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Jeunesse et études
Les débuts
Le Vieux-Colombier
New York
Comédie des Champs-Elysées
L'Athénée et le cinéma
L'Amérique du Sud
Le retour à Paris


Biographie (1re partie)


Jeunesse et études
Louis Jouvet est né à Crozon, dans le Finistère, le 24 décembre 1887, dans une famille profondément catholique. Son père, briviste, est conducteur de travaux publics, sa mère Eugénie est ardennaise.
A l'âge de 2 ans, le petit Louis est confié à sa grand-mère Marie. Il va vivre en Ardennes, à Belleville-sur-Bar, jusqu'en 1894. Louis aime et admire sa grand-mère, cette époque de sa vie restera pour lui un moment privilégié.

A l'école, Louis est un enfant calme, réservé. Il travaille, il rêve. Son professeur voudrait bien lui faire perdre le défaut de prononciation qui l'afflige. Il chuinte et hésite en parlant.
En 1898, les Jouvet placent leurs trois fils pensionnaires chez les Lazaristes, à Lyon. C'est un collège austère, sombre, où la discipline est rigoureuse. Jouvet, qui passe ses rares moments libres à lire en cachette les ouvrages procrits par le collège, y est considéré comme un jeune homme studieux, travailleur et infiniment bon.

En 1901, la tragédie frappe la famille Jouvet. Louis Jouvet père est écrasé sous un rocher alors qu'il supervisait le creusement d'un tunnel. Eugénie amène sa famille vivre avec elle chez son frère qui est pharmacien à Rethel. Bientôt, Louis devra choisir une profession, et toute sa famille entend bien qu'il deviendra lui aussi pharmacien, comme son oncle. En attendant, il poursuit ses études au Collège Notre-Dame, où le chanoine Morigny, passionné de théâtre, anime avec intransigeance la troupe du collège. Louis bientôt néglige ses études tellement il est préoccupé par cette nouvelle passion, et il voudrait bien en faire sa carrière. Mais sa famille s'y oppose farouchement. Pour qu'on lui fiche la paix, il se pliera à leur désir, tout en ayant la ferme intention de consacrer tous ses temps libres à son amour pour le théâtre. Après un stage à Rethel dans la pharmacie de son oncle, il peut enfin se rendre, en 1904, à Paris pour poursuivre ses études, et sa passion...

Les débuts
Une fois à Paris, si Louis Jouvet consacre ses journées à la science, ses soirées il les passe au théâtre. Il se présente trois fois aux examens du Conservatoire d'Art dramatique dans des scènes de l'Ecole des femmes de Molière, et est recalé chaque fois. On lui reproche sa mauvaise élocution et son apparence physique. Jouvet est meurtri par ses échecs, néanmoins il obtient d'être accepté à titre d'auditeur dans la classe de Leloir, en 1908. C'est là qu'il apprendra à mieux contrôler sa diction.

Son temps est partagé entre les stages en pharmacie et le théâtre amateur au sein du Groupe d'Action d'art. Jouvet participe à des représentations théâtrales, des récitals de poésie, mais prend aussi le temps de suivre les cours de l'Ecole nationale des Arts décoratifs.

Puis il fait une rencontre privilégiée, celle de Léon Noël qu'il approche après un spectacle et dont il suivra les cours d'art dramatique jusqu'en 1910. Léon Noël ne ménage pas son élève, mais Jouvet l'aime et le respecte. Il lui devra beaucoup.

Tout en continuant de courir les cachets et de faire un peu de tournée, il trouve le temps de tomber amoureux de sa voisine d'en-face, Else Collin. Else est une jeune Danoise qui travaille comme garde d'enfants chez Jacques Copeau, à qui elle parle souvent de Louis. Copeau caresse un projet de théâtre, et il en parle à Louis Jouvet, après l'avoir vu jouer au Théâtre du Château-d'Eau, à l'insistance d'Else. Une amitié naît instantanément entre ces deux hommes qui partagent la même passion.
1912: Louis et Else se rendent à Copenhague pour se marier. A leur retour en 1913, Louis obtient enfin son diplôme de pharmacie et se joint, avec Charles Dullin, à la troupe de Jacques Copeau pour la naissance du Théâtre du Vieux-Colombier.


