Réponses à quelques e-mails

l'angoisse de la vacuité est-elle pour moi une source d'angoisse

question 66




Pourquoi la vacuité est-elle pour moi une source d'angoisse ?

La réponse ci-après comprend plusieurs sous-niveaux qui viennent en réponse à la question très détaillée qui a été posée. Il convient de lire au préalable cette question.

En outre, cette réponse peut être pris comme la suite à la réponse d'une précédente question (question n° 65), qu'il est posssible de consulter pour resituer les propos dans toutes leurs prespectives ( Sur l'ego, le moi et à propos d'anatta).


voir le texte complet de la question





Réponse :

Vos questions ne démontrent pas un manque de pertinence, au contraire, vous êtes véritablement au cœur des choses, me semble-t-il. Si vous aviez le temps de lire les sutta bouddhiques, vous verriez qu'il y a plus de 3500 ans, de simples personnes se posaient les mêmes questions que vous et vous pourriez lire les analyses et les réponses que l'on prête au bouddha historique face à ces différentes problématiques.

J'ai choisi volontairement de vous renvoyer vos questions sous forme interrogative, d'une manière un peu incisive, peut-être pour vous inciter à pousser votre réflexion…

Vos n'avez, me semble–t-il, pas de courage pour affronter des choses qui vous semblent absurdes et sans intérêt. Cela me paraît assez normal. Mais je pense que vous auriez beaucoup de force et d'énergie, si vous vous trouviez dans un environnement plus favorable à vos aspirations profondes. Vous savez, le courage n'est pas une valeur absolue. Vous ne serez pas étonnée que je vous dise cela. Le courage est une valeur relative qui dépend de la conviction qu'une personne peut mettre dans la réalisation de tel ou tel objectif dans un environnement ou dans des circonstances donnés. Ne vous blâmez donc pas pour une catégorie de valeur dont la plupart de gens ignorent le sens (qu'est-ce que le courage ici ?).

Je pense que vous interprétez d'une façon négative la vacuité. Le fait que toutes les choses passent, changent se transforment, ne veut pas dire que toutes ces choses n'ont pas d'importance. Cela n'a rien à voir. De la même manière, si les choses passent, elles ne disparaissent pas complètement, puisse qu'elles se décomposent et se recomposent sous l'effet de forces, de dynamiques. A la fois, rien n'est conservé tel quel, en l'état, mais rien n'est perdu complètement. Pourquoi vous souciez-vous ? Parce que vous voulez vous attacher à quelque chose dont la nature est irrémédiablement de changer, de se transformer, de passer ? Pourquoi n'accompagnez-vous pas tout simplement le mouvement en comprenant la nature immuable des choses ?

Je crois que ce chemin, qui certes est difficile, ne requiert aucune force particulière. Je pense qu'il vous serait parfaitement accessible. Ce chemin requiert de la compréhension, ce chemin requiert de l'analyse, ce chemin requiert de l'étude, ce chemin requiert de la pratique, ce chemin requiert de la détermination. Mais ce chemin ne requiert aucune force particulière.

Le fait de renoncer à l'ego, non pas à l'ego en tant que fonction psychologique du moi, mais à la croyance en la toute puissance de l'ego, ne doit pas conduire à vous détruire et à vous déstructurer. Si vous en êtes là, c'est qu'il faut rebrousser et repartir sur des bases plus claires. Vous devez être en mesure d'identifier quand votre confiance éperdue en la toute puissance de votre ego reprend le dessus et là où il va inexorablement vous conduire. A ce moment là, vous vous dite " stop, du calme !" et vous reprenez un comportement où votre analyse de la situation que vous vivez, vous permet de ne pas chevaucher le cheval fou de votre supposée toute puissance égotique, mais de maîtriser votre comportement et ses conséquences. Où voyez-vous qu'une telle attitude bouddhique doive vous conduire à vous déstructurer ou à vous perdre ?

Je crois que vous interprétez faussement ces notions du bouddhisme et que vous croyez que vos interprétations sont justes. Vous vous faites peur à vous-même. De la même manière que vous percevez d'une façon négative certaines conceptions du bouddhisme, vous sublimez cette sagesse. N'utilisez pas trop les superlatifs, la sagesse du bouddhisme n'est pas sublime, c'est simplement la sagesse du bouddhisme. Des gens ont construit des sociétés entières avec cela et cette sagesse est partagée par un très grand nombre de personnes et leur paraît comme étant tout à fait normale. Certainement que dans l'histoire des hommes, cette sagesse là est vraiment particulière et exceptionnelle.

C'est parque que vous avez le sentiment que malgré sa pertinence, malgré sa justesse, malgré sa parfaite adéquation avec la réalité du monde, cette méthode bouddhique, cette façon de voir, cette façon de faire, eh bien ça ne marche pas, c'est top difficile, c'est trop en rupture avec les modèles et les mécanismes de notre société occidentale.

