Wood Keepers

Tome Second

Les chauds rayons du soleil inondaient les sous-bois d’Athel Loren, révélant l’éclatante verdeur de la nature en ce doux printemps. Allongée sur l’herbe fraîche d’une clairière, caressant de ses mains fines les frêles fleurs écloses, leurs pétales encore couverts de rosée, une élégante elfe aux longs cheveux bruns écoutait, en silence, les oiseaux chanter des louanges à la nature.

La jeune sylve observait, l’air grave, les arbres murmurer de leurs feuilles vibrant dans l’air d’étranges mélopées, alors qu’une brise capricieuse se levait.

D’étranges murmures semblaient échapper des troncs millénaires, sombre présage en cette journée de félicité. La jeune elfe se releva, sa chevelure tressée de lierre descendant en cascade sur ses épaules jusqu’à ses chevilles, longue cape brunâtre scintillant dans la lumière de l’astre solaire, voile de pudeur dissimulant les formes harmonieuses de la Vénus elfe. Se dirigeant d’un pas sûr vers un vieil érable au tronc craquelé, elle s’arrêta devant l’arbre millénaire, le regard empli d’admiration.

Alors qu’elle enlaçait l’écorce rugueuse, l’arbre sembla lui répondre. Son maigre feuillage jauni émit un long murmure dans la brise printanière. L’elfe écoutait avec attention, immobile. Une larme coula le long de son visage. Répondant au monologue du vieil arbre, elle entama un chant si harmonieux, si pur, que les oiseaux ne tardèrent pas à se rassembler autour de la clairière pour l ‘écouter en silence.

Les arbres cessèrent de murmurer, le vent tomba, et le temps sembla se figer… Puis, le vieil arbre émit un grognement sec ; ses feuilles se flétrirent et tombèrent, son écorce se craquela, et certaines branches se détachèrent même du tronc.

L’elfe abandonna l’arbre dans une dernière étreinte, caressant tristement l’écorce torturée. Puis, son visage en larmes, elle tourna le dos à la clairière, s’aventurant dans les profonds sous-bois d’Athel Loren. Derrière elle, les arbres avaient repris leurs murmures, saluant une dernière fois leur frère végétal…

" Et une fois sur les landes sauvages, nous éliminerons les bandes de mercenaires humains qui osent piller nos cairns, puis, traquant les pires nécromanciens, nous traverserons les montagnes grises, et défendrons les forêts magiques du Nord   Enfin, retournant auprès de notre Royaume Forestier, nous défendrons les créatures sylvestres de la forêt d’Arden, puis nous…

-Linithlia, ça suffit ! " L’interrompit Thorondol. " Nous ne chevauchons que depuis une journée et tu voudrais avoir déjà parcouru la moitié du Vieux Monde !

-Mais Thorondol " S’insurgea-t-elle. "  Nous devons absolument décider du chemin à prendre, pour accomplir au mieux notre mission! 

-D’accord. " L’éclaireur stoppa sa monture " D’ici une heure, la nuit tombera, profitons-en pour établir notre campement. Ensuite, on en discutera. "

Les deux elfes mirent pied à terre, descellèrent leurs montures, les pansèrent et les nourrirent avant de préparer leurs couches et leur dîner. Leurs montures broutaient librement autour du camp. Les elfes sylvains, au fil des siècles, avaient créé de profonds liens d’amitié entre eux et leurs coursiers elfiques ; aussi ces bêtes intelligentes ne nécessitaient aucun mors ni étrier pour être chevauchées, et accordaient à leurs maîtres une confiance sans limites.

Linithlia prépara le feux de camp, cependant Thorondol insista pour superviser les préparatifs du dîner. Tandis qu’il découpait de fines tranches de viande séchée, la jeune mage, absorbée à disséquer quelques malheureux légumes, avait repris leur discussion.

" Peut-être vaudrait-il mieux ne pas trop nous aventurer en dehors d’Athel Loren, au début du moins…

-Et d’où t’ai venue cette raisonnable idée ?

