«Libération» a réuni huit enseignants pour débattre du projet de réforme.
Comment changer l'école

Débat animé par Alain AUFFRAY et PAUL QUINIO

Le jeudi 18 février 1999

Les intervenants


 

Le 1er février, à l'heure des dernières retouches sur le projet de réforme du lycée, Libération a réuni huit enseignants. Farouchement anti-Allègre ou pro-réforme, responsables syndicaux ou associatifs, profs de base, proviseurs, il sont représentatifs des débats, qui agitent le monde enseignant.

Jean-François Boulagnon, 39 ans, professeur d'histoire-géographie, formateur à l'IUFM de Paris, est un des fondateurs de l'association Déclic pour la création d'un collège-lycée d'initiative citoyenne.

René Chiche, 31 ans, professeur de philosophie au lycée Jules-Ferry de Coulommiers (Seine-et-Marne), est cofondateur de l'association Reconstruire l'école. Il milite pour la démission d'Allègre.

José Fouque, proviseur du lycée Marie-Curie à Nogent-sur-Oise (Oise), est secrétaire général de l'association Education et Devenir, proche de Meirieu.

Emmanuel Garcia, professeur d'histoire- géographie au lycée René- Cassin de Gonesse (Val- d'Oise). Animateur de la coordination du Nord parisien, il a impulsé avec d'autres collectifs le mouvement pour la démission d'Allègre.

Henri Lanta, professeur de sciences économiques et sociales au lycée Henry-IV (Paris), est membre du collectif pour la démission d'Allègre et signataire du Manifeste pour un lycée démocratique.

Gilbert Longhi, 50 ans, proviseur du lycée Jean- Lurçat (Paris), préside l'Observatoire déontologique de l'enseignement.

Denis Paget, 45 ans, secrétaire général adjoint du Snes, est professeur de français dans un lycée près d'Orléans (Loiret).

François Quéval, professeur de mathématiques au lycée de Suresnes (Hauts-de-Seine). Ancien responsable syndical du Sgen-CFDT, il a notamment suivi les questions de programmes au Conseil supérieur de l'éducation.

 
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Un dialogue avec Allègre est-il possible?
«Le ministre nous dévalorise»

Depuis un mois, les manifestations d'enseignants se sont succédé en Ile-de-France. Un dernier rendez-vous avant les vacances de la zone C a été fixé aujourd'hui. Les organisateurs originels de ces rassemblements, coordonnés dans divers comités, se sont rassemblés autour d'un seul mot d'ordre: la démission d'Allègre, même si des revendications syndicales traditionnelles se sont greffées aux cortèges. Le ministre fait débat depuis son arrivée, et ses saillies récurrentes sont perçues comme autant d'attaques contre les profs. Un débat qui dépasse aujourd'hui le milieu enseignant. Du repas de famille au PS, à l'Assemblée comme au gouvernement, le cas Allègre est devenu incontournable. Au point que le ministre a dû, à plusieurs reprises, prendre la plume pour assurer les enseignants de son estime. Au point que les rumeurs de démission ont dû être démenties par Matignon.

Qu'est-ce qui ne va pas avec Allègre?

Emmanuel Garcia: Je suis aujourd'hui dans ma cinquième semaine de grève. Mes motivations sont donc très sérieuses. Je bous d'indignation depuis la rentrée 1997 et les déclarations du ministre sur l'absentéisme des enseignants. A la rentrée 1998, après le décret signé pendant l'été sur la baisse du taux de rémunération des heures supplémentaires, j'ai explosé. A mes yeux, tous les ingrédients pour une véritable révolte des professeurs étaient réunis. Je crois qu'un très très grand nombre de profs, une majorité même, partagent ce point de vue.

José Fouque: Je suis ici le représentant, avec quelques autres, de ceux qui pensent qu'il faut faire évoluer le lycée et apporter des réformes profondes. Pour autant, nous n'adhérons pas complètement à la manière dont Allègre s'y est pris. Le ministre a commis une série d'erreurs, qui ont pu être assimilées à des tentatives d'humiliation. Je pense à ces déclarations sur les absences et à la réduction du taux de rémunération des heures supplémentaires. Ce sont des erreurs importantes, peut-être même suicidaires pour son projet. Mais je ne crois pas pour autant au désaccord profond de la masse des acteurs du système éducatif avec Allègre. Même les propositions de Philippe Meirieu ont suscité des réactions, il n'y a pas eu une levée massive de boucliers.

Gilbert Longhi: Je vais être un peu plus incisif, mais je ne veux pas être méchant. Il y a deux sortes de comités anti-quelqu'un en ce moment en France: les comités anti-Le Pen et les comités anti-Allègre. Et ce sont à peu près les mêmes nuances de la gauche qui les composent. Je me pose la question: est-ce que l'on n'a pas sorti la grosse Bertha? Surtout qu'une démission ne résoudra rien...

