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Interview de Guillaume Faye
Victor Marck
Je vais
commencer par vous citer. Dans la revue Études et recherches, voici quinze ans,
vous écriviez que l'on peut en arriver au point où "une civilisation mondiale
désireuse de stabiliser l'histoire oppose sa volonté conservatrice aux forces qu'elle a
elle-même déclenchées". Selon vous, en sommes-nous là ? L'Occident, longtemps
témoin passif de l'invasion ethnique, l'Amérique longtemps complice imprudente des
islamistes, ont-ils encore la force d'âme pour "stopper le cours de l'histoire"
alors que le choc des civilisations est passé du stade de la "guerre froide" à
celui de la ³"guerre chaude" ?
Guillaume
Faye : Une époque se termine, une autre commence. On ne peut pas prévoir ce qui va se
passer : ce que nous savons est que nous sommes à la croisée des chemins, nous vivons la
fin d'un âge de la civilisation européenne. Civilisation qui a connu trois grandes
époques : l'époque antique, l'époque médiévale, puis l'époque moderne qui a
commencé vers les années 1850. Actuellement nous vivons la fin de cette dernière
époque car l'Europe est envahie par ceux-là même qu'elle avait conquis alors qu'elle
est en plein déclin démographique. Sur le plan moral, mental, psychologique, toutes les
valeurs européennes sont arrivées à terme, diluées dans l'humanisme et l'égalitarisme
total. La thèse assez hégelienne que je défends est que cette situation est en train de
provoquer une catastrophe mondiale qui peut à terme nous régénérer. On ne se
régénère pas à froid : on ne peut se métamorphoser qu'à chaud. La question centrale
qu'on peut se poser d'une manière dialectique est de savoir si cette catastrophe
ethnique, écologique, éthique, etc. que la civilisation européenne a provoquée par
sa propre décadence va être l'occasion d'une régénération ou d'une disparition.
Actuellement nous sommes colonisés et cette invasion se double d'un incroyable masochisme
de la part des européens eux-mêmes. Or, seule une crise terrifiante que je souhaite,
à cet égard peut changer les mentalités collectives, réveiller les Européens. Dans
mon nouveau livre, Avant-Guerre, je développe ma thèse de "La Colonisation
de l'Europe", tout en allant au-delà, en dépassant le contexte européen. Car pour
moi, à présent que nous sommes entrés de plain-pied dans le choc des civilisations,
nous allons vers la troisième guerre mondiale !
Le choc de septembre 2001 a semblé réveiller la capacité d'analyse de certains
médias. Puis, bien vite, Bush a précisé qu'il ne faisait pas la guerre à l'Islam, les
grands médias Le Monde ou Télérama en France, La Repubblica en
Italie, ont consacré toute leur énergie à nous faire connaître l'Islam, cette religion
de tolérance et de culture, si proche et si lointaine! La censure est-elle déjà revenue
?
Cette
prise de conscience était un frémissement, un battement d'aile. Quand Bush et Blair
disent qu'ils ne font pas la guerre à l'islam, c'est risible. Peut-être qu'on ne fait
pas la guerre à l'islam, mais l'islam nous fait la guerre ! Ce n'est pas vous qui
désignez l'ennemi, c'est l'ennemi qui vous désigne ! Ils
savaient très bien qu'ils déclaraient la guerre à l'islam, qui d'ailleurs est désigné
en arabe par le même mot que l'"islamisme" : islamiya. Il y a donc eu
une petite prise de conscience, mais elle n'est pas très importante. La guerre que nous
fait l'Islam n'a pas commencé le 11 septembre 2001, mais dès les années 60. Ce qui est
positif, c'est que les islamistes sont allé trop loin, trop vite : c'est la mentalité
arabe qui veut ça. Ils sont passés trop vite du temps de la paix au temps de la guerre,
alors qu'ils étaient en train d'envahir les consciences. S'ils avaient été moins
pressés, personne n'aurait rien vu. Sans doute, pour que les yeux s'ouvrent vraiment,
faudra-t-il un attentat géant : mais je ne crois pas que cela aura lieu tout de suite, ce
n'est pas dans leur intérêt d'en réaliser trop dans l'immédiat. Il est possible qu'il
y ait une période de calme. Nous sommes face à un terrorisme qui ne dépend pas d'une
vraie organisation terroriste, mais se déploie suivant la logique d'une guerre
transnationale, en réseaux, et qui va au-delà des seules capacités d'un groupe comme
Al-Qaïda : l'islam est une multinationale, la guerre n'est pas territorialisée, ni
réductible aux méfaits d'une seule organisation ! La fin de Ben Laden ne résoudra rien
du tout car ce dernier, simple sponsor du djihad malgré sa posture de Prophète, n'avait
fait qu'applaudir à des actes qu'il avait sans doute suivis et financés, mais
certainement pas organisés directement lui-même !
