« [Henri III]  voulait prendre une femme de sa nation qui fût belle et agréable, disant qu’il en désirait une pour la bien aimer et en avoir des enfants, sans aller en chercher d’autres au loin, comme ses prédécesseurs avaient fait. »

Cheverny, chancelier du roi

 

 « [Je m’afflige] d’être éloignée de la présence d’un si beau, bon mari, étant la plus heureuse femme du monde, m’ayant tant montré d’amitié que je ne fais que prier Dieu de me le conserver, ne voulant vivre que pour lui. »
Louise à sa tante, la duchesse de Nemours, en 1585

 



Louise de Lorraine, reine de France

L’histoire de Louise a tout du conte de fées, du moins au début : A son retour de Pologne en 1574, le nouveau roi de France, Henri III, prend une décision qui surprend profondément son entourage ainsi que le pays entier : il épousera Louise de Lorraine, issue d’une branche cadette de la prolifique maison des ducs de Lorraine, parti on ne peut plus modeste pour un roi de France.

Ils se sont connus un an plus tôt, à la veille de son départ pour un royaume dont il ne voulait pas. Tout à sa passion pour Marie de Clèves, il ne s’était pas aussitôt embrasé pour Louise, mais lorsqu’il décidera, après la mort de Marie, de couper court aux entreprises matrimoniales de sa mère, il se souviendra de la douce et modeste jeune fille, qui jusqu’alors avait mené une vie de cendrillon dans la maison de sa belle-mère.

Contre tous les usages, l’union du roi avec Louise de Lorraine est le seul mariage royal de tout le siècle où n’interviennent nulles considérations de politique ou d’intérêt. Inspiré, à défaut d’amour passion, par une inclination vraie, c’est un acte de foi dans l’amour conjugal espéré.

Louise compte beaucoup dans la vie de son époux et il forme avec elle un couple très uni. Ce n’est pas pour autant une union sans nuages : les infidélités conjugales, les « mignons », le drame de la stérilité, la guerre civile… Louise aura à subir tout cela, sans jamais cesser de porter à Henri un amour exceptionnel.

La mort du roi la laisse inconsolable, elle prend le deuil en blanc, se retire à Chenonceaux, puis à Moulins, où elle meurt en janvier 1601.

 

 

Biographie détaillée de Louise

 

     L’enfant mal-aimée

 

     Une rencontre fatidique

 

     La Reine Louise

 

     La reine blanche

 

L’enfant mal-aimée

 

Louise naquit au château de Nomény le 30 avril 1553. Fille de Nicolas de Mercœur, comte de Vaudémont, cadet de la maison de Lorraine, elle était l’aînée des quatorze enfants qu’il eut de trois lits successifs. Elle n’avait qu’un an lorsque mourut sa mère, Marguerite d’Egmont, issue d’une grande famille des Pays-Bas. La seconde épouse de son père, Jeanne de Savoie-Nemours, fut pour elle une belle-mère affectueuse, lui fit donner une solide instruction classique et l’introduisit à la cour de Nancy à l’âge de dix ans. Elle brilla dans le monde, à Munich, au mariage de sa cousine Renée avec le duc Guillaume de Bavière. Mais un nouveau veuvage du comte lui donna pour marâtre Catherine d’Aumale, une femme dure, jalouse, qui « ne daignait jamais lui adresser la parole et encore moins la visiter » et qui la confina dans un isolement que venait rompre à de rares occasions la sollicitude de la duchesse Claude, la fille de Henri II et de Catherine de Médicis.

