G. LÉONIDZÉ

1897-1966

 

 

CHANSON DE LA PREMIÈRE NEIGE

 

Est-ce la neige ou des colombes

Effrayées par le vautour?

Qui reposaient assoupies

Dans les chambres des étoiles,

Recouvertes de velours.

Vite,

Je veux les saisir

Dans leur vol s'entrecroisant

Vite, apportez mon fusil

Mon beau cheval alezan!

 

Deux essaims se sont jetés

Dans la rivière lá-bas,

Vite,

Sinon ma jeunesse

Va s'esquiver à grands pas!

 

Elle s'esquive et s'en va

Mais où sont-elles parties

Mes anciennes rêveries?

Les jours de l'adolescence

De loin, vers moi, comme un cerf

Lancent leur appel intense...

 

*

O toi, ma blanche colombe,

Ma lumière favorite!

Je n'ai pas fait retentir

Mes vers, comme l'eau, les truites,

Et comme

Une luciole

A l'amadou ne prend feu,

En dehors de la jeunesse

Rien ne rend un vers heureux

-Est-ce une larme ou le coeur

Lâchant en vers les colombes

Qui reposaient assoupies

Dans les chambres des étoiles

Et qui révaient sans encomore...

 

-Est-ce- un poème ou le chant

Du choeur des jours révolus

Est ce le coeur ou le champ

Que l'abeille à l'aube élut?

-Non, non!

C'est là de la neige

Et des étoiles la mousse,

Non, ce sont Ià des colombes

La peur du vautour les pousse!

-Vite

Vite mon fusil

Pour tirer un coup sonore

Vite le bruit du traîneau

Avec ses clochettes d'or!

Deux essaims se sont jetés

Dans la riviére là -bas

Vite

Sinon ma jeunesse

Va s'esquiver à grands pas.

 

 

 

LE CHÊNE NOIR SUR LA MER NOIRE

 

Tout seul, tout seul, tout frissonnant

Un chêne noir sur le rivage

Portait autant de plaies au flanc

Que e'clairs jaillis de l'orage

Gazouillant, des oiseaux de mer

S'acharnaient sur cet arbre immense

Collant des lambeaux d'arc-en-ciel

Avec leur bec sur chaque branche

Avec leur bec ils rapportaient

Dc la rosée, de la lumière

Et pour chaque chanson chantée

Le tronc saignait de plaies nouvelles

Tout seul, tout seul un chêne noir

Bruissait au vent sur le rivage

Sur son poitrail nu le brouillard

Lançait l'assaut poudreux des vagues

Le chêne au tigre était pareil

Mais plus tenace que les tigres

Chaque fois que frappait la mer

Il multiplìait ses racines!

 

 

NOTES DE VOYAGE

 

I. ANANOURI

Plus inattendu quŽune embuscade

Le fort Ananouri surgit,

De ses créneaux, glorieuses arcades,

La ruine, sur la route, gît.

LŽantique et morose citadelle,

LŽavant-poste du défilé,

Au bruissement des vagues rebelles,

Se taît, sous un ciel constellé.

 

II. LA KAKHETIE

Je la contemplais, la vallée dŽaurore,

Comprenant que la poignée de nids,

CŽest bien Akhméta, bourg multicolore

Que domine la Bakhtrioni.

Comme, avec des chants, arrivent en hâte,

Les garçons dŽhonneur du fiancé,

Les montagnes se rangèrent béates

Près de Kakhétie, de joie bercée.

Une nue noircit les voisins parages

Mais je vis de lŽor dans la percée,

Vers la bien-aimée pleins de force et sages

SŽélancent mes vers et mes pensées.

LŽétendue des bois, champs immensurables,

LŽombre dŽun aigle planant ternit,

A une nappe de festin semblable

SŽétale le cours dŽAlazani.

 

III. LE SOIR AU VIEUX TBILISSI

Sur les jardins de Tbilissi où vivent

Les contes de fées, jardins dŽespoir,

Sur le Mtkvari et sur ses douces rives

Se précipitent des merles noirs,

Le soir descend, mais les arômes durent,

La ville se pâme aux souffles frais,

Alors, des flots de chant dŽharmonie pure

Lentement coulent le long des haies...

 

IV. LA NUIT EN KARTALINIE

Je dirai plus tard à quoi ressemblent

Le flot nocturne, les saules dŽargent,

Les deux buffles noirs dormant ensemble,

Le murmure des roses sous le vent...

Les rafales des combats passèrent

Sur ce sol, an clapotement des eaux,

Observant ces vieilles places austères

Les buffles épient Ia marche dŽun radeau...

 

V. LES SINISTRES DE TIMOUR

Quel silence et des pénombres de pluche

Sur les pics neigeux et les hauteurs,

Tandis quŽen bas, comme au fond dŽune cruche,

Une étouffante, humide chaleur.

Des rues... des feux de ville... silhouettes...

Un incendie empourpre le jour...

Et le vieux rêve que mon arme est prête

Aux rudes combats contre Timour...

 

 

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NE QUID NIMIS

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