« Il est nécessaire sur toutes choses qu’elle se
conduise par la volonté du Roi…et qu’elle fasse selon [son] désir en toutes
choses… » Marguerite d’Autriche « Aucune femme n’aurait pu faire mieux, avec un
meilleur esprit. » L’ambassadeur anglais sur
Eléonore (1542) |
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Les parents d’Eléonore
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Eléonore est l’aînée des six enfants de Jeanne d’Espagne et Philippe le
Beau. Elle naît en 1498 et passe ses jeunes années à la cour de sa tante
Marguerite d'Autriche avec trois de ses frère et sœurs. En 1517, elle suit
son frère Charles en Espagne qui y va pour recueillir son héritage maternel.
L’année suivante, elle est mariée au vieux roi de Portugal, Manuel Ier
dit « le Fortuné » qui avait épousé précédemment deux tantes
espagnoles d'Eléonore. A la mort du roi Manuel, Eléonore va rejoindre son
frère Charles en Espagne. Biographie détaillée d’Eléonore : Eléonore, née
le 15 novembre 1498 à Louvain, était la première des enfants de Philippe le
Beau et de Jeanne de Jeanne « la Folle ». Elle n’a d’autrichien que
le patronyme et ne mettra jamais les pieds en Autriche. Elle vient au monde en
pays « bourguignon » - c’est-à-dire, à l’époque, flamand – et vivra
longtemps en pays flamand, avant de se muer en Espagnole. Sa naissance
fut accueillie avec joie. A Bruxelles, dans Sainte-Gudule illuminée par le
flamboiement des torches, on la baptisa à la nuit tombante en grande
cérémonie. Les parrainages qui lui furent donnés la plaçaient sous un
patronage anti-français. Son
grand-père et parrain, Maximilien d’Autriche, lui donna le prénom de sa
propre mère, une princesse portugaise. Quant à sa marraine, c’était une
Anglaise, la fameuse Marguerite d’York, dite « Madame la Grande »,
la veuve de Charles le Téméraire, qui en défendait âprement la mémoire et
l’héritage. Dix-huit mois
plus tard naissait à Gand son frère, le futur Charles Quint. Elle parut à son
baptême le 7 mars 1500 et les gantois « Lui firent grande fête, car ils
ne l’Avaient jamais vue dans leur ville ». Elle resta depuis, et
toujours, étroitement associée à son frère. Après la mort de leur père en
1506, les deux enfants furent laissés aux Pays-Bas, ainsi que leurs jeunes
sœurs Isabelle (né en 1501) et Marie (né en 1505), et confiés à leur tante
Marguerite d’Autriche, qui les éleva. Eléonore
grandit heureuse, protégée, dans cette opulente Flandre où l’on savait vivre,
et bien vivre. Moins jolie que sa cadette Isabelle, moins énergique que son
autre sœur Marie, elle fut une jeune fille souriante et gaie, bien portante
quoique un peu trop maigre, au jugement de sa tante, qui se faisait l’écho du
goût régnant. Elle fut bien formée : on fit d’elle une bonne cavalière,
experte à la chasse et aux jeux de plein air. On lui apprit la musique, la
peinture, et beaucoup plus de lettres qu’on n’en enseignait d’ordinaire aux
princesses. De la piété, sans excès ni ostentation. Du solide. On la dit parfois
un peu sotte. Mais c’est plutôt le caractère qui est en cause dans son
absence d’ambition, la simplicité de ses goûts, sa modestie. Chez elle le
sentiment prime l’intelligence, elle est aisée À émouvoir, elle n’a pas la
tête politique. Douceur et bonté ? Indolence et passivité ? Chacun
jugera selon son humeur cette personnalité malléable, faite pour
l’obéissance. Elle tenta
pourtant, un jour, de faire preuve de volonté. A dix-huit ans, elle se crut
maîtresse de son avenir. Le climat dans lequel on vivait à la cour de Flandre
était assez libéral pour que pût s’ébaucher une idylle entre elle et le
prince Palatin Frédéric, quatrième fils de l’Electeur Philippe de Bavière.