 

 

Une rencontre fatidique

 

Grande, blonde au teint blanc, aux yeux brun clair très doux voilés par une légère myopie, la silhouette fine et racée, elle était belle, d’une beauté délicate, discrète, émouvante. Le futur Henri III la rencontra en automne 1573, lorsqu’il fit étape en Lorraine, sur le chemin de Cracovie. Dans le trouble où le jetait un départ qui lui répugnait, il fut frappé par la douceur et la modestie de Louise, lui demanda de prier pour lui, ajoutant que « s’il recevait du ciel cette grâce de voir son Etat bien établi, il lui ferait paraître combien il honorait son mérite. » Bien que les biographes ultérieurs de la reine aient voulu voir dans ces paroles une première ébauche de l’engagement à venir, on ne peut croire raisonnablement que Henri ait alors songé à l’épouser : une vague promesse de faveur, c’était déjà beaucoup en échange des prières d’une inconnue. Il ne « s’embrasa » pas aussitôt pour elle, c’est d’un autre feu qu’il brûlait alors : il était tout à sa passion pour Marie de Clèves.

Mais après la mort de la princesse de Clèves peu de temps après son retour de Pologne, lorsqu’il décida de couper court aux entreprises matrimoniales de sa mère en prenant l’initiative, il se souvint de la douce et modeste jeune fille, qui n’était pas sans lui rappeler par certains côtés son amour perdu. Elle n’avait ni rang, ni crédit, ni fortune, ni prétentions. Elle n’existerait que par lui, elle serait toute à lui, fidèle et tendre. Il confia à son chancelier, Cheverny, « qu’il voulait prendre une femme de sa nation qui fût belle et agréable, disant qu’il en désirait une pour la bien aimer et en avoir des enfants, sans aller en chercher d’autres au loin, comme ses prédécesseurs avaient fait. » « En son cœur, il avait une affection imprimée et quasi déjà formée pour Mademoiselle de Vaudémont. »

Ce mariage « inégal et précipité » surprit beaucoup les contemporains, qui taxèrent de comédie le chagrin mélodramatique affiché par Henri quelques semaines plus tôt, à la mort de Marie de Clèves. On le soupçonna de n’aimer personne, alors qu’il lui fallait en permanence aimer quelqu’un, pour se sentir vivre. On ne comprit pas davantage tant les mentalités étaient accoutumées à dissocier amour et conjugalité, qu’il tînt à porter à celle qu’il épousait un sentiment sincère. Contre tous les usages, son union avec Louise de Lorraine est le seul mariage royal de tout le siècle où n’intervinrent nulles considérations de politique ou d’intérêt. Inspiré, à défaut d’amour passion, par une inclination vraie, c’est un acte de foi d’ans l’amour conjugal espéré. Henri, décidément, prenait plaisir à se singulariser.

Il n’osa pas aborder sa mère de front et chargea le fidèle Cheverny « de le lui faire avoir pour agréable. » Catherine croyait que la perte de Marie de Clèves lui aurait inspiré, à l’égard des autres épouses possibles, une totale indifférence. Elle tomba de son haut. Mais elle l’aimait trop et craignait trop son humeur incertaine pour prendre le risque d’un conflit. Elle jugea qu’il serait désastreux de laisser apercevoir entre elle et son fils le moindre signe de mésentente. Elle prit donc le parti d’approuver chaudement ce qu’elle ne pouvait empêcher. Certes les Guise, apparentés à la nouvelle reine, pourraient tenter d’en tirer avantage, mais la mort récente du cardinal de Lorraine venait de les affaiblir : une chose compensait l’autre. Et puis, renseignements pris, elle fut conquise par « l’esprit doux et dévot de cette princesse qu’elle jugea plus propre et adonnée à prier Dieu qu’à se mêler des affaires » : Louise ne lui disputerait pas le terrain politique.

Aussitôt acquis l’accord maternel, Henri congédia la capiteuse Renée de Rieux, demoiselle de Châteauneuf, avec qui il entretenait une liaison épisodique et, apprenant que Louise renonçait pour lui à deux prétendants, il proposa à l’un d’eux une compensation cavalière : « Mon cousin, j’ai épousé votre maîtresse ; mais je veux en contre-échange que vous épousiez la mienne. » L’autre obtint à grand peine trois jours de réflexion, qu’il mit à profit pour regagner en toute hâte son territoire de Luxembourg. Déjà deux hommes de confiance, Cheverny et Du Guast, chevauchaient vers la Lorraine, porteurs de la royale demande en mariage.

