98.04.26
LA CROIX ET LA BANNIÈRE
Dites moi que c'est pas vrai. PROUVEZ-nous que ce n'est pas vrai. Quand
j'étais jeune, "Croix-Rouge" était synonyme de confiance,
de dévouement, de désintéressement. On donnait à
la Croix-Rouge. Quand ils allaient mourir, bien des gens pensaient à
la Croix-Rouge. Aujourd'hui aussi, bien des gens qui vont mourir pensent
à la Croix-Rouge, mais dans un tout autre sens.
En manchette de La Presse de samedi, on nous apprend que la Société
Canadienne de la Croix-Rouge aurait mené durant des années
une vaste enquête "scientifique", injectant sciemment à
des milliers de personnes des produits sanguins non testés contre
l'hépatite C, une maladie mortelle, afin de voir si ça ferait
une différence.
La question était de savoir si le test était efficace, et
donc de vérifier si ceux qui recevraient des produits non testés
seraient plus nombreux à développer, l'hépatite C.
La réponse a été oui. Le test était efficace
à 85%. Ceux qui ont reçu des produits non testés ont
été environ 6 fois plus nombreux à développer,
l'hépatite C. Bien des gens en sont morts ou vont en mourir; mais,
comme diraient les experts des compagnies pharmaceutiques, "on a appris
quelque chose."
On a surtout appris que, quelque part dans la structure de la Croix-Rouge,
se cachent des assassins. Ou des fous dangereux, car l'expérience
qu'on a faite, si on l'a faite, équivaut à vérifier
si un fusil de chasse est chargé en demandant à un enfant
innocent de regarder dans le canon et en pressant la détente. Les
belles ordures qui ont décidé de faire cette expérience
l'ont menée sur des innocents, des hémophiles entre autres,
à qui on n'a jamais demandé leur consentement à cette
expérience et qu'on n'a jamais avertis des risques.
Ni avant, ni après. Car quand il est devenu évident que le
test fonctionnait, vous croyez qu'on s'est empressé au moins de réparer
les dégâts, de courir derrière les cobayes humains en
leur disant: "désolé, on vous a empoisonné, essayons
de vous aider?" Détrompez-vous, les assassins se sont tus, les
ordures se sont terrées là où on pouvait pas les sentir,
jusqu'à ce que le SIDA, plus médiatique, vienne les débusquer
et attirer l'attention sur le sang contaminé.
Pourquoi le sang est-il devenu "don de mort"? Parce que les réserves
contaminées valaient du fric, parce que l'image "Croix-Rouge"
valait de l'or, et parce qu'une expérience "scientifique"
sur des milliers de cobayes fait gagner des millions. Je suis contre la
peine de mort, mais je crois qu'il y aurait une certaine justice à
ce que les assassins déguisés en philanthropes se piquent
sur leurs propres aiguilles.
Et notre gouvernement dans cette histoire? Avant que cette dernière
nouvelle ne soit diffusée, le gouvernement proposait d'indemniser
d'un montant forfaitaire les seules victimes contaminées entre 1986
et 1990, une proposition qui faisait contre elle l'unanimité des
partis d'opposition et des victimes. On se demandait pourquoi et comment
on avait fixé ces dates, tout en se doutant bien qu'il s'agissait,
comme d'habitude, de tractations, de magouilles, de demi-vérités
et de ces petits calculs qui font les grandes mesquineries.
Maintenant qu'on sait qu'un nombre considérable de ceux qui ont été
contaminés alors qu'on aurait pu le prévenir ont été
volontairement tenus dans l'ignorance des risques qu'on leur a fait courir,
parce que la Croix-Rouge préférait étouffer l'affaire,
il est difficile de penser que le gouvernement , lui, ne le savait pas déjà
depuis longtemps.
Ceux qui le savaient au gouvernement et qui ne l'on pas dit, ceux qui ont
laissé passer les mois sans dire la vérité, qui ont
été de connivence pour cacher la gravité du crime et
le nombre des victimes, afin de minimiser la responsabilité de l'État
et le montant des compensations, toute cette cohorte de Ponces Pilâtes
qui ont fait la queue pour s'en laver les mains sont les complices après
le fait des assassins de la Croix-Rouge.
Le Gouvernement Chrétien a fait du vote sur sa proposition d'indemnisation
des victimes de la Croix-Rouge un question de confiance. Au Diable la ligne
partisane et les empêcheurs de penser droit! Il serait temps que les
députés disent NON. Il serait temps que ceux qui nous représentent
fassent passer leur conscience avant la bannière du parti. Il y a
quelques jours, Stéphan Tremblay est sorti du parlement en emportant
son siège; c'est un début. Mardi, ce serait un grand jour
pour la démocratie si les députés, ceux qui suivent
la bannière libérale comme les autres, sortaient plutôt
que de voter une proposition inique. Ils pourraient sortir les mains libres,
en n'emportant qu'une chose: leur honneur.
Pierre JC Allard
Le site de Stephan
Tremblay
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