Revue de presse 1998 / juin1999 - [2000]


  • Les Échos , mercredi 30 juin 1999 : "Ernest-Antoine Seillière et Claude Allègre s'apprécient et ne s'en cachent pas."
  • La Provence , jeudi 1er avril 1999 : Les professeurs anti-Allègre occupent la fédération socialiste
  • Le Pavé de Marseille , jeudi 18 mars 1999 : Marseille, ville sans notes
  • Libération15 mars 1999, courrier des lecteurs : "Ancienne fidèle lectrice de Libération, je ne lis plus votre journal  qu'occasionnellement ..."
  • Ouest-France ,  mardi 16 mars 1999 : L'ouest plutôt en pointe de la mobilisation 
  • La Provence , mardi 2 mars 1999 : Profs: les anti-Allègre en grève jusqu'à nouvel ordre
  • Le Dauphiné Libéré, lundi 22 février 199 : Le discours du ministre manque de méthode
  • Famille Magazine, mars 99 n°135
    Un article de JP Berland, proviseur de Fénelon (Paris 6ème) où l'ignominie le dispute au pathétique. Après G. Longhi (Le Monde 20/2 et Libération  18/2) , un autre Allègre au petit pied n'hésite pas (pour avoir sa photo dans "Famille Magazine" (?!!))  a traîner les enseignants dans la boue.  Gageons que notre (encore) ministre saura se montrer reconnaissant envers ces zélés propagateurs de la "pensée" allégrienne.
    À ceux qui nourrissent encore quelques illusions quant aux  véritables objectifs de la réforme Allègre , on pourra conseiller de lire  ce texte intégralement, notamment la conclusion : "Déposséder les profs de leur liberté pédagogique? Non, simplement la réorienterter, la détourner de l'éxécution obsessionnelle de programmes archaïques, démentiels, pour la diriger vers ce dont les jeunes ont besoin: les moyens de se rassurer, de se connaître et d'entrer, tels qu'ils sont, dans la société. " 
  • Libération, jeudi 18 février : «Libération» a réuni huit enseignants pour débattre du projet de réforme
  • La Provence, samedi 13 février : Le style de Claude Allègre embarrasse les socialistes.
  • Le Parisien libéré,mercredi 10 février 1999 : « S'il était élu, il ferait moins de c... »
  • Le Monde, 5 février 1999
  • Libération, 30 janvier 1999
  • Le Parisien libéré, mercredi 27 janvier 1999 : Gauche : Manifestation à Paris d'enseignants réclamant la démission d'Allègre
  • Figaro magazine, samedi 30 janvier 1999
  • Le Monde, 23 janvier 1999 : La mobilisation des "anti-Allègre" se poursuit
  • L'Étudiant, janvier 1999 : Interview de Joseph Urbas
  • Libération, vendredi 15 janvier 1999 
  • Le Monde, jeudi 7 janvier : Un collectif " pour la démission de Claude Allègre "
  • Sud-Ouest, dimanche10 janvier 1999 : Le "cas" Allègre Un gros nuage politique monte en ce début d'année
  • Le Monde Diplomatique, novembre 1998 : L'école publique à l'encan
  • À propos d'un article paru dans Le Monde de l'éducation, septembre 1999 : Les petits marchands d'illettrisme (message de "Julien ESQUIE" [email protected])

 



Enseignants : le malaise Allègre


Dossier enseignement


Les Échos mercredi 30 juin 1999

Ernest-Antoine Seillière et Claude Allègre s'apprécient et ne s'en cachent pas. 
A Lyon, ils ont réitéré leur volonté de travailler ensemble au rapprochement école-entreprise. 

Ernest-Antoine Seillière apprécie Claude Allègre, "un homme épatant", avec qui il partage "une vision commune de l'Etat et de l'Education nationale." Réciproquement, le ministre de l'Education Nationale entretient les meilleurs relations du monde avec le président du Medef.
Signe de cette entente cordiale, Claude Allègre était présent hier à Lyon, à la clôture des deux journées de l'organisation patronale consacrées à la formation en alternance.

Semaine de l'entreprise à l'école
Sur la formation, leur accord est profond. Claude Allègre partage l'idée du Medef d'une nouvelles "complémentarité" entre l'école et l'entreprise. En annonçant lors de la présentation de la charte de l'enseignement professionnel intégré (*), son intention de toiletter et de limiter le nombre des diplômes professionnels, le ministre a réjoui l'organisation patronale qui y voit un moyen de mieux positionner les contrats de formation en alternance. Autre point d'accord: Claude Allègre souscrit à l'idée "d'une semaine de l'entreprise à l'école" qui sera organisée en mars prochain et permettra d'ouvrir les portes des classes de collèges aux professionnels.
De son côté, le Medef accepte d'organiser des stages systématiques en entreprise pour les futurs enseignants de lycées professionnels et même, s'ils le souhaitent, à ceux des lycées généraux.

(*) Tous les enseignants ont reçu ce document (DC)


La Provence jeudi 1er avril 1999


 

Les professeurs anti-Allègre occupent la fédération socialiste

Une trentaine d'enseignants opposés au ministre de l'Éducation nationale ont occupé, hier, les locaux de la rue Montgrand.
Le message s'adresse à Lionel Jospin et à « tous les ministres de la gauche plurielle »: « Claude Allègre doit démissionner ».
Ce message a été claironné hier par une trentaine de professeurs de collèges (membres du collectif « Allègre-Démission ») qui ont occupé la fédération socialiste.
Ils contestent la manière (« méprisante » disent-ils) dont le ministre de l'Éducation nationale conduit sa réforme.
Mais surtout, ils en contestent les objectifs: « Cette réforme ne sert pas le service public d'intérêt national. « Ce n'est pas une politique de gauche » déplore un prof de maths. Il affirme d'ailleurs que « Madelin et Pasqua applaudissent ce que fait Allègre ».

« Allègre a déclaré que 'l'éducation sera le grand marché du XXI° siècle' », grogne un prof de physique, « le rôle de l'école sera d'enseigner les fondamentaux. Les élèves qui voudront avoir accès à la culture iront se faire voir dans les cédéroms de Bill Gates ».

Une prof de langues ajoute: « Il n'y a plus d'épreuve de « civilisation anglaise » au Capes. Pour des raisons économiques, la partie culturelle de l'enseignement disparaît au profit de son aspect utilitaire ».

Concrètement, la réforme aboutira selon eux à l'hyper-spécialisation. « Pas de philo en terminale scientifique, pas de maths au bac littéraire », déplore un prof de philo.

« Or, affirme un prof d'arts plastiques, ce n'est pas l'intérêt des élèves ». Tout au moins si l'on considère que leur intérêt est de recevoir une formation de « citoyen » en plus d'un enseignement de « technicien ».

Les profs ont aussi des revendications plus corporatistes. Ils refusent d'être assistés par des gens « qui n'ont pas été formés par l'Éducation nationale et qui sont payés au rabais ». Reçus, en cette veille de vacances scolaires, par la secrétaire fédérale du PS à l'Éducation Samia Ghali, ils ont levé leur siège à 16h30 après avoir demandé (et obtenu) un rendez-vous avec le premier secrétaire, François Bernardini, le 19 avril prochain. Jour de la rentrée des classes.


Le Pavé de Marseille jeudi 18 mars 1999

Dans 9 lycées de Marseille, les enseignants ne communiquent plus les moyennes des élèves à l'administration. Du coup les conseils de classe du deuxième trimestre deviennent des lieux de débats et d'explications. Qu'est-ce qui fait donc bouger les enseignants marseillais ?

