Wood Keepers

Tome Premier

Dans la pénombre des sous-bois, le verminarque avançait. Se frayant un chemin à travers les buissons, foulant de ses sabots les jeunes pousses vertes, fouettant de sa longue queue l’air frais de cette nuit de printemps. A sa suite, des milliers d’yeux jaunes, brillant sournoisement dans le noir, tels des esprits malins prêts à fondre sur leur proie insouciante…

La bande de skavens déboucha sur une vaste clairière d’herbes hautes, éclairée par les pâles rayons de la lune. Un des hommes-rats stoppa la marche, ordonnant à ses congénaires de se dissimuler dans l’océan végétal. Ainsi restèrent-ils immobiles, pendant des heures, guettant la forêt endormie, attendant que le vent ne vienne charrier dans son sillage suffisamment de nuages pour masquer l’astre lunaire.

Et l’obscurité se fit. D’un seul homme, les skavens se relevèrent, reprenant leu marche silencieuse à travers Athel Loren, scrutant de leurs yeux perçants les arbres silencieux, craignant la moindre embuscade. Et si la nuit était leur alliée, les Elfes Sylvains n’en restaient pas moins d’habiles éclaireurs. Les hommes-rats le savaient. Mais les promesses de sang et de carnages vibraient également dans leurs têtes, et les poussaient à s’enfoncer toujours plus profondément dans les sous-bois…

" Surprise ! " L’éclaireur tressaillit lorsque deux fines mains se posèrent devant son regard. S’arrachant à l’étreinte, il se retourna pour faire face à cette visiteuse impromptue.

" Linithlia ! " Jura-t-il. " Tu ne peux donc pas me laisser en paix quelques instants ?

-Mais, Thorondol ! "  Répondit une jeune elfe joviale "  cela fait bien deux heures que tu guettes dans l’obscurité du sommet de cet arbre !

-Deux heures de bonheur… " murmura-t-il.

-Je savais que ma visite te ferait plaisir ! Aussi ai-je décidé de te tenir compagnie toute la nuit, s’il le faut ! " Linithlia serra avec conviction ses deux poings contre sa poitrine. " Et puis, le printemps me rend si joyeuse ! Aucune distraction en vue… Lire d’interminables grimoires magiques en cette soirée m’ennuyait profondément… De plus, tu dois avoir terriblement faim ! " Tout en parlant, elle saisit un panier d’osier rempli de provisions.

Le ventre de Thorondol émit un grognement de satisfaction en réponse au dernier argument de l’apprentie sorcière, même si l’éclaireur semblait encore assez sceptique.

" Tu as… Cuisiné ? "  s’hasarda-t-il.

-Et sans magie ! " se venta Linithlia.

La jeune elfe se mit à sortir du panier plusieurs bols, dont un saladier d’argile émanant un fumet peu encourageant.

" Tiens, manges ! "

Throrondol se résigna à y goûter, avant de se surprendre en train de dévorer le plat.

" Par Isha, quel délice ! C’est le meilleur pot au feu qu’il m’ait été permis de goûter !

-Ha ? " s’étonna-t-elle. " Je pensais avoir pourtant réussi ce ragoût de cerf… "

Thorondol interrompit subitement sa mastication, lorsqu’il découvrit sous une pomme de terre non épluchée un sabot carbonisé de cervidé.

" Bon, heu… Je crois que j’ai assez mangé… " Commenta-t-il.

-Tu es sûr de ne pas vouloir de mousse aux noisettes ? " Lui demanda Linithlia.

-Non, vraiment, non merci… " S’excusa Thorondol, écartant de sa main une coupole de noisettes grossièrement pilées.

Lintihlia rangea les restes du dîner dans son panier, avant de venir se blottir contre l’éclaireur.

" Une petite cabane, dans le tronc d’un énorme chêne, perchée dans les airs, rien que pour nous deux, ne serait-ce pas merveilleux, Thorondol ? " Rêva-t-elle à voix haute.

-Quoi ! " Souffla l’éclaireur.

-Je te ferais la cuisine, nous aurions un magnifique couple de faucons, un gentil dogue elfique, plein d’enfants dans nos jambes…

-Eh mais ça va pas ? Et puis, cesses de me coller comme ça ! " Explosa Thorondol.

