Le Chant Inachevé

Le Poids du Destin

 

 

Chapitre 3 : La Croisade des Elfes

 

 

« Comment est-ce possible… » Bredouilla Lorindil, encore sous le choc. Elëa lui sourit.

« Mon cher neveu, le Druchi qui aura ma peau n’est pas encore né… La Vipère a commis l’erreur de ne pas me tuer, tant qu’elle en avait l’occasion. Une erreur fatale, qui lui coûtera certainement la victoire … » Lui répondit-elle.

- Mais pourtant, le messager m’avait annoncé…

- Ma mort, en effet. 

-Telle fut la rumeur tissée par la Vipère… » Continua Eltharion. « Et colportée par nos propres soldats, incrédules. Inutile de vous rapporter notre surprise, lorsque votre tante se présenta devant la Porte Nord, escortée de demoiselles d’honneur ! Dulmorwen voulait certainement vous exécuter lors de la proche Nuit de Supplices, Ma Dame. Mais ses Dieux pervers devront se passer de votre âme…

- Je l’entends bien ainsi, Seigneur Eltharion ! Vous êtes bien placé pour savoir que nul ne peut prétendre me contrôler entièrement ! * » Lui répondit Elëa, un clin d’œil complice.

  Le vieux guerrier soupira.

- Bien, je vois que tout va donc pour le mieux dans le plus beau des royaumes…  Bien qu’il ne soit guère possible d’en dire autant d’Avelorn… » Ironisa Lorindil.

- Hélas non, mon cher neveu… Dulmorwen n’a guère apprécié notre malheureuse expédition, et nous à dépêché plusieurs arches noires en guise de représailles. D’après les derniers rapports, ses soldats ont déjà débarqué, et les défenses côtières de Chrace ont été réduites à néant …  Leur objectif tout indiqué reste la Reine Eternelle, aussi Alarielle a-t-elle déclaré l’état de guerre dès l’approche des arches noires. » Commenta Elëa.

- Une situation fort brillante… Et je suppose que tes missives n’avaient pas d’autre but que de me ramener au pays, afin de combattre à vos côtés ? » Continua avec cynisme l’archimage. « Une belle réussite, en tout cas, car me voici ! »

- Je puis vous jurer que la disparition de votre tante ne fut en rien un coup monté, Lorindil. » L’interrompit avec calme Eltharion. «  Si vous êtes revenu en Tor Yvresse, c’est de votre plein gré. Les émissaires dépêchés en Athel Loren n’avaient pour ordre que de vous porter ces deux missives, et de consulter les Seigneurs d’Athel Loren quant à l’envoi éventuel de renforts. Nous ignorions alors que votre tante en avait réchappé …  »

- Négociations qui ont bien entendu échouées. Je vous avais pourtant prévenu, Eltharion… Orion et Ariel n’ont que faire d’Avelorn, même si le symbole vivant même d’Isha y est visé … » Fit remarquer Elëa.

- Par tous les Dieux, la situation est-elle si désespérée, pour que vous requériez l’aide du Royaume Forestier ? » Remarqua Lorindil

  Les deux elfes restèrent silencieux, l’air gênés. Elëa toussota, servant consciencieusement une tasse de thé. Eltharion lui lança un regard noir, et reprit la parole :

« La situation en Avelorn n’est pas si désespérée, bien qu’aux premiers abords, tout semble jouer en notre défaveur : Lothern a dépêché des renforts, naviguant par la Mer Intérieure ; mais le contingent de gardes maritimes et phœnix ne suffira qu’à contrôler les principaux points stratégiques ; comme les axes de communication ou bien encore les camps de ravitaillement.

  « Les troupes d’Avelorn, quant à elles, sont pour le moment désorganisées. Le repli stratégique ordonné suite à la percée ennemie sur le front Nord s’est transformé en une débandade générale, jusque dans le royaume d’Isha. Seules quelques osts, des renforts arrivés trop tard ou des groupes isolés de guerriers désespérés, tentent encore de protéger l’accès aux cols frontaliers. Vous n’êtes pas sans ignorer que les montagnes séparant les deux royaumes retarderont bien assez longtemps les troupes druchii. Le temps pour les défenses d’Avelorn de se réorganiser, et de faire face à l’ennemi.

  « Un scénario certes catastrophique aux premiers abords, mais tout à fait maîtrisé, soyez-en rassuré.