Henri Lanta: Alors là, vous me faites sourire. Ma conviction c'est que sur le plan de la démagogie, on ne peut pas comparer Allègre à quelqu'un d'autre que Le Pen. Allègre me paraît vraiment dangereux. Je le dis sans beaucoup de plaisir, mais c'est quelqu'un qui fonctionne à l'humiliation. Il faut qu'il casse les gens à qui il s'adresse. Je croyais qu'une politique de gauche c'était inciter les gens à donner le meilleur d'eux-mêmes. Je crois qu'un ministre doit dire: «Ecoutez, cela ne va pas. Mais on va s'y mettre.» Je considère enfin que c'est quelqu'un d'instable. Le lundi, Allègre a telle position, le mardi, il en a une autre.

François Queval: Le reproche que j'ai à faire au ministre, c'est qu'il a créé une atmosphère tellement délétère que l'idée même d'apporter des améliorations ou des transformations est à l'avance découragée par son comportement vis-à-vis des enseignants.

René Chiche: La personne d'Allègre ne m'intéresse absolument pas. En revanche, il se trouve qu'il est ministre et qu'en tant que ministre, il a des devoirs. Le premier, c'est d'inspirer courage à ses personnels et à ses administrés. Ce devoir-là, il ne le remplit pas. Cela suffit pour demander sa démission.

Gilbert Longhi: Cet aspect personnalisé contre Allègre de votre combat me gêne. Je ne comprends pas qu'on arrive à se demander si Allègre est bête.

Emmanuel Garcia: Mais ce n'est pas un combat contre sa personne. Sa démission est une question de morale politique. Il n'est pas normal de considérer un tel degré d'utilisation du mensonge, de la calomnie, de la démagogie, de l'escroquerie, comme une méthode normale. Sa démission n'est pas une question de simple mauvais caractère du ministre, dans la mesure où ce qu'il veut, ce sont des enseignants dévalorisés dans un lycée dévalorisé.



 
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La réforme est-elle nécessaire?
«Nous devons encore inventer»

Depuis près de vingt ans, les ministres de l'Education sont bombardés de rapports qui dénoncent les pesanteurs du système éducatif. Tous ou presque préconisent la remise en cause du cloisonnement entre les disciplines. Beaucoup insistent sur la nécessité d'une mutation profonde du métier d'enseignant. Pour ses adversaires, la réforme Allègre n'est que le dernier avatar d'une entreprise démagogique qui sabote les fondements de l'instruction publique et de l'élitisme républicain. Plutôt que l'enfant c'est, selon eux, l'enseignement qu'il conviendrait de mettre au cœur du système éducatif.

L'école a-t-elle besoin d'une réforme de plus?

René Chiche: Ce n'est plus de réforme dont on a besoin, mais d'une pause dans les réformes. Si on veut qu'il y ait un débat sérieux sur l'école, la première chose à faire c'est un état des lieux. Il faut sortir de la caricature et des slogans martelés à l'opinion publique par l'intermédiaire des médias. La défense du service public d'éducation, les 80 % d'une classe d'âge au bac, l'école qui doit être son propre recours, l'élève au centre... a priori on ne peut qu'être d'accord. Du coup, ceux qui combattent la réforme passent pour d'affreux réacs élitistes.

Emmanuel Garcia: C'est vrai, il faut une pause dans les réformes. On prétend que le système est figé, victime de son hypercentralisation. Ça ne correspond pas à la réalité. Dans les classes vous avez une extraordinaire diversité des pratiques pédagogiques, malgré les programmes et les statuts nationaux. Quand j'ai commencé, il y a vingt-six ans, il y avait des tas d'expériences plus ou moins révolutionnaires: ateliers en français et en histoire géographie où les élèves choisissaient leurs thèmes et même leurs professeurs... Tout cela était fort intéressant, mais ça n'a pas produit de miracles.

José Fouque: Je ne partage pas le point de vue de ceux qui disent: faisons une pause, arrêtons les réformes, arrêtons l'entreprise de destruction. Le diagnostic est fait depuis longtemps: il y a eu le rapport Prost, le rapport Bourdieu, le rapport Legrand, le rapport Fauroux. Or, à quelques détails près, ils disent tous la même chose: «Tout ce qui a été initié depuis un an et demi dans les établissements va dans le sens des réformes que nous proposons.» Il est temps de mettre en musique ces expériences à travers des textes fondateurs. Le constat est là. On se heurte à la résistance des lobbies syndicaux et disciplinaires. Les syndicats, pour des raisons historiques, se battent sur la question des statuts, ils ne voient pas que le métier évolue.

Emmanuel Garcia: La seule question est de savoir comment encourager ce qui marche, au lieu d'avoir une pratique qui consiste, à intervalles plus ou moins réguliers, à tout brasser, les appellations des filières, les programmes, très rarement pour les améliorer d'ailleurs... Dans leur grande masse, les professeurs sont profondément blasés sur l'idée de réforme!

René Chiche: Je pense qu'il y a des clivages très forts entre deux conceptions du métier. Une conception qui prétend «mettre l'enfant au centre du système», et une autre qui essaie de concevoir les enfants comme des élèves, des étudiants. La première se contente d'enregistrer les différences, la seconde essaie de former ou de transformer les jeunes pour les sortir un peu d'eux-mêmes et les ouvrir au monde.

