99.07.14
Allons, enfants de la Patrie...
Personne ne parle jamais de la "Quatrième Voie". La
majorité de la population veut rester canadienne, une minorité
plus que significative de la population veut devenir québécoise,
un petit groupe est à coaguler autour du concept de "monnaie
unique" et des bienfaits du libre-échange qui ne tardera pas
à nous dire que notre avenir est "américain"...
mais au Québec - "pays de langue et culture française"-
il semble que personne ne veuille être Français.
Est-ce bien vrai? Ou n'y a-t-il pas une solide conspiration du silence pour
occulter cette évidence qu'il n'y a pas que les trois options traditionnelles
Quebec-Canada-USA qui s'offrent à nous, mais aussi un quatrième
choix d'avenir qui serait de renouer avec notre histoire et de redevenir
Français?
Hier soir, veille du 14 juillet, j'ai eu la curiosité de poser la
question à quelques amis réunis. La France ? ha... ha... ha!
Un canular! Et quand on repose la question sérieusement, c'est non.
Non, parce que les Français sont comme ci..., et qu'ils sont comme
ça... et qu'ils parlent une langue qui n'est pas tout à fait
la nôtre... Bon. Affaire classée? Minute! Après deux
verres de vin rouge, ce n'est plus "la France, non", c'est devenu
"la France, si...". Puis, quand on va au fond des choses et de
la bouteille - "in vino veritas" - on s'aperçoit que TOUT
LE MONDE ou presque voudrait être Français. Tiens donc!
Et pas seulement les intellos nostalgiques qui sirotent un pastis, ne mangent
que du pain baguette et feignent de s'intéresser au Tour de France.
Oh non ! On en arrive au même résultat avec le chauffeur de
taxi, les col-blanc, les col-bleu et toute la gamme des cols-roulés...
On y arrive même plus vite avec eux - et le verre de vin en moins
- car la vérité vient plus naturellement aux gens simples.
"La France? Oui, si... "
Si quoi? Quand on enlève une à une les pelures de réticence,
on en arrive à des vérités qui ne font pas plaisir.
Oui, devenir Français..., si on se sentait de taille à occuper
un espace culturel valable dans une France où le Québec trouverait
sa place. Oui, devenir Français, si les Américains nous "laissaient
partir" (sic). Oui... si la France et les "vrais" Français
voulaient de nous... . C'est avec des "si" comme ceux-là
qu'on ne va pas à Paris.
Un peu navrant, vous ne trouvez pas? Comme si le grand tabou à toute
discussion concernant l'hypothèse d'un rattachement à la France
venait du refus de nous avouer à nous-mêmes un sentiment viscéral
d'infériorité et une peur morbide de nos voisins anglo-saxons.
Un sentiment d'infériorité qu'on veut cacher sous une fierté
affichée avec cette énergie qu'on met à défendre
les causes qui ne sont pas évidentes.
"Je suis fier d'être Québécois"! Oui, bien
sûr, qui en doute? Mais on est ni plus ni moins fier d'être
Bourguignon ou Provençal, ce qui n'empêche pas d'être
Français. Est-ce que nous ne pourrions pas être tout ce que
nous sommes, ne rien renier de ce que nous avons été ... mais
renouer avec Saint-Louis, Voltaire et Napoléon et nous offrir ainsi
l'encadrement le plus "porteur" pour devenir le mieux de ce que
nous pourrons être? On ne parle pas assez de la Quatrième Voie:
la France.
L'encadrement le plus porteur pour l'avenir du Québec, c'est la France
et, derrière la France, l'Europe. Un Québec qui serait la
troisième région économique de France - après
Paris et Rhône-Alpes - n'aurait à rougir de rien. Bastion avancé
en Amérique du Nord d'une Europe dynamique, nous verrions les entreprises
non seulement françaises mais allemandes, hollandaises, etc. s'établir
chez-nous pour y préparer la conquête du marché des
USA. Pas seulement pour des raisons de proximité et de logistique,
mais aussi et surtout parce que nous connaissons à fond la langue,
les lois, les coutumes de ce marché USA. Être des Français
(Européens) en Amérique serait infiniment plus profitable
pour les Québécois que d'être les partenaires juniors
de l'ALENA.
Et la culture? Alors, là, c'est la voie royale! Le problème
culturel fondamental pour l'avenir du Québec francophone n'est-il
pas son incapacité à assimiler la masse des immigrants qui
viennent ici se substituer à une relève que notre faible taux
de natalité ne produit pas? C'est ce problème qui rejoint
et amplifie celui d'une minorité irrédentiste au Québec
qui choisit de ne PAS être de culture francophone. Or le problème
de l'assimilation serait totalement réglé si le Québec
était la France.
D'abord, un immigrant qui arrive en France (au Québec) ne pense pas
à autre chose qu'à devenir Français: si c'est l'Amérique-USA
qu'il veut, il ne tardera pas passer la frontière de nuit et l'on
n'en entendra plus parler! Ensuite, la question du bilinguisme ne se posera
même pas. On pourra toujours, dans un beau geste de générosité,
maintenir des services en anglais pendant quelques années; mais ce
sera une période de grâce et il n'y aura pas de malentendus
à ce sujet.
Enfin, notre propre assimilation à la France d'Europe dans le respect
de notre spécificité sera facilitée par un phénomène
de migration interne Québec-Hexagone qui prendra une ampleur considérable,
à la mesure des mythes dont les deux populations actuelles s'affublent.
Des dizaines de milliers de Parisiens viendront chercher leur "cabane
au Canada"... alors qu'un nombre sans doute similaire de francophiles
inconditionnels chez-nous se hâteront d'aller la-bas réaliser
leurs fantasmes culturels.
Ce brassage de population sera bénéfique pour tout le monde.
Même les "accents" qui nous séparent tendront à
converger. Avec un peu de chance, Antenne -2 se rapprochera du français
international de Bernard Derome et Lucien Bouchard s'exprimera un peu plus
comme Giscard d'Estaing. Pasqua et Jean Chrétien ne changeront sans
doute pas de langage, mais une langue sûre d'elle-même peut
bien tolérer un peu de folklore.
Une bonne campagne médiatique - on pourrait l'appeler "Opération
Roussillon"- et je serais curieux de voir les sondages sur une souveraineté-association...
avec la France.
Allons ! Défions toutes les Bastilles! Pensez "France"
et passez un joyeux 14 juillet... et sans rancune pour ce pavé dans
la mare des options OUI et NON qui stagnent depuis quarante ans.
Pierre JC Allard
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