Elle s’éprit de ce cadet sans fortune, entré au service de Philippe le Beau,
et qui continuait, après la mort de ce dernier, de représenter Maximilien aux
Pays-Bas. Il faut dire qu’il faisait presque partie de la famille :
seul, il était parvenu à faire manger le petit Charles qui s’y refusait, et
cet exploit lui avait valu le surnom de « père nourricier de
l’archiduc ». L’enfant, devenu roi, lui maintint sa pension et lui
conféra la Toison d’Or. Etaient-ce des titres suffisants pour prétendre à la
main d’Eléonore ? Elle se plut à le croire et se prit à espérer. L’été,
avec ses parties de campagne, était favorable aux rencontres discrètes. Les
deux amoureux se virent dans l’île de Walcheren, parlèrent longuement, firent
des projets, qui ne restèrent pas longtemps secrets. Charles, prévenu,
convoqua sa sœur, la regarda avec attention : « Il me semble que
vous avez la gorge plus enflée que de coutume. » Et il plongea dans son
corsage à la recherche d’un billet, qu’il savait y trouver. Le contenu s’en
révéla moins compromettant qu’on ne pouvait le craindre, rien d’irréparable
ne s’était produit. Le prétendant se contentait d’encourager la jeune fille à
repousser toute autre proposition. Mais c’était assez pour justifier une
contre-offensive en règle. Eléonore était d’un rang trop haut pour qu’on la
bradât. On feignit de craindre un enlèvement, on organisa une rupture
publique, on prit soin de se prémunir contre toute contestation ultérieure.
Les deux malheureux durent jurer que leurs projets étaient subordonnés, dans
leur esprit, à l’assentiment royal et qu’ils n’avaient échangé ni promesses,
ni gages formels de mariage. Ils se déclarèrent solennellement quittes l’un
envers l’autre et promirent de ne jamais invoquer un quelconque engagement. Le prince
Palatin fut renvoyé en Allemagne, mais ne renia pas pour autant ses
alliances : il resta le fidèle allié de la maison de Habsbourg. Eléonore
s’inclina. Histoire banale. Mais elle donnait beaucoup à penser sur le
caractère impérieux du jeune Charles : lorsqu’il rappelait aussi
sévèrement sa sœur aînée à ses devoirs de princesse, il n’avait que dix-sept
ans. Il promettait. Pour couper
court à tout incident, la meilleure parade était de la marier. Certes, on
n’avait pas attendu qu’elle eût cet âge avancé pour y songer. Mais son
grand-père Maximilien avait bien spécifié à sa tutrice Marguerite que seuls
trois partis étaient envisageables : les rois de France, d’Angleterre,
ou de Pologne. Et comme aucun n’était libre, il fallait attendre que l’une
des trois reines allât « de vie à trépas ». Louis XII, rendu
disponible par la mort d’Anne de Bretagne, avait préféré la jeune Anglaise,
puis il était mort, laissant le trône à François Ier, déjà marié.
Les autres reines tenaient bon. On refusa successivement pour Eléonore le duc
de Lorraine et le roi de Danemark, tout juste acceptable pour sa cadette
Isabelle, que ce prince cruel et débauché, surnommé le Tyran et bientôt
détrôné par ses sujets, conduisit à une fin tragique. On refusa aussi le roi
de Navarre : non seulement il n’était qu’un roitelet indigne d’une telle
union, mais il avait l’audace de réclamer que lui fût rendue, sous forme de
dot, la partie méridionale de son royaume – la quasi-totalité, que lui avait
arraché Ferdinand II d’Espagne. On continuait
donc de chercher pour elle l’oiseau rare, lorsque la crainte de la voir
disposer d’elle-même amena la famille à rabattre de ses prétentions. On tomba
d’accord sur le roi de Portugal. Depuis longtemps l’Espagne, faute de pouvoir
conquérir par les armes cette enclave étrangère dans une péninsule qu’elle
voulait sienne, tentait de se l’attacher par une longue chaîne de liens
matrimoniaux. Manuel Ier, dit le Grand ou le Fortuné (31.5.1469 –
13.12.1521), n’était plus un jeune homme. Il était laid, bossu, à demi
infirme. Il avait déjà épousé tour à tour deux infantes d’Espagne (deux
tantes d’Eléonore du côté maternel, Isabella et Maria), qui lui avaient donné
des enfants. Tandis qu’on songeait à promettre Eléonore à son fils aîné, non
encore nubile, il devin veuf à point nommé. C’est à lui qu’elle fut offerte
en 1517. Elle y
consentit. Elle n’en voulait pas à son frère. Son chagrin d’amour n’avait pas
entamé l’attachement très vif qu’elle lui vouait. Au contraire, il semble
même qu’elle ait reporté sur lui toutes ses ressources affectives. Il se
préparait à partir pour l’Espagne, afin de prendre possession d’un royaume
encore inconnu. Elle tint à l’accompagner. Elle avait pris en horreur les
Pays-Bas, pleins de souvenirs douloureux. Et sur le contraste de leurs deux
destins, elle rimait mélancoliquement : Si contraires sont nos fortunes Qui donnent au roi tant d’éclat Et qui me plongent dans ces ténèbres En causant la solitude Où je vais vivre si triste. Les vers, si
vers il y a, ne sont pas fameux. Mais le sentiment est d’acceptation
résignée. Ils s’embarquèrent
à Flessingue le 8 septembre 1517, affrontèrent ensemble les périls alors
inséparables des voyages maritimes, incendie d’un navire, tempête,
débarquement précipité. Des Asturies, ils s’acheminèrent vers Madrid, à
travers un pays qui, à côté de la grasse Flandre, leur parut aride et désolé.