Quelle stratégie préconisez-vous pour les citoyens qui voudraient se préparer aux
conflits futurs ? Certains ont dit que vous vouliez fonder votre propre parti politique.
C'est idiot ! Cela limiterait mon audience. Cela va totalement à l'encontre de mon
analyse actuelle, car je préconise un travail en réseau. Il est certes nécessaire qu'il
y ait des partis pour faire de l'agit-prop. Mais l'important est le réseau, à l'échelle
européenne, sans gourou ni chefaillon ! Fonder sa petite secte une de plus est
totalement contre-productif. Mon "parti", c'est mon secrétariat et les nombreux
amis avec qui je collabore dans toute l'Europe. Je ne veux pas d'étiquette !
Dans la revue Réfléchir et Agir, vous avez préconisé un "repli"
sur l'action associative, à l'instar de ce qu'a fait l'extrême-gauche. Pourriez-vous
développer ce point ?
Ce n'est pas un "repli", mais une stratégie polyvalente. Il faut des
partis, des maisons d'édition, des associations, des syndicats. Il faut qu'il y ait dans
la société civile une présence de nos idées. Mais toutes les formes d'action sont
nécessaires : il ne faut pas vouloir faire de la métapolitique contre la politique.
Toutes les actions, politiques, culturelles, doivent être reliées par une même vision
du monde. Ce n'est pas une stratégie de repli, mais d'étalement, comparable à celle
qu'ont eu les trotskystes qui sont aujourd'hui à la tête de l'État et de l'Église
catholique ! dès les années 60. La droite nationale française est miné par la
culture de l'échec, les petits chefs, les ragots : les différents groupes de musulmans
et de gauchistes peuvent se détester entre eux, mais ils ont les uns comme les autres des
ennemis contre lesquels ils s'unissent. Alors que pour beaucoup de personnes de nos
idées, l'ennemi c'est d'abord son propre ami politique, pour de simples raisons de
jalousie !
Je suis étonné de voir que l'action associative a si peu été utilisée. Il n'y a
aucune association qui défende les européens ! Il y a bien l'AGRIF, mais ils font peu de
choses, et ils appartiennent trop ostensiblement au Front National, ce qui mine leur
crédibilité : SOS Racisme avait su camoufler à peu près son inféodation au PS ! Au
moins, la gauche se bouge : regardez Agir contre le Chômage, ATTAC ou Droit Au Logement,
qui représentent 5000 personnes en France ! Les gens dans nos milieux sont pour l'ordre,
mais ils sont désordonnés et inactifs, alors que les trotskystes, malgré leur
idéologie, sont des gens ordonnés. Il faut se bouger ! Je suis sidéré par la pauvreté
de l'activité associative dans notre camp. Je le répète, il y a du racisme
anti-européen et aucune association ne se remue vraiment pour en faire parler !
Que pensez-vous de cette dérive pro-islamiste que l'on observe dans la droite
nationale française, dérive souvent suscitée par un antiaméricanisme nourri
d'antisémitisme mal digéré ?
Cette dérive est avérée. Ils confondent l'ennemi et l'adversaire : l'adversaire
c'est celui qui nous affaiblit soit les Etats-Unis l'ennemi c'est celui qui nous
envahit concrètement : l'Islam et le tiers monde. Le plus drôle est que c'est moi, entre
autres, qui, dans les années 70, ai convaincu ce milieu qu'il ne fallait pas être
pro-Américain à fond. Tous les anti-Américains obsessionnels d'aujourd'hui étaient
alors pro-Américains ! Giorgio Locchi et moi, notamment avec mon livre Le système à
tuer les peuples, avons fait basculer dans l'anti-américanisme Alain de Benoist qui
était auparavant américanophile ; pour s'en rendre compte, il suffit de relire les
numéros d'avant 1975 de la revue Nouvelle École!
Certains souffrent d'un antisémitisme obsessionnel, doublé d'une sorte de syndrome de
Stockholm qui leur fait aimer l'ennemi véritable. Les musulmans ne leur en tiendront
aucun gré : les "identitaires" français qui ont peut-être admiré les actions
attribuées à Ben Laden seront égorgés comme les autres ! L'Islam est une religion de
force qui conduit certains militants nationalistes à se prosterner devant la religion
conquérante avec une fascination de colonisé. Mais même s'ils se convertissent, ce qui
est déjà le cas pour certains, ils ne seront jamais, en tant qu'Occidentaux, que des
musulmans de second ordre.