Linithlia s’executa, dévorant des yeux l’éclaireur. " Je crois bien qu’il m’aime… " Pensa-t-elle, ravie.

Un craquement sec retentit. D’un seul geste, Thorondol se saisit de son arc. Encochant une flèche, il scruta les ténèbres environnant. Un fort vent magique se mit à souffler dans les oreilles de Linithlia, lui donnant presque la nausée. Emergeant des ténèbres, une horde de skavens apparut soudain.

" Non, ne bouge pas ! " ordonna Linithlia alors que l’éclaireur s’apprêtait à tirer.  " Ils sont trop nombreux ! "

Les deux elfes s’enfoncèrent en silence dans le dense feuillage du sapin, espérant que les skavens ne les repèrent pas. La bande maléfique, composée de guerriers et de vermines de chocs, passa en silence, ne prêtant pas attention à l’énorme conifère. Puis, émergeant d’un buisson, apparut un énorme verminarque, suivit d’un prophète gris et de son escorte de moines de la peste. Linithlia trembla. Le puissant sorcier semblait scruter les ténèbres de ses deux yeux espiègles. Une vague de chaleur pestilentielle envahit la conscience de l’apprentie mage. Ainsi ses facultés magiques l’avaient trahies !Pensa-t-elle lorsque le sorcier fixa son regard sur leur cachette. Un flux d’énergie magique l’inonda. La créature sondait son esprit ! Se souvenant en un instant de ses connaissances magiques, elle chassa de sa conscience toute sensation de peur, se concentrant sur des pensées neutres susceptibles de détourner l’attention du prophète gris. A sa grande surprise, seul le souvenir du repas qu’elle avait cuisiné quelques heures auparavant lui vint en tête. De grosses gouttes de sueur se mirent à perler sur son front tendis qu’elle tentait de vaincre la présence maléfiques. Soudain, le contact disparut, laissant place à un vide vertigineux. Linithlia manqua de trébucher ; Thoronol la rattrapant juste à temps.

Le prophète gris se remit en marche, murmurant quelques jurons dans le langage commun destinés aux écureuils, avant de rattraper la colonne.

Linithlia s’épongea le front d’un revers de manche, soufflant de soulagement. Repensant au duel mental qu’elle venait d’essuyer, la pensée salvatrice lui revint en tête : ainsi, l’image de sa mouse aux noisettes les avaient sauvés d’une mort certaine …

Thorondol saisit son arc, s’avançant avec agilité sur une énorme branche. Scrutant un instant les ténèbres, il se retourna vers Linithlia.

" Ils sont partis, nous sommes hors de danger.

-Quelle direction ont-ils pris ? " Demanda-t-elle.

-Sud-ouest, vers le Clan des Aigles de Jade. Il n’empêche, je m’étonne qu’une telle horde ait pu pénétrer aussi facilement en Athel Loren…

-Ils viennent juste de fouler nos sous-bois, Thorondol… " Lui répondit la jeune apprentie, le regard grave.

-Comment ça ?

-Tout simplement en creusant une galerie, sous Athel Loren… Peut-être pensaient-ils arriver au beau milieu de la forêt, mais un réceptacle naturel de magie sylvestre les a obligés à stopper leur avancée souterraine et de continuer à pied…

-Le plus surprenant, c’est l’absence d’éclaireurs dans leurs rangs… pas un seul tirailleur, ni machine de guerre, que des troupes !

-Transporter des machines de guerre en forêt les ralentirait trop ; leur avantage doit résider dans la discrétion et la rapidité, je pense… " Médita Linithlia. " Mais s’il n’y avait que des troupes, les tirailleurs ne devaient pas passer par le même chemin. Et les sous bois deviennent moins denses uniquement à deux endroits précis dans les environs. Ici Même et… "

Les deux elfes se dévisagèrent subitement, comme si la vérité venait de s’imprimer sur leurs fronts.

" La clairière du Clan ! " s’exclamèrent-ils en cœur. 

Bondissant de branche en branche, traversant les clairières d’une seule traite, enjambant d’un seul bond cours d’eau et tronc abattus, se jouant de l’obscurité, les deux elfes se ruaient en direction de la clairière du Clan des Pins. Ignorant leur fatigue, ils ne songeaient qu’à prévenir à temps leurs frères elfes, si toutefois l’attaque n’avait pas déjà eu lieu…

Au détours d’un buisson de jeunes hêtres apparût la clairière sacrée, remplie de huttes, d’arbres emménagés et de caves creusées sous les racines d’énormes séquoias.

