Le Chant Inachevé

Le Poids du Destin

 

 

Chapitre 4 : Revers d’amour …

 

 

  L’ost de Morai Hegg n’avait de cesse de se hâter vers le Nord. De bien tristes rumeurs circulaient le long des larges routes d’Ulthuan, colportées par les milliers de réfugiés, quittant la folie des combats. L’on prétendait que la Reine Eternelle était morte, et que Dulmorwen avait ouvert un portail démoniaque en l’ancien palais d’Isha… D’autres hurlaient leur désespoir, évoquant avec effroi les redoutables attaques de Druchii. Certains, enfin, imploraient les Dieux de leur venir en aide, frappant le sol de leurs mains crasseuses, s’agenouillant vers le soleil, et priant Asuryan de leur apporter le salut tant espéré…

  En quelques semaines, l’armée avait quitté Yvresse. Une telle marche forcée n’était pas sans risques, mais il leur fallait se hâter au plus vite, avant que tout espoir ne soit perdu…

  A la frontière d’Avelorn, l’avant-garde rencontra un petit détachement de guerriers d’Eataine : les renforts du Roi Phœnix se manifestaient pour la première fois. Les gardes regardaient d’un œil atone l’ost d’Yvresse quitter la route bordée de forêts de pins pour s’aventurer sur les plateaux boisés de l’Est du royaume d’Isha. Certains d’entre eux, blessés, portaient les stigmates d’une récente offensive Druchi. D’autres, désabusés, vérifiaient leurs hallebardes. Peut-être que s’ils avaient pu émettre le moindre son, l’ambiance moribonde qui se dégageait de ces elfes d’élite aurait pu se dissiper, mais hélas pour le moral des troupes, le vœu de silence jouait cette fois-ci en l’avantage des Druchii…

  Les rares villages traversés semblaient avoir été épargnés par les pillards, cependant leurs habitants les avaient désertés depuis longtemps… Un vent lugubre soufflait à travers les avenues vides des grandes places, à peine fréquentées ici et là par quelques chiens errants…

  Quelques heures avant leur arrivée dans la forteresse de Tor Rosaneä, l’ost d’Yvresse fut assaillie par une nuée de harpies. Les créatures, mi-humaines, mi-démons, affichaient un mélange disparate de succubes et d’incubes volants, avec pour seuls armes leurs griffes et leurs crocs… Le nuage s’abattit sur l’arrière-garde, décimant quelques dizaines de malheureux, avant que des archers ne les chassent de quelques tirs bien ajustés…

« Triste chevauchée que celle-là… » Commenta Lorindil, après que la colonne ne se soit remise en marche.

- Un puissant pouvoir œuvre pour la Vipère… Peut-être que toutes les rumeurs n’étaient pas si insensées… » renchérit Elëa.

- Un pacte démoniaque ? » Lui répondit Lorindil « Je le crains aussi… »

  Le ciel gris s’assombrit peu à peu, et une décharge d’électricité statique fit sursauter bien plus d’un soldat engoncé dans son armure conductrice… Les premiers orages éclatèrent tout autour de l’ost ; foudres multicolores au tonnement irréel. Le vent se leva, bise fouettante, apportant avec lui de violentes averses de grêle. Le mauvais temps semblait engloutir l’armée tout entière… Un grêlon atterrit sur le pommeau de selle de Lorindil. Intrigué, le prêtre-mage s’en saisit, avant d’hoqueter d’horreur : le glaçon, tout en fondant, ruisselait de minces filets de sang vermeil entre ses doigts…

«  Une tempête magique ! Par toutes les Banshees ! Notre ennemi serait-il si puissant ! »

- Il faut nous hâter, Lorindil ! La forteresse ne doit plus être loin ! Espérons que nos hôtes nous y attendent encore ! » Hurla Elëa

- Les dernières forces libres d’Avelorn retranchées dans ce nid d’aigle ! Quelle pathétique situation… » Pensa-t-il tout haut. « Estafettes ! ordonnez que l’on accélère la cadence ! Que la cavalerie passe devant et nous ouvre la marche ! Allez ! »

  Les messagers ne se firent pas prier, et quittèrent leurs commandants pour relayer l’ordre. Un terrible tonnerre retentit, et d’instinct les Elfes levèrent la tête jusqu’au ciel : devant-eu, une terrible vision prenait forme : un énorme nuage violet, représentant la marque du Chaos, se dégageait de l’horizon, porté par de violents vents moqueurs. L’espace d’un instant, Lorindil crut entendre dans la fureur de la bise une sorte de mélopée, sinistre chant couvert par les rires de mille démons… Remuant la tête, il mit sa monture au galop, remontant l’ost jusqu’à l’arrière-garde, haranguant lui-même ses soldats de hâter le pas. Le nuage fut bientôt sur eux, et une pluie de sang s’abattit sur les elfes terrorisés.

