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Contributions : Analyses : de Sélys

Résister à la privatisation de l'enseignement

 

Voici un bref compte rendu de la conférence, faite par M. Gérard de Sélys, chercheur , journaliste à la RTVB, le 2 juin 1999 à la Maison du tourisme de Grenoble, à l'invitation de l'Ades et Raisons d'agir 38.

 

Bien qu'annoncée dans la presse locale le même jour, cette conférence n'a fait l'objet , à ma connaissance, d'aucun article paru à ce jour...

Mme Kirkyacharian, conseillère municipale de Grenoble, a présenté , au nom des organisateurs, les différents intervenants.

 

M. de Sélys, coauteur avec M. Nico Hirtt , du livre « Tableau noir : résister à la privatisation de l'enseignement », a commencé son intervention d'une quarantaine de minutes par un subtil parallèle entre la période de colonisation de la fin du 19ème siècle pour faire face à une première grande crise économique mondiale et l'actuelle « colonisation » des services publics rentables, qui a suivi la crise pétrolière et qui est , en fait, une crise structurelle depuis bientôt trente ans !

Après le secteur de la téléphonie, totalement libéralisé depuis le 1/1/1999, cette privatisation concerne maintenant l'enseignement...

Pour les sceptiques, petit retour dans le temps :

En janvier 1989, l'ERT (European Round Table) publie un rapport intitulé « Education et compétence en Europe » ; on peut notamment y lire que « l'industrie n'a qu'une très faible influence sur les programmes enseignés »et que les enseignants ont « une compréhension insuffisante des affaires et de la notion de profit » . Dès mars 1990, la Commission européenne reprend à son compte la nécessité de « rentabiliser » la formation et d'instaurer un « marché » de l'enseignement...à commencer par celui de l'enseignement à distance. Elle précise dans un rapport de 1995 :« Le traité CEE, tel que modifié par le traité de Maastricht sur l'Union européenne, prévoit toutefois aussi une action de la Communauté dans le domaine de l'éducation et de la culture. Cette disposition limite donc les dispositions nationales. Le développement de l'éducation à distance est explicitement cité comme l'un des objectifs de l'action de la Communauté à l'article 126 ».Et, plus loin : « L'enseignement privé à distance est un service ». Il restait

le problème majeur de la délivrance des diplômes, dépendant de législations nationales. La Commission finance alors la création d'une « carte individuelle de compétences »qui enregistre les connaissances acquises , les progrès accomplis, le profil et devient ainsi un passeport électronique pour l'emploi dans « le meilleur des mondes » . Exit les diplômes ! Il n'est pas inutile de rappeler qu'à cette époque, le Commissaire européen en charge de l'éducation s'appelle...Edith Cresson...

En février 1998, C.A. déclare que son objectif est « d'instiller cet esprit d'entreprise et d'innovation qui fait défaut » au système éducatif français. Il ajoute :« Je suis convaincu qu'il s'agit là du grand marché du XXIème siècle ». Il parle encore de « rénovation des contenus » et de « filières...moins contraintes par des règlements nationaux ».

Les pays membres de l'OCDE consacrent annuellement 1000 milliards de dollars au financement de leur enseignement dont 80% pour les salaires des ...enseignants.

Appauvrir l'enseignement public est donc une stratégie « payante » qui mécontente les élèves et rend anxieux les parents qui cherchent mieux ( et plus cher) ailleurs...

Fin décembre 1997, il y avait déjà plus de 70 000 enseignements sur l'Internet dont plus de la moitié étaient payants. C.Q.F.D.

Conclusion de M. de Sélys : « Il reste maintenant à résister ! » .

 

Un débat, qui était prévu, a suivi avec, présents à la table du conférencier, Mme Monique Vuaillat , Secrétaire générale de la FSU et M. Jacques Martin , secrétaire académique du SGEN-CFDT .

Dans une longue intervention, sans être interrompue, Mme Vuaillat a confirmé qu'il existait de sérieuses menaces sur le service public de l'éducation, l'Europe étant dominée par « les forces du marché ». Elle a toutefois nuancé les propos de M. de Sélys en ne voyant pas de privatisation réelle de l'enseignement, le traité de Maastricht laissant une certaine souveraineté aux Etats dans ce domaine.

Il s'agit de développer la scolarité des jeunes et « les jeux ne sont pas faits » ...

Il existe cependant des menaces de privatisation partielle, effet de la réduction des dépenses d'enseignement. Exemples : en Grande-Bretagne , la loi Blair autorise la vente des écoles publiques et en Italie , le service « public » organise lui-même les leçons particulières payantes en prétextant qu'elles seront de meilleure qualité... ( Celles prévues par C.A. sont gratuites ) . Il s'agit aussi de réfléchir sur les technologies nouvelles ; de ce point de vue, l'Internet introduit aussi de nouvelles inégalités....Enfin, en ce qui concerne la « carte individuelle de compétences », ce n'est pas nouveau, Mme Ségolène Royal n'a-t-elle pas introduit le « livret de compétences » ?

On cherche à utiliser le service public plutôt que de le privatiser... :

« Ce n'est pas demain la veille ! » .

Si menaces il y a, elles viennent de l'enseignement privé subventionné et des collectivités territoriales qui créent des inégalités.

Dans un discours heureusement beaucoup plus bref ! M. Jacques Martin, s'est inscrit sans nuance et sans surprendre, dans la politique actuelle de C.A., en insistant sur la nécessité de changer le système éducatif, en particulier le statut des établissements et celui des enseignants, en ne trouvant pas choquant de ne leur laisser qu'une portion congrue dans les instances de décisions. Dans une provocation supplémentaire, il a évoqué la suppression des professeurs de mathématiques...

N.D.L.R. : C.A. l'a déjà fait : le mot « mathématiques » ne figure pas dans la charte du lycée pour le XXI ème siècle...

Une dizaine de questions ont été posées par le public d'une centaine de personnes, composé majoritairement d'enseignants !

Les deux premières , émanant de membres du SNUIPP, ont eu pour objet de contester les propos de M. de Sélys, considérant qu'il avait développé une thèse ...

M. de Sélys s'est défendu en disant qu'il ne soutenait aucune thèse, mais qu'il s'appuyait sur des faits et des textes ...Il a rappelé une citation de Mme Cresson : « Dans 10 ans, la moitié des enseignants sera à la retraite... ».

L'auteur du présent compte rendu a pu présenter le « Collectif ....de Grenoble » et ses actions, tout en indiquant qu'il ne voyait pas trop , mis à part M. de Sélys, où étaient les « résistants » ?

M. Pierre Kermen, Conseiller municipal de Grenoble, est intervenu dans la salle pour dire :« Osons regarder la réalité du service public » qui profite surtout aux fils et filles de cadres et de professeurs...Il a néanmoins terminé par la demande d'un débat public et un vibrant et surprenant : « Virez Allègre » !

M.Dickson, enseignant anglais, présent à la table, a terminé en donnant son témoignage avec l'engrenage : asphyxie du service public ( mode de gestion privée, flexibilité ).

A l'issue de la réunion ( vers 23h), la lettre « L'école est en danger » a été distribuée aux participants , à commencer par M. de Sélys et Mme Vuaillat , qui m'a confié à propos de la visite de C.A. à Grenoble le 31 mai et de l'appel à la « mobilisation générale » :

« Vous leur avez flanqué une sacrée trouille » ...

Bruno Ferrand, le 12 juin 1999 .

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