  « Yvresse, à mon sens, n’a aucun rôle à jouer dans ce conflit. Chrace, Saphery et Cothique dépêchent déjà des renforts, comme à leur habitude. Tiranoc et Ellyrion finiront par intervenir, de peur de raids ennemis, et la vague d’assaut Druchii se brisera à quelques miles du Palais de la Reine, comme à l’accoutumée… Il ne restera alors plus qu’à assiéger les arches noires, sauf si nos adversaires ne détalent en vitesse vers le nord, la queue entre les jambes ...» Acheva Eltharion, d’un ton atone, presque blasé. Lorindil lui lança un regard noir. Lui aussi avait connu la souffrance, la guerre, la douleur de voir sa famille et ses amis tomber sous les coups de l’ennemi ; mais jamais il ne s’était laissé envahir par le nihilisme. Une seule chose semblait pouvoir tirer le seigneur de guerre de son indifférence, et l’archimage n’hésita pas une seconde à s’en servir, remuant sans vergogne le couteau dans une plaie à jamais ouverte…

- Mais, mon Seigneur, ne pensez-vous pas que cette Dulmorwen n’est qu’un prétexte ? Une sorte d’estafette annonçant le futur débarquement de notre véritable adversaire ? » Lui répondit-il

- Que voulez-vous dire ? » Rétorqua Eltharion.

- Les Destinées s’entrecroisent à nouveau, Seigneur. Cette nuit-même, un songe m’est venu : mon âme, libérée de son enveloppe charnelle, voguait avec légèreté jusqu’aux Portes de Saphir de l’ Andromandäl ; la forteresse Céleste de la Destiné, la Demeure des Banshees. Alors que les lourds panneaux étincelants s’ouvraient devant moi, une des Messagères de la Grande Déesse Ridée m’est apparue, me révélant la fugace Marche du Destin… » Commença Lorindil.

- Epargnez-moi vos beaux sermons, Archimage ! » Ironisa Eltharion, le ton de sa voix trahissant son impatience. « Qu’en est-il au juste ? »

  Lorindil se leva, le regard perdu dans ses pensées. Il se dirigea lentement vers les resplendissants vitraux de la pièce, avant de reprendre :

  « La Rune du Roi Sorcier tournoyait dans le ciel étoilé, tel un vautour au-dessus d’une biche affaiblie… Je l’ai vue fondre sur sa proie, son métal rouge sang ondulant, tel les écailles d’un serpent… Un grand malheur va s’abattre sur le Noble Royaume d’Avelorn, Seigneur, et je… »

- Il suffit. Malekith ne m’échappera pas, cette fois-ci. Je me joindrai à la coalition, et en prendrai le commandement, dès son débarquement.

- Et les autres royaumes ? » Rétorqua Elëa.

  Eltharion lui lança un regard méprisant. Se levant, il tourna le dos aux deux mages.

« Je demeure de loin le général le plus à même de combattre le Roi Sorcier, ne l’oubliez pas. En attendant que le Roi Phœnix ne dépêche son ost personnelle, il n’hésitera pas une seconde à me nommer régent des armées d’Ulthuan. N’en doutez pas ! Sur ce, Lorindil, Elëa… » le seigneur de guerre les salua, avant de quitter la pièce, le regard songeur.

  Elëa se tourna vers son neveu, furieuse.

« Lorindil ! Avais-tu besoin d’y rajouter de tels mensonges ? »

- Ma tante ; j’ai mal agi, je le reconnais. Mais quelque chose me dit que nous ne devons pas abandonner ainsi Avelorn à son propre sort. Ulthuan toute entière se doit d’accourir au nord, et au plus vite ! J’ai cependant noté votre sourire crispé, à plusieurs reprises ; Eltharion ignore-t-il quelque chose ? »

  La mage se leva à son tour, le visage soucieux.

« En effet, Eltharion ne sait pas tout. »

 

 

  Dans un cri déchirant, mille Druchii s’engagèrent dans la plaine, l’arme à la main, leurs sombres armures luisant comme la chitine d’une armée de fourmis, assoiffés de sang et de pillage. Fonçant contre les rangs organisés de lanciers hauts elfes, tombant sous une pluie de flèches, les silhouettes noires continuaient d’avancer, faisant fi de leurs pertes.

  Déjà leurs proies rompaient les rangs, surpris par la violence de l’assaut. La tendance s’accéléra en une fuite désorganisée des fiers elfes casqués d’argent, abandonnant sur place un régiment de lions blancs trop orgueilleux pour fuir tel des couards. Les derniers braves, rapidement submergés, eurent un cri de désespoir en voyant les deux énormes détachements de heaumes d’argent fondre sur l’ennemi ; reliquats d’une stratégie parfaitement huilée, mais mise en échec par le plus traître des grains de sable : la psychologie…

  Les nobles cavaliers ne parvinrent qu’à percer les rangs ennemis jusqu’aux soldats de Chrace, avant de subir l’assaut du reste de l’armée Druchii : des furies et des chevaliers sur leurs terribles montures reptiliennes…

