Episode 7: Le Col de Feu

Après trois jours de chevauchée, les cavaliers atteignirent l'Echine Noire, l'immense chaîne de montagne qui déchire le Nouveau Continent sur toute sa longueur. Ces derniers jours avaient été relativement calmes, malgré les meutes de loups rôdant la nuit autour de leur campement. Le nécromancien avait sans doute flairé la présence des deux sorcières, mais quelque chose semblait le dissuader d'attaquer le petit groupe. Alors qu'ils se rapprochaient des premiers monts, les loups disparurent subitement, un panache de fumée s'échappant d'une tour en flamme. A la vue de fines silhouettes elfiques drapées de vêtements sombres, ils comprirent qu'un détachement d'Elfes Noirs venait de mettre fin à la domination du nécromancien sur la plaine.

<< La Grande Armée du Roi Sorcier semble plus proche que je ne le pensais... Marmonna Londolin.

- N'est-ce pas? Répondit Findil. Là où passe Malekith, rien ne subsiste. Et ceci s'applique aussi bien aux Hauts Elfes qu'aux autres races.

- Restons sur nos gardes, le secteur doit fourmiller d'éclaireurs. Conclut Londolin.>>

Le petit groupe commença l'ascension des monts par une petite route sinueuse. Le paysage, comme à son habitude, était morose. Seuls les cris de quelques rapaces déchiraient la monotonie de cette journée nuageuse. Le chemin serpenta un moment à travers d'étroites vallées, avant d'entamer l'ascension d'une imposante chaîne de montagnes aux cimes enneigées. <<Le Col de Feu, présenta Londolin.

- Quel nom étrange... Répondit Fenelia.

- A l'époque des Anciens, un volcan se dressait tout près d'ici. On dit qu'un jour, une éruption détruisit le cône, ouvrant une large brèche dans l'Echine Noire. Expliqua Londolin.>>

Le col serpentait le long des flancs abrupts de la montagne, avant de déboucher sur une grande vallée. Un vent glacial soufflait dans les rares sapins. Tout d'un coup, Londolin leur fit signe de s'arrêter. D'un hochement, Findil et le guerrier prirent leurs arcs et s'engagèrent dans la forêt clairsemée.

<<Mais que se passe-t-il? Demanda Elëa.>>

Deux hurlements atroces lui répondirent, suivis d'un bref cliquetis d'armes. Londolin revint, leur indiquant de le suivre. Un peu plus loin gisaient les cadavres de quatre cavaliers Elfes Noirs. Londolin avait rassemblé leurs montures, tandis que Findil déshabillait méticuleusement les cadavres.

<<Mais que faites... Commença Elëa.

- Chut! Pas un bruit! L'interrompit Londolin. Tenez, mettez ces vêtements! Il leur tendait des habits noirs comme la nuit.

- Mais pour quoi faire? Demanda Fenelia.

- A partir de maintenant, vous êtes deux Cavaliers Noirs. Descendez de cheval et pliez vos affaires. Il nous faut traverser le plus discrètement possible ce col infesté d'Elfes Noirs. Nous allons aussi abandonner nos montures et prendre ces coursiers au pelage noir.>>

Décrire les coursiers elfiques des Elfes Noirs comme des créatures vicieuse eût été un euphémisme, tant il se dégageait de ces montures une cruauté sans égale. Revêtus d'habits de cavaliers noirs, équipés comme ces hérauts de Naggaroth, le petit groupe ne ressemblait plus du tout aux fiers Hauts Elfes qu'ils étaient mais à de cruels éclaireurs Elfes Noirs.

<<Maintenant écoutez, continua Londolin. Nous allons traverser une région infestée de guerriers du Roi Sorcier. Mieux vaut donc passer incognito. Gardez dans vos fontes vos autres vêtements; une fois ce col passé, nous serons sur le domaine d'Arnheim. Alors seulement nous pourrons abandonner ces horribles déguisements.>>

Elëa ne put s'empêcher de sourire: Londolin venait de débiter son plus long discours depuis qu'elle l'avait rencontré. L'Elfe au visage Sombre semblait encore plus mystérieux vêtu comme un Elfe Noir. Cette impression la rassura: au moins contribuait-il à la crédibilité de leur déguisement.