Hurlant à s’en rompre les cordes vocales, les deux jeunes elfes ne tardèrent pas à provoquer dans la cité sylvaine une véritable effervescence ; les premiers elfes, d’abord surpris, avaient laissé place à une véritable marée d’archers et de lanciers, déambulant dans la grande clairière, à la recherche de skavens.

Plusieurs guerriers se massèrent au sommet d’énormes arbres entourant la clairière, parcourant le réseau végétal par des ponts constitués d’énormes branches vivantes, se plaçant sur de passerelles d’observation camouflées par le feuillage des arbres. Ainsi, la nature elle-même se transformait en tours, créneaux, remparts et bretèches ; soulignant encore plus l’harmonie régnant entre les elfes sylvains et leur forêt sacrée…

Des cris s’élevèrent d’une de ces tours végétales, lorsqu’une bande de tirailleurs skavens émergea de l’obscurité. Une pluie de flèches elfiques les accueillit, dissipant les rangs ennemis avant même qu’ils aient pu localiser les tireurs.

Le combat cessa rapidement, lorsque les skavens survivants se retrouvèrent assaillis de dos par les agiles danseurs de guerre du Clan. Une fois les repoussants hommes-rats éliminés, les elfes envoyèrent plusieurs patrouilles d’éclaireur soutenir leurs frères des autres clans avoisinants ; l’alerte de Linithlia et Thorondol leur avait été d’un grand secours, permettant à leur clan de devancer l’attaque, mais aussi d’enrayer par la suite plus efficacement la menace skaven, connaissant leurs effectifs et leurs mouvements de troupe…

Descendant d’une des tours-arbres, le seigneur Lothgan du clan des Pins, vêtu de son armure de cuir, son épée magique pendant à sa ceinture, s’approcha des deux jeunes elfes, son regard noble et sage arborant un sourire de satisfaction.

" Ainsi, voilà les deux héros de cette bataille ! " Leur lança-t-il de sa voix de ténor. " Jeunes guerriers, nous vous devons la victoire. Que votre courage vous honore !

-Lothgan ! " l’appela une ravissante elfe blonde vêtue d’habits verts sombres, son bâton magique rayonnant d’un halos verdâtre de magie de la Vie. " Des messagers des Clans du Renard et de l’Aigle de Jade viennent d’arriver, la situation semble critique dans leurs clairières, ils nous demandent assistance au plus vite ! "

-Ma Dame, cette guerre s’annonce cruelle et vicieuse… Que l’on scelle mon coursier ! je mènerai moi-même la cavalerie du clan au combat ! "

Linithlia regarda le seigneur de son clan s’éloigner en direction des écuries, rejoint par un groupe de guerriers préparant précipitamment montures et équipements. Puis, son regard revint en direction de la puissante mage. S’approchant en sa direction, la jeune elfe s’agenouilla timidement.

" Reine Naldelia… " Salua-t-elle.

-Linithlia, mon enfant… Est-ce vrai ? As-tu repoussé un prophète gris ? " Lui demanda la reine doucement, tout prenant ses mains entre ses ravissantes paumes.

" Ma Reine, c’est que… Je n’ai fait que… repousser un duel mental… en pensant à… à… " Bredouilla l’apprentie sorcière, son cœur battant la chamade. Thorondol salua d’un mouvement de tête la reine, avant d’intervenir dans la conversation.

-En effet, Ma Reine. Linithlia a fait preuve d’un grand courage.

-Thorondol… " murmura la jeune elfe, émue.

-Linithlia, mon enfant ; ainsi ton enseignement a porté ses fruits …" La reine l’aida à se relever. " Te voilà devenue une mage du clan… "

Le visage de Linithlia s’illumina, répondant aux traits souriants et maternels de la reine.

