Contributions : Analyses



Article paru dans Charlie Hebdo n°434 (11 ocobre 2000)

OMC
Le renard négocie avec sa poule

L'OMC (Organisation mondiale du commerce) se réunit en douce à Genève, chut ! L'Europe, par le truchement de Pascal Lamy, négocie avec les Etats-Unis et une quarantaine de pays l'AGCS (Accord général sur le commerce des services). Les services, c'est l'éducation, la santé, la culture, la communication, l'audiovisuel, l'environnement, les assurances, la banque, les services financiers et juridiques divers, les transports.

L'OMC pense qu'il faut ouvrir le poulailler. C'est bon. C'est sain. C'est " darwinique ". La poule a sa chance.

La santé représente un marché de 2000 milliards de dollars. Plus que le commerce total des services en 1999 (1330 milliards de dollars). A 75 %, la santé est un service public. C'est bien dommage de le laisser aux citoyens. Non seulement il est sain de privatiser les services médicaux proprement dits, mais il faut privatiser la protection sociale, l'assurance-maladie. Avec l'explosion du nombre des vieux, le marché de la santé est en pleine expansion.

La concurrence accroît l'efficacité, c'est-à-dire diminue les coûts, la qualité des soins, et interdit l'accès des médecines les plus chères aux plus pauvres. C'est pas grave. Les plus pauvres auront l'hospice à défaut d'hôpital. Les débiles mentaux virés par AXA seront enfin un peu motivés pour chercher ailleurs, comme les chômeurs du Pare. Quelques vieux un peu trop longs à crever seront débranchés. Les médecins indiens iront bosser en chirurgie esthétique à Miami. D'ailleurs, 80% des médecins indiens bossent chez eux dans le privé, inaccessible aux plus pauvres.

L'éducation est aussi un service public. Le primaire, le secondaire,1'enseignement des adultes, le supérieur, tout est a priori négociable à Genève. Volume du marché: I 000 milliards de dollars. Profs aux enchères, cent pour le crétin gestionnaire, un pour le prof de sanscrit, investisseurs privés dans les universités et ailleurs, CD-Rom, enseignement en ligne, " home-schooling " (le retour du précepteur à domicile, l'Ancien Régime), dégraissez-moi tout ça ! Les Néo-Zélandais ont déjà mis tout leur enseignement (primaire compris) aux enchères. A Lambeth, Royaume-Uni, la Shell préside déjà aux destinées de l'enseignement secondaire. Elle donne des brevets de " citoyenneté " et " d'employabilité ".

Les Etats-Unis, incapables d'une éducation décente, se contentent d'écrémer le monde entier, particulièrement le tiers-monde. Qu'est-ce qui vaut mieux ? Enseigner l'informatique sur un ordinateur à pédales à Nairobi ou, pour cent fois plus, sur le dernier IBM à Berkeley ?

Que se passerait-il si une entreprise privée , dans l'éducation et la santé, portait plainte contre une entreprise publique, une mairie, un État pour concurrence déloyale ? C'est l'OMC qui trancherait, via l'ORD, l'Organe de règlement des différends. L'ORD est le tribunal de l'OMC qui, tiens, c'est curieux, a les idées de l'OMC. Fukuyama - qui, comme tous les dictateurs, les nantis, les milliardaires, les criminels et les usurpateurs, rêve à la fin de l'Histoire, laquelle les arrange bien - pense que le travail, l'environnement, la santé et l'éducation devraient être soumis à l'OMC, " ébauche de gouvernement mondial 1 ". Il ne lui viendrait pas une seconde à l'idée qu'au contraire ce soit le commerce qui est soumis.

Heureusement, l'OMC est présidée par Mike Moore, syndicaliste, qui est au commerce international ce qu'était Bérégovoy à la finance et ce qu'est Notat au Medef, un admirateur ébloui. Les anti-OMC ont leur chance 2.

ONCLE BERNARD

1. Le Monde, 18/12/1999.
2. Lire la brochure de la Coordination pour le contrôle citoyen de l'OMC, Alerte Générale capture des services publics, 44 rue Moncalm, Paris XVIIIème (01 46 06 46 30).

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