  Du haut d’une lointaine colline, Mawraël regardait le triste spectacle qui se présentait sous ses yeux : la dernière grande armée d’Avelorn avait failli à sa mission…  Le Val d’Arneä venait de tomber. Mais qu’aurait pu faire cette fraîche armée de réservistes, tout juste sortie de l’intérieur des terres, face à cette horde de pillards endurcis ? Rien. Ce n’était que pur suicide. La jeune guerrière rousse regarda tristement l’étincelant général haut elfe s’enfuir au galop ; son palefroi blanc renâclant sous l’effort, sa douce échoppe de soie blanche richement décorée tranchant avec les réalités de la guerre. « Encore un de ces nobles de robe, pensa-t-elle, un de ceux qui jamais ne manièrent l’épée jusqu’à ce jour, et qui se prennent pour de grands capitaines ! Ho, ceux-là même finiront par précipiter la chute d’Ulthuan… » Puis, tournant le dos au massacre, elle remit son cheval au trot, en direction du monastère de Tor Rosaneä. Trois jours s’étaient écoulés depuis l’embuscade, trois jours de fuite désespérée, d’embuscades contournées, et de colonnes de guerriers noirs évitées… Pour brouiller les pistes, elle et ses derniers compagnons avaient décidé de se séparer, avec pour ordre de rallier le monastère. En temps normal, le chemin leur aurait pris deux courtes journées, avec une pause à l’auberge du « Tétras Lyre », haut établissement s’il en est. Mais les temps de guerre ont toujours raison de la gastronomie, et du village de Tor-Armeä ne subsistaient que ruines fumantes et cadavres atrocement mutilés… Elle le savait fort bien, pour y être passée la veille au soir…

  Tor Rosaneä se trouvait désormais qu’à quelques miles à l’est, sur les plus hauts plateaux des contreforts sud des monts Annulis. Une zone étonnamment peu boisée, sorte de large clairière constituée de hauts plateaux, le plus souvent des alpages balayés par le vent, et bien connus pour abriter de nombreux lions blancs, tétras, chamois elfiques, vaches, moutons, grands aigles, faucons géants et autres créatures moins « naturelles »…

  Tor Rosaneä, le dernier bastion avant les royaumes de Saphery et Yvresse… Un monastère fortifié, voué à Isha et à sa protection par les armes… Un des endroits les plus sûrs en Avelorn, après le palais de la Reine Eternelle…

  En fin de soirée, avant que le crépuscule ne cède la place à l’obscurité, Mawraël arriva enfin en vue de la forteresse : un grand édifice, fait de roc sombre, pourtant élégamment bâti, et richement décoré, dans ce mélange d’art gothique et baroque, de grandeur et de légèreté qu’inspire le style elfique. Les centaines de cloches de la cathédrale appelaient les sœurs à la prière du soir, lançant dans le vent rageur leur longue lamentation. Dans le ciel, d’énormes nuages cachaient les derniers rayons de soleil, lançant dans l’obscurité naissante de violents éclairs multicolores. Mawraël frissonna sous ses vêtements. Son armure semblait chargée d’électricité statique, et à chaque contact de sa peau, une décharge électrique provoquait chez la guerrière un rictus nerveux. « Curieux orage que celui-ci… » Méditait-elle.

  A sa vue, les portes de la citadelle s’ouvrirent, et la guerrière franchit d’énormes voûtes sculptées, représentant deux anges guerriers, aux attributs féminins, croisant au niveau du porche leurs lances de basalte massif.

  « Bienvenue à Tor Rosaneä, Ma Sœur… » L’accueillit une gardienne, en armure complète. « Nous désespérions de t’accueillir, Gardienne de l’Epée de Cristal… De bien sombres présages traversent les cieux, en cette funeste soirée… Mais hâte-toi vite jusqu’au Donjon, notre Mère désire te rencontrer… »

  Mawraël descendit de sa monture, confiant la bride à une seconde sentinelle. Répondant d’un morne hochement de tête, elle suivit une jeune prêtresse vêtue d’une longue robe blanche, à la longue natte blonde descendant jusqu’au sol, mais au visage caché sous un voile opaque. S’engouffrant à l’intérieur du grand hall du monastère, elle remarqua qu’une étrange cérémonie avait commencé dans l’aile gauche de la nef, la plus imposante de l’édifice : cinq cent demoiselles y priaient ensemble, à genoux ; celles de gauche en armure de plate complète, un bouclier accroché dans le dos ; celles de droite en robe de cérémonie, un long bâton de mage tenu entre leurs fines mains blanchâtres…

  « Jamais je n’avais vu pareille cérémonie… » Murmura-t-elle en s’éloignant. « Serait-ce les fameuses Vêpres du… » Mawraël retint ses mots, tant la signification d’une telle cérémonie restait lourde de conséquences.

-Oui, mon enfant. Il s’agit bien de l’Ultime Veillée, Celle qui annonce le début du sacrifice de sa personne, au Nom de la Déesse-Mère, celle qui dans ses chants et ses prières sonne l’appel aux armes pour la Sainte Croisade… » La jeune prêtresse découvrit son visage, et Mawraël marqua un temps d’arrêt.