    Partie de Paris et de ses lycées sélectifs mais aussi des ZEP sinistrées des départements 91 et 93, unissant ainsi l'élite des classes préparatoires et les enseignants de base au contact des cités, la contestation parisienne a obligé les syndicats et notamment le puissant SNES à aligner leurs positions sur le mouvement des coordinations anti-Allègre et à couper les ponts avec un ministre qui , après les avoir évincés de toute concertation, tentait de se les concilier in extremis avec quelques menus appâts . L'objet de la grogne? Bien sûr, on n'avait guère supporté les insultes déversées sur un corps professoral accusé de tous les maux, escroqué financièrement et voué au dégraissage. Mais il était évident que ce tir d'artillerie lourde, analogue à ceux déclenchés naguère par Barre et Juppé contre les fonctionnaires, visait, à force de démagogie et de contre-vérités, à désolidariser les enseignants de la population, voire à dresser celle-ci contre ceux-là pour mieux faire passer une réforme dont ils sont en majorité les adversaires résolus et, quant à leur mission et à leur statut, les victimes désignées. Comme il serait aisé de les faire passer pour des défenseurs de leurs ìprivilègesî, pour des ìpartisans du statu quoî, pour des passéistes hostiles à toute rénovation! C'était cette entreprise qu'il s'agissait de contrer en menaçant le P.S. et ses associés d'une grève électorale (un vote ìAllègre -Démissionî aux européennes) et en répandant le mouvement en province pendant les vacances des Parisiens. Panique dans les hautes sphères, interventions répétées dans les médias, le ministre en martyr en couverture d'un magazine stipendié, promesse à demi-mot de restituer leurs 17% de rémunération à ceux à qui on les avait prélevés dans l'espoir que l'intérêt les ferait rentrer dans le rang (quel mépris pour la gent enseignante!), intervention du Recteur ìsur ordre du ministre pour aplanir les malentendusî auprès des représentants de 6 Lycées marseillais en grève  et ce, la veille de la manifestation qui le 4 Mars devait néanmoins proclamer haut et clair sur la Canebière que nul n'était dupe de ces manoeuvres de dernière minute pour faire passer une réforme anti-républicaine, d'inspiration libérale et profondément marquée par la haine de toute culture. Les manifestants se souvenaient (un mammouth, ça a une mémoire d'éléphant) que ce 4 Mars était, jour pour jour, le dixième anniversaire de la protestation de 100.000 enseignants contre une première mouture de cette réforme qu'avait proposée, moyennant un chantage à la ìrevalorisationî  un Jospin alors ministre en titre de l'Education  flanqué de son éminence rose Allègre; ils savaient que, mu par la hargne et le désir de revanche , l'actuel titulaire du poste avait symboliquement choisi cette date pour faire adopter son ìPlan pour le Lycée du XXI° siècleî par le Conseil Supérieur de l'Education, une instance consultative où les organisations représentatives des enseignants sont noyées parmi quantité de lobbies dont certains aussi aisément manipulables que l'avaient été en Octobre dernier ces mouvements lycéens à qui on avait réussi à faire dire qu'ils ne désiraient rien d'autre que ce que le ministre leur imposait. Las, si le projet d'horaires pour les classes de Seconde fut accepté à une faible majorité, il n'en alla pas de même, mais les médias le turent,  du reste du projet.
     Pendant ce temps là, les lycées de Marseille avaient donc pris la relève du mouvement parisien. Assemblées générales, coordination fondée par des non-syndiqués, contacts établis avec les syndicats (SNES, FO et SUD), lettres aux élus de la gauche plurielle, lettres d'explication aux parents et aux élèves, manifestations devant l'Inspection académique, tous les moyens furent bons, y compris la grève reconductible dans 5 établissements. Désormais le mouvement en s'étendant change de tactique: si d'aucuns (et la formule peut se généraliser) optent pour la grève tournante (chaque jour, une discipline différente manque à l'appel) ou pour la grève ìépidémiqueî(chaque jour, deux heures de trou dans l'emploi du temps des classes) , tous - soit pour l'instant, dans des quartiers et des milieux sociaux forts divers, Michelet, Les Remparts, Diderot, Saint-Charles, Saint-Exupéry, Thiers, V. Hugo, J. Perrin, Artaud et Montgrand -, adoptent au moins la fameuse grève des notes: bulletins trimestriels vierges ou à moitié remplis, liste de notes sans moyennes livrée à l'administration, bulletins envoyés au ministère à charge pour celui -ci de les délivrer aux intéressés, conseils de classes non tenus ou transformés en forums, quelle que soit la modalité retenue, il s'agit d'enrayer la machine administrative, de souligner que le rôle attendu des profs est d'être seulement des notateurs -orientateurs et d'alerter les parents d'élèves sur les projets Allègre au moment où, de leur côté, les collèges doivent remplir un questionnaire mitonné à la façon ministérielle dont on espère bien en haut lieu utiliser les questions-pièges et les résultats tronqués pour justifier un traitement de choc : les réductions drastiques en  dotation horaire dans les collèges où Pierre n'est même pas déshabillé pour vêtir Paul y sèment l'alarme.  Menacés d'être, comme tout le monde, supplantés par des intervenants extérieurs et à la merci pour leurs activités des politiques municipales autant que des inégalités en matière de financement, les instituteurs s'agitent aussi de leur côté et le mouvement fait tache d'huile . 
   Car , malgré les dénégations et les parades médiatiques, apparaît de mieux en mieux un plan d'ensemble qui vise l'Ecole du Primaire au Supérieur et que, tout en se défendant de le partager, énoncait gravement le Recteur: ìA l'heure de la mondialisation, les risques de privatisation existent et les enseignants peuvent être mis sur la touche par des moyens  d'acquisition des connaissances plus rapides, moins onéreux et plus rentables, par exemple pour l'industrie des logicielsî.  On croyait entendre le rapport de l'O.C.D.E. de 1998 sur les politiques d'éducation: ìLa mondialisation rend obsolète l'institution implantée localement et ancrée dans une culture déterminée que l'on appelle ìl'écoleî et, en même temps qu'elle ,ìl'enseignantî. Subsistant comme ì lieu de socialisation des ingérablesî,  elle se contenterait d'inculquer lesîcompétences minimales plutôt que des matières bien précisesî et deviendrait une ìinstitution ouverte au service d'intérêts très diversî.  Comment mieux définir ce que dessine, sous des allures de bon apôtre populiste et sous couvert de nouvelles pratiques pédagogiques, la réforme voulue par le quatuor Jospin-Allègre-Meyrieu-Attali, associé à une commissaire européenne nommée Edith Cresson et moyennant des accords passés avec un certain Bill Gates? Réduire toute capacité culturelle et réflexive, solder les savoirs désintéressés, transformer les professeurs en gentils animateurs sociaux ou les remplacer par des emplois-jeunes, accentuer les disparités entre établissements concurrents, ouvrir largement le service public aux intérêts privés, on comprend qu'il y ait là de quoi remplir d'aise un Juppé et, lorsqu'Allègre déclare tout de go:îL'école est le grand marché du siècle à venirî, de quoi ravir un Madelin . Il se trouve, hélas, encore des professeurs pour regimber devant ces perspectives, refuser obstinément une entropie qu'on leur présente comme fatale et pour le faire savoir par tous les moyens à leur disposition et  quoi qu'il leur en coûte .

Libération lundi 15 mars 1999

Ancienne fidèle lectrice de Libération, je ne lis plus votre journal qu'occasionnellement, tant l'image que vous véhiculez du métier que j'exerce me hérisse. Le mépris transparait dans la dénomination même de notre fonction : on n'est jamais professeur mais «prof», et si l'on exerce en collège, l'expression se fige immanquablement en «petit prof de collège».
 Aujourd'hui, c'est la dernière page de l'édition du 15 mars 99 qui me fait réagir. Le jour même de notre grève vous choisissez de faire le portrait d'un professeur. L'idée semble judicieuse, mais quel est votre but ? Informer le lecteur ? Mais alors, pourquoi choisissez-vous un exemple aussi éloigné de la réalité du métier que nous vivons tous les jours et des revendications que portent les «anti-Allègre» ? Il se trouve que je suis comme cette collègue - mais existe-t-elle vraiment ? j'ai du mal à le croire - agrégée de Français exerçant en lycée. Mais je crois rêver en lisant l'emploi du temps de cette jeune femme : Elle semble passer tous ses après-midi à «rêvasser, faire du shopping et écouter des disques en boucle». Ce qu'elle aime c'est «glander». Plus loin, on apprend qu'elle dispose de quinze semaines de vacances et que c'est pour elle une «seconde vie». Personnellement, j'exerce quinze heures de cours dans mon lycée, mais cela ne représente qu'une petite fraction de mon temps de travail hebdomadaire, et je serais bien loin de me considérer comme étant employée à mi-temps. Tout d'abord, tous les moments de la journée libérés par mon service sont occupés à préparer mes cours et à corriger mes copies, ce qui me paraît bien normal, puisque je suis payée pour un plein temps.  Mais il faut ajouter à ces journées «normales» les soirées passées à travailler, que je ne compte plus ! Les week-ends sans copies sont rarissimes... Les «petites» vacances sont réduites largement de moitié. Les sept semaines d'été sont un peu plus détendues, mais il faut quand-même lire et préparer au minimum deux ¥uvres, au maximum sept (!!) si l'on a la charge des premières et des terminales littéraires. Il reste peu de temps pour la «seconde vie» !
 Aussi mes raisons d'être «anti-Allègre» sont-elles diamétralement opposées à celles que vous présentez en ce jour de grève. Loin de réclamer le droit de continuer à «glander», j'aimerais au contraire que notre ministre reconnaisse à sa juste mesure la charge très importante de travail que nous avons à supporter. Mais sans doute dispose-t-il des mêmes références que vous. Il doit sûrement avoir rencontré lui aussi Mme Hélène Fieschi.
 Quant à vous, chapeau pour la désinformation !

P.S. : Un doute affreux m'étreint : après tout ,j'ai bien vu à la télévision, un jour de rentrée, alors que j'avais passé mon été à potasser Malraux, Chrétien de Troyes et Calderon, mon ministre affirmer devant des millions de téléspéctateurs que les enseignants avaient la chance d'avoir quatre mois de vacances (ce gros plan sur les quatre doigts de M.Allègre brandis de façon expressive est resté gravé dans ma mémoire). Et si je m'étais trompée durant toutes ces années, et si j'avais le droit d'arriver en cours les mains dans les poches... Cela m'ouvre des perspectives ; je vais en parler à mes collègues, qui semblent commettre la même erreur que moi.
 

Ouest-France mardi 16 mars 1999

L'ouest plutôt en pointe de la mobilisation 

Dans l'Ouest, le mouvement de grogne des enseignants a davantage mobilisé qu'au niveau national. Quimper, Caen et Angers ont été en pointe des manifestations avec 2000, 1500 et 1200 participants. 
[...] 
Bretagne. C'est en Bretagne que le mouvement a été le plus suivi. Dans le Finistère, les syndicats font même état de 90% de grévistes dans les écoles et de 70% dans le second degré. 2000 manifestants se sont retrouvés dans les rues de Quimper. Dans les Côtes-d'Armor, grève à 60% dans les écoles et à 48% dans les collèges et lycées, avec une manifestation de 500 personnes à Saint-Brieuc. Dans le Morbihan, les chiffres sont de 65% et de 43%, avec 600 manifestants dans les rues de Lorient. Enfin, à Rennes, le cortège a rassemblé 500 personnes tandis que, dans les lycées, la grève était suivie à 43%. 


La Provence mardi 2 mars 1999

Profs: les anti-Allègre en grève jusqu'à nouvel ordre 

Une centaine de professeurs, appartenant au Comité Allègre démission, sont en grève depuis hier dans cinq lycées marseillais. Ils attendent du renfort pour jeudi. . 