François Queval: Il n'y a pas forcément contradiction entre ces deux conceptions: je suis d'accord avec «l'enfant au centre», mais un enfant qu'on aide à se responsabiliser, en l'ancrant sur un certain nombre de savoirs. Il faut arrêter les faux procès, comme si ceux qui sont pour l'éducation et «l'enfant au centre» ne percevaient pas le rôle des professionnels et des disciplines. Comment la population a-t-elle changé? Comment les missions de l'école doivent-elles aussi changer? Ce sont les questions qu'il faut se poser...

René Chiche: Ce n'est pas parce que la population a changé que les missions de l'école ont changé... c'est un sophisme.

François Queval: Les missions peuvent changer parce que le public change. Sur la question du métier d'enseignant, il y a un gros problème, je ne dirais pas de corporatisme, mais de difficulté à faire changer les gens. On a été formés sur le modèle du prof devant sa classe avec son savoir, ses méthodes pédagogiques. Cela ne marche plus.

Jean-François Boulagnon: On ne peut plus enseigner aujourd'hui comme en 1950 quand 10 % d'une classe d'âge arrivait au bac. Il faut revenir au pilier de Ferry, c'est-à-dire à une pédagogie adaptée aux élèves.

Denis Paget: Je trouve étonnant que ceux qui se présentent comme voulant faire évoluer le métier se revendiquent de Jules Ferry. Nous avons des choses à inventer, pas à revenir au passé. Par ailleurs, les enseignants ont déjà fait évoluer leur métier. Aujourd'hui, vous ne tenez pas cinq minutes devant une classe si vous ne l'avez pas fait. Il y a eu des évolutions extrêmement fortes. J'accuse les réformateurs de tout poil de ne pas regarder la réalité, l'évolution profonde qui a touché ce métier, à la fois dans la relation du prof aux élèves et dans la conception du savoir. Il suffit de regarder les évolutions des programmes dans certaines disciplines depuis vingt ans.

René Chiche: Contrairement à ce qu'on croit, le professeur invente à chaque heure. Mais la pire des choses serait qu'il prétende imposer ses doctrines aux autres.

José Fouque: L'immense majorité, y compris les syndiqués à quelques exceptions près, veut du changement. Et lorsqu'on leur propose des solutions, que l'on trouve des financements, les enseignants font beaucoup de choses. Les enseignants sont des gens qui sont innovants, originaux, et l'erreur du ministère a été de penser que ce que disaient certains dirigeants du Snes était le reflet exact de ce qui se passait sur le terrain. Les syndicats ne voient pas que, sur le terrain, le métier évolue avec l'accord des acteurs. Un exemple, l'aide individualisée aux élèves: je ne dis pas que 100 % des enseignants se lancent dans l'aide individualisée, mais il y en a au moins 50 % qui, face à des élèves en difficulté, acceptent de les prendre en heures supplémentaires. Ils les prennent à part, en petits groupes de trois, et ils le font de bon cœur puisqu'ils voient que ça marche.



 
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Le lycée doit-il être sélectif?
«Nous n'avons pas à choisir nos élèves»

Entre 1975 et 1995, le nombre des lycéens et des bacheliers a plus que doublé.Mais, de l'avis général, le système éducatif français n'a pas su maîtriser cette massification, née de l'introduction du collège unique au début des années 70. L'échec est flagrant à l'université, notamment en premier cycle. La réforme inspirée par Philippe Meirieu a justement pour ambition d'instaurer un lycée adapté à la massification. Il le décrit comme une «charnière» entre la scolarité obligatoire et l'enseignement supérieur.
Les adversaires d'Allègre sont souvent réservés sur le collège unique. «Il faut rouvrir le dossier du collège [...] et reposer la question d'une diversification prudente des filières», écrivent des professeurs du lycée Henri-IV dans leur «Manifeste pour un lycée démocratique».

Le lycée peut-il se permettre d'accueillir 100 % d'une classe d'âge? L'échec de la massification doit-il conduire à remettre en cause le principe même du collège unique?

José Fouque: Prenons le cursus des élèves admis en seconde avec des résultats assez médiocres dans certaines disciplines d'enseignement général. Dans mon établissement, certains accéderont au BTS forgerie, deviendront ingénieurs en passant par l'Ecole supérieure de la fonderie. Voilà un bon exemple: ce sont des élèves qui ont des lacunes, mais le lycée en a fait des adultes, aussi respectables que leurs pères. C'est vrai, l'école ne sert plus aussi souvent qu'autrefois d'ascenseur social. Il n'empêche que, dans mon établissement, ceux qui passent un BTS ont souvent mieux réussi que leurs parents. Il faut savoir si nous parlons bien des mêmes élèves. Les titulaires du BTS de fonderie ont peut-être quelque coquetterie dans l'œil en culture générale, néanmoins, ce seront des adultes respectés et utiles pour la société. Tous, sans exception, ont trouvé du travail.