-Alarielle… » Murmura-t-elle. Et la Gardienne s’agenouilla devant sa Reine.

  La Reine Eternelle lui sourit. De ses deux mains, elle releva lentement son visage rouquin.

« Bienvenue, mon Enfant, dans la forteresse sacrée des Guerrières d’Isha… »

 

  Le mage regardait sa tante, l’ai incrédule. De quel secret voulait-elle donc parler ? Quel mystère subsistait donc en Avelorn, pour que la mage Elëa soit si craintive à l’idée d’y envoyer Eltharion ?

  La servante d’Isha tourna le dos à son neveu, et se dirigea vers les magnifiques vitraux de la bibliothèque.

« Il existe bon nombre de prophéties, Lorindil… L’une d’entre elles prétend qu’un jour, l’Elu de Morai Hegg viendra en Avelorn, et y rejoindra l’ Elue d’Isha. Alors les demoiselles sortiront de leurs monastères, et suivront leur Reine, dans une ultime quête de liberté... Mais un seul des deux Elus survivra à l’affrontement, et verra la victoire de la Lumière sur le Mal…

 « Mais les prophéties sont parfois inexactes, ou trop floues pour savoir si elles n’ont pas déjà eu lieu en d’autres temps… Quoi qu’il en soit, tu es l’Elu de Morai-Hegg. Cela ne fait aucun doute, mon neveu. Je l’ai toujours su, dès le premier jour de notre rencontre, alors que tu n’étais qu’un novice dans mon collège de magie…

- Qu’importe la mort, ma tante… Je suis las de tout ce sang versé, et je souhaite en finir au plus vite… » Lorindil tira son épée, admirant le tranchant de la lame. Deux larmes vinrent s’écraser sur l’acier, reflétant l’image floue du doux visage de l’elfe en pleurs. « Je suis las de perdre ceux que j’aime pour rien… Il est vraiment temps d’en finir… »

- En finir ? Mais avec quoi ? As-tu donc écouté ce que je t’ai dit ? »

  Le mage la dévisagea.

« Je ne crois pas en l’accomplissement de cette prophétie. Il ne s’agit pour moi que d’un écho du passé, que les prêtresses d’Isha ont ressorties pour haranguer leurs troupes.

- Dans ce cas, laquelle de mes aventures justifierait cette vision …

- Par Isha ! Comment le savoir ? J’ai moi-même tant de fois combattu au côtés d’héros de Morai Hegg, les accompagnant parfois jusqu’à leur dernier combat ! Et si ce message m’était en fait destiné ? » Remarqua Elëa.

- Les voies du Destin sont impénétrables, ma tante …

- En effet, Lorindil… Cependant, quelque chose me dit que le Destin se brouille, et que même ta Déesse en perd le contrôle. » Soupira la mage.

- Peut-être… Le Destin est une entité propre. Mais en aucun cas son cours ne peut être remodelé, ma tante. Je pense que ma venue n’est pas vaine. Aussi conduirai-je moi-même l’armée d’Yvresse en Avelorn. Si tel est mon destin, alors je l’accepte. » Lui répondit Lorindil.

- J’aurais aimé que Saphery et Yvresse restent en dehors de cela. J’aurais même mille fois préféré qu’Eltharion te remplace à la tête des forces armées, Lorindil ! Mais tu en as décidé autrement… Il te faudra donc conduire tes troupes jusqu’en la forteresse de Tor Rosaneä, où la Reine Eternelle s’est réfugiée, entourée de ses dernières forces. Après seulement, vous pourrez aviser de la suite des évènements. Ho Lorindil ! Pourvu que ton orgueil ne te perde pas, mon enfant… » Elëa le prit dans ses bras, murmurant à son oreille un dernier conseil : « Face à ton destin, n’oublie pas que tu as le choix, Lorindil ! … »

 

  Le lendemain, dans la blanche cité de Tor Yvresse, la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre : une armée marchant sous la Sainte Bannière de Morai Hegg, et menée par l’archimage Lorindil se préparait à monter vers le Nord, précédant les propres forces du seigneur Eltharion ! Le soir même, cinq mille citoyens s’étaient déjà précipité dans les garnisons les plus proches, pour rallier la grande ost. Deux jours plus tard, dix mille soldat-citoyens, paladins de Morai Hegg, maîtres des épées, chevaliers et patrouilleurs, empennés d’or et d’argent, épaulés par un régiment de gardes maritimes, soutenus par un régiment entier de balistes à répétitions, quittaient la légendaire cité par la large porte du Nord, sous les trompettes d’argent et les acclamations de la foule en liesse. La grande Croisade venait de commencer…

 

 

* Voir la Quête d’Ëlea

 

A suivre …

 

 

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