Les irréductibles opposants à Claude Allègre sont en marche. Une centaine de profs qui enseignent dans les lycées Saint-Exupéry, Victor-Hugo, Thiers, Montgrand et Michelet, ont entamé, hier matin, un mouvement de grève. 

Réunis sous la bannière d'un Comité Allègre démission Aix-Marseille, créé le 18 février dernier, les enseignants avouent s'être inspirés des organisations du même nom qui ont vu le jour au mois de janvier en région parisienne. 

Agir ainsi leur permet avant tout, de se démarquer de leurs syndicats. "Nous estimons que leur répartie au ministre n'est pas à la hauteur», déclare Patrick Fabre, enseignant au lycée Thiers. 

"Certains parmi nous sont syndiqués d'autres pas, affirme Pierre Queyraud, professeur gréviste au lycée Montgrand. Nous formons simplement aujourd'hui une communauté d'analyse. " 

'Nous voulons montrer que la base prend des initiatives", ajoute Gérard Faure, un de ses collègues du lycée Michelet. 

Le rectorat a évalué hier, le pourcentage de grévistes à 34 % sur 1'ensemble des cinq établissements dans le mouvement (l'académie compte 56 lycées). »Notre nombre va augmenter. Beaucoup de professeurs n'avaient pas de cours le lundi, assure Anne Floquet, enseignante gréviste à Victor-Hugo. Puis dès jeudi, nous allons être rejoints par les syndicats qui ont appelé à une grève académique. » 

Une date qui n'a pas été choisie au hasard puisque ce jeudi 4 mars, le ministre de l'Education va soumettre son projet de réforme au conseil supérieur de l'Education. "Nous voulons que jeudi, Claude Allègre retire ce projet. Nous ne sommes pas des conservateurs, nous voulons une vraie réforme", insiste Gérard Faure. 

Plus de postes, plus de places au concours, l'arrêt du recrutement d'emplois précaires pour remplacer des titulaires... Les opposants au ministre, qu'ils soient syndiqués ou non globalement, se retrouvent sur leurs revendications. Le 15 mars, une grève nationale est prévue, ainsi qu'une manifestation le 20. D'ici là, les professeurs du Comité Allègre démission Aix-Marseille ont voté la reconduction de leur mouvement. 

L.D. 

Le Dauphiné Libéré lundi 22 février 1999

Le discours du manque de méthode

Claude Allègre a encore montré hier que pour avoir raison sur le fond, il négligeait la forme

Une fois de plus, Claude Allègre a tenté de procéder hier à un plaidoyer pro domo...
Mais quiconque aura bien écouté sa prestation sur TF1, ne pourra que douter de son efficacité. Pour de multiples raisons.

Primo, les enseignants comprennent peut-être mal que leur ministre de tutelle multiplie les fautes de français. Et cela surtout quand il souhaite donner la priorité à une filière littéraire "dans lequel" chaque élève pourra s'épanouir, ou quand il affirme que parmi les connaissances , "aucune ne sont inutiles".

Secundo, force est de reconnaître que ce grand défenseur de la concertation qui assure être "le ministre qui a parlé le plus avec les syndicats", supporte mal la contradiction. Les nombreux commensaux conviés à sa table par petits groupes ces temps derniers - journalistes et députés PS en alternance - l'auront d'ailleurs tous remarqué. Quand ils se permettent de le contester ou d'évoquer la pression qui monte contre lui, c'est qu'ils l'ont mal compris, ou qu'ils représentent les forces réactionnaires du pays. Fort du soutien que continue de lui prodiguer le Premier ministre, au nom de la volonté de réforme qu'il incarne, l'ex-conseiller de Lionel Jospin a répété hier qu'il fallait simplement "arrêter les balivernesÜ" qui "déforment" sa pensée. Ainsi n'aurait-il jamais visé les professeurs, quand il a parlé de " secouer le mammouthÜ", mais seulement "Ül'administration centrale" qu'il souhaite "déconcentrer" .
De même, les chartes alarmistes des lycées qui circulent en ce moment ne seraient-elles "que des faux" et les réfractaires aux restrictions sur les heures supplémentaires des privilégiés qui ont mal compris que leur ministre voulait "bien faire" en rognant 120 francs par mois sur leur salaire pour créer 20 000 emplois jeunes...

Tertio, quand on veut bien faire abstraction de ses défauts de forme, force est de reconnaître qu'il est parfois difficile de trouver le fil conducteur de son action nonobstant ses efforts d'explications. Car répéter que " l'école doit être celle de l'égalité des chancesÜ" est sans doute un principe général incontestable, mais pas forcément une méthode de travail irréprochable .C'est peut-être là que le bât blesse pour Claude Allègre. Se sachant pétri de bonnes intentions , il juge que les moyens pour les mener à bien sont bons par définition. Et il ne tolère pas, face à l'approbation générale sur le fond de ses objectifs, qu'on lui en récuse la forme pour y parvenir . D'où ce malentendu grandissant avec un corps enseignant peu enclin à se laisser entraîner sans protester dans un discours du manque de méthode.

Hélène PILICHOWSKI .

Famille Magazine

n° 135, mars 99

Aucun élève n'a jamais vu monsieur Bissac sans son gigantesque cartable dont nul ne sait au juste de quels élixirs pédagogiques il est garni. Que cachent tous ces profs de maths sous leurs blouses blanches? Des vêtements coûteux ou eux-mêmes? La vie des profs est un amalgame de notoriétés publiques et de zones d'ombre, mais qui saurait dire comment se vit, comment se pense le métier de prof? Où vont-ils, à ce train de sénateurs' Et d'abord, en quoi ça croit un prof? En sa discipline avant' tour. De l'avis des philosophes. la philosophie devrait s'enseigner dés la maternelle. Les linguistes sont raides dingues de leur langue... Ils croient, de plus, à ta magie du verbe, notamment du leur. Hélène a acquis la certitude en vérifiant que madame Jocasse commence de parler avant d'entrer en classe a qu'elle en sort en.parlant encore. De mémoire de terminale L4, jamais madame Jocasse ne s'est interrompue plus de trente secondes d'affilée. Elle croit donc assurément  la transfusion verbale des savoirs: l'esprit des élèves est vide, il faut y déverser« le contenu de celui des professeurs. 

Huit heures du mat', Séverine passe au tableau elle y reste coite, Madame Laimate es agacée, Séverine débarque ce matin des championnats d`Europe de jumping, mais elle n`ose pas le dire, de peur d'aggraver son cas : madame Laimate ne veut jamais rien savoir. Pour elle, Séverine est rétive à la transfusion des savoirs mathématiques, un point c'est tout. Dix heures, Goran ne tient déjà plus debout. Le professeur le fait conduire à l'infirmerie  où il dort comme un sac! La raison? Il passe ses nuits sur des CD-ROM. Certes, I`école n 'est pas un dortoir pour surfeurs nocturnes, mais quand on demande à son prof d'histoire si Goran a de la culture, il fait grise mine. Midi, Samir se fait virer du CDI parce qu'il chuchote en lisant. Il a beau se défendre: « Mais j`arrive pas lire sans dire ce que je lis! » 

Viré! Un élève au CDI comme ailleurs, c'est incolore et silencieux. Dix sept heures, le professeur principal présente la 2de 4 au conseil de classe: il est désolé dire ne pas avoir eu le temps de consulter les dossiers des élèves.  Ce n'est pas très important au premier trimestre.. ». s'excuse-t-il, exprimant par là que la vie des élèves n'est rien a côté de leurs performances accomplies face à la feuille blanche. 

« Inutile de me raconter des histoires sur lesquelles je ne peux rien. » Voilà comment le professeur arrête un gamin qui lui explique qu'il ne peut pas travailler à la maison le week-end parce que son beau-père est là et que ça finit toujours par des disputes qui le forcent à se réfugier chez son copain. Pourtant, il les écoute,  les histoires de ce gosse, mais comme  citoyen, pas comme prof.  Comme  prof, ajoute-t-il, j'enseigne, ça passe ou ça casse! » L'ennui, c'est qu'avec  ces enfants-là, ça casse toujours, et  les débris qui en résultent minent la  corporation... sans rien changer  encore à son comportement : la corporation résiste aux jeunes de chair et d'os. Les chômeurs l'effrayent, comme la pauvreté, I'inculture, I'étrangeté des autres origines. Les profs sont devenus des conservateurs de savoirs. Tout changement bute sur cet o.bstacle. 

