Contributions : Analyses



EN FINIR AVEC LE COLLEGE UNIQUE

L’élitisme républicain (qui consiste à encourager l’excellence individuelle sans considération d’origine sociale), est à la fois la meilleure garantie démocratique et le seul principe viable en matière d’enseignement. C’est d’ailleurs sur lui qu’était fondée l’école de Jules Ferry.

Il a été systématiquement combattu parce que l’idéologie égalitaire poussée à l’extrême a fait dériver l’égalité des chances (pour que chacun atteigne son meilleur niveau personnel) vers le nivellement par le bas artificiellement provoqué.

Or, charger l’école de régler les inégalités sociales prioritairement à la transmission des connaissances, procède d’une intention mégalomane nourrie de dépit politique. D’autres institutions existent pour viser ce genre d’objectif. L’école a bien assez à faire pour transmettre les connaissances sans encore l’accabler de tâches qui ne sont pas les siennes.

Seul l’élitisme républicain permet de donner aux enfants de condition modeste une chance d’ascension sociale. Certes, il n’est pas parfait, mais les autres systèmes sont pires : ils ne font qu’aggraver la situation d’ensemble, sans même permettre aux pauvres de s’en tirer (je n’aime pas l’expression "défavorisés", en vogue actuellement). Tout comme la démocratie en politique, l’élitisme républicain est "le plus mauvais système… à l’exclusion de tous les autres".

Il faut sauver à tout prix les filières d’excellence, qui sont la seule richesse des pauvres, même si trop peu y ont accès. Ce sont des trésors qui appartiennent à toute la nation y compris aux moins cultivés. Les supprimer au nom de l’égalité ne fait que renforcer l’obscurantisme et l’ignorance. Bien sûr, il y a peu de fils d’ouvriers dans les grandes écoles, mais il y en a. Veut-on les éliminer ? Quand l’excellence aura disparu de l’enseignement public, elle n’existera plus que dans le privé et alors les fils d’ouvriers n’y auront plus du tout accès.

Nier les différences d’aptitudes individuelles c’est condamner l’école à éclater sous la pression des différences culturelles, religieuses, communautaires etc…que seul l’élitisme républicain peut transcender. Ce serait prêter une bien grande naïveté à Jules Ferry que celle d’avoir cru gommer les inégalités sociales d’un trait de blouse grise. Faut-il rappeler que celle-ci symbolisait un message autrement plus volontaire et pénétrant : "toutes les inégalités existent. Mais ici, c’est votre seule valeur personnelle qui importe et sera prise en compte". Ce parti pris délibéré de la conscience est aujourd’hui encore le seul discours valable et c’est à lui qu’il faut sans cesse revenir.

Or, suspecté de n’être pas suffisamment égalitaire, on a cru le "dépasser" par une succession de réformes ayant pour effet, voire pour finalité, d’ôter à l’école sa fonction de transmission des connaissances, pour en faire une structure d’accueil neutre, renvoyant en miroir l’image narcissique de la rue, les élèves la fréquentant moins pour apprendre que pour "exprimer leur vécu" (c’est "placer l’élève au centre", dans le jargon des "pédagogistes" inspirant les choix ministériels). Croyant ainsi par là supprimer l’inévitable tension de la confrontation à la connaissance, on en barre l’accès. Cette évolution s’insère et se développe dans la logique d’un raisonnement qui, même s’il n’est pas formulé consciemment, n’en est pas moins ubuesque : puisque les hommes ne sont pas égaux devant la connaissance, supprimons la connaissance !

Le nivellement par le bas, c’est la politique de la terre brûlée. C’est la politique du pire, sur laquelle se retrouvent la gauche et la droite depuis des décennies, pour des raisons souvent opposées. En effet ce qu’il faut bien appeler la démolition systématique (bien que souvent inconsciente) de l’école, ne date pas d’Allègre, promoteur entre autres de la "discrimination positive" (!), qui consiste à empêcher les bons élèves de travailler, mais de Haby (1975, collège unique) et même d’Edgar Faure (1968, suppression des surveillants au prétexte d’"autodiscipline", démagogie permettant de faire des économies), en passant entre autres par Jospin (1989, suppression des redoublements, des écoles normales etc…). La liste est longue ; elle figure dans les ouvrages spécialisés. Ces coups de boutoir successifs dont l’école agonise vont tous dans le même sens : le nivellement par le bas.