Le Vieux-Colombier
Tout l'été, ce sera entraînement physique, répétitions, lectures, en vue de l'ouverture du nouveau théâtre le 15 octobre 1913. Jouvet fait un peu tout dans ce théâtre; acteur, machiniste, éclairagiste; il apprend, et plus ouvert et disponible que Copeau, il devient bientôt l'âme du Vieux-Colombier. Pour un temps, il est davantage reconnu pour ses éclairages que pour son jeu. (Il conçoit même un nouveau type de lumière qui porte son nom.) Mais les critiques et le public remarquent bientôt le talent de Jouvet "l'acteur" dans des productions mémorables de La jalousie du barbouillé, de Molière et de La Nuit des Rois de Shakespeare.

La guerre 14-18
1914: La guerre éclate. Jouvet, qui est non-mobilisable, s'engage volontairement. Il est pharmacien, on aura besoin de lui. Travaillant comme infirmier auprès des blessés et des mourants à la Somme, il est absent lors de la naissance de sa fille. Il continue néanmoins de penser au théâtre et d'entretenir une correspondance avec Copeau à ce sujet. La machinerie, l'électricité, l'architecture, les éclairages et les décors, sont des choses qui l'obsèdent. Il écrit, "Je pense tout le temps, alors quelquefois, à force de penser dans tous les sens, je trouve quelque chose de juste."
Transféré à l'Oise, il lit, récite des vers aux mourants qu'il soigne. Et il prie. (Giraudoux s'inspirera des prières pour les morts de Jouvet pour une scène de La guerre de Troie n'aura pas lieu.)
C'est à cette époque qu'il lit Introduction à la vie dévote de Sant-François, et y trouve l'amorce de sa mise en scène du Dom Juan de Molière.
Après une période au front, en 1916, où il prendra part à l'offensive de la Somme, sa santé et son moral périclitent. Diagnostic: maladie de coeur. Finalement démobilisé, Jouvet reste marqué par son expérience de guerre. Il est souvent agressif, désagréable, il a du mal à dormir...

New York
Mais de nouveaux horizons s'ouvrent devant lui, puisque Jacques Copeau, après avoir donné des conférences aux Etats-Unis, a décidé d'y installer sa troupe. Ils iront donner deux saisons à New York. Jouvet, parti le premier pour préparer la scène du Garrick Theater, laisse sa famille, et son dernier-né, en France. Ils le rejoindront l'année suivante.

La troupe s'installe, menée à la baguette par un Jouvet maniaque qui ne tolère aucune incartade et multiplie les amendes et les notes de service pour faire régner la discipline. Malheureusement le Vieux-Colombier n'obtient pas le succès escompté, et bientôt Copeau opère des changements au répertoire qui ne plaisent guère à Jouvet, ni à Charles Dullin, qui a lui aussi rejoint New York en 1918. Ils reprochent à Copeau d'avoir changé la mission du théâtre, et d'avoir sacrifié aux raisons économiques. Les relations sont de plus en plus tendues entre Copeau et Jouvet, et bientôt ils ne se parlent plus.

Après deux années souvent difficiles, c'est le retour en France. Dullin a déjà été congédié. Jouvet, trop indispensable, est toujours là. Le Vieux-Colombier rouvre ses portes à Paris en 1920. Le rôle de Jouvet y prend de plus en plus d'importance, mais l'entente avec Copeau sur les questions artistiques est devenue impossible et il veut partir. C'est pourquoi il accepte en 1922 la direction technique de la Comédie des Champs-Elysées, que lui propose Jacques Hébertot.


La Comédie des Champs-Elysées
Il entreprend aussitôt la réfection du théâtre. Il monte d'abord Monsieur Le Trouhadec saisi par la débauche de Jules Romains, qui obtient un grand succès. Puis en 1923, c'est Knock, ou le triomphe de la médecine du même auteur. Jouvet est angoissé à l'approche de la première. Avec son inquiétude caractéristique, il trouve la pièce trop drôle, pas assez drôle, ou trop courte, pour avoir du succès. Romains raconte, "Jouvet me disait souvent de cet air préoccupé, plein d'inquiétude contagieuse qui était le sien: 'Ils ne vont pas rigoler une minute. Ils vont trouver ça tellement dur, tellement noir.'" La pièce eut un succès retentissant, qui ne se démentira pas au long des années et des reprises successives.