Cependant, des signes patents d'une lassitude nouvelle apparaissent: comment n'en n'auraient-ils pas marre, les profs, de cet échec scolaire  programmé  qui, d'abord, est celui des défavorisés, mais qui est aussi un peu le leur? Ne seraient-ils pas enfin disposés à faire leur deuil de cette pédagogie narcissique, du ressassement de ce qu'ils ont eux-mêmes appris à  I'école et qui a perdu de sa magie? Alors? Déposséder les profs de leur liberté pédagogique? Non, simplement la réorienterter, la détourner de l'éxécution obsessionnelle de programmes archaïques, démentiels, pour la diriger vers ce dont les jeunes ont besoin: les moyens de se rassurer, de se connaître et d'entrer, tels qu'ils sont, dans la société. 
J-P Berland, proviseur du Lycée Fénelon à Paris 6ème


La Provence samedi 13 février 1999

Le style de Claude Allègre embarrasse les socialistes. Choisi par Lionel Jospin pour son indépendance d'esprit, le ministre de l'Education nationale doit aujourd'hui affronter la fronde de ceux qui lui reprochent sa brutalité. A quatre mois des élections européennes, les socialistes prêtent une oreille de plus en plus attentive aux doléances de ce "peuple de Gauche" dont ils espèrent qu'il les accompagnera a la victoire. Et ce qu'ils entendent, répète de plus en plus souvent, les conduit a se choisir quelques boucs-émissaires dont le plus commode parce qu'il n'est pas du sérail n'est autre que Claude Allègre.
La rue de Solférino mène, en effet, depuis plusieurs semaines, une campagne de déstabilisation a l'encontre du ministre de l'Education nationale accuse de ne pas suffisamment ménager l'immense vivier d'électeurs que représente le monde enseignant. L'actualité récente ne sert pas, il est vrai, l'hôte de la rue de Grenelle. Après la réunion publique de la mi-janvier, qui a mobilise, a Paris quelque 300 professeurs sur un seul mot d'ordre : le départ du ministre de l'Education Nationale; après la manifestation du 21 janvier - a Paris toujours - qui a rassemble plus de 3 000 enseignants sous la bannière du syndicat SE-Fen; après les appels du Snes-FSU (syndicat majoritaire de second degré) a défiler dans les grandes villes de France, l'inquiétude a fini par gagner les plus hautes sphères du gouvernement lorsque instituteurs et professeurs (près de 10 000 selon la préfecture) ont défilé, il y a quelques jours, contre l'"insuffisance des moyens" et réclamé "un changement radical de la politique scolaire". Ami de longue date de Lionel Jospin - il fut son conseiller spécial lorsque ce dernier fut ministre de l'Education entre 1988 et 1992 -, Claude Allègre, justement, parce qu'il se défendait de tout "esprit partisan" et de son absence totale d'"ambition politique", fit une entrée tonitruante, il y a 18 mois, rue de Grenelle en refusant d'entrée la mainmise des syndicats sur le système scolaire.
Une entrée tonitruante
Les enseignants se souviennent encore de sa volonté de "dégraisser le mammouth" et de ses attaques contre l'absentéisme. La petite histoire veut qu'il ait été d'ailleurs convoque a Matignon ou il fut enjoint a plus de diplomatie. Depuis, le géophysicien multiplie les propos apaisants en expliquant qu'il est lui aussi du "sérail" puisque "fils d'instituteur". L'entourage de Lionel Jospin aurait même été a l'origine de la réconciliation de M. Allègre avec le puissant Snes et sa secrétaire générale Monique Vuaillat. Cette phase de "normalisation" arriverait-elle trop tard ? Elle n'a, en tout cas, pas empêché les hurlements du corps enseignant lorsque le ministre a voulu accélérer la mise en place de ses projets et notamment la très contestée reforme des lycées.
La fronde émane aujourd'hui des rangs du gouvernement qui,avec des arrières-pensées politiques évidentes lorsqu'il s'agit de ministres qui travaillent sous ses ordres, ne cherchent plus a cacher leur désaccord avec la "méthode" Allègre. Accentuée par le tir de barrage des députés de l'opposition qui, toutes les semaines, lors des questions orales a l'Assemblée nationale, multiplient les attaques contre le ministre, cette grogne se heurte pour l'instant a la solidité des liens qui lient Lionel Jospin à Claude Allègre. Le Premier ministre a toujours fait démentir par son cabinet tout désaccord avec le ministre de la rue de Grenelle et affiche, a chaque fois que l'occasion s'en présente, sa solidarité avec celui qu'il considère toujours comme un "ami". La "résistance" du chef du gouvernement au milieu de cette tempête anti-Allègre, rend pour l'instant improbable toute démission du ministre de l'Education nationale. Un remaniement ne semble pas envisage: il apparaîtrait comme un signe de panique en cette période pré-électorale. Le scénario qui revient le plus souvent reste celui d'une "réorganisation" avant l'été. Allègre garderait un ministère uniquement technique (la Recherche et la Technologie par exemple), tandis qu'un connaisseur des arcanes du monde enseignant serait charge de renouer les fils du dialogue avec les intéressés. Et a ceux qui poussent a ce que ce redéploiement se fasse tout de suite, Lionel Jospin résiste en rétorquant qu'il s'agit plus d'un problème de "forme" que de "fond". Jusqu'a quand ? Virginie LE GUAY

Dans le même article un encadre concernant les journées de grève en Ile de France:

Troisième journée de grève des enseignants en Ile-de-France Les enseignants des lycées et collèges d'Ile-de-France ont organise hier une nouvelle journée d'action avec grève et manifestation régionale à Paris, la troisième en une semaine. Destinées a protester contre les reformes en cours et réclamer des moyens pour la rentrée prochaine, ces actions, et notamment les défilés, ont aussi été l'occasion pour les enseignants de manifester leur mal-être, voire leur colère contre la politique éducative actuelle. La grève, hier, a été suivie par 12 à 18 % du personnel des lycées et collèges, selon les chiffres du ministère de l'Education nationale.

Le Parisien libéré

mercredi 10 février 1999

« S'il était élu, il ferait moins de c... »

CLAUDE ALLEGRE est-il « sauvable » ? Le site Internet du PS est plus que jamais inondé de messages anti-Allègre. Certains enseignants choisissent, eux, la Poste pour confier soit leur morosité, soit leur colère. Depuis trois mois, les enveloppes s'amoncellent rue de Solferino. Parfois, le message est carré. En ouvrant, on trouve des bulletins de vote où le nom du candidat PS est barré d'un mot unique et rageur : « Allègre ». Pour le ministre, les difficultés ont débuté pour de bon à l'automne. Dès cette époque, les parlementaires de la gauche plurielle font part de leur mauvaise humeur. Les communistes choisissent, eux, de ne pas afficher leur mécontentement au grand jour. Mais ils engagent un bras de fer avec Allègre via le très influent Syndicat national de l'enseignement secondaire (Snes). Au printemps, quand les enseignants de Seine-Saint-Denis se mettent massivement en grève, la Ligue communiste révolutionnaire d'Alain Krivine (LCR) est en pointe. Au groupe socialiste, ça discute sec : « Je ne connais personne qui n'ait pas, à un moment ou à un autre, confié sa préoccupation », admet Marisol Touraine, députée d'Indre-et-Loire. Le message est simple : les réformes engagées sont globalement légitimes ; la méthode ne passe pas.

Le trouble des élus

Mais Allègre n'écoute pas, et n'entend donc rien. Le 25 octobre, le PS organise un grand colloque à la Villette. Sont réunis syndicalistes, parents d'élèves, enseignants. Officiellement, on veut « réfléchir ». En fait, le PS cherche à raccrocher les wagons : raté. Allègre s'en prend au « corporatisme » des enseignants. Sifflets de la salle. Cette fois, le PS voit rouge. Jean-Pierre Sueur, maire d'Orléans et secrétaire national à l'éducation, est hors de lui. Hollande relaie alors le trouble des élus : et si les enseignants se mettaient en tête de voter, par mesure de rétorsion, pour Cohn-Bendit ou pour Arlette Laguiller ? Deux jours plus tard, au bureau national du parti, le « cas Allègre » est évoqué. Didier Mathus, député de Saône-et-Loire, raconte la défection de plusieurs membres de sa fédération. Jospin, qui connaît le milieu et sa capacité à se mobiliser, tente de reprendre les choses en main. Déjà, il a dépêché auprès d'Allègre son ancienne attachée de presse, Marie-France Lavarini : la communication politique de « Claude » doit être recadrée. Ainsi le ministre publie-t-il, dans « le Monde », une tribune dont chaque mot est millimétré : « Enseignants, je suis des vôtres. » Il pose dans son laboratoire des sciences de la terre, à Jussieu. Surtout, au terme d'une discrète mais rude (et coûteuse) négociation, il se réconcilie avec le Snes et sa bouillante patronne, Monique Vuaillat. Mais la fronde ne s'arrête pas. « Il joue mal, lance un hiérarque socialiste. Il néglige maintenant les syndicats qui le soutenaient depuis le début. » Certains ministres interpellent Jospin : « Si Allègre était un élu, il ferait moins de conneries. » Les parlementaires qui ont déjeuné la semaine dernière avec le Premier ministre lui font part de leur scepticisme : le « nouvel Allègre », ils n'y croient guère. Le 27 janvier, le groupe Rako, constitué d'une dizaine de jeunes élus jospinistes (de Vincent Peillon à Arnaud Montebourg), évoquent la démission d'Allègre lors d'un déjeuner avec Dominique Strauss-Kahn. « Mais nous sommes tombés d'accord. Cette démission n'aurait aucun sens », confie Marisol Touraine. « Il a passé le cap le plus difficile et il répare ses erreurs », assure-t-on à Matignon. Lundi soir, au Cirque d'hiver, apostrophé par quelques enseignants, Jospin leur a rappelé son propre bilan de ministre de l'Education. Ajoutant, grinçant : « Ne vous trompez pas de cible. » Message reçu, en tout cas au PS. Le groupe Rako a finalement décidé d'inviter Allègre à... dîner.

Anne-Sophie MERCIER-HANNUNA

Le Monde vendredi 5 février 1999

ILS SONT VENUS avec les moyens du bord et dans le désordre. Les uns avec une caisse à roulettes, remplie d'os en carton de « mammouth dégraissé », d'autres avec un balai brandi pour « chasser Allègre », d'autres encore en convoi funéraire destiné à « enterrer l'école de la République». Dans un cortège baroque qui s'est étiré de Montparnasse à la rue de Grenelle, 10000 à 15 000 enseignants de Paris et de la région parisienne, ont manifesté, jeudi 4 février, contre le ministre de l'éducation nationale.

En tête, derrière une banderole qui donne le ton - «Un Allègre sur Mars et ca repart»- quelques profs de grands lycées parisiens, tels Montaigne, Fénelon et Lavoisier, lancent des slogans à la prosodie rugueuse: «Jospin, Jospin, il faut désamianter Allègre. » Leurs élèves, sur le trottoir, les regardent passer: «A la manif des lycéens y'avait pas assez de profs pour soutenir les élèves, et là, il n'y a pas assez d'élèves pour soutenir les profs », soupire Olivier.

