Pas à un million d'Iraquiens parce qu'on n'aime pas la politique
de Saddam Hussein.
C'est pour ça que je considère comme un pas dans la bonne
direction la nouvelle stratégie d'Israël de viser les meneurs
des mouvements terroristes palestiniens, même si je trouve exécrable
que les Israéliens fassent sauter tout un pâté de maison
pour atteindre chacune de leurs cibles. S'ils y mettaient un peu plus de
soin, ils pourraient regagner le respect du monde civilisé. Ils auraient,
au minimum, meilleure presse qu'en affamant la population palestinienne
et en abattant à la mitraillette des gamins qui leur lancent des
pierres.
Remarquez que je souhaiterais aussi, en toute équité,
que les Palestiniens cessent de se faire exploser dans les autobus et les
bars à la mode et consacrent plutôt toute leur énergie
à planifier l'assassinat des leaders israéliens et autres
responsables de la condition palestinienne. Je voudrais bien, aussi, que
les Tchétchènes ne s'en prennent qu'à Putin et qu'on
ne tue en Afghanistan que les seuls membres d'Al-Quaida.
Difficile? Naturellement; les coupables se cachent toujours derrière
des innocents. Mais est-ce parce que c'est plus facile qu'on devient justifié
de tuer l'innocent avec le coupable en se disant, comme Montfort à
Béziers, que " Dieu reconnaîtra les siens " ?
J'espère ardemment que vienne le jour où les hommes vivront
d'amour. En attendant, ne serait-ce pas un jour faste pour tout le monde
si, au lieu de tuer à tort et à travers, ceux qui ont le goût
irrépressible de tuer se contentaient de s'entretuer ? Quand on traite
avec des meurtriers, il y a beaucoup de bien à dire de l'assassinat.
Pierre JC Allard
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