Le pro-islamisme dans la droite nationaliste est assez fréquent. Plus ces gens sont
"nazebroques" au sens le plus primaire du mot, anti-Américains au sens le plus
idiot du terme, et plus ils sont pro-musulmans, et sans connaître d'ailleurs l'Amérique
ni l'islam. Ils sont fascinés par l'idée néo-romantique qu'ils se font de l'islam. Dans
des milieux qui se disent radicaux, il y a une réaction infantile : ces gens sont
peut-être extrémistes, mais pas radicaux, car les radicaux sont ceux qui vont à la
racine des choses. C'est facile de taguer "US go home" ou "Vive Ben
Laden" dans le métro ; ils risquent moins que s'ils allaient écrire "islam
dehors" dans les banlieues.
En tant que journaliste, quel jugement portez-vous sur la sociologie des médias
actuels ? Le politiquement correct trouve-t-il ses racines dans le tiers-mondisme des
années 50 et 60, dans l'engagement communiste, ou plutôt dans mai 68 et les années qui
ont suivi ?
C'est un enchaînement ; mais je crois que c'est le post-68 qui a le plus pesé. Ceux
qui tiennent les médias sont des gens de 50 ans, de ma génération, qui ont grandi dans
une atmosphère néo-marxiste. Mais il faut savoir que règne chez les journalistes une
vraie pensée unique stalinienne : le marxisme a cédé à cet égard la place au
tiers-mondisme, puis à l'immigrationnisme. Pour réussir socialement, il faut avoir une
position qui aille dans le sens de la soft-idéologie anti-raciste, immigrationniste et
égalitaire (comme au temps de l'URSS, où il fallait être pro-soviétique). Sachant que
même des gens la désapprouvant participent à cette vulgate. Tout le monde voit la
vérité dans la rue, tout le monde sauf les élites actuelles, qui jouent les autruches.
De grands journalistes, totalement de mes idées, ont signé les pétitions pour les
"sans-papiers" : ils m'ont expliqué que s'ils avaient refusé, leur carrière
était foutue. Il ne suffit pas de n'en pas parler : il faut se dire anti-raciste,
comme il fallait se dire stalinophile dans les années 50.
Charlie-Hebdo avait attaqué Gérard Depardieu parce qu'il avait refusé de
signer!
Cela ne lui a fait aucun mal, car il est au zénith. Mais un jeune comédien aurait vu
sa carrière sciée. Il faut savoir que beaucoup ne parlent pas par conviction, mais par
trouille : ils veulent être du côté du manche. Il faut se proclamer anti-raciste, pour
l'intégration, etc. comme au XIXe siècle il fallait aller à la messe tous les dimanches
! Cela dit, Charlie-Hebdo, dirigé par de "vieux cons", est l'exemple
type du "torchon stalinien et délateur", un "média de flics de la pensée
et de collabos", le "degré zéro du journalisme".
Pour que les Européens aient une vraie prise de conscience, au point de conformisme et
d'aveuglement ethno-masochiste où en sont nos soi-disants "leaders d'opinion",
nous avons besoin d'une crise terrible, qui seule pourra nous donner l'énergie de nous
défendre.
Propos recueillis par Victor Marck (collaborateur d'une agence de presse)
Bibliographie sélective de Guillaume Faye :
Le Système à tuer les peuples, Copernic, 1981
Contre l'économisme, Le Labyrinthe, 1983
La Nouvelle société de consommation, Le Labyrinthe, 1984
L'Occident comme déclin, Le Labyrinthe, 1984
Nouveaux discours à la Nation Européenne, Albatros, 1985 (nouvelle édition revue et
augmentée : L'Aencre, 1999)
Europe et modernité, Eurograf, 1985
Petit lexique du partisan européen (en collaboration), Eurograf, , 1985
Les Nouveaux enjeux idéologiques, Le Labyrinthe, 1985
La Soft-idéologie (en collaboration, sous le pseudonyme de Pierre Barbès), Robert
Laffont, 1987
L'Archéofuturisme, L'Aencre, 1999
La Colonisation de l'Europe : discours vrai sur l'immigration et l'Islam, L'Aencre, 2000
Les Extra-terrestres de A à Z, Dualpha, 2000
Pourquoi nous combattons : manifeste de la résistance européenne, L'Aencre, 2001
Avant-guerre, L'Aencre, 2002
La lettre d'informations mensuelle J'ai tout compris !, dirigée par
Guillaume Faye, est éditée par la Société d'Edition et de Diffusion Européenne
(S.E.D.E., également propriétaire de la Librairie Nationale et des Éditions de
l'Aencre), 12 rue de la Sourdière, 75001 Paris Tel : 01 42 86 06 92 Fax : 01 42 86 06 98
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