-Eh bien, c’est que la plupart de nos ennemis se trouveront sur la lande sauvage, et non au-delà des montagnes grises… " Continua-t-elle, tout en versant dans l’eau bouillante des pommes de terre non épluchées.

" Bien vu, Linithlia. " La félicita Thorondol.

" Mais le problème, c’est que nous ne savons toujours pas ce que nous ferons ensuite… 

-Bah ! " S’étira en baillant l’éclaireur. Nous verrons bien. Il nous faudra peut-être pénétrer dans des cités humaines, et enquêter sur place. Traquer l’ennemi nous conduira sûrement très loin de notre royaume.

-Haha ! Je n’avais donc pas tout à fait tord… " Lui lança-t-elle, d’un air espiègle.

Leur dîné avalé, les deux elfes s’enroulèrent dans de lourdes couvertures, plongeant dans un sommeil réparateur. Leur voyage ne faisait que débuter, mais le brusque changement de rythme les pousserait, durant les premiers jours, à dormir d’un sommeil profond. Si profond, qu’aucun d’entre eux ne prit la peine d’établir des tours de garde. Aussi ils ne remarquèrent pas, qu’à quelques mètres de là, perchée sur la branche d’un chêne, la vénus elfe les observait, le regard méfiant…

Le soleil brillait déjà bien haut dans le ciel, lorsque les deux elfes se réveillèrent. Baillant aux corneilles, la jeune sorcière terminait de lever le camp. Throrondol, une flèche encochée à son arc, revint d’une ronde matinale.

" Nous ne sommes pas seuls, Linithlia. J’ai trouvé des traces de pas, à quelques mètres d’ici.

-Des orques ?

-Non, je dirais des humains. Au moins trois, accompagnés d’un nain et d’un elfe.

-Hum… Certainement des pillards… " Commenta Linthlia. " Eh bien, parfait ! Voilà notre première mission, Throndol ! " Elle leva fièrement la tête, triant de son fourreau son épée elfique, déclarant avec fougue : " Eliminons les pillards ! "

Thorondol la regarda, médusé.

" Bon, c’est pas tout ça, mai ils sont certainement trop dangereux pour nous deux. Il faudrait mieux prévenir le clan le plus proche…

-Peuh, ce ne sont pas 5 mercenaires qui vont me faire peur ! Quelle direction ont-ils pris ?

-Sud-ouest, mais je…

-Il y a un vieux temple, dans cette direction ; l’on dit que sa crypte renferme encore quelques trésors magiques. Ils vont sûrement s’y rendre ! " Linithlia enfourcha d’un seul bond sa monture, et la lança au galop.

" En avant, Thorondol ! 

-Ehh ! Attends-moi ! " lui lança l’éclaireur, se précipitant vers sa monture.

Du haut de son repère, la jeune elfe les observait toujours, murmurant un méprisant " Imbéciles.. "

Sous un soleil de plomb, cinq mercenaires progressaient avec peine parmi les broussailles d’épines d’une large clairière.

" Merde ! " Jura un archer vêtu d’une tunique marron, son accent trahissant des origines Impériales. " T’es sûr que c’est la bonne route, Gilgalen ? 

-Je vous dis que je connais ces bois, Humains, vous pouvez me faire confiance. Ce soir, nous serons tous riches. " Grogna un grand elfe brun, vêtu d’une légère cotte de maille et d’une tunique blanchâtre, portant à son fourreau une large épée à double tranchant.

" J’espère pour toi, l’elgi ! " Reprit un nain à la longue barbe blonde, son armure lourde de gromril et ses lourdes bottes ferrées écrasant au passage les ronces assez folles pour tenter de s’y accrocher. " Je n’ai pas parcouru des milles pour des peccadilles d’elfes des bois ! 

" Du calme, Fungni " Intervint un mage humain, vêtu de la rouge robe des mages de la Pyromancie. " le trésor en vaut la peine, crois-moi. 

-Eh vous autres, au lieu de vous chamaille, venez donc voir un peu par ici ! " Leur lança un guerrier humain, brandissant une épée et un bouclier gothique.