Le gros des troupes, en file interminable, reste à venir, de tous les départements d'Ile -de- France , avec pour étendard un nom d'établissement: Maurice-Genevoix à Montrouge, Pasteur, AdolpheChérioux et René-Descartes des Hauts-de-Seine, Charles-le-Chauve à Roissy-en-Brie, Henri Wallon à Aubervilliers, le collège Mozart d'Athis-Mons, Maurice Ravel, Henri-IV, Jules-Ferry et Gabriel-Fauré à Paris, puis la Seine-Saint-Denis, avec Utrillo de Stains, Sémard de Bobigny, Delacroix de Drancy, Marie-Curie des Lilas et enfin le collectif du Nord parisien qui a transformé en banderole plusieurs centaines de cartes d'électeurs.

« Un tel mélange c'est le signe d'un vrai malaise. » Didier, enseignant en Seine-Saint-Denis, qui a été, au printemps 1998, de toutes les manifestations du 93, n'en revient pas. «Qu'une manifestation puisse regrouper des instits, des profs de lycées parisiens et d'établissements de banlieue, j'ai jamais vu ça. Le ras-le-bol est général. » Les sujets de mécontentement s'affichent dans un inventaire à la Prévert: réforme des lycées, charte pour l'école primaire, heures supplémentaires, remplacements, déconcentration, baisse des postes aux concours, déclarations « méprisantes » du ministre de l'éducation nationale... tout y passe. A la boutonnière des manifestants, deux autocollants font fureur: «Retrait des réformes Allègre» et «Allègre démission ».

Le ministre et ses projets sont accusés de tous les maux. « Culture massacrée, jeunesse sacrifiée », affirme une pancarte du lycée Racine, tandis qu'une affiche d'une école des Hauts-de-Seine fustige un Claude Allègre qui « livre l'école aux pouvoirs économiques ». Issue de la Seine-Saint-Denis, une pancarte dénonce: «Non à l'école à deux vitesses: à Romainville aussi lire Platon c'est important. »

LE MEME FILM QUE L'AN DERNIER

Bernard, agrégé de lettres à Dammarie-les-Lys, défile en lisant Gens de Pékin de Lao She. Ce qu'il sait de la réforme des lycées ? « On diminue les heures de cours et les modules et avec on crée de l'aide personnalisée. C'est bien beau, mais on est sûr que c'est efficace ? Je suis très sceptique sur la lisibilité du système cours, modules, soutien. » Il est là aussi parce que, après avoir donné un devoir à un élève qui refusait d'enlever sa casquette, il dut payer 3 800 francs de frais de peinture sur sa voiture.

Parmi les professeurs du « Mantois en colère », Ruth, qui enseigne l'histoire-géographie à Issou (Yvelines), explique que c'est la baisse de « dotation horaire globale » qui a « mis le feu aux poudres, dans sa région. Le médiateur envoyé par Ségolène Royal était de bonne foi mais ce qu'il avait à proposer était notoirement insuffisant». Elle manifeste aussi « contre la réforme du lycée » et a l'impression de revoir « le même f ilm que l'an dernier » au moment de la consultation Meirieu. « On vient de recevoir les questionnaires sur le collège.  Le préambule oriente toutes les questions, les dés sont pipés.»

Jeanne-Monique, une carte du SNES sur l'oreille, défile derrière la banderole du lycée Michelet de Vanves: « Depuis 68, nous les profs, on n'avait pas réclamé la démission d'un ministre. A fortiori de gauche». Elle dénonce pêle-mêle n une « consultation bidon », le ' manque de surveillants, la suppression des groupes de langues et la réduction des options.

De leur côté, les instituteurs dénoncent la charte de l'école primaire qui est devenu le sujet du jour, alors que le mot d'ordre officiel SNUipp n'en faisait pas mention. « On ne peut pas améliorer l'école uniquement avec des emplois-jeunes sans formation ni statut. Vous vous rendez compte, c'est guand même la gauche qui est en train de développer la précarité dans l'éducation nationale », s'emporte une enseignante de Gagny (Seine-Saint-Denis). « Charte, c'est un mot de propagande. Ça veut dire que c'est accepté des deux côtés. C'est un produit fait pour l'opinion publique, qui ne sait pas vraiment ce qu'il y a dedans », dénonce une jeune professeur.

A l'approche de la rue de Grenelle, les slogans se font violents.

«Non au casseur », « Virez le sauvageon », «Sortez le bouffon », «Allègre, escroc, le peuple aura ta peau. » Une banderole résume l'étendue de la grogne: «Jospin trahison, Allègre démission, la charte au pilon. » Au milieu des délégations d'établissements et du cortège du SNUipp, plusieurs syndicats de toutes tendances ont déployé leurs fanions: la CGT, FO SUD-éducation, la CNT, le Snalci « Retrait des chartes et de toutes les mesures d'Allègre: nous exigeons de vraies négociations », dit une banderole commune FO, Snalc, CFTC, CGC . « Pour l'éducation, il faut une autre politique », exhorte le SNES au milieu du défilé.

Refusant d'en rester là, plusieurs centaines de manifestants déboulent à la Bourse du travail, où Monique Vuaillat, secrétaire générale du SNES se trouve déjà, avec des militants. Elle en sortira rudement apostrophée, un incident que les derniers présents jugent « regrettable », tout en ajoutant qu'il y a « des scènes de ménage que l'on ne peut pas éviter ». Selon un communiqué publié jeudi soir, le SNES « met en débat une nouvellejournée d'action, de grève et de manifestation, jeudi 9 février». Rendez-vous est donc pris, alors qu'une quarantaine d'établissements de la région parisienne sont en grève reconductible et que l'assemblée générale des établissements de Seine-Saint-Denis appelle, pour sa part, à une manifestation à Pans dès le 9 février.

Sandrine Blanchard et Béatrice Gurrey

Libération

samedi 30 janvier 1999

ARTICLE 1 : compte-rendu d'une discussion autour de Mme Vuaillat dans "un lycée du centre-ville plutôt chic" d'un "établissement grenoblois" (ou exerce un certain "Jacques, prof de maths en prepa" ;-) ) Tout y est dit des discussions qui les (nous) animent: changement de politique avec ou sans démission?

ARTICLE 2 : Un coup de fil pour confirmer un deal , ledit deal (!) étant entre le Snes et le ministre: "on vous donne satisfaction sur le lycée, vous étouffez le collectif".

ARTICLE 3 : Les irréductibles de la démission ou rien En marge des syndicats, des collectifs inquiètent le ministère. Par ALAIN AUFFRAY

Officiellement, le ministre se contrefiche d'une poignée de trublions exaltes. Cinquante enseignants sur un million, ce n'est pas beaucoup, fait-il observer a propos de ceux qui pétitionnent et manifestent pour obtenir sa démission. En vérité, Claude Allègre est inquiet. Il veut savoir qui sont ces adversaires insaisissables qui échappent au contrôle des états-majors syndicaux. La mobilisation touchait hier, a des degrés divers, une cinquantaine d'établissements de la région parisienne. Le recteur de l'académie de Versailles s'est rendu cette semaine au lycée Rene-Cassin de Gonesse, a la rencontre des fondateurs de la coordination Paris-Nord. L'académie de Paris a tente, sans succès, d'obtenir du proviseur du lycée Henri-IV quelques informations sur les rédacteurs d'un Manifeste pour un lycée démocratique. Au cabinet du ministre, des conseillers internautes visitent régulièrement les sites préfèrés des enseignants frondeurs: celui du Collectif pour la démission d'Allègre, coordination parisienne fondée au lycée Voltaire, et celui de Reconstruire l'Ecole, association animée par des agrégés de philosophie.

Les motifs de la colère sont énumérés a travers des citations de collègues, y compris un ex-IG qui a été l'un des premiers a réclamer publiquement la démission du ministre: "J'ai été horrifie qu'un ministre puisse dire en substance: vous travaillez trop, vos cours sont chiants, on va passer a autre chose".

Nous passons avec mansuétude sur l'article du même journal du 27 janvier où nous apprenions avec joie que nous travaillons au lycée Henri IV en classe préparatoire. Ce tissus d'ânerie a été corrigé en partie par la présentation du samedi. Le Collectif pour la Démission d'Allègre avait entre temps fait part à Libération de sa réaction indignée et proposé ses services pour tout renseignement. Cette offre n'a pas été relevée, comme le silence sur la présentation du Collectif dans l'article de samedi le montre. On comprend la difficulté des journalistes a essayer de classer notre mouvement autrement que par ce qui le fonde, c'est à dire son action contre Allègre.





Le Parisien libéré

mercredi 27 janvier 1999

Gauche : Manifestation à Paris d'enseignants réclamant la démission d'Allègre

La révolte de la "base" par Philipe Martinat avec Joan Amzallag

Claude Allègre, qui se félicite d'avoir équipé en ordinateurs les salles de classes, devrait se méfier du Web. Car les sites des collectifs d'enseignants et d'étudiants qui réclament la démission du ministre de l'Éducation fleurissent désormais sur Internet. D'ailleurs, c'est de là qu'est parti, en dehors des syndicats, l'appel à la manifestation qui a réuni hier, environ 2000 personnes entre la Sorbonne et Matignon.