René Chiche: Votre exemple ne prouve absolument rien. Le problème concerne évidemment davantage l'enseignement général que la filière professionnelle. Je parle de ces lycéens de l'enseignement général qui n'ont pas les capacités requises pour faire des études supérieures mais sont là par passivité, parce qu'on leur présente les autres filières sous un jour négatif. On n'arrête pas de déconsidérer l'enseignement technique et professionnel, cela conduit vers les lycées généraux toute une catégorie d'élèves qui n'y est pas à sa place.

François Quéval: On ne peut pas laisser dire qu'on laisse toute une vague d'élèves aller à l'abattoir...

Gilbert Longhi: Je trouve un peu gonflé d'essayer de déterminer qui on doit recevoir au lycée général. La réponse est simple: on reçoit ce qu'on nous donne. Nous sommes fonctionnaires, nous n'avons pas à choisir, pas plus qu'à l'hôpital le médecin de garde ne choisit ses malades. Nous devons éduquer tous ceux que la nation nous donne à éduquer, nous avons tous signé un engagement quand nous sommes entrés dans l'Education nationale. Si on n'est pas content, on s'en va. Mais, si la nation nous donne un public, nous n'allons pas chipoter pour savoir si l'élève doit être dans le professionnel, dans le technique ou ailleurs. Nous devons le traiter...

Emmanuel Garcia: C'est faux: nous avons à nous interroger. Certains sont mieux dans le général, d'autres dans le technologique, et d'autres encore dans le professionnel.

Gilbert Longhi: Il y a déjà 25 % des jeunes qui sont dans le professionnel et dans le technique, et ils y sont à reculons. Que va-t-il se passer si ce pourcentage augmente pour que l'adéquation entre le public et les programmes du lycée général soit plus fine? Si on force sur le technique, on va créer des parias, des gens qui ne veulent pas y être, encore moins que maintenant. Nous n'avons pas à nous poser de telles questions: nous devons traiter le public que la politique éducative de l'Etat nous donne. Pour l'orientation, je suis, pour le coup, un grand libéral; je dis que, de toute façon, on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif. Il faut être assez souple sur l'orientation, sinon vous savez très bien ce qui se passe: la souffrance scolaire pour les moins riches ou la contre-orientation pour ceux qui peuvent se payer le privé. Tout lycéen a sa place dans le lycée. Et nous devons nous féliciter qu'il y ait une forte demande d'école, un fort désir d'études.

Emmanuel Garcia: Sur la massification, il faut dire la vérité, le bilan du collège unique est plutôt mauvais. Est-ce être démocrate que de défendre un mauvais bilan? Je n'en suis pas convaincu. Quant au lycée général, il accueille environ 50 % d'une classe d'âge. Avec ce public, on patine de plus en plus. Moi, je suis professeur principal en seconde. Pour certains mômes, j'estime souvent qu'il faudrait trouver une orientation en BEP. On me dit: c'est complètement bouché, alors il faut trouver une solution dans l'établissement. En clair, on me demande de faire semblant. Mais ce que nous redoutons, c'est que la réforme ne serve qu'à mieux faire semblant, à gonfler de façon artificielle les taux de réussite au bac. On ne fait que reporter le problème à la première année de fac. A force de mentir, on s'expose un jour ou l'autre à des réactions qui seront peut-être violentes.

Libération: Vous pensez donc qu'on demande à l'école de régler des problèmes qui ne relèvent pas de ses compétences?

Emmanuel Garcia: Moi, je ne peux pas créer des emplois, c'est aussi simple que ça. On dit: l'ascenseur social est en panne. Je ne suis pas d'accord, l'ascenseur marche, mais les étages sont bouchés. Le problème fondamental est là. Les mômes savent très bien qu'ils n'ont rien à attendre du circuit légal. Pourquoi s'imposeraient-ils des efforts qui ne débouchent sur rien?

Jean-François Boulagnon: Mais vous savez bien que la remise en cause des filières ségrégatives est un phénomène général qui dépasse largement la France, qu'à partir des années 50 et jusqu'aux années 70, la marche vers plus de démocratisation a touché plusieurs pays d'Europe occidentale. Avez-vous une solution de remplacement au collège unique?

René Chiche: Je n'ai pas de solution. Je dis juste qu'il faut arrêter de mentir. Sous prétexte de ne pas faire de sélection sociale, on a supprimé toute sélection scolaire. Et on culpabilise les enseignants en leur disant: si vous faites de la sélection scolaire, vous défendez un modèle élitiste. Si bien qu'arrivent en terminale des élèves qui sont passés au travers de toutes les exigences, qui ne sont plus capables de faire un certain nombre de choses que les élèves des générations antérieures maîtrisaient. Et donc, c'est écrit dans la lettre de mission du groupe de travail sur la philosophie, il faut modifier les programmes afin que les résultats au baccalauréat dans cette discipline soient socialement acceptables. Voilà le lycée light: un nivellement par le bas pour ne pas voir la réalité.