A Tordesillas, en novembre, ils revirent leur mère presque oubliée, Jeanne,
que sa démence intermittente n’empêchait pas de rester, en titre, souveraine
de Castille : il fallait obtenir d’elle une délégation de pouvoir.
Entrevue douloureuse, bien que la Folle fût dans un de ses bons jours :
elle les embrassa, les trouva grandis – elle ne les avait pas vus depuis leur
enfance. Mais le château où elle résidait ne leur en parut pas moins
sinistre. Eléonore, toujours charitable, tenta d’en arracher leur plus jeune
sœur Catherine, que leur mère y retenait auprès d’elle, cloîtrée. Elle ne
réussit qu’à provoquer un esclandre : il fallut rendre l’enfant, qui y
gagna cependant quelques serviteurs et un peu de liberté. Elle rencontra
aussi son cadet, Ferdinand, élevé en Espagne et qu’elle ne connaissait pas.
Sur son passage, les chroniqueurs élèvent, comme toujours, un concert de
louanges : « A la vérité,
c’est un chef-d’œuvre, tant est sage, joyeuse, honnête et gentille en toutes
choses. » Et, pour une fois, ils ne fardaient pas trop la réalité. Elle épousa par
procuration, le 13 juillet 1518, Emmanuel le Fortuné, sans l’avoir jamais vu.
Son escorte hispano-bourguignonne la conduisit à la frontière, que marquait
sur la route un tout petit affluent du Tage, le Sevor. Elle passa le pont,
fut prise en charge par ses nouveaux serviteurs. A Lisbonne, le 24 novembre
1518, ultime cérémonie – mariage religieux. Elle était reine de Portugal. Elle le resta
trois ans, supporta patiemment son vieux mari, s’entendit bien avec les
enfants des premiers lits, à peine plus jeunes qu’elle, dont Isabelle, qui
épousera son frère Charles, et l’héritier Jean III, qui épousera sa plus
jeune sœur, la recluse de Tordesillas. On restait décidément en famille.
Elle-même n’était pas stérile, contrairement à ce qu’on dit trop souvent.
Elle eut un fils, Charles (18.2.1520 – 15.4.1521), qu’elle perdit très jeune,
et une fille, Maria (1521 – 1577), dont elle fut séparée dès son
veuvage : les Portugais tenaient à la marier à leur gré. Lorsque mourut
Manuel Ier, en 1521, elle dut partir en effet et rejoignit son
frère en Espagne, libre pour de nouvelles combinaisons matrimoniales. Son
ancien amoureux Frédéric, dit-on, se présenta une seconde fois, fut
repoussé : Charles Quint avait d’autres projets, auxquels elle se plia
sans qu’on sût rien de ses sentiment intimes. Elle fut
d’abord promise à Charles de Bourbon, pour prix de trahison. Après les
prétention initialement affichées, c’était tout de même tomber de très haut.
D’où l’hypothèse de certains historiens, qui ne voient dans ce projet qu’un
leurre destiné à appâter l’orgueilleux connétable. Note : Le reste de cette partie de la
biographie d’Eléonore sera ajouté sous peu, de même que la partie suivante… |
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