Combien de générations d’élèves ont été sacrifiées sur l’autel de l’égalitarisme ? Tous en sont victimes.

-Victimes, bien sûr, les élèves intelligents et travailleurs (parmi lesquels il y a des fils d’ouvriers, faut-il le rappeler) qui non seulement sont empêchés de travailler par ceux qui ne peuvent pas suivre, mais encore par l’institution elle-même, qui les punit maintenant en leur supprimant des cours alors qu’ils ne demandent qu’à apprendre (C’est l’aboutissement ultime de l’idéologie égalitaire et la démonstration du fondement de jalousie sur lequel elle repose : certains échouent, alors tous doivent échouer, ainsi, tous sont égaux).

-Victimes aussi, les élèves qui ne peuvent pas suivre, parce qu’on ne leur offre pas d’autre filière que d’attendre seize ans, collège unique oblige (tout le monde doit suivre les mêmes cours puisque "tous sont égaux"…). Il est vrai que pour eux l’institution a créé les "classes relais" dans lesquelles, en désespoir de cause, elle tente de les " socialiser "… à seize ans, après avoir jeté la morale aux orties à l’école primaire, parce qu’elle "fait le jeu des possédants" (Le bon sens dirait que ce n’est pas parce que l’exploitation existe qu’il ne faut pas enseigner la morale, au contraire ; mais il y a longtemps que le bon sens a été chassé de l’enseignement : il n’était pas assez scientifique, ni assez politique). Ainsi, après avoir nié les différences d’aptitudes, on les reconnaît, mais trop tard, en créant une structure avec une grave sollicitude. Et, en dissimulant soigneusement qu’elle est un sous-produit du collège unique, on en rejette habilement la responsabilité sur… "la société inégalitaire". Ainsi, l’idéologie se nourrit d’elle-même par la politique du pire.

-Victimes enfin et surtout, les élèves moyens (dont personne ne parle), qui ne réussissent qu’à force de travail. Ceux-là sont victimes, d’abord comme les autres parce que la trop grande disparité de niveaux, entrave leur progression, et que dans de telles conditions, s’ils réussissent encore, c’est que l’on a considérablement abaissé le niveau des examens (qui sont d’ailleurs voués à disparaître de fait : contrôle continu etc.). Mais ces élèves moyens sont victimes aussi parce qu’il leur faut du temps et des répétitions pour acquérir les notions un peu difficiles ou complexes, rapidement maîtrisées par les élèves plus doués. Or, si elles ne sont pas abordées suffisamment tôt, ils n’ont pas le temps nécessaire pour les assimiler et sont souvent conduits à l’échec lorsqu’elles deviennent incontournables, ce qui revient à leur barrer insidieusement l’accès à d’éventuelles poursuites d’études. C’est ainsi que beaucoup errent, désemparés, à l’université où ils sont entrés sans sélection, munis d’un diplôme qu’ils croient encore significatif, inconscients qu’ils ont été entretenus dans cette illusion par une démagogie politique dont ils sont les otages. Ce sont eux les véritables bernés de l’institution.

On connaît bien sûr le slogan médiatique : "80% de bacheliers : nous avons résolu l’échec scolaire !". Et certains idéologues égalitaires se donnent bonne conscience en se plaçant habilement sur le terrain de l’emploi : "ils ont besoin d’un diplôme pour trouver du travail" (et pourquoi pas aussi la licence et l’agrégation à tous ? Il suffit d’abaisser le niveau, qu’à cela ne tienne !). Ces âmes naïves oublient un détail : si l’entreprise cherchant un bachelier, en voit arriver dix, elle n’en embauche pas dix, mais un. Elle fait donc des tests, c’est-à-dire qu’elle recrée un concours (dans des conditions d’ailleurs moins équitables qu’un examen national anonyme).

On devine aisément que c’est dans l’abaissement du niveau de l’enseignement supérieur que cette politique trouve son aboutissement logique : suppression des classes préparatoires aux grandes écoles, préparant la suppression des grandes écoles elles-mêmes (que les Américains nous envient), destinées à être dissoutes dans l’"université parking" (prolongement idéal du "lycée light"), parce leur présence dérange : elles témoignent de ce que pourrait être un enseignement public de qualité dont on veut effacer même jusqu’au souvenir.