Les quatre compagnons se rapprochèrent des premiers arbres, répondant à l’appel du guerrier bretonnien. Traversant quelques mètres de sous-bois, ils débouchèrent sur les ruines d’un imposant monument, partiellement recouvert de mousses et de lierre.

" Le Temple de Kurnous… " Souffla Gilgalen.

" Nous sommes riches, les gars ! " Lança Fungni, son regard s’illuminant.

Les mercenaires s’engagèrent en direction du temple, lorsque soudain, bondissant de nulle part, un danseur de guerre leur barra le passage.

" Par Grimnir ! " Jura Fungni.

Le guerrier elfe brandissait deux imposants sabres elfes à simple tranchant, qu’il faisait tournoyer avec précision le long de sa poitrine tatouée.

-Un gardien " siffla Gilgalen. " Occupes-toi-en, Saron ! "

Le mage s’avança, invoquant entre ses mains une boule de feu , qu’il lança sur le guerrier elfe. L’aile danseur de guerre effectua une rapide pirouette sur le côté, et le projectile magique alla s’écraser sur une vieille colonne de marbre. Sa chevelure rousse retomba avec souplesse sur ses épaules, et son visage sévère laissa échapper un rictus de mépris.

" Merde, c’est un pro ! " Souffla l’archer, avant de décocher une flèche, que l’elfe sylvain détourna d’un rapide moulinet de lame.

Le guerrier bretonnien se rua alors à l’assaut, suivit du nain et de l’elfe. Le combat s’engagea. Le danseur de guerre para d’un revers de lame l’assaut de ses trois adversaires, assénant au passage à l’elfe un rapide coup de pied dans l’abdomen. Gilgalen lâcha sa terrible lame, le souffle coupé.

" Connard de danseur de guerre… " Jura-t-il, tout en se relevant, essuyant le mince filet de sang qui s’échappait de sa bouche.

Le guerrier bretonnien échangea quelques rapides coups avec son adversaire, mais ne put éviter à temps l’attaque éclair de son adversaire, et se retrouva à terre, l’épaule démise.

" Saleté d’Elgi ! Tu vas goûter à la lame de ma hache ! " L’arme runique du héros nain vibra lorsqu’il heurta les deux sabres croisés de l’agile guerrier. Le danseur de guerre frappa à plusieurs reprises l’armure runique de son adversaire, mais chaque coup fut détourné dans une gerbe d’étincelles par le métal magique. Gilgalen, brandissant son épée, se relançait dans la mêlée, tandis que le sorcier soignait le bretonnien. Le combat semblait perdu pour le téméraire danseur de guerre

L’archer impérial, tirant son épée courte, se lança à l’assaut, hurlant le cri de guerre de Nuln, avant de s’écrouler, une flèche plantée dans son dos.

" Qu est ce que ?… " Souffla Saron, se retournant vers la clairière.

Un vent hurlant se mit à souffler dans le sous-bois, soulevant un nuage de poussière. Interrompant le combat, les guerriers lançaient des regards apeurés en direction des branches déchaînées par le souffle magique.

Plissant du regard, le sorcier aperçut une jeune mage elfe, au regard triomphal, calmer peu à peu les éléments déchaînés.

" Je suis la Justicière des Bois, la Gardienne des Clairières, la protectrice des Esprits Sylvestres ! Rendez-vous, et quittez le Royaume Sacré d’Isha, où vous périrez tous ! " scanda une voix féminine, portée par le vent magique.

" T’en fais pas un peu trop, là ? " Lui lança Thorondol, en s’approchant de la sorcière, prêt à décocher un autre trait.

-Idiot ! Il faut bien leur montrer à qui ils ont à faire ! " Se justifia Linihlia.

Le mage lui lança un sourire pervers, bandant son énergie magique.

" Mage des Bois, hein ? Voyons ce que tu peux faire contre ça ! " Le pyromancien matérialisa entre ses mains une lame de feu, qu’il brandit au-dessus de sa tête. " Epée Ardente ! " Cria-t-il, tout en lançant le projectile contre la jeune mage.

