Suzanne Gabriello

Je m' voyais déjà (Audio) (Audio*)

À 18 ans j'étais déjà vedette,
sans avoir fait aucun effort pour ça
À 35 ans les records de recette
continuaient d'être battus par moi.

Je n'avais rien à souhaiter, en somme
Pourtant j'étais rongé par un désir :
N'être qu'une débutant' sans le moindr' avenir
J'ai tout tenté pour le redevenir.

Je m' voyais déjà en bas de l'affiche,
chantant la premièr' devant un public qui n'écoutait pas
Je m' voyais déjà avec un pianiste,
que mon tour de chant manifestement n'interessait pas.

J'ai guetté en vain, rentrant en coulisse,
le moindre regard de l'un des artistes passant après moi
Je m' voyais déjà, c'est là que j'insiste
offrant des photos à des spectateurs qui n'en voulaient pas.

J'ai tout essayé vraiment pour rentrer dans l'ombre
J'ai pris le métro, j'ai fait des ménages, acheté à crédit
Si les contrats fleuvent toujours, et en très grand nombre,
ce n'est pas ma faut', mais cell' des journaux, des empresari'.**

Ça m'aurait tant plu de fair' anti-chambre,
laisser mon adress' et, sans qu'on m'écrit', attendr' patiemment
Et puis tous les soirs pour pouvoir attendre,
je m' voyais déjà gardant des bébés comm' les étudiantes.

J'assortie mes voitures à mes savates,
et je les jett' dès qu'elles sont rodées
Ça n'est vraiment pas pour fair' de l'Hécate,***
mais pour éviter d'être démodée.

Auprès de mon château le plus modeste,
celui qu' Versailles ressembl' à un taudis,
les hommes les plus beaux veulent devenir mon mari,
en ignorant le rêv' que je poursuis :

Je m' voyais déjà partir en tournée,
portant les valises, reglant les lumières, tirant les rideaux
Je m' voyais déjà, après la soirée,
balayant la sall' avec les serveurs dans les casinos.

Par économie, au bord de la route,
j' faisais du camping, mangeant des sandwichs, roulant en Solex****
Et pour les étapes paraissant moins courtes,
je m' voyais déjà faisant d' l'auto-stop sans aucun complex'.

J'ai mêm' essayé, j' vous l' jur', pour que ma gloir' cesse,
de gueuler des conn'ries dont toute la press' va tomber mort'
Mais par empress'ment sans dout' plus que par tendresse,
on crie au génie, et quand je dis "merde", c'est du Montherlant.*****

Je n'ai plus maint'nant qu'une seul' espérence,
c'est d'être trop vieill' pour envisager un recommencement,
que le public un jour de voyance******
réalis' enfin au bout de 20 ans que j' n'ai pas d' talent.


*Ausnahmeweise verlinke ich zwei Audiodateien - nicht, weil es unterschiedliche Aufnahmen wären, sondern weil die Untertitel verschieden sind. Wer etwas zu lachen haben will möge sie anklicken und sich seine Gedanken machen über die sogenannten "Spracherkennungsprogramme" - sie sind beide für den A... Warum? Weil man Sprachen wie das Französische nur aus dem Sinnzusammenhang verstehen kann, nicht aus einzelnen Lauten; und das wird ein Computerprogramm nie schaffen.
**zu ergänzen: "empresarios" - aber die Abkürzung reimt sich besser auf "crédit". Im Gegensatz zum italienischen "impresario" ist der französische das, was man auf Deutsch als "Manager" und auf Englisch als "agent" bezeichnet.
***Eine alte griechische Gottheit, urspünglich die "heidnische" Mondgöttin, im christlichen Mittelalter zu einer Art bösen Fee verkommen und hier offenbar als Sinnbild von Prunk, Protz und Verschwendungssucht verstanden ;-)
****Was den Italienern ihre Vespa war, war den Franzosen ihre Solex. Heute ist selbst deren Nachfolgerin, die "mobilette", schon fast vergessen.
*****Henry M. - trotz seines englischen Namens ein französischer Schriftsteller - lebte damals noch und war schwer en vogue. Als er 1972, mit 66 76 Jahren, fühlte, daß das Leben für ihn nicht anfing, sondern zuendeging - er begann zu erblinden -, wählte er den Freitod.
******Da das nicht mehr im Wörterbuch steht: veraltet (wohl auch schon 1965, als dieser Text entstand) für "clairvoyance". Besser wäre "lucidité" - aber das würde nicht auf die Zeile passen ;-)

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