Le collège unique c’est le collège de la démagogie et de l’illusion.

Mais malheureusement, ce n’est pas tout.

C’est aussi le collège de la violence et de la délinquance encouragées :

En effet, les élèves sont contraints de rester dans un cadre sans contraintes et c’est la deuxième contradiction, qui achève de déstabiliser les adolescents. Car à l’absence de sanction institutionnelle du niveau, s’ajoute l’absence de sanction institutionnelle du comportement (autre que symbolique : un jour d’exclusion… pour absentéisme).

On devine la théorie sous-jacente (dans le droit fil des convictions naïves des rousseauistes) : pédagogie centrée sur l’élève et non sur la matière enseignée ; c’est à l’institution de s’adapter. Si l’élève ne réussit pas, c’est que l’institution est mauvaise, ou que le professeur n’a pas su se remettre en cause. On doit donc réformer (encore et encore…) l’institution (voire psychanalyser le professeur…). Voilà le credo pédagogique officieux développé à l’ I.N.R.P. (Mérieu etc.) inspirant le ministère et nourrissant les I.U.F.M. (voulus par L. Jospin), qui nie les valeurs éternelles de l’enseignement que sont l’effort, le travail, le calme, le silence, l’attention, la mémoire etc…et qui ont fait la force et l’efficacité de l’enseignement public (ce qui n’exclut nullement, faut-il le préciser, l’utilisation des outils de l’époque : ordinateurs etc.).

Ainsi, ceux des élèves qui, à cause du collège unique, sont rejetés dans l’oisiveté de la désespérance scolaire, ont fini par découvrir l’assurance d’impunité que leur garantit de fait l’institution (même s’ils sentent confusément qu’elle les dessert, il faudrait qu’ils soient des saints pour ne pas l’explorer). Ils ont compris que ce sont eux qui ont le pouvoir parce que les adultes le leur ont donné. Certes, au plus haut niveau de l’état (rencontre interministérielle éducation, justice, police), on décide après en avoir longuement délibéré…qu’ "il faut des sanctions" ! (lesquelles ? "L’école doit être son propre recours"…) et on se garde de préciser que des instructions sont données depuis des années aux recteurs et aux chefs d’établissements pour éviter les conseils de discipline, chacun ayant intérêt à "ne pas faire de vagues". Il y a loin des mots aux actes, mais il faut donner le change aux médias et à l’opinion publique, tandis que la situation s’aggrave faute de comprendre la vraie nature de l’égalité et de la liberté (inutile de rappeler par exemple quel ministre à laissé pourrir la question des foulards à l’époque où C. Allègre était son conseiller).

Cette situation catastrophique serait encore une bonne chose si elle servait les élèves. Mais elle les dessert car l’absence de discipline n’est pas la liberté ; c’est la loi du plus fort, la loi de la jungle. Où enseigne-t-on aujourd’hui que la liberté consiste à ne pas être esclave de ses désirs ? La négation de la discipline personnelle au nom du principe mal compris de liberté se solde par l’apparition de la police dans les établissements scolaires. On voulait "ouvrir l’école sur la vie". Mais la vie n’est pas toute belle : c’est aussi la loi de la rue (racket, drogue, violence). Pour s’ouvrir au monde, l’école doit être un lieu protégé, clos, à l’abri du monde, condition indispensable à l’étude.

Dans l’esprit des idéologues égalitaires, le collège unique devait être le creuset où se fondraient les inégalités sociales. Dans la réalité, la négation du mérite personnel et de la discipline personnelle en ont fait le creuset de l’ignorance et de la délinquance (qui, bien sûr, s’entretiennent réciproquement). Braver la loi est devenu un sport, l’absence de culture est devenue une fierté. Les bons élèves rasent les murs et se cachent pour travailler ; les chétifs sont terrorisés. Au bout de la marche forcée vers l’égalité et la liberté mal comprises, il y a l’obscurantisme et l’oppression. Il y a l’effondrement de la culture et du droit. Il y a le déclin d’une civilisation.

L’état des lieux est accablant (même s’il est généralement nié). Mais alors pourquoi ne peut-on en sortir ?

C’est que le problème est de nature idéologique :

Quel enseignant n’a pu constater les ravages du collège unique depuis vingt cinq ans ? Seule l’idéologie égalitaire mal comprise leur a interdit de les reconnaître, de les identifier et de les condamner. C’est la force terrible d’une idéologie, quelle qu’elle soit (c’est à dire un ensemble de pensées organisées en système) : les structures mentales qu’elle génère empêchent de percevoir la réalité et de l’admettre.