Et vous avez raison.

En Europe, ça ne marche pas, alors il faut avoir une certaine endurance et ne pas avoir peur de se mettre en port à faux avec de nombreuses valeurs qui sont dominantes.

Il faudrait peut-être se demander pourquoi elles sont dominantes ces " valeurs ", qu'est-ce et qui elles dominent et qui les instrumentalise.

On s'aperçoit qu'il n'y a pas grand chose derrière tout cela et que tout cela ne tient pas le coup. Il faut veiller à ne pas se laisser prendre, car ces fausses valeurs sont trompeuses et insidieuses et sont portées par des promoteurs particulièrement habiles et efficaces.

Vous avez le sentiment que tout cela, c'est bien beau, mais que vous n'en voyez pas les applications pratiques dans la vie quotidienne, l'utilité pour la vie tout court, toute simple, le fonctionnement quand on doit penser oriental et vivre occidental.

Quelque part vous n'êtes pas encore sortie de " l'enfance ", c'est à dire d'un monde dans lequel vous empruntez vos valeurs aux autres faute de pouvoir imposer les vôtres propres, faute de pouvoir avoir l'assurance que vos valeurs sont beaucoup plus de que simples intuitions et de simples orientations, mais quelles sont les seules qui ont du sens désormais pour construire votre vie.

Vous êtes sans doutes dans une période où il faut que vous appreniez à vous refermer à un certain nombre de choses et à vous ouvrir à d'autres. Vous êtes sans doute dans une période où vous sentez que vous ne pouvez plus déléguer à telle ou telle idéologie dominante ou à telle personne qui assurait une certaine ascendance sur vous, les choix fondamentaux de votre vie et qu'il vous appartient que vous les fassiez par vous-même. C'est d'autant plus délicat que les personnes que nous aimons ne comprennent pas cette démarche quand elles n'ont pas tendance à les combattre. Il faut apprendre à ne pas entrer en conflit avec les autres en raison de questions de formulation ou de conception, même si à ce stade il est important de notifier qu'on a une approche différente, qu'on a une analyse différente et qu'on peut exposer quelle est cette analyse. Si vous avez pris de l'avance sur cette réflexion fondamentale, beaucoup de gens en occident ne le comprennent pas. Voire, ils le prennent très mal, car ils sentent alors que peut-être ils se sont trompés toute leur vie. Il faut être prudent et ne pas heurter les autres. On peut avoir raison, mais cela, en définitive, n'a d'importance que pour soi même.

Si je peux vous donner un conseil, voyagez. Voyagez dans les pays bouddhistes, voyez comment les gens vivent, et si vous pouvez rencontrer des bonzes hommes et femmes dont certaines ou certains pourront peut-être vous apporter les confortations que vous semblez chercher.

Si je me souviens bien, vous avez 25 ans, sans être âgée vous n'êtes déjà plus toute jeune et vous pouvez, me semble-t-il, parfaitement entreprendre un voyage de ce genre. Vous pourriez aller en Birmanie ou au Sri Lanka qui contiennent des formes de bouddhisme relativement pures et qui ont de nombreux centres ou vous serrez accueillie avec bienveillance. Vous pouvez choisir aussi la Thaïlande, bien que son bouddhisme ait des caractéristiques nationales très marquées, mais qui présente une image du bouddhisme theravada particulièrement rigoureuse (parfois un peu trop à mon goût).

Bien sûr, si vous faites ce choix, ne prenez pas des risques avec votre sécurité et avec votre santé et préparer les choses à l'avance. Je suis sûr que les ambassades de ces pays sont équipées pour vous fournir le maximum d'informations pour ce type de voyage un peu particulier.

Si vous estimez que le contenu du bouddhisme à un sens fondamental pour votre vie, que les lectures qu'il propose du monde sont les seules qui soient justes à vos yeux, votre devoir est de faire quelques pas de plus dans cette voie. Vous n'avez aucun autre impératif que d'être en accord avec vous-même, que de n'accepter dans votre démarche que les éléments que vous êtes capable d'accepter de celles et ceux qui vous apporteront leur concours.

En revanche, si vous estimez que ce que prône le bouddhisme est erroné, n'a pas de sens, ne génère qu'angoisse et peur, alors arrêtez-vous là. Peut-être alors devriez vous reprendre l'étude du bouddhisme, et retourner à la simple compréhension des choses.

Savez-vous qu'il y a des livres que j'ai dû lire plus de vingt fois ? La plupart des ouvrages qui m'ont touché dans le bouddhisme, je les ai lus plusieurs fois, certains je les ai lus au moins dix fois, si ce n'est plus. Vous voyez, cette philosophie n'est pas facile à comprendre surtout pour un occidental et surtout en vivant en Europe où les valeurs sont si étrangères à celles du bouddhisme, quand elles ne sont pas carrément antagonistes.