La suite de l’histoire, telle que l’ont transmise les historiens, a tout du comte de fées : Louise, qui s’était rendue en pèlerinage à pied dans un sanctuaire de saint Nicolas, était absente lorsque les envoyés se présentèrent devant son père. Inutile de dire que celui-ci n’attendit pas de l’avoir consultée pour donner son consentement. Elle rentra tard, fatiguée, se mit au lit et s’endormit. Le lendemain, elle sentit la présence de sa belle-mère à son chevet, ouvrit les yeux et vit celle-ci lui faire trois révérences. Habituée à être rudoyée, elle ne comprit pas, se crut en faute, lui demanda pardon de ne pas s’être habillée à temps pour la saluer la première à son lever. « C’est à moi de me trouver au vôtre, répondit la marâtre avec une douceur imprévue, et de m’excuser d’avoir peut-être manqué à ce que je vous devais : vous épousez le roi de France. » La jeune fille, stupéfaite, croyait à une mauvaise plaisanterie. Là-dessus, le comte de Vaudémont entra, confirma l’extraordinaire nouvelle. Louise se crut touchée par la baguette d’une fée. Toute une vie d’adoration ne lui suffirait pas pour remercier Henri d’un si fabuleux honneur.

 

Le temps prit alors le galop. On était au début de février. Le roi tenait, pour donner plus de solennité à son mariage, à le jumeler avec son sacre, prévu pour le 13 du même mois. Il décida que les noces auraient lieu deux jours plus tard. Il arriva le 11 à Reims, où Louise l’avait précédé de peu. Rencontre un peu angoissante pour tous deux. Au cours du voyage une autre princesse lorraine – Mademoiselle d’Elbeuf – avait affirmé à Henri, pour tenter de la supplanter, que Louise lui préférait en secret un de ses anciens prétendants. IL se demandait si il n’avait pas cédé trop vite à une impulsion déraisonnable. Elle, de son côté, qu’il ne fût déçu en la revoyant. Mais lorsqu’elle parut devant lui, elle rayonnait d’une telle joie qu’aucun doute n’était permis et le cœur du roi fondit de tendresse en se voyant ainsi adoré.

Elle se rendit le dimanche à son sacre, revêtue d’un manteau étincelant de perles et de pierreries. Elle put le voir, caparaçonné d’or et de diamants, accomplir les gestes rituels, supporter des heures durant l’exténuante cérémonie. Il était à jeun, comme le voulait le rituel, il se sentit défaillir lorsqu’on lui posa sur la tête la lourde couronne, qui glissa, faillit tomber ; et il murmura qu’elle lui faisait mal : mauvais présage ? Il dut renoncer, par fatigue, à toucher les scrofuleux. 

Le mariage devait être célébré deux jours plus tard. Animé d’une ardeur féminine, Henri oublia ses fatigues pour se jeter à corps perdu dans les débats des tailleurs et de joailliers. La manipulation des étoffes, le choix des gemmes, l’ordonnance des parures lui apportaient un authentique bonheur, une euphorie sensuelle. Sur la douce Louise, mannequin docile, il drapait inlassablement velours, brocarts et dentelles. Le matin de la cérémonie, il voulut coiffer lui-même sa fiancée et voua tant de soins à ce travail qu’il fallut renvoyer la messe à l’après-midi. Le soir tombait lorsque, au pied de l’autel devant lequel s’était inclinée Jeanne d’Arc, le cardinal de Bourbon l’unit à Louise de Lorraine.

 

 

La Reine Louise

 

A la fin du mois, ils rentrèrent ensemble dans la capitale que Henri avait quittée un an et demi plus tôt pour s’en aller occuper le trône de Pologne. Louise était désormais reine de France.