En effet, les enseignants, avec le souci sincère de faire progresser au maximum tous leurs élèves, sont eux-mêmes en grande partie responsables de cette évolution (dans laquelle le chômage n’a joué qu’un rôle d’accélérateur), car ils ont été les principaux véhicules de l’idéologie égalitaire : une trop grande majorité d’entre eux a voulu, ou complaisamment soutenu, les classes hétérogènes et l’absence de sanctions.

Alors qu’ils ont été les premiers à souffrir de cette situation, ils n’ont jamais admis la réalité de la différence des individus car leurs structures mentales les en empêchent. C’est pourquoi la constatation que les inégalités s’aggravent avec les mesures de nivellement ne sert qu’à renforcer la frénésie égalitaire. En effet, cette logique se nourrit de son propre échec : plus on prend des mesures pour égaliser, plus "les inégalités se creusent"… Il faut donc accentuer les mesures pour égaliser. Ce cercle vicieux une fois enclenché ne peut s’arrêter qu’en sortant la tête du sable et en acceptant d’ouvrir les yeux : cet échec persistant vient du fait qu’il est impossible de niveler autrement qu’en apparence, les individus restant toujours différents et avec des potentialités différentes (et c’est d’ailleurs très bien ainsi : l’égalisation à tout prix ne rend pas heureux ; personne ne la supporte car elle nie les individus). L’obsession égalitaire est maladive, autant que le conservatisme des privilèges. Nier les différences d’aptitudes, c’est nier la réalité. C’est donc se condamner à l’échec.

Mais que faire concrètement ?

Il faut commencer par revenir :

 

  • aux classes homogènes (en fait le moins hétérogènes possible car elles ne sont jamais totalement homogènes).
  • aux redoublements décidés par le seul conseil de classe dans l’intérêt de l’élève.
  • aux exclusions pour trouble à la paix des études.
  • aux bourses d’études attribuées sur concours (l’aide sociale se mérite).

Dans l’immédiat, compte tenu de la dégradation rapide de la situation au collège, les classes homogènes peuvent y être organisées de la façon suivante :

En début d’année, pour la classe de 6ème, les élèves sont répartis, sans considération de leur niveau, dans le nombre de sections, moins une qui reste vide.

Pour chacun des autres niveaux de classe : 5ème, 4ème, 3ème, les élèves sont répartis dans les sections d’après leurs résultats des années précédentes, mais toujours en conservant une section vide.

On travaille donc en sureffectifs au début : lorsqu’un élève perturbe les cours, et ceci quel que soit son niveau, il est affecté dans la section (vide au début), réservée a ceux qui ne veulent pas travailler, cette mesure étant réversible à chaque instant.

L’enjeu doit être clairement expliqué aux élèves en début d’année.

Bien entendu, ces mesures (proposées à titre transitoire et susceptibles d’être aménagées dès que la situation s’assainit), feront lever les bras au ciel à beaucoup. Qu’on les expérimente, dans un collège, sur un niveau de classe, pendant une année scolaire et qu’on en publie les résultats. Mon pari est qu’il y aurait beaucoup moins d’élèves qui ne travaillent pas parce ceux-ci verraient immédiatement les conséquences de leur actes, alors qu’actuellement ils sont maintenus dans l’illusion que leurs actes sont sans conséquences et c’est pourquoi le système fabrique à prix d’or des délinquants. Qu’est-ce qui empêcherait de tester cette expérience qui ne coûte pas un centime ? Seulement un peu de courage, celui de reconnaître que l’on s’est trompé :

La société matérialiste occidentale est fondée sur deux illusions : l’idéologie égalitaire et l’idéologie du progrès linéaire infini.

En effet, il faut admettre d’une part que tout le monde n’a pas la même intelligence ni la même volonté de travailler et que chacun est responsable de ses actes à chaque instant, quelle que soit la situation dans laquelle il est (ce n’est pas parce que son père est au chômage qu’un élève a le droit de perturber une classe ; c’est lui rendre service de l’empêcher de le faire).