Laissez moi vous dire qu'il n'est pas normal que l'idée de vacuité suscite autant d'angoisse chez vous. Je me demande si vous avez lu les bons ouvrages ou si on vous a bien expliqué les choses.

Je pense que je peux comprendre que quand on est jeune, on a envie de vivre, on a envie de profiter des plaisirs et d'avoir la pleine jouissance de son corps, de son intellect, qu'on a des projets de fonder une famille, de vivre avec un alter ego, d'acheter des choses, d'avoir une maison bien à soi, de se projeter dans l'avenir. Face à cela, le discours du bouddhisme dit, " il y a la vacuité ", " toutes les choses sont éphémères et transitoires ". Le bouddhisme n'est pas fait pour empêcher de vivre la vie, le bouddhisme n'est pas là pour contrarier les dispositions naturelles du corps, de l'organe mental, de l'affectivité, du devenir des gens et des choses. C'est pourquoi, je vous dis " vivez ", " profitez ", " jouissez des choses ", car tout cela c'est déjà apprendre, comprendre, ressentir. Sachez simplement que si dukkha se présente, vous aurez la possibilité de reprendre pied dans une situation où, quelque soit les discours qui vous entourent, il n'y a que vous-même qui pourrez agir.

Concernant les adresses à Genève, consultez les livres. Vous pouvez parfaitement les feuilleter dans un bibliothèque publique où vous les procurer dans une librairie. Les deux ouvrages que je connais et qui donnent des adresses sont les suivants : RONCE Philippe, Guide des Centres Bouddhistes en France, Editions Noêsis juin 1998 ISBN 2-911606-20-5 (Cf Note n°21), LENOIR Frédéric, Le Bouddhisme en France, Editions Fayard, 1999 ISBN 2-223-60528-9 (Cf. note 20) . Je crois qu'il y a une fédération des centres bouddhistes en Suisse, contactez les. Vous pouvez également vous renseigner sur internet, je sais qu'un centre suisse m'a contacté à plusieurs reprises, mais le présent site n'a pas pour vocation d'enseigner, ni de promouvoir les centres de tel ou tel courant du bouddhisme.

J'espère avoir répondu à votre question.





Texte complet de la question

Je comprends l'optique bouddhiste. Il n'y a rien, tout est en perpétuel changement, l'attachement est une "erreur ". Mais cette prise de conscience là est susceptible de faire sombrer dans la déprime la plus sombre le plus courageux des hommes. Et je ne suis pas courageuse.

Arrivée à cette prise de conscience là, je me demande que faire dès lors. J'ai conscience de cela. Nous sommes soumis à ce perpétuel changement qui fait que rien n'a n'a d'importance en soi dans l'absolu et que rien ne mérite l'attachement. Mais qu'est-ce que le détachement absolu ? Et où va la conscience qui est consciente de son impermanence et donc de la vanité de chacun de ses schémas ? Je trouve spectaculaire que celui qui médite aie conscience de cette impermanence générale et que, loin de devenir ravager par l'angoisse, il accède à la sagesse. Quel chemin difficile que le vôtre et quelle force faut-il pour le suivre ? .

Le problème de l'occident est l'affirmation démesurée de l'ego et la croyance absolue en sa valeur. J'ai grandi là-dedans. J'ai remis en question ces principes. Mais je ne le supporte pas. Quelle douleur atroce que de renoncer à nos schémas de représentation du monde, à notre ego, à nos interprétations parce que justement l'on a pris conscience de leur peu de fondement et de leur assujettissement au changement perpétuel. Quelle douleur atroce que de penser qu'au bout du changement il n'y a Rien.

Qu'est-ce que cette sublime sagesse ? Comment puis-je faire pour ne serait-ce qu'entr'apercevoir cette sagesse ? Comment passe-t-on de la peur à la quiétude ?

J'habite à Genève. Y a-t-il un Centre où je pourrais apprendre à considérer la prise de conscience comme une délivrance et non plus comme un précipice d'angoisse ? Vous dites qu'il n'y a que moi pour y parvenir. Certes. Mais j'ai besoin de voir d'autres personnes autour de moi tendant vers la même prise de conscience parce que l'isolement et la différence font peur. J'ai besoin d'échanger mes idées non pertinentes et empreintes de ma culture avec d'autres personnes qui se sont extraites de l'influence occidentale ou qui ne l'ont jamais subie. J'ai besoin qu'on me montre le chemin.

retour en haut de la page







Retour au menu principal

Aller au sommaire des questions


Vous pouvez laisser un message à [email protected]

Cette page a été créée le 31 mai 2001.


L'URL de ce site est http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359
ou bien http://www.geocities.com/teravada.geo
© Conception, textes et photographies : Christian Prud'homme ©
Les images et les textes sont copyrightés - texts and pictures are copyrighted


Hosted by www.Geocities.ws

1