(suivent des citations de votre site préféré que nous ne reprendrons pas )

Un écho certain : Au sein du PS, François Hollande avait, dès la fin octobre, tiré la sonnette d'alarme. Dans la foulée, Allègre a lâché du lest face au Snes. " Il doit maintenant donner des gages à la FEN", estime-t-on rue de Solférino, où l'on reçoit, dit-on, un "flot considérable" de lettres hostiles à Allègre." Le site Internet du PS explose" renchérit un dirigeant. Si certains députés PS tel Arnaud Montebourg (Saône et Loire), soutiennent le ministre, d'autres ne cachent plus leur inquiétude." Je crains qu'Allègre ne parvienne plus à actionner le monde enseignant", regrette Jean Pierre Balligand (Aisne). Et un ministre confie carrément "C'est effrayant ! Les enseignants n'arrêtent pas de nous dire : On vous soutient, mains ne nous parlez plus de ce mec !" Une certitude : le monde enseignant votre massivement à gauche et les élus socialistes le savent.

L'article est illustré par la banderole des cartes d'électeurs confectionnée par des collègues





Figaro Magazine

samedi 30 janvier 1999

" CLAUDE ALLEGRE a décidé d'aller dorénavant sur le terrain a l'improviste, sans s'annoncer, pour pouvoir visiter TRANQUILLEMENT les établissements et DIALOGUER dans le CALME avec élèves et PROFESSEURS : ``quand mes visites sont programmées, se plaint-il, je suis entouré par tant d'officiels et de médias que cela fausse tout ." Surtout cela mobilise les manifestants...

Nous avons mis en majuscule certains mots. Notre correspondant commente : à vos portables et à vos tomates. Nous nous abstiendrons de commentaires sur l'amour immodéré du ministre pour son reflet dans les médias.




L'Étudiant janvier 1999 (p. 115)

Interview de Joseph Urbas

Joseph Urbas, diplômé de Maryland University et ancien professeur de lycée en Seine-Saint-Denis, est Maître de conférences en littérature américaine à l'Université de Paris 10-Nanterre.

"Pourquoi êtes-vous opposé à la cure d'amaigrissement que Claude Allègre a décidée après le mouvement des lycéens?"
---D'abord parce que c'est une tromperie, ce n'est absolument pas ce que les lycéens avaient demandé. Ensuite, parce que la cure, si elle se prolonge, risque fort d'être fatale à la qualité de l'enseignement. Au terme hypocrite d'"allégement", je préfère sa traduction anglaise, bien plus honnête (on est déjà passé par là), de dumbing down, à savoir, rabaisser le niveau, abêtir, car en définitive c'est bien de cela qu'il s'agit. Enfin, il est évident que la suppression des contenus pénalisera surtout les élèves de milieux défavorisés; on sait pertinemment que dans certains lycées de centre-ville on fait déjà plus que le programme officiel dans certaines matières. Les programmes "light" ne le seront donc jamais pour tout le monde, et certainement pas pour les enfants de nos classes dirigeantes.
"Est-ce que le niveau de culture générale de vos étudiants de DEUG répond à vos attentes de professeur d'université?"
---En lettres et langues, il y a un écart de plus en plus grand entre, d'un côté, les étudiants motivés et bien orientés (anciens khâgneux ou bons bacheliers littéraires) et, de l'autre, ceux, beaucoup plus nombreux, qui sont d'un niveau très insuffisant ou qui viennent de sections totalement inadaptées à l'enseignement supérieur classique (bac pro, STT). Et la politique actuelle ne fera que creuser cet écart. Il faut qu'on arrête de tricher: un rabaissement du niveau de l'enseignement secondaire implique, si l'on veut être honnête et responsable, une sélection à l'entrée de l'Université. Sinon, c'est de la pure démagogie. Sinon, c'est renforcer encore plus la sélection par l'échec. Ou bien, c'est dénaturer, à son tour, l'enseignement universitaire dans un processus sans fin de dévalorisation du savoir.
"Pensez-vous que les professeurs jouissent d'un pouvoir suffisant pour assurer un enseignement de qualité et l'égalité des chances pour tous?"
---Non. Depuis la loi d'orientation de M. Jospin de 1989, tout a été fait pour mettre les professeurs du secondaire sous tutelle et les déposséder de tout pouvoir réel en matière d'orientation et de passage en classe supérieure. Et maintenant, ô surprise, on invente le passage automatique dans l'enseignement supérieur. A Nanterre, on nous a récemment imposé un système d'"équilibrage" général qui fait que, pour un étudiant angliciste, un 18 en sport compense un 2 en anglais. Ce qui rend les traditionnelles "délibérations" de fin d'année tout aussi inutiles que les conseils de classe dans les collèges et lycées. C'est cela, la "réussite pour tous"?
"Claude Allègre ne touche pas à l'enseignement des langues dans sa réforme. Quels sont les changements que vous jugez nécessaires pour votre discipline?"
---Le Ministre a déjà menacé de détruire l'enseignement des langues vivantes avec son projet de réforme du CAPES. A-t-il abandonné ce projet? Je ne sais pas, mais il faut rester vigilant. S'il y a des changements à apporter dans le programme d'anglais, la décision finale devrait revenir aux seuls spécialistes, c'est-à-dire ni à M. Allègre ni à M. Meirieu ni à M. Luc Ferry, lesquels sont, à ma connaissance, parfaitement incompétents dans la matière, donc inaptes à juger.
"Etes-vous optimiste ou pessimiste par rapport aux évolutions du système éducatif français?"
---L'originalité française, par rapport à l'Amérique, c'est un enseignement secondaire fort, avec des professeurs hautement qualifiés, grâce aux concours de recrutement. Il n'est pas rare, pour un lycéen moyen en France, même de la banlieue, de se trouver en face d'un intellectuel de haute volée, ce qui ne m'est jamais arrivé pendant toutes mes années à l'école aux Etats-Unis, où c'est le règne de la médiocrité. Si elle devait réussir, la politique de M. Allègre nous conduirait tout droit à un système à l'américain





Libération

jeudi 7 janvier 1999

Lycéens, le bachotage va sortir du programme
Le français devient une matière pivot de l'enseignement.

Par ALAIN AUFFRAY

Que doit-on apprendre au lycée? Le Conseil national des programmes (CNP) vient d'esquisser une réponse, en livrant à Claude Allègre les "grandes orientations" de la future réforme des programmes. Ces propositions sont détaillées dans un document d'une dizaine de pages, rendu public hier par le ministère de l'Education nationale. On y retrouve, sans surprise, les grandes ambitions de la réforme préconisée l'an dernier par Philippe Meirieu: favoriser l'émergence d'une culture commune et en finir avec le bachotage. Concernant les disciplines scientifiques, le CNP veut éviter l'empilement des savoirs à enseigner (lire ci-dessous). Mardi dernier, le ministre a réuni les présidents des groupes techniques chargés d'élaborer d'ici à mai une version définitive des nouveaux programmes. Et, compte tenu des délais accordés aux éditeurs de manuels scolaires, les changements interviendront en septembre 2000 pour les classes de seconde, en 2001 et en 2002 pour les premières et les terminales.

"Révolution culturelle".

Parmi les douze disciplines concernées, le français est celle qui devra subir les changements les plus importants. Pour l'histoire et la géographie, par exemple, l'Education nationale rappelle que des "améliorations considérables" ont déjà été réalisées aux cours des dix dernières années C'est donc d'abord pour les professeurs de lettres que les changements pourront apparaître comme une révolution culturelle. Plus qu'une simple discipline, le français devient un élément constitutif d'une véritable culture commune: il doit permettre une meilleur maîtrise des discours et donner des repères culturels fondamentaux

Imagination. Le CNP veut en finir avec "les exercices répétitifs ".

Aux traditionnelles dissertations, il préfère "un réel travail sur la langue" et "la rédaction de textes divers sollicitant l'imagination". En première et en terminale, l'apprentissage de la rédaction sera favorisé par la constitution d'un "travail personnel encadré". Ce travail, sorte de mémoire pluridisciplinaire noté au baccalauréat, impliquera en outre un recours systématique aux différents outils des "nouvelles technologies" (CD-Rom, Internet). La littérature proprement dite sera enseignée dans la filière littéraire, que la réforme souhaite "revaloriser". La connaissance de l'histoire littéraire fera "partie intégrante des programmes" et le professeur aura "la liberté de choisir les úuvres qui lui paraissent les mieux adaptées aux besoins des élèves". Rien n'interdirait, par exemple, de travailler sur les grands auteurs des littératures étrangères. Dans l'esprit des réformateurs, l'étude de ces auteurs ne doit plus nécessairement être confiée aux professeurs de langues.

Do you speak English?

Car l'enseignement des langues vivantes devra se concentrer sur "le développement des compétences de communication" et sur "l'entraînement à la compréhension". Plus question donc "de faire du commentaire intensif de texte écrit l'activité fondamentale de l'apprentissage des langues"
 
 

Notre réaction : Le terme de Révolution Culturelle est tout à fait bien choisi. Il s'agit bien d'une révolution à la chinoise dont nous prendrons des décennies à nous remettre. Si certains collègues ont encore des illusions, la lecture de ce texte est éclairante.

Nous regrettons de ne disposer d'aucune copie du dossier de presse distribué aux journalistes.
 
 

Réactions du Collectif à l'annonce de Libération du 12 janvier 1999

Les services de Claude Allègre, complaisamment cités par Libération, placent l'action du Collectif dans le cadre d'une campagne gauchiste de préparation d'une liste pour les élections européennes. Il n'est pas question qu'une telle provocation reste sans réponse.

L'action du Collectif, n'en déplaise au ministre, se place résolument dans le cadre de la lutte contre la politique libérale de l'Éducation Nationale poursuivie par Claude Allègre.

Nous n'avons néanmoins pas droit de regard sur l'engagement politique de chacun des membres du Collectif. Mais le Collectif n'accepte pas de servir de tribune ou de tremplin pour d'autres motifs que ceux qui l'ont constitué : obtenir le retrait de la réforme des lycées, le retrait des décrets publiés depuis juillet, le changement de politique de l'Éducation Nationale et par voie de conséquence la démission du ministre.