Il faut admettre aussi, d’autre part, que toute transformation n’est pas nécessairement une amélioration (une apparente évolution est souvent une involution) et ne pas s’interdire d’utiliser des recettes qui ont prouvé leur efficacité, sous prétexte que "ce serait revenir à ce qui se faisait avant" (sous-entendu : régresser). Mérieu lui-même, qui a largement contribué à démolir l’école par Allègre interposé, a bien reconnu (dans le Figaro) s’être trompé par aveuglement idéologique. Pourquoi les enseignants (et les ministres…) n’auraient-ils pas cette honnêteté ?

Face au slogan médiatique : "les enseignants refusent le changement", il faut redire publiquement que la base même de leur travail est de s’adapter continuellement. Mais à quoi ? Malheureusement à l’instabilité croissante des élèves résultant de l’inattention et de l’agressivité, ainsi qu’aux réformes chroniques dont l’école s’épuise, alors qu’on n’a cessé de saper les fondements réels de son efficacité. S’adapter à une transformation préjudiciable n’est pas une qualité, c’est une complicité. Il est à l’honneur des enseignants de lutter contre elle, fut-ce dans l’incompréhension générale.

En effet, l’idéologie du progrès linéaire infini, véhiculée notamment par les scientifiques, sacralise le changement et l’adaptation comme des valeurs en soi : il s’agit de s’adapter à n’importe quoi et d’accepter n’importe quoi, pour se montrer moderne et dynamique. C’est pourquoi il faut dire que résister à un changement peut être l’expression de la plus haute conscience humaine (c’est d’ailleurs ce qui a parfois sauvé l’humanité de la barbarie).

Les réformateurs successifs de l’école ont détruit ce qui fonctionnait, avec la prétention de faire mieux. Ils n’ont fait qu’aggraver toujours plus la situation car l’idéologie du progrès linéaire infini leur interdit de revenir en arrière pour corriger leurs erreurs : il faut toujours aller de l’avant puisque le nouveau est forcément mieux que l’ancien. Les politiciens rejoignent en cela les scientifiques : ce sont des apprentis sorciers.

Naturellement, le collège reconnaissant les différences de niveaux doit s’articuler intelligemment avec les filières de formations professionnelles. Celles-ci devraient pouvoir accueillir les élèves en difficulté dès qu’ils le souhaitent ; elles mériteraient souvent d’être développées, notamment dans des domaines concrets et d’avenir (par exemple, option agriculture biologique dans les lycée agricoles). Mais ces questions dépassant le cadre restreint de l’école doivent être replacées dans une perspective plus large et ne seront donc pas traitées ici.

Les élèves respecteraient mieux l’école si elle s’en tenait à son rôle de transmission de la connaissance, au lieu de prétendre régler les inégalités sociales (ce qu’elle ne peut faire, puisque c’est impossible). Afficher cette prétention, c’est se condamner à offrir en permanence le visage d’une école en situation d’échec (comment peut-elle alors prôner la réussite ?). De plus, c’est faire croire aux élèves qu’au sein de l’école, l’égalité est une valeur supérieure à la connaissance (erreur lourde de conséquences).

La démagogie n’a jamais aidé les pauvres : elle ne fait que les enfermer dans l’illusion. L’organisation des filières par niveau ne coûterait rien ; c’est la gabegie actuelle qui coûte une fortune. Ségolène Royal elle-même, a reconnu à la veille de son éviction (lors de sa dernière intervention télévisuelle, chez C. Ockrent), que l’hétérogénéité des classes constitue actuellement le problème essentiel de l’école. Mais personne ne remet en cause le collège unique. Pourquoi ? Réfléchissons.

A l’heure où ceux-là mêmes qu’elle a nourris trouvent élégant de la condamner, il faut réaffirmer que si l’école ne véhicule plus, fut-ce contre la volonté ministérielle, les valeurs qui ont fait sa force, elle perdra son âme. Ni l’égalitarisme ni le mercantilisme ne la sauveront car aucun ne peut tenir lieu d’idéal spirituel : c’est dans l’effort de la confrontation avec la connaissance que l’individu se construit et non dans l’expression narcissique de ses désirs velléitaires. Il faut admettre que la connaissance n’est pas plus une entreprise de nivellement qu’un bien de consommation.

 

Jean POUPON
Professeur E. P. S.
Ecole Nationale de Chimie
11, rue Pirandello 75013 Paris

e-mail : jean.poupon@scola.acparis.fr

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