Une grande leçon indienne: le Temple d'Ayodhya, un enjeu capital pour la planète Paul-Yves De Vleeshouwer En souvenir de Jean Varenne, indianiste et sanskritologue,
notre maître et notre ami, avec émotion Cette
affaire est importante. Elle démontre que les Indiens sont prêts, à tout prix, à faire
valoir leurs racines les plus profondes, partout et en tous lieux. Si
ce principe est valable en Inde, il pourra le devenir partout ailleurs, y compris en
Europe. Certes, face à l'oblitération chrétienne, l'archéologie a retrouvé ses droits
surtout en Angleterre, en Scandinavie, dans les Pays Baltes et en Russie, où cette
discipline a un droit de cité et jouit d'un respect général. Personne ne songe là-bas
à entraver le travail d'un archéologue qui se pencherait sur le passé pré-chrétien
d'un site religieux. Cette
bienveillance doit se généraliser dans toute l'Europe. En
Inde, la minorité musulmane s'oppose, avec une obstination aussi bornée
qu'incompréhensible, à tout juste retour au passé. Dans la perspective indienne, qui
est tolérante, la mosquée n'aurait suscité contre elle aucune animosité si elle avait
été simplement juxtaposée au Temple de Rama. Mais sa construction, malheureusement, a
impliqué la destruction du Temple, violence inadmissible pour les Indiens, qui font du
pacifisme et de la bienveillance à l'égard des cultes d'autrui un principe cardinal. Ce
que veulent démontrer au monde entier les traditionalistes indiens, c'est que les cultes
ont partout un droit d'aînesse, qu'il n'est pas licite d'éradiquer par violence la
sacralité d'un site, que la pratique des conversions forcées, du prosélytisme violent
et de la frénésie zélote à vouloir éradiquer les vestiges antiques est une dangereuse
aberration, qui ne devrait plus avoir droit de cité dans le monde. Les musulmans ont
parfaitement le droit d'ériger des mosquées, pensent les Indiens, mais non pas sur le
site de cultes plus anciens. Sagesse
simple. Sagesse
limpide. En
Europe, les Arabes d'Espagne rasent la première basilique de Saint-Jacques de Compostelle
et en transportent des fragments dans la grande mosquée de Grenade. Quand
les troupes espagnoles libèrent l'Andalousie, elles ne touchent pas à cette splendide
mosquée et la maintiennent telle quelle. Si les gouvernants de l'Espagne, au temps de sa
splendeur, avaient agi comme le Moghol Babar, ils auraient rasé cette merveille du monde
et construit sur ses ruines une cathédrale gothique ou baroque. Décriés comme
d'épouvantables barbares par des chroniqueurs haineux, ces chefs ibériques ont respecté
leur adversaire d'hier. N'ont
pas rasé leur lieu de culte, l'ont au contraire préservé avec respect pour les siècles
à venir. Dans
le contexte politique de l'Inde actuelle, le BJP au pouvoir, et le mouvement
traditionaliste qui le soutient, le RSS, ont fondé leur succès électoral sur la
volonté populaire de promouvoir un renouveau hindou, dont une des motivations majeures
est le désir de reconstruire le Temple de Rama. Lors de sa deuxième accession au
pouvoir, ce parti traditionaliste et nationaliste hindou a dû mettre un bémol à ses
revendications, vu qu'il gouverne en coalition avec des partis plus laïcs, soucieux de
maintenir, vaille que vaille, un modus vivendi entre les confessions, somme toute comme
Nehru l'avait voulu, pour éviter le basculement dans les affres atroces de la guerre
civile. Ainsi,
lors de la formation du gouvernement, l'accord stipulait d'"éviter tout conflit
entre les communautés", notamment à Ayodhya. Cependant,
devant la sauvagerie de plus en plus généralisée des fondamentalistes islamistes,
notamment en Indonésie et en Afghanistan, bon nombre d'hindouistes refusent désormais de
capituler devant cette violence gratuite, devant ce danger qui menace le monde en le
menaçant d'éradiquer sa mémoire la plus longue. Ces fondamentalistes djihadistes
rejoignent dans cette volonté démoniaque les occidentalistes de "McWorld", qui
tuent l'histoire en nos c¦urs, pour la remplacer par des immondes productions de nature
publicitaire. Nous aurons le choix: ou une hystérie schématique pseudo-religieuse, sans
profondeur temporelle, ou une vulgarité épouvantable, matérialiste, également sans
profondeur temporelle. Mais,
pour revenir à l'enjeu qui nous préoccupe, Advani, le gouverneur de l'Etat d'Uttar
Pradesh, où se situe le site d'Ayodhya, qui est simultanément Ministre de l'Intérieur
de la Fédération Indienne, est un fervent partisan de la reconstruction du Temple de
Rama, peu enclin à faire des compromis avec les héritiers de Babar, le barbare
démolisseur. Son geste, symbolique dans l'horreur, doit être réparé, pour les siècles
des siècles. Il doit être réparé de manière exemplative, afin que jamais plus dans le
monde Babar ne puisse avoir encore des imitateurs, qu'ils soient chrétiens, musulmans ou
mcworldistes. Telle est la grande leçon que nous donne l'Inde aujourd'hui, celle qui a
été revigorée par le RSS et le BJP. Le
dernier Prix Nobel de littérature, Vidiadhur Surajprasad Naipaul (°1932), écrivain de
langue anglaise mais de tradition indienne, a accordé plusieurs entretiens à la presse
internationale, où il déplorait la mentalité prosélyte en général, celle de l'Islam
en particulier. Les tragédies qui se déroulent en Indonésie, expliquait-il, notamment
au Spiegel de Hambourg, viennent de populations fraîchement converties à l'Islam,
qui s'adonnent au zèle des néophytes et commettent une surenchère sanglante à
l'endroit des religions indigènes ou des chrétiens de l'Est de l'archipel. Pour Naipaul,
qui parle un langage clair, ce zèle et cette surenchère découlent d'une instabilité
comportementale, de nature schizophrénique, fruit de l'éradication des cultes
ancestraux, remplacés par des vulgates sans racines. Le Prix Nobel nous livre là une
leçon d'une sagesse immense, que ne retiendront pas les tenants des vulgates chrétiennes
ou laïques en Europe. |