Frédérik Mey

Le formulaire (Vidéo)

Jadis, l'administration me semblait sans enchantement,
ce qui n'était dû qu'au fait que je manquais d'entraînement
Aujourd'hui, je suis chez moi dans tous les services publics
Et je me balade, sûr de moi, sur la voie hiérarchique
Et ceci depuis qu'un très officiel office exigeait
par lettre recommandée: «Veuillez envoyer sans délai:

(Refrain :)
[un formulair'/*des formulaires] demandant l'obtention du questionnair'
sur la nécessité de la remis' d'un formulair',
dont copie conforme confirme que le destinatair'
a rayé les mentions inutiles de la circulair'.»

Jusqu'à ce jour-là j'ignorais que cette chos' existait
Mais qui avouerait cela ? Par conséquent, je ramassais
mes papiers que je garde dans un vieux carton, en cachett':
Permis de pêch', contraventions et anciennes vignettes
Muni de ces documents, je choisissais à la mairie
une port' à pile ou face : «Bonjour, auriez vous ici

Refrain

«Ah,» disait l'homme au bureau, «tout ce que vous voulez, bien sûr,
mais je ne suis que le remplaçant de l'employé en cur'
Moi, je pourrais vous remettr' à la rigueur le dépliant:
Comment maigrir en trois jours, tout en mangeant normalement
Mais allez voir le gardien, paraît qu'il connaît la maison.»
Et c'est ce que je faisais : «Dites, Monsieur, où trouve-t-on

un questionnaire formulant la copie du demandeur
avec mentions inutiles... non attendez, y a une erreur
sur la nécessité de la circulaire, non c'est pas ça
Vous voyez c' que je veux dire, vous n' savez pas où il y en a ?»

«Désolé, vous faites fausse route ici, mon brave Monsieur
Faut aller rue Jean Jaurès, à Création de Contentieux,
au Cercle Consultatif du Comité des Imprimés
Mais faudrait s' grouiller un peu, parc' qu'à deux heures ça va fermer
Alors là, vous dites un p'tit bonjour au concierge de ma part,
qu'il vous envoie au bureau 110, ils en ont plein l'armoire

Refrain*

"Le 110 - vous plaisantez ?" me dit le concierge songeur,
"ils essayent depuis deux mois de se mettre sur ordinateur;
quant au guichet de section qui doit acceuillir les urgences,
c'est fermé, car le mardi l'adjoint du chef part en vacances
Madame Ginette est en stage et M'sieur Paul fête son jubilé
'y a plus qu'à voir aux archives, p't'êt' bien qu'ils voudront vous donner

Refrain

Je frappais, j'entrais et je sentais un violent tic nerveux
Une dame sirotait un café sans lever les yeux
Puis elle prit un tricot, moi, je souriais bêtement,
se faisait les ongles et arrosait un cactus répugnant
Je chuchotais : «Auriez-vous... ?», puis je hurlais les larmes aux yeux,
me roulais par terre en bavant et tambourinant: «Je veux

un formulaire demandant l'obtention du questionnaire
sur la néccessité de la remise d'un formualire,
dont copie conforme... et merde alors, espèce de verrue,
mettez-vous vos formulaires où vous voulez**, n'en parlons plus!»

Je rampais jusqu'au couloir et m'effondrais en sanglotant
Mais un garçon de bureau m'allongea délicatement
sur ses dossiers et me consola en poussant son chariot:
«Roulons vite chez l'infirmière, ella va guérir le gros bobo !
Attendez un p'tit instant, faut tout juste que je distribue
le paquet de formulaires où vous êtes couché dessus.

(parlando :)
Vous voyez ce tas de paperasses poussiéreuses?
Ça va être envoyé à l'office des services administratifs
Ils vont mettre ça au pilon
Ils vont s'en fair' des petits chapeaux ou des petits bateaux
Et dites donc, vous, vous n'avez pas besoin de broullions?
Ça peut toujours servir au verso.
Au recto, ce sont ces trucs totalement superflus
Attendez, comment ils appellent ça déjà ? Ah, oui :

Refrain*


**Ach, wie schade! Er verzichtet auf den Binnenreim, der sich geradezu aufdrängt, nämlich "au cul" - aber das wagte man damals vielleicht noch nicht zu singen, wenn man auch auf öffentlich-rechtlichen Sendern gespielt werden wollte ;-)

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