Linithlia dressa son bâton magique contre le projectile, la pierre de jade absorbant le sort dans un éclair bleuté.

" Comment ? " Ragea le pyromancien.

" A mon tour, maintenant… Père des Epines ! " Une nuée d’épines jaillit du sol, se ruant en direction du sorcier humain.

" Mur de Feu ! " Hurla-t-il, avant que la rafale végétale ne s’abatte sur lui. Un mur de flammes se matérialisa devant le sorcier, carbonisant les épines avant qu’elles n’atteignent l’humain.

Thorondol, quant à lui, s’élançait en direction du danseur de guerre, sa lame elfique en main. Engageant le combat contre le guerrier bretonnien, il contourna avec aisance le large bouclier gothique, avant de désarmer son adversaire, et de l’assommer du plat de son arme.

Se ruant aux côtés du danseur de guerre, il soutint le guerrier dans une parade désespérée contre ses deux adversaires.

" Besoin d’un coup de main ? " Lui lança-t-il.

-Ce n’est pas de refus ! " Lui répondit-il.

Linithlia détourna d’un rapide moulinet de son bâton une terrible tête enflammée, reculant sous le choc du sort. " Il est vraiment très fort, pensa-t-elle. Si je reste sur place, je suis cuite. A moins que... " La jeune elfe s’élança en direction du temple, sautillant de branche en branche, évitant de justesse les boules de feu de son adversaire. Se posant sur les dales fissurées du temple, elle dressa au-dessus de sa tête son bâton magique.

" Père des Epines ! " Invoqua-t-elle. Le sorcier se rapprocha des ruines, créant autour de lui un mur de feu protecteur. " Ainsi est-ce donc ça, la puissance des mages sylvestres ? " Railla le sorcier humain. " goûtes donc à ceci, stupide elfe ! Conflagration fatale ! " Une tornade de flammes jaillit de la paume du sorcier. Linithlia évita l’impact de justesse, reprenant sa fuite. " Quand cesseras-tu de courir ! " Hurla le sorcier, qui courrait derrière la jeune mage, de peur qu’elle ne veille le prendre de revers.

Linithlia cessa soudain sa fuite, lorsque le sorcier se retrouva sur les dalles brisées de l’entrée du temple. Bandant son énergie magique, elle commença à invoquer les éléments minéraux " Simela aemana, quyl fentceleb segindol menorthyl ! " Le sort prêt, elle se permit un sourire hautain, tout en relâchant l ‘énergie accumulée : " Maître du Roc ! " Le sol se souleva sous les pieds du sorcier humain, stupéfait, avant de l’engloutir sur place. Les dalles de marbre éclatèrent sur le choc, et s’écroulèrent dans le gouffre, brisant les os du sorcier.

Linithlia regarda avec satisfaction son adversaire disparaître sous les lourdes pierres, avant de porter son attention sur le duel qui continuait entre les mercenaires et les deux elfes sylvains.

Gilgalen s’écarta du combat, brandissant soudain son épée au-dessus de sa tête. " Danseur de Guerre, essayes de contrer ceci : " hurla-t-il, tendis que des étincelles bleutées s’échappaient de la lame. " Eclair d’Uranon ! " Invoqua-t-il, en déchaînant la puissance de son épée contre son adversaire. Le danseur de guerre, surpris, croisa désespérément ses deux lames contre l’éclair magique, se préparant à recevoir l’impact de plein fouet, lorsqu’un souffle magique l’engloutit. Relevant la tête, il aperçu la jeune mage se dresser devant lui, son bâton magique invoquant autour de lui un puissant bouclier magique. Fungni fut projeté en arrière par le souffle, et Thorondol regarda, hébété, son adversaire s’envoler comme une feuille morte.

" Maudite sorcière ; je n’ai pas dit mon dernier mot ! " S’inclina Gilgalen. " On se retrouvera ! " L’elfe se désengagea d’un rapide bond en arrière, avant de disparaître dans les épais sous-bois. Le guerrier bretonnien, se relevant avec peine, s’éclipsait tant qu’il en était encore temps.