Denis Paget: On n'a rien à gagner à une démocratisation en trompe l'œil. Mais je ne serai pas aussi sévère que mes collègues. Les bons élèves continuent à être bons, et on a toujours de mauvais élèves. Je crois que la sélection scolaire continue d'être assez forcenée, même si elle revêt des formes nouvelles. Tout le monde sait qu'il y a une hiérarchisation entre les sections et entre les établissements. Au temps du collège Fouchet, il y avait trois filières, c'était clair et net. Aujourd'hui, le collège unique n'a d'unique que le nom. Il n'y a qu'à comparer le collège de Mantes-la-Jolie et le collège de centre-ville. Depuis une quinzaine d'années, non seulement les différences n'ont pas été réduites, mais elles ont été amplifiées. Elles ne sont plus à l'intérieur des établissements, mais elles sont de plus en plus flagrantes entre les établissements. Le phénomène n'a pas cessé de s'amplifier depuis la suppression de la sectorisation, en 1983. C'est à la gauche que l'on doit cette merveilleuse réforme. Je suis d'accord avec mes collègues pour dire qu'il ne faut pas mentir. Il faut s'assurer que démocratisation rime avec acquisition réelle de compétences et de connaissances.



 
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Faut-il réduire horaires et programmes?
«Le pire c'est l'allègement des exigences»

Non au lycée light, non au nivellement par le bas, martèlent depuis des mois les adversaires de la réforme. Selon eux, les mesures envisagées vont toutes dans le sens d'un allègement des programmes et des exigences. Le projet de «culture commune» défendu par Philippe Meirieu déboucherait, à terme, sur une remise en cause des cultures générale et classique, ainsi que de tous les enseignements qui ne seraient pas absolument utiles au renforcement de la cohésion sociale. Pour la rentrée prochaine, le ministère a prévu de légères réductions d'horaires et des programmes «recentrés». Ce qu'ils ne trouveront plus au lycée, les élèves qui en ont les moyens iront le chercher sur le marché privé, assurent les anti-Allègre. Pour Meirieu, le lycée doit proscrire l'empilement des savoirs et privilégier «les éléments constitutifs d'une véritable citoyenneté»

Cette «culture commune» ouvre-t-elle la voie au «lycée light» ?

José Fouque: La culture commune, ce n'est pas abaisser le niveau de tous, c'est définir des noyaux communs et des objectifs périphériques hiérarchisés. Ce n'est pas le lycée light mais l'inverse. Dans le projet Meirieu, il y avait par exemple l'idée d'offrir à tous un enseignement artistique. Il était aussi envisagé d'aborder la question religieuse. Combien de fois entend-on regretter que nos enfants ignorent tout de la mythologie fondamentale du catholicisme... Défendre la culture commune, c'est dire qu'un élève de lycée professionnel ne doit pas être condamné à des notices sur le nettoyage des Mobylette, il a droit aussi à Apollinaire et à Baudelaire. Le projet de réforme reprend aussi la fameuse idée d'«objectifs noyaux». Depuis Legrand, on répète que les programmes sont encombrés de choses inutiles.

Denis Paget: Ce que vous dites est très grave, on gaspille les deniers publics pour apprendre des choses inutiles à nos élèves!

José Fouque: Depuis vingt ans, on veut recentrer les programmes autour des finalités des filières, avec une culture commune qui permet à tous de se reconnaître dans le même pays. En mathématiques, les élèves de première ou de terminale de génie des matériaux voient des choses qu'ils ne verront jamais plus ensuite, ni en BTS, ni en IUT. Des exemples comme ça, on peut en trouver des dizaines...

René Chiche: C'est ça, supprimons la philosophie!

José Fouque: Je ne dis pas ça, au contraire. Les élèves eux-mêmes, dans le colloque Meirieu, disaient qu'ils voulaient plus de philosophie, même en seconde. Ils voulaient plus d'histoire-géographie. On peut dégraisser des programmes, les rendre efficaces. On verra après si on a toujours besoin d'autant d'heures de cours. Mais, Denis Paget, l'attitude que vous avez toujours, dans votre syndicat, consiste à dire: «Attention, il ne faut pas diminuer le nombre d'heures!» C'est ce qui bloque le système.

Denis Paget: Vous avez donné, quand même, une bonne définition du système allégé: moins de programmes, moins d'horaires. On en redistribue une partie, et ça donne le lycée light. Il faut recentrer les programmes, il faut diminuer les horaires puisqu'on aura diminué les programmes. En bout de course, on va se retrouver avec une classe de seconde très réduite par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui.

José Fouque: Si les élèves ont acquis le contenu du programme, ce ne sera pas light, ce sera hard au contraire.

François Quéval: Est-ce que les profs mesurent la charge de travail demandée à un élève? Chaque année, j'interroge mes collègues sur la quantité de travail qu'ils exigent de leurs élèves. Tous me disent qu'ils attendent pratiquement autant d'heures de travail personnel que d'heures de cours. On arrive donc à 60 heures. Ce que je dis là ne milite pas en faveur d'un lycée light mais en faveur d'un lycée où l'on tienne compte de l'élève.