  La forteresse de Tor Rosaneä fut bientôt en vue, éclairée par un large fuseau de lumière, provenant d’une trouée dans le ciel déchaîné. Les cors de la place forte se mirent à sonner, et les chœurs magiques de mille vierges elfes les accompagnèrent, couvrant de leur douce mélodie le sinistre bruit du vent, repoussant les nuages démoniaques, et brisant les derniers éclairs magiques…

  L’espace d’un instant, Lorindil crut voir une sorte d’ange, la lance à la main, chasser la marque du Chaos. Jeux de lumière ou vision éthérée ? La magie des Elfes avait une fois de plus triomphé des illusions du Chaos. Et pour les Elfes, la fin de l’orage annonçait une première victoire sur le Mal…

 

  « Khaine, seigneur de la Haine… Sombre prince des Maléfices… Ta servante t’appelle… Accorde-moi ta toute-puissance ! Slaanesh ! Prince des jouissances maudites ! Sombre allié de Nos innommables Plaisirs, réponds à mon appel !

  « Ensemble, nous détruirons nos frères blancs… Nous pillerons, mutilerons, massacrerons ! Bientôt débutera une nouvelle ère… Celle de la Damnation Eternelle d’Ulthuan ! »

  Dans un geste de frénésie, Dulmorwen décapita deux sacrifiés, laissant leur sang inonder les marches de l’autel circulaire. La seigneur elfe, entièrement dévêtue, redescendit les marches de basalte, s’immergeant dans un bassin de sang fumant. De ses deux mains, elle brandissait deux énormes poignards elfiques. Sur son visage se dessinaient les traits de la folie.

  Devant elle, se dressait un pentacle de fer, orné de runes maléfiques. Tout autour du bassin, ses terribles Gardiennes de la Haine * n’avaient de cesse de décapiter des centaines de prisonniers, pour alimenter l’orgie de sang frais.

  Dulmorwen semblait attendre, ses yeux lançant des regards de haine tout autour d’elle. Soudain, une déflagration d’énergie jaillit du pentacle, illuminant d’une couleur violette la large salle, faisant trembler l’arche noire elle-même dans ses fondations. Un passage venait de s’ouvrir, et de cette porte inter-dimentionnelle, un humanoïde en franchissait le seuil magique :

  Bipède élancé, dont l’interminable cou s’achevait par une tête de serpent cornu… Sur sa poitrine, la marque de Khorne. Sur son ventre, la marque de Slaanesh. Lentement, il s’avança jusqu’à la guerrière. Derrière lui, une légion de sanguinaires et de démonettes s’engouffrait dans la salle. Dulmorwen le regardait, charmée, son regard traversé par une sorte de lueur maligne. Elle lâcha ses armes, et recula jusqu’aux marches de l’autel ; qu’elle gravit lentement. Le démon la suivait, sa tête reptilienne se dodelinant lentement, sa langue humant l’air saturé d’encens.

  Dulmorwen se tenait maintenant contre l’autel, large socle de granit éclairé par deux énormes torches d’airain. A ses pieds, les cadavre des suppliciés. D’un bond, elle s’assit sur l’autel, et s’y allongea. Le démon gravit les marches, sa tête sifflant d’impatience. Il la rejoint, empoigna fermement ses cuisses. L’elfe noir hoqueta. Et dans un sifflement de désir, la langue reptilienne s’approcha de ses lèvres…

 

  « Cavaliers, pied à terre ! soldats, que le camp soit dressé au plus vite ! » Ordonna Lorindil à ses elfes, devant l’imposant porche sculpté de la citadelle. Puis, se tournant vers une championne demoiselle d’honneur venue l’accueillir, il poursuivit :

- Cette forteresse est bien trop petite pour mon ost ! Il nous faut dresser un camp en-dehors de l’enceinte. Mes guerriers sont fourbus, aussi… »

- Nos soldats-citoyens vous aideront à monter le camp, si tel est votre désir. » Lui répondit-elle

- Il faut dresser des palissades, des fossés tout autour. Je veux qu’une enceinte défensive englobe cette forteresse, et qu’elle soit assez grande pour y protéger vingt mille elfes, en prévision de l’arrivée des osts de Cothique, Chrace et Saphery… »

- De quel droit, commande-tu ces travaux aux Serviteurs d’Isha ? » L’interrompit une prêtresse venue prêter l’oreille à la discussion. « Tu n’es qu’un serviteur de la Grande Ridée, et même en ces sombres heures ta venue n’est pas souhaitée, archimage ! » L’elfe en robe blanche le dévisagea avec mépris. Lorindil s’apprêtait à lui répondre, lorsque intervint Elëa.