" Viens, Magicienne des Bois, l’heure est venu de célébrer ton avènement… "

Les deux femmes s’éloignèrent en direction d’un imposant chêne solitaire, situé au centre de la clairière. Thorondol les regarda s’éloigner en silence ; ainsi Linithlia était devenue une mage… Serait-elle à la hauteur ? Et surtout, aurai-t-il enfin un peu plus de tranquillité ? L’éclaireur secoua tristement sa tête. Connaissant son amie, il n’aurait pas pour autant de répit… Et à sa grande surprise, cette pensée le rassura. Au fond de lui-même, la compagnie de la jeune mage lui manquait déjà…

Dans une vaste caverne soutenue par les imposantes racines du chêne millénaire, Linithlia et la reine Naldelia, entourées d’autres mages et apprentis, entamaient une étrange mélopée. La voix cristalline de la reine s’éleva, douce et sûre, comme un appel aux éléments de la Nature. De nombreuses fois, les noms des Dieux Kurnous et Isha furent mentionnés ; louant ces dieux ainés et leur implorant assistance et secours dans la protection de leur royaume forestier. Puis, le chœur des autres mages s’éleva, tel un torrent d’eau pure ; inondant la salle de milles échos. Leur voix augmenta en volume, abordant de nouveaux accords, surpassant les instruments de musique les plus complexes. Linithlia se retrouva subitement plongée dans un univers de sons et de sensations, perdant contact avec la réalité, plongeant dans un monde forestier rayonnant de joie et d’amour. Son esprit se mit à virevolter entre des arbres étincelants, se mêlant à des nuées de fées et de lutins ailés, admirant les esprits sylvestres traverser dans leur forme elfique les sous-bois rayonnants. Puis, le bruit cristallin de l’eau la conduisit devant un vaste lac, alimenté par une magnifique chute d’eau, étincelant de mille feux. Au centre du lac, apparut une roche de basalte, marquée de l’imposante rune de la Déesse Mère Isha. Au-dessus de l’îlot, un bâton se matérialisa. Linithlia, subjuguée, regarda les formes du sceptre magique se dessiner sous ses yeux. Lorsque le bâton s’acheva enfin, un halo de lumière aveuglant s’en irradia, créant par la même occasion un pont de jade entre l’autel de basalte et la jeune elfe. Linithlia le traversa, fiévreuse, puis s’agenouilla devant le sceptre, avant de le prendre entre ses deux mains tremblantes. Un éclair de lumière blanche noya le décor féerique. Lorsque la luminosité baissa enfin, Linithlia se trouvait au centre de la salle souterraine. Le chœur s’était éclipsé. Seule restait la reine Naldelia, souri ant à la jeune elfe.

Linithlia se releva, fixant intensément le bâton magique qu’elle tenait dans ses mains. L’énorme pierre taillée de jade se mit à irradier depuis son cœur la rune d’Isha, avant de s’éteindre, ultime souvenir de sa quête magique dans le royaume secret de la Déesse Mère.

" Bienvenue à toi, Mage Linithlia. " La salua la reine .  "  Te voilà devenue notre égale, magicienne sylvaine. Maintenant, relèves-toi, et suis ton Destin. Car tu es maintenant une guerrière magique de la Déesse Mère… "

Linithlia sortit de la caverne, un peu étourdie, déambulant dans la clairière sans vraiment prêter attention aux félicitations des connaissances qu’elle croisait chemin faisant. Sa tête lui faisait mal, et une seule pensée l’obsédait : dormir. Se traînant jusqu’à sa chambre, une petite pièce taillée dans le tronc d’un de ces arbres servant d’habitation, elle s’allongea sur son lit, avant de sombrer dans un profond sommeil.

Malgré sa fatigue, son esprit la plongea dans un flot ininterrompu de cauchemars. Voguant à travers les vents magiques, elle revoyait Caledor se sacrifier pour protéger le jeune peuple elfe d’Ulthuan, Malekith trahir les siens au temple d’Asuryan, et la terrible guerre de la barbe éclater entre Nains et Elfes. Des forêts entières disparurent sous ses yeux, détruites en un instant par le feu dévoreur de naugrims, skavens, peaux vertes et même d’humains inconscients. Puis, les vents la portèrent au nord, et le contact du Chaos la fit tressaillir. Les arbres hurlaient leur malheur sur ces terre ravagées, lançant leur branches putrides vers les cieux indifférents. La corruption inondait les terres fertiles, la détruisant peu à peu. Et tendis que les éléments en fureur se rebellaient en vain contre le Chaos, la terre enfantait de terribles démons…

Linithlia voulut hurler, mais sa voix mourut avant même de pouvoir émettre le moindre son. Elle voulut lutter, mais les démons l’enlacèrent dans une ronde mortelle. Cèdant à la panique, elle dressa son bâton magique contre ces abominations, et un éclair de lumière la délivra de ce monde maudit.

