À 18 ans, j'étais déjà un prince, bien décidé à dévorer Neuilly L'ego énorm', et la morale mince, j'étais certain de dévorer Paris. Chez le grand con, mes armes, j'ai pu faire Dans les congrès, j' léchais déjà son fion Les coups bas, les lâchetés et autres trahisons m'avaient promis aux plus hautes fonctions. Je m' voyais déjà en haut de la Seine, du côté d' Neuilly, piquant la mairie de ce pauvre Pasqua Je m' voyais déjà épousant la même que Jacques Martin m'avait présentée pour qu' je les marie. J'étais le plus p’tit de tous les fumistes Mais j'avais les dents qui rayaient le sol, tell'ment j'en voulais Je m' voyais déjà, cherchant dans ma liste, deux ou trois péquenots qui, de gros fusibles, me serviraient. J'ai tout essayé pourtant pour aimer la France, J'ai vu des banlieues, j'ai parlé aux ploucs, j'ai fait des congrès Si tout a raté pour moi, si j'ai un goût rance, ce n'est pas ma faute, c'est les électeurs qui ont mal voté. Je n'ai jamais eu besoin de la chance Papa me disait : Fais comme ton frère, vénère les patrons ! J'ai léché des culs pour acheter la France Maintenant qu' je l'ai, je n' sais pas quoi fair' et j' suis emmerdé. J'ai 50 ans, j'ai la France qui me paye J'ai des agents, des fayots, des banquiers J' remue la tête, ça m'aère les oreilles J' fais du footing pour dégourdir mes pieds. J' vais balayer la France de sa crasse, à coups d' Karcher, je vais la nettoyer Je sais bien que les pauvres vont finir par crever Ça f'ra d' la place sur les Champs-Elysées. Je m' voyais déjà conquérir l'Afrique, au bras de ma femm' descendr' en bateau le Rio Grande Et puis just' après, c'est en Amérique qu'avec les Dalton, je serai le roi des Pieds Nikelés. Quand je veux du blé, je te fourgue une taxe, j'augmente tes impôts, je te barre ta route, je te bouffe ta vie. Quand j' suis fatigué, je tolère le PACS Je te montre Carla, je fais des photos, j' embrasse les pédés. J'ai tout essayé pourtant pour sortir du nombre : J'ai fait des discours, j'ai fait des promesses que je croyais vraies J' connaissais pas Minc et les gens l'ombre, qui m'ont dit : Mon gars, si tu veux durer, faut les enculer ! J' suis dev'nu un pur, t'as perdu d'avance. La place est trop bonne, même sans talent, j' la laisserai jamais Si t'es pas content, mon gars, c'est qu' tas pas d' chance 'y a encor' d' la place, un charter pour toi chez les émigrés !