En 1924, Jouvet est maintenant seul aux commandes de son théâtre et peut le gérer à sa guise. Il engage les acteurs que la fermeture du Vieux-Colombier vient de libérer: Valentine Tessier, Romain Bouquet...
Bien qu'il multiplie les créations, Jouvet a de la difficulté à obtenir des succès, et ses coffres se vident. Heureusement, à chaque fois, il peut remettre à l'affiche sa pièce magique, Knock, pour renflouer les finances de son théâtre.
Pourtant, à la suite d'échecs successifs (Marlborough de Marcel Achard, Le Dictateur de Jules Romains...), les finances du théâtre sont au plus bas. Jouvet couche sur place de peur d'être expulsé de son théâtre. Il engage Valentin Marquetty, qui l'aidera à rendre la Comédie des Champs-Elysées plus rentable par des moyens qui ne poseront pas d'entraves à ses choix artistiques. Aménagement du foyer, exposition, librairie, création de la revue-programme Entr'acte (1927-1934), sous-location du théàtre, permettront d'assainir les finances. C'est à la même époque, en juillet 1927, devant l'indifférence des médias et l'envahissement du théâtre commercial et du cinéma, que quatre théâtres signent un accord visant à protéger leurs intérêts communs, c'est le Cartel des quatre qui réunit Louis Jouvet, Charles Dullin, Georges Pitoëff et Gaston Baty.

Les lignes directrices du théâtre de Louis Jouvet reposent sur la primauté du texte. Dans la philosophie artistique de Jouvet, seule la pièce compte: le texte, le public. L'acteur ne compte que comme intermédiaire, comme exécutant, au service de l'auteur et du public. Ses problèmes, ses états d'âme, Jouvet n'en a que faire. Il est dur, intransigeant avec sa troupe, mais s'il les 'engueulent, c'est par amour du travail, pas pour le plaisir...' D'ailleurs, il loge à la même enseigne. Jouvet s'occupe plus du théåtre que de lui-même, et toujours il place la grandeur du théâtre avant sa gloire personnelle.

Jean Giraudoux
1928: C'est une rencontre qui allait tout changer dans sa carrière et dans sa vie. Jean Giraudoux. Giraudoux vient de terminer la pièce tirée de son roman Siegfried et le Limousin et il la présente à Jouvet. Seul problème, telle quelle la pièce durerait 8 heures! Jouvet annote, souligne, questionne, quoique toujours respectueux du texte, et ensemble ils façonneront l'oeuvre finale. La pièce obtient un énorme succès et Jouvet demande à Giraudoux de lui réserver la prochaine qu'il écrira.

Le cinéma parlant, qui vient de faire son apparition, fait désormais fureur et Louis Jouvet est sans cesse courtisé par les producteurs, mais toujours il refuse sous prétexte qu'il n'a pas le temps. Ses responsabilités trop nombreuses au théâtre l'accaparent.

Un grand succès en 1929, malgré des relations tendues avec son acteur principal, Michel Simon, dont il apprécie peu le talent, Jean de la Lune de Marcel Achard occupe la scène de la Comédie tandis que Giraudoux prépare sa nouvelle pièce, Amphytrion 38. L'Amphytrion 38 de Giraudoux s'avère un triomphe qui retentira bien au-delà des frontières de la France, et Jouvet-Giraudoux sont désormais célèbres.

Mais si la carrière de Louis Jouvet prend alors un essor étourdissant, tout ne va pas pour le mieux dans sa vie privée. Il est d'abord très affecté par la mort de sa mère, puis par la rupture avec sa maîtresse Lisa Duncan (une des Isadorables d'Isadora Duncan), avec qui il vivait depuis 6 ans. Jouvet le prend très mal, mais le théâtre continue de remplir sa vie. Tout au long des créations, il ne cesse de penser au jour où il pourra enfin monter Molière. L'Ecole des femmes et Dom Juan l'obsèdent. Invité à présenter une mise en scène au théâtre Pigalle, il y monte Donogoo-Tonka de Jules Romains, avant de partir pour une tournée européenne qui le mènera jusqu'à Vienne.