René Chiche: Au lieu de donner accès aux textes, on va enseigner à l'élève un discours sur les textes, on va enseigner les commentaires sur la philosophie, ou, comble de l'absurde, l'histoire de la philosophie, etc. Ça peut se mettre en fiches, et les élèves auront donc «accès à la culture» par l'intermédiaire de fiches absolument indigestes. Je me retrouve avec des élèves en terminale qui sont capables de me dire ce qu'est une anaphore dans un texte mais qui sont incapables d'écrire un texte, d'intercepter le sens de ce qu'ils repèrent. Là, il y a un problème fondamental.

José Fouque: Allégeons les programmes, monsieur! Supprimons l'enseignement de l'anaphore!

François Quéval: Quand les élèves arrivent en terminale, que savent-ils? Qu'ont-ils retenu de tout cet empilement? Je préférerais qu'ils aient dans ma discipline des choses un peu moins pointues, sur lesquelles on les fasse vraiment travailler, en leur apprenant à devenir responsables face à leur travail.

René Chiche: L'alternative n'est pas entre l'empilement et le recentrage sur des noyaux fondamentaux, elle est entre le désordre et l'ordre. Le problème, c'est que la culture commune de Meirieu allège tout en empilant. Elle sert à assurer la cohésion sociale, ce qui n'a rien à voir avec la finalité de l'éducation.

Gilbert Longhi: J'ai observé au long de ma carrière qu'il avait fallu créer le lycée du temps choisi, le lycée autogéré et plein d'aventures du même genre parce que le trop d'école avait fini par faire vomir l'école, par enfermer des jeunes dans le grand échec scolaire. Si aujourd'hui on arrivait à concentrer certains horaires et programmes pour que les gamins ne soient pas écœurés par l'école, alors je dis oui aux allégements. Et si l'allégement permet de gagner des heures qui permettront de mieux servir les élèves sans les saturer, alors je dis encore oui.

François Quéval: Je crois, moi aussi, à la nécessité d'un recentrage qui permette aux jeunes de se concentrer sur ce qui les passionne. Pourquoi imposer aux lycéens certains enseignements que, de toute façon, ils n'acquièrent pas et qui coûtent des deniers à la nation? Je prends un exemple: en terminale L, il y a une caricature d'enseignement scientifique. ça consomme une heure et demie de physique, une heure et demie de biologie, une heure de mathématiques. J'ai enseigné dans ce genre de classe: la plupart des élèves n'en avaient véritablement rien à cirer. En termes de gros sous, il y a là de vraies économies à faire, qui permettraient peut-être de se recentrer sur des choses plus importantes et d'abonder les heures nécessaires pour l'aide personnalisée des élèves. Le lycée que j'appelle de mes vœux n'est pas un lycée light mais un lycée où les élèves auraient un certain nombre d'allégements de ce type, qui permettent de passer de 29 heures et demie à 26 heures, pour, d'une part, se recentrer sur les disciplines fondamentales, et, d'autre part, avoir du temps pour travailler de façon beaucoup plus autonome.

Emmanuel Garcia: Le problème n'est pas tant dans l'allégement des horaires. Le danger considérable, c'est plutôt l'allégement des exigences, des critères avec lesquels on va obtenir ou non le baccalauréat. On fait passer les mômes parce qu'on ne sait pas où les mettre. Le maire, le préfet, le député et le ministre ne veulent pas que les jeunes soient dans la rue, point final. Je peux vous citer deux exemples qui illustrent l'abandon des exigences: la nouvelle épreuve d'histoire-géographie au bac n'exige plus aucune compétence à l'écrit. Il s'agit d'analyse de documents: il faut repérer des thèmes dans trois ou quatre documents, faire un tableau en cochant des croix dans des colonnes, tel thème correspondant à tel document. On conclut par une très courte synthèse. Cette épreuve va entrer en vigueur cette année. J'ai mis en garde mes élèves en leur disant: si vous ne savez rien, prenez ça, c'est difficile d'avoir moins de 8 mais il est quasiment impossible d'avoir une bonne note. C'est une épreuve totalement stupide. Les élèves n'ont pas encore vraiment compris qu'il était devenu inutile de préparer le bac en histoire-géo. Quand ils l'auront compris, il y aura des dégâts. Et on va beaucoup plus loin encore avec les travaux personnels encadrés (TPE). On nous explique que c'est beaucoup mieux que d'écouter le cours magistral, c'est pluridisciplinaire et extraordinaire. On a déjà introduit un travail du même genre en terminale STT, et ça a permis ce grand progrès de la démocratisation: l'an dernier, ma terminale STT a eu 100 % de réussite au bac. Je connais les élèves et je sais ce que ça veut dire. Les dossiers sont préparés sous la direction des professeurs. Il est impossible de ne pas avoir une bonne note. Il est prévu que l'interrogation sur le TPE remplace l'oral de rattrapage. Donc, on va vers deux bacs, celui qu'on a à l'écrit et celui que l'on donne à l'oral. Pour les statistiques, c'est formidable, le ministre sera ravi.

Denis Paget: Par rapport au TPE, je ne serai pas aussi sévère. A condition qu'il n'y ait pas une forme unique du travail interdisciplinaire, je crois que ce type de travail peut être intéressant. Il me semble qu'un travail personnel des élèves qui fasse appel à beaucoup plus de lecture doit être encouragé. Faut-il évaluer ces dossiers au baccalauréat? Je n'en sais rien, mais je vois bien les inconvénients qu'il y aurait à remplacer la deuxième épreuve du bac par ce type de dossier. Il ne faut pas forcément l'ignorer pour autant. Aujourd'hui, quand le jury examine le dossier scolaire, il fait déjà un peu la même chose.