Linithlia se réveilla en sueur, son bâton fermement tenu entre ses mains crispées. Thorondol se tenait à ses côtés, le visage inquiet.

" Enfin, tu te réveilles, Linithlia ! " se réjouit-il.

-Pourquoi ? depuis combien de temps…

-Trois jours exactement, et la nuit, tes hurlements réveillaient tous les habitants de cet arbre. Si je n’avais pas promis de leur faire la vaisselle en guise de dédommagement, ils t’auraient déjà forcée à dormir à des kilomètres de la clairière ! " Railla-t-il.

-Et pendant tout ce temps, tu m’as veillé, oh Thorondol !

-Eh euh … ça va, c’est naturel, entre amis… " L’interrompit-elle.  " Et puis cesses de me regarder comme ça ! je t’ai apporté de quoi manger et la reine t’a fait parvenir des vêtements neufs. C’est que, durant ton sommeil, dans un moment de rage, tu as arraché les tiens… "

Linithlia souleva discrètement ses couvertures, découvrant qu’elle était totalement nue.

" Vieux cochon ! Hurla-t-elle, rouge de confusion. " Thorondol sortit précipitamment de la pièce, un oreiller lancé à ses trousses s’écrasant contre sa nuque. Naldelia pénétrait alors dans l’étroit couloir de bois vivant.

" Apparemment, elle s’est réveillée… " Constata-elle

-Je ne vous le fait pas dire… " Maugréa Thorondol, tout en massant sa nuque.

Naldelia pénétra dans la chambre en riant. Elle surprit Linithlia, encore affaiblie, tentant de se vêtir toute seule.

" Ma Reine ! " s’exclama-t-elle, en tentant de s’agenouiller. Se prenant les pieds dans ses braies vertes, elle ne réussit qu’à trébucher lourdement sur le sol, aux pieds de la seigneure mage.

" Allons, mon enfant, ménagez-vous… Vous avez besoin de reprendre des forces, pas de vous rompre le cou ! " la gourmanda-t-elle, tout en l’aidant à se relever.

-Ho, Ma Reine, ce rêve, que j’ai fait… Comment ai-je pu le subir ainsi, durant trois longs jours ? " Demanda Linithlia, tendis que la reine l’aidait à se vêtir.

-Les courants magiques ont été très capricieux, ces derniers jours. Le Chaos vient de s’avancer un peu plus vers le sud, Linithlia. Voilà probablement pourquoi les démons sont parvenus à envahir vos rèves.

-Les skavens… " murmura-t-elle, repensant aux évènements passés.

-Anéanti ; avec peu de pertes dans nos rangs. Lothgan a vaincu en duel le verminarque, et le prophète gris est mort, transpercé de cinq traits elfiques. Mais le plus grave reste à venir. Les clans du nord sont assaillis par les Elfes Noirs, les Peaux Vertes et des maraudeurs du Chaos. Nos alliés humains sont dépassés, et les Naugrims de l’est doivent faire face à une recrudescence des attaques skavens. " Annonça gravement la Reine.

-Mais alors, le Chaos aurait-il débuté une nouvelle grande guerre ? " Linithlia l’écoutait, tout en revêtissant de magnifiques épaulières et un diadème d’or pur, serti d’un imposant rubis.

-Peut-être, mon enfant, peut-être… Leurs majestés Le Roi Orion et la Reine Ariel ont tenu leur cour il y a deux jours de cela. Ordre a été donné aux clans de soutenir leurs frères du Nord, mais aussi aux meilleurs aventuriers de prévenir et de détruire toute nouvelle infiltration ennemie contre Athel Loren.

-Je suis prête, Ma Reine… " Déclara subitement la jeune mage.

-Je l’espère bien, car vous partirez en mission dès votre rétablissement. " Lui annonça la Reine.

" Vraiment ? " Souria Linithlia.

-Vous suivrez l’appel des Souverains d’Athel Loren, mais vous ne serez pas seule dans votre quête. Thorondol vous accompagnera. "

Linithlia afficha un large sourire, ses joues s’empourprant légèrement.

" Je saurai à la hauteur, Ma Reine ! " Déclara-t-elle, tout en se levant, brandissant son bâton magique.