Force est de constater qu'il n'existe aucune tension au sein du Collectif qui expliquerait les interprétations du ministère, lesquelles relèvent purement et simplement de la désinformation à laquelle Libération une fois de plus participe comme chaque fois qu'il s'agit des enseignants.

Le caractère conventionnel des attaques dont nous faisons l'objet montre à l'évidence l'incapacité de M. Allègre et de son cabinet à répondre sur le fond des critiques contre les orientations de son ministère. Elle confirme, pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, la morgue et le manque de clairvoyance d'un pouvoir incapable de sentir les réactions de ses fonctionnaires, de dialoguer avec eux et même d'argumenter.

Il est bien sur de bonne politique pour Claude Allègre de chercher à discréditer un mouvement sincère, né de l'écúurement pour les propos et les mesures du ministre et de l'inquiétude des professeurs sur l'avenir de l'institution qu'est l'Éducation Nationale et des valeurs dont elle est garante (laïcité, intégration etc.) Cela permet de faire oublier la légitimité de ces réactions. A ce jeu là, nous n'avons pas beaucoup de chances puisque les médias ne nous sont pas ouverts (et surtout pas Libération)

Nous comptons donc sur vous pour faire circuler ce démenti.





Le Monde

jeudi 7 janvier 1999

Un collectif " pour la démission de Claude Allègre "

Le ton monte chez certains enseignants qui ne supportent plus le ministre de l'éducation nationale. Le " collectif parisien pour la démission de Claude Allègre " et la " coordination enseignante du Nord parisien " organisent, jeudi 14 janvier, à 19 heures, à la Bourse du travail, une " réunion publique pour la démission de Claude Allègre ". Sont prévues des interventions de Joseph Urbas et Colette Becker, professeurs à Paris-X-Nanterre, et de Henri Lanta professeur de sciences économiques et sociales en classe préparatoire.

Les membres de ces collectifs reprochent à M. Allègre de " vouloir imposer à tous le modèle anglo-saxon du lycée light ", générateur d'inégalités sociales, ou de mettre en cause le caractère national de l'éducation à travers la déconcentration . "Cette logique néolibérale nous la refusons. Non à la réforme Allègre-Meirieu !" proclament leurs tracts. Ils s'insurgent aussi contre " la précarisation " des surveillants, des emplois-jeunes, des contractuels.





Sud-Ouest

dimanche 10 janvier 1999

Le "cas" Allègre Un gros nuage politique monte en ce début d'année

Pour le gouvernement Jospin, "le" problème des prochaines semaines ne viendra peut-être pas de l'un des dossiers attendus et quotidiennement pointés par la presse : sans-papiers, violences des banlieues, mouvement des chômeurs, Front national, etc. Un autre gros nuage politique monte en effet en ce début d'année : il a pour nom Claude Allègre. Il est porteur d'orages. A lire les témoignages publiés ces jours-ci -- notamment par "le Monde" sous forme d'un cahier spécial -- , à écouter directement les profs lorsqu'on est parent d'élève, force est de reconnaître que peu de ministres de l'éducation nationale seront parvenus à faire lever tant de colères en si peu de temps.

Voilà qu'il se passe un phénomène irréversible : le rejet massif du personnage, de ses projets, de ses bons mots et rodomontades par une majorité du corps enseignant. Y compris les professeurs non syndiqués. Que s'est-il donc passé ?

Au départ, soyons honnêtes, on était plutôt attentif à ce scientifique rondouillard, ami personnel du premier ministre, adepte du franc-parler et décidé à mettre en question les conservatismes et corporatismes d'une énorme institution (l'éducation nationale) qui n'en est pas indemne. Puis il y eut les premières provocations d'une facture oratoire contestable ("Dégraisser le mammouth", etc.). On fit contre mauvaise fortune bon cúur en mettant cela sur le compte de l'inexpérience politique. Lionel Jospin, dit-on, avait froncé les sourcils. Après tout, quelques phrases "décoiffantes" n'étaient peut-être pas inutiles pour réveiller le ronron ambiant.

Puis il y eut les récidives et -- plus graves -- les prises de position "théoriques" du ministre. On commença à s'inquiéter pour de bon. Ce culte naïf de la "rentabilité", ce ralliement pontifiant à ce que Jospin appelle lui-même la "pensée unique internationale", cette obsession de soi-même qui transparaît dans chaque intervention, ces projets tonitruants, bientôt amendés en catastrophe. Tout cela commençait à détonner avec une gestion gouvernementale plutôt soucieuse de cohérence. Vinrent d'autres gaffes, plus navrantes encore et qui laissèrent dépasser, cette fois, un vilain bout d'oreille. On veut parler de cette boutade extravagante par laquelle Claude Allègre déclara en substance que l'enseignement de la philosophie ne servait à rien. Je connais plus d'un sympathisant socialiste -- y compris parmi des professeurs de grandes écoles -- qui s'indignèrent, tout de go, alors même qu'ils s'étaient plutôt montrés patients jusqu'alors. Quand on est à la tête d'un des principaux ministères de la République, proférer une telle ânerie, qu'on le veuille ou non, pose problème.

Mais laissons de côté l'aspect crispant du personnage, cette fatuité rigolarde à laquelle il semble incapable de résister. Elle le dessert désormais mais demeure anecdotique. Parlons du fond des choses que cette dernière boutade aide à discerner. Le fond ? L'idéologie ? Le projet global ? A lire les quelques livres de M. Allègre, j'ai bien peur qu'ils se ramènent, au bout du compte, à quelques préjugés rudimentaires : une volonté de "formater" le système éducatif dans la logique du marché; un scientisme relativement désuet; une obsession notariale de la dépense et du "gaspillage".
Sans compter le plus grave : cette incapacité psychologique à comprendre, sentir, deviner, interpréter le désarroi d'un corps enseignant qui se sent de moins en moins reconnu. Et qui doit affronter, malgré tout, au jour le jour, les contradictions les plus explosives de la société, contradictions dont la crise de l'école n'est que le méchant reflet. A des gens qui vivent et travaillent ainsi "en première ligne", on ne parle pas comme ça...

Ainsi donc, s'il y eut "erreurs de casting" dans ce gouvernement, contrairement à ce qu'on dit, la plus grave n'est pas la nomination de Catherine Trautmann mais celle de Claude Allègre. Il me semble que, tôt ou tard, un remaniement s'imposera. Ou une démission.

JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD SUD OUEST DIMANCHE 10 janvier 1999




Le Monde Diplomatique

Novembre 1998 - Page 32

L'école publique à l'encan

PAR YVES CAREIL
 

«PLACER l'élève au centre du système éducatif », « respecter son rythme propre », « ouvrir l'école sur l'extérieur », le tout sur fond de « projets » et autres « partenariats »... Telle est la nouvelle idéologie qui occupe le devant de la scène scolaire française. Introduite par la loi d'orientation de 1989, elle est censée libérer les forces créatives de proximité. Dans l'immédiat, elle a surtout mobilisé dans la rue des centaines de milliers de lycéens.

Cette « bonne nouvelle » pédagogique se présente comme généreuse et même allant de soi : enseigner, c'est avant tout créer les conditions pour que l'élève s'approprie le savoir, transforme ses conceptions initiales, élabore des concepts opératoires nouveaux... Cependant, la générosité, même bruyamment proclamée, ne résiste jamais très longtemps aux logiques sociales à l'oeuvre (1). Et la notion de rythme de l'élève (en fait, modelé socialement et bien loin de lui être propre) est susceptible de servir des desseins fort peu démocratiques lorsque se met en place un système scolaire à plusieurs vitesses (2). La mutation de ce dernier ne saurait être abordée indépendamment de celle des transformations de la société et de leur traduction en termes de rapports de classes (3)... D'autant que, si aucun projet national ne porte l'école, des projets locaux en nombre croissant « fabriquent » en revanche du politique, dans un contexte de concurrence inhérent à l'utopie néolibérale dominante (4). Parents d'élèves professionnels

L'ÉLÈVE en tant que tel n'existe pas : ce qui existe, ce sont des élèves qui ont ou qui n'ont pas des parents dont les conditions d'existence leur permettent de devenir des parents d'élèves professionnels. Car le sens du « placement scolaire » n'apparaît pas par génération spontanée : la quête effrénée de la bonne filière (conduisant aux titres scolaires les plus rares et les plus recherchés), du bon établissement (c'est-à-dire en bonne place dans les palmarès) et de la bonne classe (soigneusement composée) est devenue, dans une atmosphère de compétition scolaire exacerbée, la grande affaire des parents.

Les stratégies que ces derniers mettent en oeuvre sont très diverses et de portée très inégale selon la position qu'ils occupent dans l'espace social, selon la nature et le volume des capitaux (culturel, économique, symbolique, social, informationnel, « temps libéré ») dont ils disposent. Le degré de connivence dans la relation entre enseignants et parents varie considérablement en fonction du type de quartier. Car la question de l'école est aussi celle de la ségrégation spatiale, sociale et ethnique existante ; celle également des faibles attaches populaires des membres du corps enseignant, y compris désormais dans le premier degré (5).

Il existe des municipalités - comme des départements, des régions - riches, voire très riches, et d'autres pauvres et même très pauvres. Ces inégalités se retrouvent dans le financement public des groupes scolaires du premier degré. Sans parler des financements occultes, de plus en plus prisés, qui creusent encore davantage le fossé entre établissements. Le maire et les conseillers municipaux sont eux-mêmes souvent entrés dans la logique de concurrence : leur adhésion quasi obligée au modèle de l'entreprise comme référence dominante pour la gestion des villes devient un élément central de la segmentation croissante de la structure sociale (6).