De retour à Paris, il monte un nouveau Giraudoux, Judith. La pièce n'est pas assez claire à son goût, il demande des retouches; peine perdue, la pièce est un échec. Mais la production suivante, le Domino de Marcel Achard, connaît un grand succès.

1932: Jouvet enfin se laisse convaincre de faire son entrée au cinéma dans le Topaze de Marcel Pagnol (réalisé par Louis Gasnier), et se met ensuite lui-même aux commandes d'une version filmée de Knock. Dans Knock, il distribue dans un petit rôle une toute jeune comédienne qu'il a remarquée quelques mois plus tôt à une réception. C'est Madeleine Ozeray. Ils entameront bientôt ensemble une grande aventure théâtrale et amoureuse qui durera 10 ans. Les deux pièces qu'il monte ensuite auront peu de succès, La Margrave, et Intermezzo. Mais Petrus, de Marcel Achard, marche rondement. Puis c'est la pièce tant attendue de Jean Cocteau qu'il met à l'affiche, La machine infernale. Par l'entremise de Cocteau, Jouvet rencontre alors pour la première fois Christian Bérard, dit Bébé, à qui il confie les décors. C'est le début d'une longue et très profonde amitié. Bérard devient le décorateur attitré de Jouvet.

L'Athénée (et le cinéma...)
1934: fin de bail à la Comédie des Champs-Elysées, que Jouvet trouve trop petite, pas assez rentable, de plus qu'il devra faire face s'il reste à une hausse de loyer. Jouvet déménage donc tout son monde à l'Athénée, dans le district des théâtres de boulevards, ce qui ne manque pas de faire parler les méchantes langues. Il passe tout l'été à remettre l'Athénée en condition.
Deux nouvelles créations de Giraudoux: Tessa (1934), écrite spécialement pour Madeleine Ozeray, et La guerre de troie n'aura pas lieu (1935), pièce d'une actualité effrayante où il interprète le rôle d'Hector. Jouvet triomphe. Nommé professeur au Conservatoire d'art dramatique (1934) et continuant sa carrière cinématographique dans la mesure où le théâtre le lui permet, Jouvet sur sa lancée est tout heureux de pouvoir enfin se consacrer à cette Ecole des femmes qui l'obsède depuis si longtemps. Surtout que maintenant il a en Madeleine Ozeray l'Agnès dont il avait toujours rêvé. Christian Bérard lui signe un décor merveilleux, mais les répétitions sont difficiles. Jouvet, plus inquiet que jamais, n'est pas à prendre avec des pincettes. Le soir de la première, il est tellement rongé par le trac qu'il panique et ne peut entrer en scène. On doit baisser le rideau et attendre qu'il se calme un peu avant de commencer. Mais Jouvet ce soir-là connaît un des plus grands triomphes de sa carrière...

On lui offre la direction de la Comédie Française, qu'il refuse. (Il en refusera la direction à trois reprises.) Il ne veut pas avoir à transiger, à négotier, ou à faire des concessions à des sociétaires. Jouvet veut être le maître absolu dans son théâtre. Il accepte cependant de faire au Français deux mises en scène qui n'auront malheureusement pas tout le succès escompté, et qui l'empêcheront de participer au tournage de La grande illusion, où il devait incarner Boieldieu.

1937: C'est Electre de Jean Giraudoux, L'Impromtu de Paris, puis en 1938, le Corsaire de Marcel Achard, grand succès, qui sera néanmoins la cause d'une brouille entre les deux hommes, lorsque Jouvet apprendra par les journaux qu'Achard a cédé les droits cinématographiques à un producteur qui lui préfère Charles Boyer dans le rôle-titre. Mais d'autres projets de films viennent s'offrir à Louis Jouvet: Entrée des artistes, et surtout Hôtel du Nord qui connaîtra un énorme succès et fera de lui une véritable star du cinéma.