- Qui es-tu donc, prêtresse, pour t’opposer à la volonté des Dieux ? L’alliance est un signe d’amitié divine, et tu refuses de t’y soumettre ? Fais-tu preuve d’hérésie, ma sœur ? Lorindil est un noble serviteur de sa Déesse, et sait ce qu’il a à faire, pour le salut de nous tous !» Lui lança-t-elle.

- Elëa de Saphery, tu n’es pas non plus la bienvenue, toi comme tes compères d’Hoeth. Seule Isha a le droit de commander vos osts, en ces terres ! Remettez vos troupes à notre Reine, en son Nom ! » La prêtresse s’énervait.

- Tu oses me répudier, toi, une simple prêtresse ? Ignores-tu donc mon rang ? Je suis ta supérieure, et tu me dois obéissance ! » Lui lança Elëa, outrée.

- Il suffit, Andranile ! » Lui répondit la championne demoiselle d’honneur. Tu enfreins les ordres de notre Reine ! Nous sommes tenus d’épauler nos hôtes dans leurs travaux militaires ! Et tu dois également respect à un supérieur, je te le rappelle !

- Tu regretteras ces paroles, demoiselle… » Lui lança Andranile, dans un regard chargé de haine. « Ma Dame… » s’inclina la prêtresse. « La Reine Eternelle vous attend, vous deux. Je vais vous conduire jusqu’à elle… » Cracha-t-elle avec dédain.

  Les deux mages la suivirent, laissant leur état-major et la championne superviser les préparatifs du campement. La prophétesse les conduisit à travers la cour du fortin, les introduisit dans le monastère principal, et les guida à travers le cloître. Arrivés à l’entrée de la grande salle du conseil, elle les  abandonna devant la porte gardée, non sans une dernière réplique :

« Ne perdez pas de vue qu’elle n’est comme vous autres qu’une marionnette. Seule La Parole Divine n’a de valeur à nos yeux. »

- Et je suppose que vous vous considérez la seule en mesure de l’interpréter ? » Lui répondit Elëa.

  La prêtresse ne lui répondit pas. S’inclinant légèrement, elle leur tourna le dos, pour s’éclipser en direction du couvant.

  « La situation promet d’être courtoise, ma tante… » Ironisa Lorindil.

- Une gourou d’une quelconque secte intégriste, j’en mettrais ma main à brûler ! » Pesta Elëa. « Ce sont probablement les pires fléaux de notre clergé. Il nous faudra rester sur nos gardes ; cette fanatique peut se présenter bien plus puissante que tu ne le penses. Mais qu’avais-tu à vouloir hâter la construction d’un quelconque ouvrage militaire ?

- Simple mesure pratique, ma tante. Je ne veux prendre aucun risque concernant nos troupes et celles de nos alliés… » Répondit évasivement l’archimage.

- Fort bien. Mais hâtons-nous, la Reine nous attend.. » Termina sa tante.

  Les gardes leur ouvrirent les portes, et les deux elfes pénétrèrent dans une vaste salle richement décorée, aux mille chandelles illuminant un long tapis rouge central, bordé de nombreux convives.

  Les conques d’argent résonnèrent, et tous formèrent une haie d’honneur pour accueillir leurs nouveaux hôtes. Lorindil tendit son bras à sa tante Elëa, puis d’un pas lent et assuré, s’avancèrent jusqu’au trône d’Alarielle…

 

  « Beaux Seigneurs d’Yvresse, je suis fort aise de vous voir ici. Comme vous pouvez le voir, Avelorn n’est pas encore tout à fait livrée aux flammes des Druchii. L’armée d’Isha ne s’est point rendue, et le temps est venu, pour nous, de contre-attaquer… » Dans la grande salle de réception du monastère, Alarielle, la Reine Eternelle d’Ulthuan, s’adressait devant son auditoire attentif.

  « Nous ne sommes pas seuls dans notre combat. La Bannière de Cothique nous rejoindra d’ici peu, et de nobles guerriers de Chrace sont en route. Yvresse nous apporte encore plus d’espoir, avec la promesse de la venue prochaine de la bannière d’Hoeth. Et bien que leurs osts n’arriveront que demain, leurs généraux nous font déjà l’honneur de leur présence, en cette salle. Qu’ils en soient tous remerciés. Car ce soir, mes chers enfants, a lieu leur dernier repas, avant la Sainte Croisade… 

«  Oui, mes Fils, j’ai bien parlé de croisade » Haussa Alarielle, dissipant les clameurs d’étonnement de son auditoire. « Il est temps de frapper un grand coup, avant même que l’ennemi ait le temps de poursuivre sa route. Dulmorwen la Vipère se trouve en ce moment même cloîtrée dans ses arches noires, préparant ses troupes en vue d’un assaut contre Tor Rosaneä.