François Quéval: Faire écrire les élèves sur un sujet personnel avec un encadrement assez fort des enseignants fait partie des autres modalités de travail qu'il faut absolument développer. Même s'il faut l'utiliser avec précautions pour le bac. Rien n'empêche les examinateurs d'interroger sur le fond, de savoir si ce que dit l'élève vient de lui ou d'un bouquin qu'il a acheté.



 
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L'aide individualisée est-elle du ressort de l'enseignant?
«Des cours à 2 ou 3 lèvent les difficultés»

Il faut faire de l'école «son propre recours»: de la maternelle jusqu'à la terminale, cette ambition est au cœur de tous les projets de réforme de Claude Allègre. Elle consiste à se donner les moyens d'aider ceux qui n'ont pas à la maison des parents susceptibles d'expliquer les leçons ou de payer des cours particuliers. Pour le ministre, il s'agit d'une mesure de justice sociale élémentaire. Concernant le lycée, l'aide individualisée pourrait être généralisée à moyens constants, grâce aux heures de cours libérées par les allégements de programmes. Dans l'esprit de Meirieu, le recentrage sur les enseignements fondamentaux devait s'accompagner d'une redéfinition du service des enseignants. Au lieu des 18 heures de cours hebdomadaires, ils auraient à assurer 15 heures de cours plus 4 heures d'«activités pédagogiques». Cette ambition a été revue à la baisse par le ministre: il n'est plus question que de 2 heures d'aide individualisée en français et en maths, pour les seules classes de seconde. Cette mesure reste pourtant fortement contestée.

La prise en charge, individuellement ou en petits groupes, des élèves en difficulté doit-elle définitivement entrer dans la définition du métier de professeur?
 
 

René Chiche: L'aide individualisée est présentée comme une évidence, comme indispensable. C'est l'aveu qu'il n'y a plus rien à attendre hors de l'institution puisque, comme le proclame Meirieu, l'école doit être «son propre recours». Tout se passe comme si on n'envisageait même plus que les familles puissent avoir un rôle dans l'éducation, ce qui est assez grave.

Jean-François Boulagnon: Mais venez dans ma ZEP! Vous verrez que ce recours à la famille n'existe pas. Ne serait-ce qu'en raison des difficultés de langue. Si le travail ne se fait pas dans l'institution, il ne se fera pas ailleurs. Il y a une différence entre mes élèves et les adolescents des classes moyennes qui bénéficient des cours de soutien.

René Chiche: Ils ont tous les mêmes problèmes. Je constate qu'il y a des dysfonctionnements auxquels l'aide individualisée ne peut suppléer. Lorsque vous accueillez des élèves qui ont perdu toute familiarité avec la langue française, comment imaginer qu'une aide individuelle pourra se substituer à ce qui est un problème beaucoup plus fondamental?

François Quéval: Je souscris à ce qui vient d'être dit sur le problème du rapport à l'écrit. On ne peut pas faire de mathématiques à un élève qui ne sait pas écrire. Avec les élèves que j'ai en soutien, moi, je fais de la rédaction. Et ça marche! Je leur demande d'abord de rédiger sur des choses très concrètes, puis sur des problèmes mathématiques. Je ne dis pas que c'est la panacée, mais c'est ce type d'optimisme qu'il faut avoir par rapport aux élèves en difficulté.

José Fouque: Dans l'établissement que je dirigeais avant, j'ai recruté beaucoup d'enfants qui étaient issus de l'immigration. Nous avions, les quatre dernières années, 87 % de réussite au bac, parce que nous avions mis en place l'aide individualisée. Des cours à deux ou trois élèves débloquent des difficultés.

René Chiche: Comment peut-on être contre l'aide individualisée quand elle est présentée comme ça? Mais ce n'est pas la question. Le sens de cette réforme, c'est de supprimer l'un des seuls indicateurs encore pertinents, à savoir le contrôle écrit.

François Quéval: On ne peut pas opposer l'aide individualisée au maintien du texte écrit qui permet d'évaluer... C'est une vision caricaturale.

Denis Paget: Tout ce qu'on pourra faire pour que le recours aux cours payants soit limité doit être fait. Le débat ne porte pas sur le fait de savoir s'il faut ou non de l'aide individualisée. Il porte sur l'idée que, pour le ministère, l'aide individualisée, c'est tout simplement réduire les heures d'enseignement de 100 % des jeunes pour en redistribuer une partie à quelques-uns. Le ministère fait passer les horaires obligatoires de seconde de 29 heures et demie actuellement à 26 heures pour financer l'aide individualisée. Il redistribue. Au Snes, nous disons que l'aide doit être financée autrement.