Dissipant peu à peu le bouclier de vent hurlant, Linithlia se retourna, le visage radieux.

" Vous l’avez échappé belle, l’ami ! " Lança-t-elle au danseur de guerre. " Je suis Linithlia, mage du Clan des Pins ! Enchantée de vous avoir secourue ! 

-Et moi Thorondol. " Reprit l’éclaireur. " ce fut un honneur de combattre aux côtés d’un Gardien de Kurnous…

-Je ne suis pas un gardien. " Les interrompit le danseur de guerre.

-Mais pourtant, vous avez protégé ce temple ! " Contesta Linithlia.
–Je ne suis qu’un Errant ; mon intervention n’est pas liée au Dieu de la Chasse. Mon nom est Wirthmaël, et je vous remercie de m’avoir aidé à combattre ces pillards.

-Un guerrier solitaire ! merveilleux ! " s’extasia Linithlia. " Et doué pour manier l’épée ! Juste ce qu’il nous fallait !

-Eh minute ! Moi aussi je sais manier l’épée ! " l’interrompit Thorondol

-Toi ta spécialité c’est l’arc ! pas le corps à corps !

-Mais… mais… " balbutia l’éclaireur

-S’il vous plaît, Wirthmaël, rejoignez notre groupe ! " Supplia la jeune sorcière, le regard plein d’espoir.

-Si ça vous amuse… " Répondit le danseur de guerre.

Linithlia le regarda, perplexe. " si ça nous amuse ? " répéta-t-elle.

" J’ai juré de suivre la Voie de l’Errance, et de me venger du Chaos ; ou de mourir au combat. " Wirthmaël parlait d’un air résigné. " Vous suivre me permettra peut-être d’affronter de plus puissants adversaires, et vous avez besoin de mes services. Donc vous suivre ne me pose aucun problème.

-Dans ce cas… Bienvenue, Wirthmaël ! " La jeune elfe lui serra vigoureusement la main.

Le danseur de guerre se détourna de ses nouveaux compagnons, marchant en direction du temple en ruine.

" Je dois encore accomplir quelque chose ici. " l’elfe pénétra dans la crypte à moitié éboulée de l’édifice, s’avançant d’un pas sûr sur un escalier de pierre rongé par les ans.

" Eh, mais qu’allez vous faire ! Ce temple est sacré ! "  Lança Linithlia. Le danseur de guerre se retourna.

" Je sais ; je ne fais qu’accomplir ma destinée. "

Intrigués, les deux jeunes elfes suivirent le guerrier dans les catacombes du temple. Linithlia invoqua une faible flamme entre ses mains, éclairant les mornes couloirs poussiéreux. Le danseur de guerre les guidait d’un pas sûr, déambulant à travers les couloirs, jusqu’à un large autel de basalte, sur lequel était fiché une imposante lame elfique à double tranchant.

" Voilà ce que devaient chercher les pillards ; le trésor de Feinlan Kurn, les Danseur de Kurnous. " Leur révéla Wirthmaël. Linithlia admira la large arme, méditative, lisant avec soin les inscriptions à demi effacées sculptées sur le fronton de l’autel.

" Mais les runes disent que seul un danseur élu de Kurnous peut retirer cette arme de son socle ! " L’avertit Linithlia. Wirthmaël ne l’écoutait pas. S’avançant jusqu’à la garde de l’arme, il s’apprêta à la retirer du basalte. " Wirthmaël ! Vous ne pouvez pas… " Le danseur de guerre se saisit de la garde, et retira l’arme avec aisance. " retirer l’arme sous peine d’être brûlé vif… " Murmura Linithlia, médusée.

Wirthmaël inspecta la lame, l’air satisfait, avant de s’éloigner de la salle.

" C’est un Elu de Kurnous ! " Souffla Linithlia.

-Et alors ? " Lui demanda Thorondol.

-Idiot ! Les Elus de Kurnous sont des héros danseurs de guerre, capables de terrasser les pires monstres d’un simple revers de lame !

