98.07.22


LE PRIX MENGELE

Hitler n'aurait pas aimé recevoir le Prix Attila. Quand un type ne fume pas, ne boit pas, est végétarien et crée des emplois, il ne s'attend pas à ce qu'on fasse à son sujet des rapprochements malveillants. Attila n'aurait pas aimé recevoir le Prix Assurbanipal. Quand on mène une politique de colonisation active - se voyant un peu comme le Curé Labelle, mais sur des terres qui pouvaient vraiment faire vivre les Alexis et les Donalda de l'époque - on ne veut pas être associé à un homme qui s'est fait un nom en empalant et en écorchant vifs ses ennemis.

Les hommes et leurs crimes, avec le temps, deviennent légendaires et donc plus grands que nature. Où n'est-ce pas plutôt que, manquant de perspective, on ne voit pas à leur grandeur nature les crimes qui sont commis aujourd'hui? Il est difficile de penser que son partenaire de golf est un monstre, parce qu'on le voit sourire, caresser ses enfants et flatter son chien; mais l'histoire n'a pas retenu qu'Hitler aimait les enfants, ni qu'Attila avait pour son cheval une affection sans bornes. Qui sait ce que pensera l'histoire de votre partenaire de golf?

Avez-vous fait dix-huit trous récemment avec l'un ou l'autre des politiciens ou des fonctionnaires qui nous font une politique de santé? Ou avec l'un ou l'autre des financiers et gestionnaires néo-libéraux qui leur donnent des ordres? Il n'y a a pas si longtemps, on pouvait croire que nos dirigeants étaient seulement inintelligents. Aujourd'hui, il est clair que l'explication de l'imprévoyance et de la bêtise est devenue insatisfaisante. Aucun politicien assez habile pour être élu ne peut être assez mentalement démuni pour suivre la politique que mène présentement le Québec en matière de santé sans en comprendre les conséquences. La mauvaise foi est devenu un élément incontournable de l'explication.

Malgré les mensonges rassurants qu'on sert à la population, il est hors de doute que la politique actuelle de sabordage systématique de notre réseau de la santé mène à réduire progressivement la part des coûts de la santé que l'État prendra en charge, et donc à créer une situation néo-libérale "correcte" où les ressources médicales serviront en priorité les besoins de ceux qui peuvent se les offrir et n'accorderont aux autres que ce qui en restera.

Le sabotage de ce réseau, qu'il a fallu 25 ans et des milliards pour mettre en place, se fait en six (6) attaques concertées. 1 - Mettre à la retraite anticipée un maximum de médecins et d'autres professionnels de la santé. 2 - Maintenir au plus bas les admissions en formation médicale. 3 - Ne pas investir dans les immeubles ni les équipements de santé. 4 -Désorganiser le système par des réformes administratives , fusions, déménagements dont l'utilité est douteuse mais dont le potentiel de création de confusion et de mécontentement est évident. 5 - Couper les budgets d'opération pour forcer la fermeture de lits et démotiver le personnel qui s'accroche à sa mission. 6 - Favoriser la diffusion d'histoires d'horreur - hélas vraies ! - concernant les erreurs de diagnostic, les retards ambulanciers, les délais aux salles d'urgence, les "débranchements" contre la volonté du patient aux soins intensifs.

Le but visé est de réduire l'efficacité du système public - et de faire connaître largement cette perte d'efficacité - jusqu'à ce que le système public devienne inacceptable pour toute cette partie de la population qui a les moyens financiers de choisir une solution de rechange. Alors, les compagnies d'assurance et les groupes financiers qui, de plus en plus, en sont les propriétaires offriront cette solution de rechange à ceux qui peuvent se l'offrir. Les autres seront en liste d'attente interminable, pour obtenir l'accès à des ressources humaines insuffisantes travaillant dans des salles vétustes avec des équipements désuets. Nous sommes à vivre une expérience médico-sociale de grande envergure.

Des milliers de gens souffriront et mourront parce qu'on ne leur aura pas donné à temps le meilleur traitement possible. L'excuse aura été de réduire les dépenses collectives, pour que ceux qui ont du fric puissent faire quelques placements supplémentaires et de couper quelques dollars sur les impôts pour aller chercher quelques votes. C'est une action criminelle. Monstrueuse. Quand on le dit aujourd'hui, tout ça semble exagéré. Comme auraient semblé grossièrement exagérés à Berlin, en "44, les rapports sur les expériences médico-sociales du Docteur Mengele à Auschwitz..

En fait, il est vrai que j'exagère. Quand on voit que la grande "libération" de la Russie a fait diminuer de 7 ans la durée de vie moyenne de 200 millions de personnes - 1 400 000 000 d'années-vies perdues, pour les néo-libéraux qui aiment la statistique - ou qu'on se rappelle que 40 000 enfants meurent de faim tous les jours parce qu'on a détruit l'agriculture des pays pauvres pour leur exporter nos surplus agricoles, on ne peut sérieusement penser à un Prix Mengele au Québec pour nos petites histoires de sabordage de réseau. Nos expériences médico-sociales ne méritent même pas un accessit au Prix Mengele. Juste le mépris.


Pierre JC Allard


N.B. 2005.01.23
Je suis curieux. Pourriez-vous me dire quel site vous a aiguill� sur cette page o� le nombre de visiteurs a augment� significativement depuis une semaine ? 2005.02.03 (Merci � ceux d'entre vous qui m'avez r�pondu) PJCA
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