Henri Lanta: Nous sommes au moins d'accord pour dire que l'aide individualisée doit être financée sur des moyens supplémentaires, qu'elle ne se fasse pas au détriment des horaires donnés à toute la classe. Ce qui fonde ma révolte contre cette politique scolaire, c'est le discours démagogique qui consiste à dire et à répéter: le quantitatif, c'est terminé; maintenant, tout est un problème de qualitatif.

Gilbert Longhi: Qui donne les cours particuliers? Ce sont tous des profs, pour la plupart des certifiés, des agrégés. Vous avez des matières sinistrées au niveau déontologique, les maths, les langues... et les gens du service public vont se vendre comme mercenaires. Quelquefois même, les publicités précisent les lycées ou exercent ces professeurs! On est tous d'accord pour dire qu'il faut des valeurs, on est moins d'accord pour dire lesquelles. Il y a dix-sept ans que je suis proviseur, je n'ai jamais trouvé de consensus sur les valeurs et sur la déontologie.

José Fouque: Dans son projet de mise en place de l'aide en classe de seconde, je regrette que le ministère ne soit pas allé jusqu'au bout de la logique de la réforme. Il ne faut pas distribuer la même chose à tous. Il faut aider prioritairement les établissements où il y a des élèves en grande difficulté. Et focaliser l'aide sur les maths ou le français est une erreur, car c'est, une fois de plus, piloter le système par des intérêts corporatifs.

Emmanuel Garcia: Il faut faire attention aux leurres. L'aide est nécessaire et utile. Quand il s'agit d'un coup de pouce, ça fonctionne très bien. Mais le miracle n'existe pas. A moins d'imaginer que les élèves puissent bénéficier de plusieurs heures individuelles par semaine. On est pris dans un engrenage: ça ne marche pas à 15, faisons le à 8, et ainsi de suite. C'est cette logique qui risque de conduire à des allégements. De ce point de vue, l'expérience des modules me paraît très intéressante. Qu'est-ce qu'on a raconté aux élèves? Que, grâce à des évaluations, nous allions dresser un profil individuel de chaque élève, que nous allions faire le bilan de ces lacunes, et que nous allions faire ensuite un suivi «individualisé» dans des groupes composés en fonction des besoins. Dans la pratique, tout le monde sait ce qui s'est passé. Nous avons fonctionné en demi-groupe, les objectifs sont restés illusoires... Les évaluations ne permettent pas d'établir de profil. Elles permettent au mieux de distinguer les bons des mauvais élèves, comme n'importe quelle interrogation écrite ou orale en début d'année.

Jean-François Boulagnon: En vous écoutant, j'ai eu l'impression d'une conception du métier qui datait un peu. Vous en êtes resté à l'enseignant seul dans sa classe, sans travail d'équipe, sans assistance sociale ni conseillers d'éducation, toute cette démarche qui permet une complémentarité éducative.

René Chiche: L'aide individualisée est un gadget, un mensonge. On ne peut pas rattraper en quelques années ce qui n'a pas été fait en dix ans. On va faire des professeurs de véritables assistants. Dans le mot aide, j'entends assistanat, on veut faire de la relation pédagogique quelque chose comme une relation thérapeutique.



 
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Qui doit débattre de l'école?
«Elèves et parents ont leur mot à dire»

La consultation Meirieu a voulu nourrir «un débat démocratique sur ce que le pays attend de son lycée».Via des questionnaires, élèves et parents ont participé pour ne pas laisser «les interlocuteurs habituels du ministère» confisquer le débat. «Démagogique!» ont dénoncé les anti-Meirieu.

A qui appartient le débat sur l'éducation?
 
 

François Quéval: L'école est placée devant des défis redoutables que les enseignants seuls ont du mal à relever. Il faut donc mobiliser tous les acteurs.

René Chiche: Il faut rendre la parole sur l'école à ceux qui la font, contre les certitudes des experts. J'ai été dérangé par la consultation Meirieu. Je l'ai perçue comme une atteinte au lieu sacré qu'est la classe.

José Fouque: Vous voulez rendre la parole sur l'école à ceux qui la font. Mais le débat sur l'école ne doit pas être sanctuarisé. Nous ne pouvons plus traiter des élèves adolescents, des jeunes qui ne sont même plus adolescents pour certains, qui sont... je vais employer le mot «usagers», comme s'ils n'avaient pas leur mot à dire, eux et leurs parents.

Gilbert Longhi: Clemenceau a dit: «La guerre est une chose trop importante pour la confier aux militaires.» Les enseignants, eux, n'ont pas à porter tout seuls l'Education nationale sur leurs épaules.

Henri Lanta: Vous êtes sympathique, mais quelle aide Allègre apporte-t-il à des enseignants qui vont supporter toutes ses réformes?

René Chiche: Le contenu de l'enseignement ne peut raisonnablement pas être déterminé par les parents et par les élèves.

Gilbert Longhi: Je rappelle qu'au Moyen Age, quand on a découvert que le sang circulait, des docteurs se sont réunis en Sorbonne pour produire un décret qui interdisait au sang de circuler. Je me dis, du coup, que ce ne sont pas toujours ceux qui portent la robe et la toge qui sont les mieux placés pour dire où est le savoir.


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