-Je l’espère bien, Linithlia " Conclut la Reine, tout en quittant la chambre.  " Mais commencez donc par avaler votre repas. Vous ne bougerez pas de cette pièce sans avoir l’estomac plein ! "

Thorondol se tenait accoudé contre une petite fenêtre taillée dans l’écorce, à proximité de la chambre de Linithlia. Depuis une demi-heure, la Reine et la jeune mage discutaient entre elle. Quelques bribes de la conversation lui parvenaient, et le ton joyeux et volontaire de son amie ne lui disait rien qui vaille. Dans quel pétrin la reine les avait-elle mis , lui et Linithlia ?

Le Roi Lothgan apparut au détours d’un couloir, et s’approcha de l’éclaireur.

" Ha, Thorondol. Je vous cherchais. Rassurez-vous, la Reine se charge maintenant d’elle. Elle va se rétablir rapidement !

-C’est ça qui me fait peur… " Murmura-t-il, tout en saluant son seigneur.

-D’ailleurs, elle viens de lui confier une mission, à ce que je sais. Vous avez pris connaissance de l’appel des Souverains d’Athel Loren ?

-Oui, Mon Roi.

-Parfait. Vous accompagnerez donc Linithlia dans sa quête.

-L’accompagner dans sa… ? " s’exclama-t-il.

-Parfait ! Votre enthousiasme me va droit au cœur. C’est donc entendu. Vous me retirez une épine du pied, Thorondol. Tous les autres guerriers se sont subitement éclipsés avant que je ne puisse leur confier cette mission…

-Bande de lâches… " Murmura Thoronor en apercevant, au détours d’un couloir, un groupe d’éclaireurs ricaner en espionnant la scène. " Bien, Sire, je l’accompagnerai. "

-Vous partirez dans deux jour, d’ici là je pense qu’elle sera remise complètement… Bonne chance, Thorondol. Vous nous manquerez… " Le roi s’éclipsa, laissant l’éclaireur stupéfait. La reine sortit alors de la chambre.

" Je crois qu’elle désire vous voir " Lui lança-t-elle, dans un clin d’œil entendu, avant de disparaître à son tour.

Respirant un grand coup, Thorondor pénétra dans la pièce, découvrant une Linithlia ravissante dans ses nouveaux habits, admirant fièrement sa cape verte onduler alors qu’elle pivotait joyeusement sur elle-même. Sa tunique vert clair, au décolleté provocateur, se terminait en deux épaulières bleu sombre, auxquelles étaient reliées une fine broche d’or rattachant contre sa poitrine sa longue cape.

" Ho, Thorondol, c’est si merveilleux ! " s’empressa-t-elle de déclarer à l’éclaireur.  " Tous les deux, engagés dans une quête épique ! J’ai si hâte que nous nous mettions en route ! "

Throrondol baissa son regard en direction du plateau-repas ; Linithlia ne l’avait toujours pas touché.

" Bon " Se décida-t-il.  "  Et si nous mangions ensemble ? Je te rappelle que tu n’as rien avalé depuis trois jours … 

-Hum ? Moui, oui, j’ai un peu faim… " r répondit-elle distraitement, tandis que son estomac se mettait à gargouiller bruyamment. 

Thorondol descendît jusqu’au sous-sol de l’arbre par un élégant escalier en spirale, rentrant dans une vaste salle composée d’une cuisine, et d’un garde-manger. Deux cuisiniers s’activaient au fourneau, occupés à préparer le déjeuner des éclaireurs postés à l’extérieur, mais trouvèrent tout de même le temps de lui préparer un plateau-repas.

Affamé, l’éclaireur se dépêcha de remonter l’escalier, traversa le couloir étroit et pénétra dans la chambre. Il y retrouva Linithlia, assise à côté de sa fenêtre, dévorant son repas tout en feuilletant dans un épais grimoire. Thorondol s’installa en face d’elle, commençant à se restaurer en silence.

" C’est fou, Thorondol, quand je pense à toutes ces régions que nous pourrions visiter, durant notre quête ! " Elle sortit du grimoire une vieille carte du Vieux monde sur parchemin. "  Parravon et Queneilles ! Les colonies elfiques d’Estalie ! Les forêts de l’Empire humain ! J’ai toujours rêvé de voir une ville impériale ; les humains les décrivent comme un chef d’œuvre d’architecture ! 