 « Mon palais n’a point été brûlé… Comme beaucoup le pensent. Ce n’est là qu’illusion magique, dressée pour tromper l’ennemi, et lui faire croire que la victoire lui était acquise. Ils m’imaginent en fuite, ayant moi-même brûlé dans ma retraite désespérée le symbole de mon pouvoir ! » Alarielle sourit «  Ces Druchii sont bien trop naïfs. Depuis quelques semaines, cette ruse les a retardés, dispersant leurs troupes en groupes épars à ma recherche… Certains eurent vent de ma présence en Tor Rosaneä, et nos défenses eurent vite raison de la petite ost d’envahisseurs venue réclamer ma tête ! Mais hélas, maintenant, la Vipère sait où frapper, et s’en donnera les moyens, croyez-moi…

« Un portail vient d’être ouvert entre les Terres du Chaos et son arche personnelle. Des milliers de démons jaillissent de cette porte, menaçant l’équilibre même d’Ulthuan… Mais durant ces semaines, nous avons eu tout le temps de nous réorganiser. Nous marcherons sur l’ennemi, nos bannières flottant au vent, et rencontrerons l’ennemi en Fandalia. »

Lorindil fronça les sourcils. Il prit la parole, le visage alarmé :

 - Une action de face ne serait que folie, ma Reine ! Comment comptez-vous contenir une telle puissance avec nos faibles moyens ? Je propose que nos troupes gardent la forteresse, et l’y préparent à tenir le siège, pendant que des unités légères retardent les troupes des Ténèbres.» D’autres seigneurs appuyèrent bruyamment ses propos : leur visage trahissait un grand doute.

- Auriez-vous, comme on le prétend, perdu Foi en votre peuple, Lorindil ? » Clama la voix aigue d’une femme. L’elfe, aux longs cheveux bruns, s’était dressée de son siège, le visage courroucé. Lorindil reconnut les traits de la prêtresse Andranile. Une clameur encore plus forte envahit la salle, et la Reine Eternelle n’obtint à nouveau l’attention de ses convives que péniblement.

- Mère Supérieure, cette assemblée n’est pas une cour de commérages ! Présentez sur-le-champ des excuses à l’Archimage Lorindil d’Yvresse ! » Ordonna Alarielle.

  A ces mots, Elëa se fit toute petite : elle n’avait pas prévu de se faire une ennemie aussi puissante, même si son rang d’archimage d’Isha lui conférait un rang égal à celle d’une Mère Supérieure...

- Je suis Fille d’Isha. Mon destin est de mourir en servant la Déesse Mère, et non d’obéir à ceux qui mèneront à sa perte le Royaume Sacré d’Avelorn ! » Continua Andranile, déclenchant un taulé de protestations dans la salle.

- Je crains qu’aucun titre ne vous autorise à prétendre au commandement de cette alliance, Mère Supérieure… » Lui répondit Alarielle. « Cependant sachez que la forteresse ne sera pas entièrement vidée de sa garnison, Archimage Lorindil. Moi-même et les gardiennes de la forteresse nous consacrerons à la prière durant votre marche …

  « Si nous frappez vite, vous pouvez suffisamment retarder nos ennemis… Tel sera le but de ce premier affrontement. Car en vérité, nous ne briserons leur puissance que contre les murs de cette forteresse. »

- En avez-vous la puissance, ma Reine ? » Lui répondit un général de Chrace, sceptique.

- En voilà la preuve… »

  Alarielle se tourna vers sa droite, indiquant d’un signe de tête à un personnage de s’approcher. Une superbe guerrière rousse s’approcha. Sa longue natte finement parée de broches d’or descendait jusqu’à sa taille. Vêtue d’une armure complète d’ithilmar et d’une cape blanche et or retombant jusqu’au sol, elle déambula à travers la salle, tenant en ses mains la lame d’une épée à deux mains, aussi étincelante qu’un saphir. Un chœur de jeunes elfes accompagnait la scène, accentuant l’ambiance mystique régnant dans la salle.