-Eh, ho, ça va, c’est pas parce que je n’ai pas étudié la magie que tu dois m’insulter! " protesta Throrondol.

-Excuses-moi… Il est vrai qu’il n’existe pas d’antiques temples de Kurnous sur les collines des Pins… tu ne pouvais pas forcément le savoir… 

-Linithlia ? Bravo pour ton combat. Tu as été fabuleuse.

-Thorondol… C’est vrai ?

-Puisque je te le dis ! " L’éclaireur posa amicalement sa main sur son épaule. " Tu t’en sors mieux que je ne l’aurai espéré… "

-Quoi ? Répète ça pour voir ? " La jeune mage, furieuse, poursuivit l’éclaireur, tournoyant son bâton au-dessus de sa tête, sous le regard navré du danseur de guerre.

Gilgalen se retourna une dernière fois en direction de la clairière broussailleuse. Ainsi, il avait échoué dans sa mission. Son maître lui pardonnerait-il ses erreurs ? Le regard sombre, l’elfe rénégat regarda le bretonnien fuir les sous-bois du temple.

" Eh, Gilgalen ! Content de te revoir !

-Wilheim, encore en vie ? " S’étonna l’elfe.

Le guerrier s’arrêta à la hauteur de son compagnon, essoufflé.

" Fungni s’en est tiré ? "

-Pas à ma connaissance. Maintenant, en route, Wilheim. J’ai des choses à faire…

-Eh, on attend pas Fungni ? Eh, Gilgalen ! "

L’elfe se retourna, le visage sévère. Wilheim ne put s’empêcher de frissonner. Cet elfe lui semblait bien trop malfaisant, pour un natif d’Ulthuan…

" Non. On quitte Athel Loren. " Le ton de la réponse coupa court à toute discussion.

Les deux mercenaires s’engagèrent dans un chemin de terre, serpentant au travers d’un bois de peupliers. Traversant un petit ruisseau, Gilgalen s’arrêta soudain, aux aguets…

" Qu’est-ce que… " Une forme végétale se détacha d’entre les arbres, avant de disparaître, comme par magie. Le bretonnien, intrigué, essayait de discerner la svelte silhouette, lorsqu’un bruit sec retentit derrière lui. Se retournant, il tomba nez à nez avec le cadavre torturé du malheureux nain, gisant au pied d’un arbre, le crâne fracassé.

" Dryade… " Jura Gilgalen.

Un craquement de branches se fit entendre dans le sous-bois. Wilheim tira son épée, scrutant nerveusement les arbres. L’être végétal refit une apparition, augmentant la tension des deux mercenaires.

" Adieu, Wilheim, nos chemins se séparent ici, je le crains… " Le guerrier regarda, perplexe, l’elfe s’enfuir rapidement, lorsqu’une voix sifflante attira son attention : une créature sylvestre, aux longues griffes acérées comme des lames d’acier, s’apprêtait à le charger. L’être de chair végétale se rua sur sa proie, d’un seul bond, et le plaqua au sol avec une force cyclopéenne.

" Gilgalen, ne m’abandonnes pas ! " Hurla le mercenaire, alors que la créature déchirait son bouclier gothique. " Gilgalen, Naonnn ! " La voix du bretonnien mourut dans un gargouillis de sang, alors que la créature lui déchirait l’abdomen. Gilgalen ne prêta pas attention aux supplications de son ancien compagnon. Il lui fallait se dépêcher de quitter ces bois, avant qu’il ne soit trop tard. Avant que les Clans ne lancent leurs éclaireurs à sa poursuite. Avant même que son sombre maître ne découvre son échec. Car il reviendrait bientôt, et il n’échouerait pas, cette fois-ci !