Ce qui préoccupe le plus Louis Jouvet en cette fin de l'année 1938, c'est de trouver un décorateur pour la nouvelle pièce de Giraudoux, Ondine. Christian Bérard est peu inspiré par cette oeuvre et Jouvet doit chercher ailleurs. Les décorateurs se succèdent dans son bureau, mais rien ne lui convient. Finalement, Jouvet contacte Pavel Tchelitchew à New York. L'association coûtera une petite fortune à Jouvet qui n'a vraiment pas d'autres choix, mais il sera content des décors de Tchelitchew, et envisagera de retravailler avec lui. Tout en tournant les intérieurs de La Charrette fantôme, Louis Jouvet, tenaillé par le trac, voit approcher la date de la première, le 4 mai 1939. Mais la pièce est un triomphe, la salle ne désemplit pas et Madeleine Ozeray obtient un grand succès personnel. Les vacances arrivent. Jouvet ferme l'Athénée pour l'été. Il a promis d'être au festival de Cannes fin-août pour défendre La charrette fantôme qui y sera présenté. Il reprendra Ondine en septembre.

Mais tout l'été, la guerre couve. Début septembre, c'est la mobilisation générale et l'entrée en guerre de la France. Quand il rentre à Paris, Jouvet doit se rendre à l'évidence. Presque tout son personnel masculin est mobilisé. Il doit fermer temporairement son théâtre. En mars 1940, le tournage de Volpone, interrompu l'année précédente faute de fonds, peut enfin reprendre. Jouvet aura beaucoup de plaisir à faire ce film, où il partage la vedette avec son cher ami Charles Dullin, ainsi que Fernand Ledoux avec lequel il aime bavarder. Le jour même où débute le tournage, Ondine reprend l'affiche à l'Athénée.Cependant les Parisiens n'ont pas le coeur au théâtre en cette période de guerre. Les recettes sont insuffisantes, et Jouvet se voit contraint de retirer Ondine de l'affiche le 15 mai.

En juin, les Allemands sont à Paris. L'armistice est signée. Jouvet se voit bientôt interdit de monter Giraudoux et Romains, on lui suggère plutôt Heinrich von Kleist. Dans ces conditions, il préfère garder son théâtre fermé indéfiniment. Avec Madeleine Ozeray, il va se reposer à Aix-en-Provence. Ils y rencontrent Max Ophüls et projettent avec lui de tourner en Suisse une version filmée de L'école des femmes. Mais Louis Jouvet a aussi d'autres projets en tête, et lors d'un séjour à Paris en septembre 1940, il en parle avec Marcel Karsenty.

Karsenty avait organisé l'année précédente la tournée sud-américaine de la Comédie-Française. Jouvet, qu'on avait aussi déjà invité à faire une tournée là-bas, avait décliné jusqu'à présent faute de temps. Mais maintenant partir lui semble la seule voie possible. Karsenty accepte de s'occuper de toute l'organisation.

Interdit d'enseignement par l'occupant, Louis Jouvet donne le 7 décembre 1940 son dernier cours au Conservatoire d'art dramatique. Dans le mois qui suit, il tente de recruter les acteurs qui l'accompagneront. Certains voient d'un très mauvais oeil ce départ, comme si Jouvet abandonnait le navire. Mais Jouvet suit son idée, règle l'intérim à l'Athénée, prend les dispositions pour que ses appartements soient maintenus pendant son absence et obtient un laissez-passer de libre circulation jusqu'au 31 mars 1941. Le 2 janvier, il part pour la Suisse, mais dès le début du tournage de l'Ecole des femmes, il s'aperçoit des véritables relations de Madeleine et Ophüls qui entretiennent depuis quelques temps une liaison secrète. Blessé, Louis Jouvet abandonne le projet. Le film est arrêté. La rupture est imminente, et Jouvet songe un moment à trouver une autre actrice (et une autre compagne), mais Madeleine décide finalement de rester avec lui. A Vichy, Karsenty s'est affairé à obtenir les permissions et les bons qui permettront le départ pour l'Amérique du Sud.

C'est ainsi que Jouvet quitte Lyon le 26 mai 1941, avec 25 acteurs, 1 secrétaire, 2 machinistes, 1 directrice de scène, 1 régisseur, 1 costumière, et Marcel Karsenty qui s'occupe de tout (théâtres, abonnements, relations publiques, location, publicité, etc.), Jouvet ne voulant se consacrer qu'aux répétitions. Ils apportent aussi avec eux 34 tonnes de matériel (décors, costumes et accessoires) et de bagages. La troupe quitte Lisbonne sur le Bagé en direction de Rio de Janeiro le 6 juin 1941. Ils sont sensés revenir en octobre...


suite...

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