-Oh, du calme, du calme… D’abord, penser à notre mission. " Lui répondit Thorondol.

-Mais nous la mènerons aussi à bien ! Après tout, les cabales ennemies ne se forment-elles pas toujours sur les royaumes humains ?

-Oui, dans un sens… Mais nous ne cantonnerons pas à du tourisme, Linithlia. De nombreux combats nous attendent…

-Peuh, une broutille ! " s’exclama-t-elle. " Quoique, visiter les montagnes naines, ça peut être aussi intéressant… " Continua-t-elle, tout en dévorant une coupelle de fruits rouges.

-Nous partirons dans deux jours. Je vais en profiter pour préparer nos affaires et nos coursiers. Tâches de te reposer pendant ce temps… " Conclut-il tout en se levant.

Thorondol quitta la chambre, laissant Linithlia seule avec ses rêves. La jeune mage continua tout l’après-midi sa lecture, s’imprégnant des cultures humaines, découvrant avec étonnement la diversité de l’Empire, s’imaginant les mystérieux royaumes de l’est lointain, frissonnant en étudiant les désolations nordiques. Lorsque le soir vint à tomber, elle s’était assoupie sur le grimoire, marmonnant dans ses rêves les noms de cités fabuleuses, du Vieux Monde comme d’au-delà des mers.

Thorondol s’affaira deux jours de suite à la préparation de leur voyage. Préparant ses armes, choisissant avec soin leurs coursiers, remplissant leurs fontes de pain de voyage, d’ustensiles de cuisine, de couvertures et d’équipement divers. Sa monture, un étalon à la robe bai sombre, avait maintes fois servi un archer. Aussi l’animal savait adopter une cadence assez stable pour permettre à son cavalier de tirer en plein galop. Qualité pour le mieux appréciable.

Il trouva pour Linithlia une jument de robe bai clair, relativement calme, et habituée à être montée par des mages. Heureusement, pensa-t-il, que la société elfe sylvaine plaidait l’entre aide et une relative totale liberté d’échange et de propriété ; l’équipement nécessaire à la réalisation de leur quête aurait coûté une sacré somme dans les royaumes humains, et les Hauts Elfes ne lui auraient pas fait de rabais, malgré les vieux liens de sang entre les deux peuples…

Le soir, l’éclaireur montait dîner en compagnie de Linithlia. Mais la jeune elfe, lorsqu’elle ne dormait pas, semblait vivre en dehors de la réalité, prenant leur quête pour un voyage d’agrément… Se rendait-elle au moins compte que leur mission pouvait très bien durer quelques siècles, consistant sans relâche en une guerre d’avant-garde interminable ? De plus, une telle aventure les ferait rentrer en contact avec les seigneurs des régions qu’ils traverseraient, devenant en quelque sorte des ambassadeurs d’Athel Loren. Linithlia serait-elle à la hauteur de ce rôle dangereux ? Saurait-elle faire face au venin des courtisans ? Plus il y songeait, plus la jeune elfe lui semblait fragile et inconsciente. Cette quête la grandirait peut-être un peu plus… Pour son plus grand soulagement !

A l’aube du troisième jour, Thorondol scella leurs montures, fixa baluchons et fontes sur la croupe des coursiers, et les mena par la bride hors de l’écurie. Traversant la clairière encore endormie, il retrouva Linithlia, vêtue de sa toute nouvelle tenue de mage qu’elle arborait toujours aussi fièrement. Dans sa main droite, son merveilleux bâton magique. Dans son autre main, un petit baluchon marron.

" Je suis prête, Thorondol ! " Lui lança-t-elle. " j’ai pensé que tu apprécierais que je fasse la cuisine durant le voyage, aussi ai-je pris mes ustensiles ! " S’expliqua-t-elle, en brandissant le petit sac de toile.

-Et galère… " Murmura l’éclaireur.

Les deux elfes montèrent en silence. Thorondol vérifia une dernière fois son arc, son carquois, et s’assura que des épées elfiques dans leur fourreau avaient été correctement fixées sur leurs selles.

Puis, tendis que les premiers rayons du soleil illuminaient la clairière, les deux aventuriers se mirent en route, chevauchant côte à côte vers l’ouest, en direction de leur destinée…

 

A suivre...

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