Jamais ne s’éteignit chez Louise l’éblouissement des premiers jours. Plus rien ne compta pour elle en dehors de celui qui l’avait élevée à lui, élue entre toutes pour partager sa destinée. Le cœur du roi ne l’avait pas trompé : elle était bien telle qu’il l’espérait. L’amour qu’elle lui voua devait résister au temps, aux épreuves, aux infidélités, à la mort. Pourtant ce n’était pas un homme simple et facile à vivre que le fils préféré de Catherine de Médicis. Et sa personnalité ambiguë lui valut des attaques d’une violence inouïe, dont son épouse subit durement le contrecoup :

 

Louise a épousé un roi très « féminin » - sa table de toilette n’a rien à envier à celle d’une coquette avertie, il prend soin de ses cheveux, lance avec joie de nouvelles modes. Trop poli pour être honnête, trop mesuré dans son langage, trop doux malgré quelques éclats de colère, trop séduisant, trop raffiné, il aggrave son cas par son amour des livres, son intérêt pour les débats moraux ou philosophiques, ses accès de mysticisme. Ce roi intellectuel passe pour un paresseux.

Mais ce qui contribua le plus à entacher sa réputation est la présence à ses côtés d’une pléiade de favoris qu’il entoura d’une affection extrême et combla de faveurs : les mignons.

 

Il ne négligea jamais sa femme, quoi qu’on en ait dit sur la foi des rumeurs concernant ses mœurs. Elle compta beaucoup dans sa vie et il forma avec elle un couple exceptionnellement uni. Si Louise de Lorraine occupe peu de place dans les chroniques, c’est parce qu’elle ne joua guère de rôle dans l’histoire – elle n’en avait ni le goût, ni sans doute les capacités. Elle se fond dans l’entourage du roi, perdue dans une manière d’anonymat. Quand on lit sous la plume d’un mémorialiste « la reine », il s’agit presque toujours de la reine mère. Pour parler de Louise, ils spécifient « la jeune reine » ou « la reine régnante ». Celle-ci s’accommode sans peine d’une discrétion qui lui convient.

Mais si on regarde de près ces chroniques ou si l’on examine l’iconographie, on constate que Louise est toujours auprès du roi. Elle fut plus étroitement associée à la vie de son époux qu’aucune autre reine. Elle paraît à ses côtés dans toutes les cérémonies, dans toutes les fêtes, dans tous les festins officiels. Elle est présente dans sa chambre lorsqu’il reçoit des ambassadeurs, figure en bonne place à la séance d’ouverture des Etats Généraux et participe avec lui, le 31 mai 1578, à la pose de la première pierre du futur Pont-Neuf. Les rois guerriers sont souvent loin de leurs épouses. Henri III, plus sédentaire, séjourne près de la sienne. L’étiquette veut qu’il lui rende une visite quotidienne après son dîner (qui est, entre onze heures et midi, l’équivalent de notre déjeuner), qu’il prenne avec elle le souper (notre dîner) aux côtés de sa mère et qu’il passe ensuite la soirée avec toute la cour à écouter de la musique ou à danser. Mais Henri ne s’en tient pas à ces démarches obligatoires. Il apprécie la compagnie de sa femme et s’offre avec elle des escapades pleines d’imprévu. Dans l’hiver de 1574/75 et bien que le pays fût en guerre, dit ironiquement L’Estoile, il ne laissait pas « d’aller aux environs de Paris, de côté et d’autre, se promener avec la reine son épouse, visiter les monastères des nonnains et autres lieux de plaisir, et en revenir la nuit, souvent par la fange et mauvais temps. » L’été suivant, il profite d’un voyage en Normandie pour lui faire découvrir la mer. Vers la même époque, il lui achète la terre d’Olainville dont il remeuble somptueusement le château. Ils y séjourneront ensemble à plusieurs reprises.

 

Note : Le reste de cette partie de la biographie de Louise de Lorraine sera ajouté sous peu, de même que la partie suivante…

 

La reine blanche


 
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