La dryade abandonna le cadavre de son malheureux adversaire, avant de se métamorphoser en une ravissante elfe brune. Léchant le sang coagulé sur ses mains, elle dépeça le cadavre avec agilité, enfilant les rares vêtements encore portables. La jeune Vénus ressemblait maintenant à une marginale elfe sylvaine, ses longs cheveux tressés de lierre descendant en cascade le long de ses vêtement souillés de sang. Déambulant à travers les sous-bois, elle découvrit près d’un lac le cadavre d’un forestier elfe sylvain. Le malheureux avait été probablement abattu par le mage de cette bande de pillards, comme en attestait son corps atrocement brûlé. Sans exprimer la moindre compassion, la jeune sylve préleva sur le corps d’autres vêtements, quelques pièces d’équipement, ainsi que l’arc et le carquois du guerrier. Maintenant, pensait-elle, elle ressemblait vraiment à une guerrière elfe…

Linithlia se tenait devant sa petite marmite de cuivre, préparant avec attention le dîner. Thorondol revenait de son tour de garde, et Wirthmaël observait la jeune mage préparer leur repas, déconcerté.

" Vous avez de bien étranges coutumes culinaires, dans les collines des Pins… " s’hasarda-t-il.

-C’est mon meilleur plat " Expliqua-t-elle fièrement. " Du ragoût de cerf ! "

La jeune mage lui tendit une assiette fumante, que le danseur de guerre s’empressa d’accepter. Thorondol saisit à contrecœur une autre assiette, osant à peine imaginer son contenu…

" ça a une drôle de goût… " Critiqua Wirthmaël. " On croirait du serpent bouilli… "

-Muumh ? Il est pourtant réussi, cette fois ci. La viande est presque comestible " Commenta Thorondol, en pleine mastication.

-Eh, vous deux, si ça ne vous convient pas, vous n’avez qu’à cuisiner vous-même… " maugréa Linithlia.

-Riche idée… " Murmura Wirthmaël.

-Bon, et maintenant, chère Mage du Clan des Pins, quels sont vos plans ? " Ironisa Thorondol.

-Ma foi… Je n’en sais rien… " Réfléchit tout haut la sorcière.

-Peut-être devrions-nous poursuivre ces mercenaires, avant qu’ils ne quittent le royaume forestier… " Proposa le danseur de guerre.

-J’ai repéré leurs traces, à quelques miles d’ici. " Les informa Thorondol.  "  Ils ont été attaqué par une bête des bois, apparemment. Seul l’elfe en a réchappé. "

-Ce Gilgalen ! " Jura Wirthmaël, caressant sa joue balafrée.

-Comment vous-êtes vous fait ça, Wirthmaël ? Lui demanda la jeune mage.

-Lors d’un duel, contre un seigneur de guerre orque noir. Sa hache m’a frôlé de peu… Pour ma part, je poursuivrais Gilgalen. " Wirthmaël semblait déterminé à continuer son combat contre l’elfe mercenaire.

-C’est un puissant guerrier, son arme enchantée doit probablement venir d’Ulthuan… " Commenta Thorondol.

-Je parierais même qu’il fut maître des épées à la Tour d’Hoeth… " Répondit Linithlia, qui semblait être la seule à savourer son dîner.

-Possible, plusieurs fois il a manqué de me décapiter d’un seul coup de sa lame… " médita Wirthmaël.

-Mais que ferait un maître des épées d’une telle puissance tout seul, avec des mercenaires ? " S’interrogea Thorondol.

-C’est peut-être un banni… " s’hasarda Linithlia.

Du haut d’une colline couverte d’ajonc, Gilgalen contemplait les landes sauvages.

Il chevauchait un coursier elfique bai, dérobé à un cavalier elfe solitaire. Sa longue épée accrochée à son dos.

L’elfe renégat contemplait, pensif, le soleil se coucher à l’ouest, en direction de l’île d’Ulthuan. Des souvenirs cuisants s’éveillèrent dans sa mémoire, alors qu’il se remémorait son bannissement honteux. Depuis, sa vie n’était que souffrance et rancunes. Mais le temps de sa vengeance approchait, il le savait. Un jour, pensa-t-il, il reviendrait venger son honneur. Et ce jour-là, Ulthuan toute entière tremblerait au nom de Gilgalen…

A suivre...



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