« L’épée de cristal … » murmura Elëa. « L’épée cristalline ! La Lame d’Isha ! » S’extasia Andranile, s’agenouillant au passage de l’arme. Lorindil braqua son regard sur la jeune guerrière, qui le lui rendit intensément. Et l’espace d’un instant, il oublia qui il était, détournant son attention de la scène présente, hypnotisé par la soudaine apparition…

« Voici, mes enfants, l’Arme de notre Victoire ! La même Lame qui, à l’aube de notre Race, nous fut accordée par la Déesse Mère ! Celle par qui tant de fois le Royaume d’Isha fut sauvée ! » Annonça triomphalement la Reine.

« Par Isha, comment est-ce possible ? Nous pensions tous la lame perdue depuis des millénaires ! Par quel heureux hasard se trouve-t-elle de nouveau en notre possession ? » S’étonna Elëa

- Les voies de la Déesse sont impénétrables … » Ironisa Lorindil.

  La jeune guerrière présenta la lame face à sa Reine, un genou à terre, la tête respectueusement inclinée. Alarielle la bénit, avant de lever sa main droite. Le chœur cessa. Et la Reine continua son discours :

«  Maintenant, mes enfants, prions en la grande basilique. Il est temps de remercier Isha pour son présent inestimable »

  La Reine Eternelle se dirigea vers une large porte ouverte, à sa gauche, et marcha en direction de la basilique. Un groupe de prêtresses la rejoint, et des demoiselles d’honneur escortèrent la porteuse de la Lame d’Isha. Les convives suivirent, derrière, l’esprit encore bouleversé par l’évènement.

 

    « Seigneur Lorindil, puis-je me mettre à votre table ? »

Le mage ne savait que répondre, n’osant détacher son regard des yeux verrons de la guerrière. D’un geste de la tête, il l’invita à s’asseoir. La jeune elfe semblait ravie.

  La cérémonie religieuse avait bien duré deux bonnes heures, après quoi la cour de la Reine avait à nouveau rejoint la salle de réception, où un banquet avait été dressé à leur attention.

  Chaque table faisant face à celle de la Reine, où seulement quatre convives accompagnaient Alarielle : Elëa, à sa droite, Nialen, la capitaine de la garde de la Reine, à sa gauche, suivie d’Andranile, bien séparée d’Elëa. Une prophétesse tenait compagnie à la mage de Saphery sur sa droite.

  Lorindil, quant à lui, avait préféré jusque là s’isoler sur une petite table, en bordure de banquet. Non pas que l’étiquette lui refusât la table des généraux, mais les évènements récents l’avaient laissé perplexe, et il souhaitait s’isoler pour y réfléchir à loisir.

  Cependant, la venue de la Porteuse de l’Epée n’était pas pour lui déplaire. Et la belle Mawraël ne fut pas sans s’en apercevoir…

  Les laquais s’empressaient d’amener à chaque table de riches plateaux d’argent, servant aux nobles convives de délicieuses victuailles. Lorindil tendit à son invitée une coupe de vin elfique, versant délicatement dans le verre de cristal le précieux liquide vermeil.

« Gardienne de l’Epée Cristalline, quel grand honneur que de partager avec moi ce modeste repas… »

- Point d’étiquette ironique, Seigneur. Je ne mange pas de ce pain là. Appelez-moi Mawraël, voulez-vous ? Et en retour, puis-je vous nommer par votre nom ?

- Je vous en prie… »

  Les deux elfes se regardaient, cherchant l’un comme l’autre à se sonder. Puis les premiers plats leur parvinrent, et les langues se délièrent. Comme deux amis se retrouvant après une longue absence, ils se racontèrent leur vie, leurs espoirs, leurs peines… Ils discutèrent de tout et de rien ; il leur suffisait parfois d’un simple regard pour se comprendre. Et dans leur cœur, un grand trouble n’avait de cesse de grandir…

   Le repas s’acheva, et les invités se dispersèrent en silence. L’heure n’était pas à la fête, et dès le lendemain commenceraient les préparatifs de la campagne…

  Lorindil et Mawraël s’attardèrent encore quelques instants dans le salon de la chambre du mage, près de la basilique. Là, au coin du feu, ils continuaient leur interminable dialogue, maintenant l’un contre l’autre. Il vint un moment où le silence remplaça leurs discours, et où le crépitement du feu emplit la pièce silencieuse.

  Les deux elfes se regardaient, les yeux dans les yeux. Leurs lèvres se frôlèrent, jouant avec leurs sentiments, avant de se rejoindre dans une longue étreinte…

  Alors Lorindil, l’espace d’une nuit, oublia Luthilenal dans les bras de la douce Mawraël…

 

 

* Voir Les Avant-Propos

 

A suivre …

Hosted by www.Geocities.ws

1