Les élus sont parfois d'autant plus tentés d'accorder des dérogations à la carte scolaire que les parents demandeurs sont aussi des électeurs. Lorsqu'ils financent, au moins en partie, les projets d'action éducative, ils ont tendance à imposer leurs vues aux enseignants, ou à privilégier ceux qui partagent leurs opinions. Car le dynamisme des municipalités dans le domaine scolaire est devenu un argument électoral, sous la pression, notamment, des classes moyennes, dont les attentes sont fortes en matière éducative.

Le projet que l'on exige de l'ensemble des établissements publics français, depuis 1990, s'apparente fort au « caractère propre » des établissements de l'enseignement catholique. Amplement médiatisé et mis au service des stratégies de carrière de tel ou tel, il représente un élément moteur dans la compétition des écoles. Une offre ouvertement concurrentielle d'éducation est ainsi désormais à l'ordre du jour, sans que l'on se soucie trop de la provenance des fonds extérieurs nécessaires, sans que l'on s'attache trop à reconnaître ce qui relève de la prestation de services ou de la réponse aux besoins réels.

Les enseignants du secteur public - parce qu'un établissement scolaire innovant et bien équipé en technologies nouvelles coûte cher - ne cessent de s'aligner chaque jour davantage, plus ou moins contraints et forcés, sur le mode de fonctionnement de l'enseignement catholique : une double logique, marchande et d'« ouverture ». Dans un nombre croissant d'écoles primaires publiques situées dans les quartiers de classes moyennes intellectualisées, l'équipe enseignante elle-même encourage ouvertement la participation pédagogique et financière de parents fortement mobilisés. Toutes les conditions sont réunies pour que les élèves concernés, dans un climat de bien-être, avancent au plus vite dans leurs apprentissages.

Rien de tel ne peut être observé dans les banlieues où les fêtes d'école, les tombolas, la vente des photos individuelles ou de produits dérivés rapportent peu, et où l'« ouverture » sur l'extérieur, lorsqu'elle est pratiquée, aboutit généralement à ce que l'établissement scolaire devienne le réceptacle des problèmes sociaux du quartier.

Autre mot-valise porté à la hauteur d'une quasi-religion : le partenariat.

Qu'y a-t-il d'un côté ? Des parents suffisamment dotés en capitaux, partenaires actifs de la construction de la réussite scolaire de leurs enfants ; des élus qui ne peuvent rester sourds aux exigences de ces électeurs ; des entreprises qui investissent l'école publique pour mieux placer leurs produits aux établissements - et aux parents - suffisamment riches pour pouvoir se les offrir, et qui en profitent pour transformer les élèves en supports publicitaires, influant sur les décisions d'achat des parents. De l'autre côté, dans les banlieues, on trouve comme partenaires des enseignants et des travailleurs sociaux qui ont intériorisé la notion de handicap socioculturel, dans un contexte de profond remaniement de leurs identités professionnelles respectives. Ce fameux handicap est inséparable du classement entre bons et mauvais pauvres : il est ainsi des parents, « pauvres méritants », dont on appréciera « à sa juste valeur » l'aide qu'ils apportent à la scolarité de leurs enfants, même si « tout n'est pas toujours facile pour eux ». Le gouvernement de M. Lionel Jospin vient d'officialiser la semaine des parents à l'école, nouveau point marqué par la logique civile au détriment de la logique civique...

Ainsi, l'école publique et laïque se transforme en une école d'inspiration libérale, appelée à fonctionner pour le plus grand profit des mieux placés et des mieux informés. Elle tend à disqualifier par avance les parents qui, de condition modeste, ne peuvent pas s'engager pleinement dans la voie de la professionnalisation. La décentralisation du système éducatif est impulsée par touches successives, parfois appuyées, mais le plus souvent si discrètes que l'on peut ressentir = en certaines périodes, du moins = un grand immobilisme d'ensemble.

Enseignants sans moyens et ministre « moderne »

DANS cette mise en scène collective, on ne peut guère déceler de véritable complot, mais une somme de mécanismes convergents en action, qui servent des intérêts tantôt individuels, tantôt sociaux ou corporatifs. La résultante : un travail de sape protéiforme des fondements de l'école publique et laïque, même si ce n'est pas ce que recherchent les agents concernés, qui ont souvent « le coeur à gauche ». La priorité accordée au qualitatif débouche forcément sur du sacrificiel, dès lors que l'on charge toujours plus la barque des enseignants, sans leur donner les moyens d'exercer décemment leur métier.

Le développement des nouveaux processus ségrégatifs et la mise aux enchères croissante de l'école publique = qui ne se voient opposer aucune mesure ministérielle significative = ruinent par avance les efforts des maîtres les mieux intentionnés à l'égard des élèves en difficulté. Les uns et les autres auront apprécié à leur juste valeur les récents éloges de M. Alain Madelin - incarnation française de l'ultralibéralisme - au ministre de l'éducation nationale, Claude Allègre : « Enfin un ministre moderne, enfin un ministre courageux ! (7). »

YVES CAREIL

(1) Lire Bernard Charlot (coordonné par), L'Ecole et le Territoire : nouveaux espaces, nouveaux enjeux, Armand Colin, Paris, 1994.
(2) Lire Lucien Sève, « Touche pas à mon rythme », L'Ecole et la Nation, no 402, septembre 1989.
(3) Lire François Cardi et Joëlle Plantier (textes réunis par), et Paul de Gaudemar (présentation), Durkheim, sociologue de l'éducation, L'Harmattan/INRP, Paris, 1993.
(4) Lire Pierre Bourdieu, « L'essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, mars 1998.
(5) Ce qui produit des effets très négatifs dans les écoles des banlieues. Lire Yves Careil, Instituteurs des cités. Radioscopie et réflexion sur l'instauration progressive de l'école à plusieurs vitesses, PUF, Paris, 1994.
(6) Lire Vincent de Gaudejac et Isabel Taboada Léonetti, La Lutte des places, EPI, coll. « Hommes et perspectives », Paris, 1994.
(7) Journal du dimanche, 18 octobre 1998.

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Le Monde de l'éducation

SEPTEMBRE 1999

LES PETITS MARCHANDS D'ILLETTRISME 

Dans son numéro de septembre 99, Le Monde de l'éducation publie l'articulet suivant : 
 

" PERTINENCE  - L'évaluation nationale CE2-6e en question 
Après les problèmes posés par les résultats de la dernière évaluation nationale des CE2 et 6e, il semble qu'on réfléchisse au ministère de l'éducation sur la pertinence et l'utilisation de tels renseignements. Le conseil national de l'évaluation installé le 1er juillet par Claude Allègre devrait plancher sur un autre mode de consultation. La dernière évaluation CE2-6e avait fait apparaître des taux catastrophiques d'illettrisme et des résultats meilleurs en lecture et en écriture dans le privé que dans le public. "


De cette argumentation, pour le moins surprenante, il ressort que les " problèmes posés par les résultats de la dernière évaluation nationale ", liés à leur " pertinence ", effectivement douteuse, ainsi qu'à leur " utilisation ", qui reste à " inventer ", sont de faire " apparaître des taux catastrophiques d'illettrisme ". A n'en pas douter, la mission du " conseil national de l'évaluation " est de concevoir " un autre mode de consultation ", qui ne fera plus "apparaître ì , mais disparaître ces résultats étonnants. 

Notons au passage que ceux des parents qui en auraient les moyens sont appelés à se reprendre, puisque l'on constate " des résultats meilleurs en lecture et en écriture dans le privé que dans le public ". 

Le Ministère de l'Education nationale, en effet, qui multiplie les colloques sur la lecture, " socle fondamental de toute la scolarité future des élèves ", se garde bien d'analyser les causes de ce nouvel " illettrisme ", tout en faisant mine d'en déplorer les progrès. 

Voici toutefois ce que nous apprennent les données chiffrées que, de lui-même, il publie. 

De 1947 à 1968, les Instructions officielles fixaient à dix heures obligatoires par semaine l'apprentissage de la lecture au CP. A quoi s'ajoutaient deux heures et demie de " langue française ", et deux heures et quart d'écriture,  soit un total de près de quinze heures consacrées à l'enseignement du français. 

Q'uen est-il aujourd'hui ? 
Les programmes de l'école élémentaire n'octroient que neuf heures à l'enseignement du français. 
La moyenne hebdomadaire est passée à,  notez la précision,  six heures trente-six minutes d'apprentissage de la lecture. 

Il est précisé qu'un dixième des classes ne consacrent à cet apprentissage que moins de quatre heures, qu'un quart y consacrent moins de cinq heures, et la moitié moins de six heures. 

Faut-il chercher plus loin l'explication des " problèmes " posés par les " résultats " des évaluations nationales ? 

Notons que : 
1. Certains établissements,  devinez lesquels  ont, du fait de leur " autonomie ", toute latitude pour consacrer neuf heures à l'apprentissage de la lecture, tandis que d'autres se contentent de quatre heures. 
2. Depuis 1968, l'enseignement du français en CP a été " allégé " de six heures " en moyenne ", et l'apprentissage de la lecture de,  notez la précision,  trois heures vingt-quatre minutes. 

Il est vrai qu'à trop apprendre à lire, certains, sans doute, finiraient par savoir. Et ce qu'ils pourraient savoir (qu'il y a eu un régime fasciste en Italie, une révolution en Espagne, ou une crise révolutionnaire, il y a trente ans  je pense au " nouveau " programme d'histoire de 3e) de la sorte, non seulement n'a pas à être su, mais doit être ignoré. 

Voilà comment les ministres conçoivent l " aide aux élèves en difficulté ". 

J. Esquié 


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