CYRIL HUOT
CYRIL HUOT
Vient de paraître. Disponible.
Par ce premier roman, s’il faut un genre, Cyril Huot brise le silence que lui inspire à l’ordinaire l’avarie générale de la société de son temps et le douteux confort des illusions que sa génération étrangement cultive après avoir été si bien conduite au désaveu de tout ce qu’elle prétendait porter quatre décennies plus tôt. Clinicien parfaitement capable de jeter un œil froid sur lui-même, c’est sous l’emphase des poses et des petites satisfactions
médiocres qu’il décèle l’épaisse et large couche de glace dans quoi se
sont laissé saisir les restes d’une aventure avortée qui se prétendait
commune avant qu’elle ait sombré dans l’imposture des apparences
infatuées, et par conséquent dans la pure et simple insignifiance. Lui
qui pouvait et peut toujours s’éclairer à la flamme des Whitman,
Coleridge, Salinger, boucané qu’il est au feu des vieux-vivants et des
anciens maîtres, arrache peu à peu, au long des périodes de son livre
mordant sur l’inconnu, sa vérité à l’hystérie, la vérité au mensonge,
fait exploser les balivernes et autres contes à dormir debout des impétrants de la jouissance érigée en paradigme, lors même qu’ils n’en
connaissent que la représentation et l’interdiction d’eux-mêmes
jusqu’au dégoût par le mépris d’autrui, quand les affaires sont les affaires, et quand l’oubli et la mort du cœur, du murmure du monde en
eux, vient à l’écrasement par leur inanité conquise. Et ce qu’il aperçoit
de lui-même surgit à travers le descellement qu’il effectue, morceau
par morceau, du temple de stuc enserrant l’âme vive et violée de cette
petite fille que fut Katherine Mansfield. S’il se trouvait un lecteur
pour en juger ici d’un lancinant excès de la douleur sous la rudesse d’un amant
solitaire, il faut avoir lu le livre jusqu’au bout pour découvrir qui
s’exonde du torrent des mots, et qui renaît de l’enchaînement, maille à
maille, de cette rudesse d’invectives et de questions.
I. D. L.
Cyril Huot n’est pas titulaire d’une chaire de littérature comparée à l’université de Toronto. Il ne vit ni à Barcelone, ni à Prague, ni à Beyrouth, ni à Kandahar, pas même au Creusot ou dans la banlieue ouest de Bourg-en-Bresse. Il ne passe pas la morte saison à Venise et n’a jamais fréquenté les bordels de Valparaiso. Il ne fait pas de fréquents séjours au Moyen-Orient. Il ne parle ni le persan, ni l’araméen. Il n'est pas directeur de collection dans une grande maison d’édition, ne contribue pas au supplément littéraire du Monde, ne dîne pas à La Closerie des Lilas et c'est à juste titre qu’il n'avait jamais été publié jusqu’ici. Cyril Huot est, bien entendu, un pseudonyme. Mais de qui ou de quoi? – il l'ignore lui-même et a toutes les raisons de penser qu’il l’ignorera jusqu’au bout. C. H.