Le petit groupe reprit sa route. Le col grimpait de plus en plus haut, et bientôt le chemin fut bordé de plaques de neige. Un hululement se fit entendre malgré le cri déchirant du vent glacé.

Elëa tressaillit.

<<Qu'est-ce que c'était? Hasarda-t-elle.

- Wyvern. Répondit Londolin. Certains couples vivent à cette hauteur.

- Oh? Vraiment?

- Bah, ce n'est qu'une grosse bête, haussa Findil.

- Juste un dragon sans bras. Précisa Londolin.>>

Cette précision glaça le sang des deux mages. Fenelia lançait des regards inquiets en direction des hauteurs, tandis qu'Elëa préférait se concentrer sur tout autre chose.

Le chemin redescendit, assez brutalement, dans une large vallée bordée de sombres murailles rocheuses. Elëa respira. Ici, pensait-elle, le couvert des arbres leur donnait un abri relatif face aux attaques d'un monstre volant.

Les cavaliers s'engouffrèrent dans une profonde forêt. Quelque chose marqua Elëa: les sapins n'étaient plus morts comme dans les sous bois de Naggaroth, mais bien vivants et recouverts d'épines vertes. La vie semblait reprendre ses droits sur le paysage alors qu'ils se rapprochaient d'Arnheim.

La nuit tomba sur la vallée. Le petit groupe dressa son camp dans les sous bois, à quelques mètres du col. Londolin leur permit de faire du feu. Seuls les Elfes Noirs présentaient une menace, mais leurs déguisements écartaient efficacement ce danger. Les deux guerriers montèrent tout de même la garde autour du campement.

Le lever du jour fut salué par le chant d'un coq sauvage. Les cavaliers se remirent rapidement en selle, et continuèrent la traversée du bois. Ils quittèrent le couvert des grands sapins quelques heures plus tard. Le soleil, pour la première fois depuis son départ, réchauffait la chevelure d'Elëa. Au détours du chemin, ils croisèrent un groupe de chevaliers noirs. Leur chef, un grand elfe noir au regard sadique, leur indiqua de s'arrêter.

<<Qu'est-ce que vous foutiez? Ca fait deux jours que l'on vous attend! Gronda l'Elfe Noir.

- Une fichue embuscade de Gobelins, Seigneur, répondit Londolin d'un ton irrité.

- Ce n'est pas une excuse! Hurla l'Elfe Noir. Elëa remarqua que sous sa cape, il portait une armure finement ouvragée, ainsi qu'une imposante épée magique. Les as-tu trouvé?

- Oui, Seigneur Malenor.

- Eh bien? Son voit frisait la démence.

- Ils sont morts.

- Morts? Morts? MORTS! Malenor explosa. Deux jours pour retrouver des cadavres! Mais tu te fous de moi! Il tira sa grande épée. Qui est-ce, ces trois-là?

- Mes cavaliers, Seigneur Malenor. Londolin conservait le même ton acide.

- Ah oui, vraiment? Malenor éclata d'un rire dément. Il s'approcha d'Elëa. Fais voir ton visage!>>

Elëa obéit, rabaissant sa cape sur ses épaules. L'Elfe Noir afficha un sourire pervers. D'un coup d'épée, il ouvrit une des fontes de la selle. La robe de mage apparut, éblouissante.

Malenor n'eut pas le temps de regarder plus attentivement qu'Elëa lui décrocha un violent coup de pied. Puis dégainant son épée magique, elle chargea le groupe de chevaliers restés en arrière.

<< Au galop! Hurla-t-elle.>> Les autres se précipitèrent derrière elle, repoussant de quelques revers d'épée les Elfes Noirs déconcertés. Lancés au triple galop, leurs montures projetaient des mottes de terre derrière elles, tandis que les chevaliers se lançaient à leur poursuite. Prise d'une panique incontrôlable, Elëa éperonnait frénétiquement son coursier. La vitesse la grisait. Devant elle, la vallée s'acheva, présentant le magnifique panorama d'une plaine verdoyante. Tout son esprit se focalisa sur cette verdure, tandis qu'une seule pensée dominait son esprit: fuir, de tous les moyens possibles. Fuir, au nom de sa vie, de Sapherie, et de la Destinée du peuple Elfe. Fuir. Quelle qu'en soit l'issue. Fuir.

 

A suivre...

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