Les Chevaliers de l’Elenfëa

Chapitre 1 : Novice

" Aouille ! " Hurla Mandolin en frôlant maladroitement une braise incandescente. Léchant méticuleusement la partie de peau de sa main mise à vif par la chaleur, il saisit de l’autre le lapin rôti à point et se mit à savourer son gibier.

Assis au milieu d’une somptueuse clairière, son cheval blanc attaché par la bride au tronc d’un arbre ; il finit son repas avant de reseller sa monture. Cette journée de printemps s’annonçait décidément radieuse. Le temps s’était radouci depuis son départ d’Eataine, et à mesure qu’il progressait en Saphery, l’air semblait se charger naturellement de magie. Tout en chassant sa maigre pitance, ce matin, il avait cru entrevoir un vieux tronc d’arbre bouger. Encore plus fascinant : certaines clairières de la forêt abritaient des licornes. Il avait eu la chance d’en apercevoir une, alors qui levait le camp, très tôt à l’aube.

Vêtu d’une tunique blanche et d’un pantalon de cheval bleu turquoise, Mandolin avait quitté son village côtier depuis maintenant dix jours. Ses maigres économies n’avaient pas supporté les premières nuits passées à l’auberge, aussi dormait-il maintenant à la belle étoile. Heureusement, les routes des royaumes intérieurs sont sûres, et le brigandage n’existe pratiquement pas en Ulthuan. A quoi bon risquer une vie de hors-la-loi, lorsque la société elfique tout entière est vouée au bonheur et à la l’épanouissement de ses citoyens ?

Seuls les raids incessants d’Elfes noirs eurent pu présenter une menace à un voyageur solitaire, mais les Druchii s’aventuraient rarement aussi loin du Nord, et la plupart de leurs expéditions visaient les royaumes extérieurs du Nord.

Sous le réconfortant soleil de ce début d’après-midi, Mandolin se remit en route. Les oiseaux voltigeaient de branche en branche, le saluant de leurs chants mélodieux. La route qu’il suivait maintenant depuis de nombreux jours quitta les sous-bois pour déboucher sur une vaste plaine.

Arrêtant sa monture, Mandolin ne put s’empêcher de contempler le paysage : des prairies d’un vert émeraude semblaient s’étendre jusqu’à perte de vue. Au loin, d’imposantes brumes masquaient les lointains contreforts des monts Annulii.

" La Tour d’Hoeth ! Enfin mon voyage touche à son terme ! Murmura-t-il. "

Epris d’une grande joie, Mandolin lança au galop son intrépide monture. Le coursier elfique lui répondit par une imposante ruade, avant de se lancer à l’assaut des derniers miles de route.

Le vent frais fouettait son visage. La vitesse et la joie le grisaient. Dévalant une pente douce, il suivit un moment le long cours d’une magnifique rivière, rivalisa de vitesse avec les cerfs effarouchés, traversa l’eau calme et peu profonde, avant de gravir la pente raide d’une colline verdoyante.

Sa monture stoppa sa course effrénée lorsqu’au sommet de la butte se profila la silhouette d’un cavalier. Mandolin reconnut à son équipement son appartenance aux Heaumes d’Argent, mais quelque chose tranchait avec la tenue habituelle de ces princes chevaliers.

L’elfe portait une tunique turquoise sous sa lourde armure. Sa cotte de maille reposait sur un linge d’une blancheur éclatante. Il portait au heaume un long ruban violet, et sa monture ne possédait pas de caparaçon. Le chevalier saisit son bouclier et sa lance. Le blason arborait une étoile bleue sur fond blanc.

" Que viens-tu faire en ces lieux, Jeune Elfe d’Eataine ? Demanda le chevalier d’une voix profonde.

-Pardonnez-moi, messire, mais je recherche la Tour d’Hoeth, Répondit naïvement Mandolin.

-Tu es donc chargé d’une missive importante pour te hâter de la sorte ?

-Non, m’sieur.

-Alors que viens-tu faire en ce Saint Endroit ? "

C’est alors que Mandolin reconnut le chevalier. Son équipement, son blason, n’étaient autres que ceux des Chevaliers de l’Elenfëa ! Par un heureux hasard, il venait de tomber sur l’un de ces elfes auxquels il aspirait tant à ressembler ! Son cœur battait la chamade, tandis qu’il répondait au cavalier :

" je veux y devenir Chevalier de l’Elenfëa ! "

Le chevalier le regarda fixement, durant une période qui lui sembla interminable. Puis, de la main droite, il enleva la pointe de sa lance, avant de la jeter en direction de Mandolin.

" Si tel est ton but, alors montres-moi que tu en es digne ! "

Le défi était lancé. Mandolin ramassa la lance, tandis que le chevalier se séparait de son bouclier et de son armure, avant de saisir au sol une seconde lance, elle aussi privée de sa pointe d’argent.

Les deux duellistes reculèrent de quelques mètres, avant de se retourner de nouveau face à face. Toute cette cérémonie semblait suivre des rites précis. Tout en fixant son adversaire, Mandolin songea l’espace d’un instant que cette épreuve n’était autre qu’un test destiné à prouver sa valeur. Le chevalier attendait peut-être sa visite, à en croire la seconde lance posée sur le sol bien avant leur rencontre et le fait qu’il sache son origine avant même de le rencontrer.

Mais un hurlement interrompit les réflexions du jeune elfe. Dans un grondement de sabots, les deux adversaires foncèrent l’un sur l’autre. Le choc fut assez violent, mais à sa grande surprise, le chevalier détourna de sa lance la puissante attaque du jeune cavalier. Tirant une imposante épée, il revint à la charge. Mandolin saisit alors sa modeste rapière, un souvenir de famille légué par son grand-père. Les deux duellistes reprirent la lutte. Frappant de taille et d’estoc, le chevalier cherchait à déstabiliser son adversaire. Mais Mandolin tenait bon. Trouvant une faille dans la garde de son adversaire, il en profita pour asséner sur le heaume du guerrier un puissant coup, lorsque dans un éclair d’acier, son épée vola dans les airs, avant de se planter dans le sol. Le chevalier affichait un sourire non dissimulé. Rengainant son arme, il tendit un mouchoir de soie au jeune cavalier. Ce dernier, stupéfait, fixait intensément le mince filait de sang qui s’échappait de la paume de sa main.

" Tu te défends admirablement, jeune Elfe, conclut le Chevalier. Mais dis-moi, es-tu de sang noble ?

-Ma famille appartient à la modeste guilde des éleveurs. Avoua le jeune garçon en baissant la tête.

-N’en aie pas honte, jeune Elfe. Tu te bats mieux que les jeunes nobles de ton âge. Tu mérites assurément de me suivre. Comment te nommes-tu ?

-Mandolin, Sire Chevalier.

-Eh bien, Novice Mandolin, suis-moi, la route est encore longue avant le fort des Chevaliers de l’Elenfëa. "

Le regard de Mandolin rayonnait. Tout en aidant le chevalier à revêtir son attirail de guerre, des milliers de pensées traversaient son esprit. Enfin, son rêve se réalisait ! il avait réussi à incorporer cet ordre si cher à son cœur !

Et tandis que le chevalier le menait au-delà de la colline en direction de la côte, Mandolin savait qu’il venait de rencontrer sa destinée.

A suivre…

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